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Date : 20200914


Dossier : IMM-6033-19

Référence : 2020 CF 895

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2020

En présence de madame la juge Pallotta

ENTRE :

DORIS EZEGBEBE AIGBE,
VICTOR AIGBE,
AIMUAMWOSA GOODLUCK AIGBE,
VANESSA UWAILA AIGBE

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés (SAR) a rejeté leur appel et confirmé le jugement de la Section de la protection des réfugiés (SPR) statuant qu’ils n’ont ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR).

[2]  Mme Doris Ezegbebe Aigbe, son époux M. Victor Aigbe et leurs deux enfants mineurs craignent d’être persécutés par la famille de M. Aigbe, qui est membre de la secte Asigidi au Nigéria. M. et Mme Aigbe soutiennent que la famille de M. Aigbe les pourchasse, car ils ont refusé de soumettre M. Aigbe et leur fils à des rites de purification et à une initiation spirituelle et de contraindre leur fille à la mutilation génitale féminine avant qu’elle atteigne l’âge de sept ans. La situation s’est aggravée à l’approche du septième anniversaire de la fille. Les demandeurs ont tenté d’échapper à leurs poursuivants en déménageant de Benin City, où ils habitaient dans une maison appartenant à la famille de M. Aigbe, à Lagos, où ils ont été hébergés par la sœur de Mme Aigbe. Les demandeurs font valoir qu’ils ont été retrouvés à Lagos après trois mois malgré le fait que la sœur de Mme Aigbe n’entretenait aucun lien avec la famille de M. Aigbe ou la secte Asigidi. La famille de M. Aigbe a menacé de tuer les demandeurs parce qu’ils n’ont pas accompli les rites, ce qui les a poussés à fuir le Nigéria et à demander l’asile au Canada.

[3]  La SPR a rejeté les demandes d’asile des demandeurs. Les questions déterminantes étaient la crédibilité et l’existence d’une possibilité de refuge intérieur (PRI). Parce qu’elle entretenait de [traduction] « sérieux doutes quant à la crédibilité », la SPR a conclu que les demandeurs n’étaient pas menacés par la famille de M. Aigbe et que leur crainte de persécution n’était pas fondée. La SPR a également conclu que les demandeurs ne risquaient pas sérieusement d’être persécutés à Abuja, la PRI envisagée, et qu’il ne serait pas déraisonnable qu’ils y déménagent.

[4]  Les demandeurs ont interjeté appel de la décision de la SPR auprès de la SAR. Bien que les demandeurs aient fait valoir que la SPR a commis une erreur en attaquant à tort leur crédibilité, la SAR n’a pas jugé nécessaire d’examiner ce moyen d’appel et a présumé que les allégations formulées par les demandeurs étaient crédibles. La SAR a rejeté l’appel au motif que la ville d’Abuja constitue une PRI viable. À cet égard, la SAR a conclu que les demandeurs n’ont pas établi : (i) qu’il y avait une possibilité sérieuse qu’ils soient persécutés ou exposés à un risque de torture, à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités à Abuja; ou (ii) qu’il serait déraisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, qu’ils y cherchent refuge.

[5]  Les demandeurs font valoir que les conclusions de la SAR étaient déraisonnables. Pour les motifs énoncés plus loin, je conclus que la décision de la SAR était déraisonnable à l’égard du point (i), à savoir la possibilité sérieuse de persécution ou de préjudice à Abuja. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

II.  Question en litige et norme de contrôle

[6]  La seule question en litige est celle de savoir si la SAR a déraisonnablement conclu que la ville d’Abuja constitue une PRI viable pour les demandeurs.

[7]  Les parties s’entendent sur la norme de contrôle applicable. Les décisions administratives sont susceptibles d’examen selon la norme de la décision raisonnable, à moins que l’intention du législateur ou la primauté du droit n’en dictent une autre : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], aux para 16-17. Étant donné qu’aucune de ces exceptions ne s’applique en l’espèce, la norme de contrôle applicable à la décision de la SAR relative à l’existence d’une PRI viable est celle de la décision raisonnable : Sanchez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 665, au para 8.

[8]  Au moment d’examiner le bien-fondé d’une décision administrative, le juge doit déterminer si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci : Vavilov, au para 99. Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable : Vavilov, au para 100.

III.  Analyse

A.  Possibilité sérieuse de persécution dans la partie du pays où se trouve la PRI

[9]  Le critère à deux volets utilisé pour évaluer une PRI requiert : (i) que le demandeur d’asile ne risque pas sérieusement d’être persécuté dans la PRI envisagée, et qu’il ne serait pas personnellement exposé soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumis à la torture dans la PRI; et (ii) qu’il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur d’asile, compte tenu de toutes les circonstances, dont celles qui lui sont propres, de s’y réfugier : Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 (CA); Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 (CA). Il incombe au demandeur d’asile d’établir qu’une PRI envisagée n’est pas viable. Il peut s’acquitter de ce fardeau en réfutant au moins l’un des deux volets du critère.

[10]  Selon la SAR, les demandeurs n’ont pas établi que la ville d’Abuja ne constitue pas une PRI viable. En ce qui a trait au premier volet du critère, la décision de la SAR reposait principalement sur les conclusions suivantes :

  • Certains éléments de preuve montraient que les agents de persécution ont reçu des renseignements selon lesquels la sœur de Mme Aigbe hébergeait les demandeurs. Par conséquent, la SPR ne s’est pas livrée à des conjectures en concluant qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que les agents de persécution cherchent les demandeurs chez des membres de leur famille.

  • Les demandeurs risquent davantage d’être retrouvés dans une autre ville s’ils vivent avec des membres de leur famille, puisqu’il est vraisemblable que les agents de persécution chercheraient les demandeurs par l’entremise de celle‑ci.

  • Le fait que les agents de persécution aient retrouvé les demandeurs à la résidence de la sœur n’établissait pas qu’ils avaient les moyens et la motivation de les repérer à Abuja, une grande ville de 2,9 millions d’habitants où les demandeurs n’ont pas de famille. La preuve objective figurant dans le Cartable national de documentation (le CND) pour le Nigéria prévoit qu’il est généralement possible de déménager dans une autre partie du Nigéria pour échapper à des menaces localisées provenant de parents ou d’autres acteurs non étatiques.

  • Les affidavits et les lettres d’appui notariées corroboraient les allégations des demandeurs selon lesquelles ils ont été trouvés à Lagos lorsqu’ils vivaient chez la sœur de Mme Aigbe, mais n’établissaient pas que les agents de persécution ont les moyens et la motivation, y compris les relations et les ressources, pour les retrouver à Abuja.

  • Peu de poids a été accordé aux deux avis en ligne relatifs à la portée et à l’influence de la secte Asigidi au Nigéria, car ils ne faisaient pas référence à des sources crédibles ou vérifiables et n’étayaient pas les allégations de leurs auteurs.

  • La notoriété de M. Aigbe n’était pas suffisante. Ses antécédents politiques en tant que conseiller municipal parmi les milliers de conseillers municipaux élus (six ans auparavant et dans un autre État) ou son entreprise de voitures usagées à Benin City ne le rendraient pas facilement reconnaissable à Abuja.

[11]  Les demandeurs soutiennent que les conclusions qui précèdent sont déraisonnables et ne soutiennent pas la conclusion de la SAR selon laquelle ils n’ont pas réfuté le premier volet du critère relatif à la PRI. Ils font valoir que la présomption de la SAR concernant leur crédibilité exige qu’elle admette la preuve démontrant qu’ils sont personnellement à risque en raison : (i) du fait que les demandeurs ont été retrouvés à Lagos; et (ii) de la notoriété de M. Aigbe. Ils soutiennent que la SAR a mal interprété la preuve et qu’elle s’est livrée à des conjectures inappropriées en concluant qu’ils ont été retrouvés à Lagos uniquement parce que leur famille les hébergeait et que la capacité de la secte de les retrouver à Lagos ne démontrait pas son influence et sa capacité à faire de même à Abuja, où les demandeurs ne vivraient pas chez des membres de leur famille. En outre, les demandeurs avancent qu’il était déraisonnable pour la SAR de s’attendre à obtenir une preuve détaillée relative à la capacité des agents de les retrouver à Abuja, où ils ne sont jamais allés. Selon les demandeurs, la preuve relative à la capacité de la secte de les repérer à Lagos était suffisante pour conclure qu’elle les retrouverait probablement à Abuja.

[12]  Le défendeur soutient que le rôle de la Cour lors d’un contrôle judiciaire n’est pas de décider si les demandeurs seraient retrouvés à Abuja, mais plutôt si la décision de la SAR, à savoir qu’il n’existe aucune possibilité sérieuse de persécution dans cette ville, était transparente, intelligible et justifiée. Selon le défendeur, la SAR pouvait raisonnablement conclure, au vu de la preuve, que les demandeurs ont été trouvés à Lagos parce qu’ils vivaient avec des membres de leur famille. Le défendeur soutient que les demandeurs n’ont pas établi qu’ils seraient découverts à Abuja s’ils ne vivaient pas chez des membres de leur famille.

[13]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de la SAR selon laquelle il n’existe pas de possibilité sérieuse que les demandeurs soient retrouvés à Abuja n’était pas justifiée.

[14]  Comme je l’ai déjà mentionné, la SPR a conclu que les allégations des demandeurs selon lesquelles ils seraient persécutés par la famille de M. Aigbe n’étaient pas crédibles. Cependant, la SAR a présumé que ces allégations étaient crédibles et que la crainte de persécution des demandeurs était fondée. Il découle de cette présomption que les demandeurs ne seraient pas en sécurité si la famille de M. Aigbe les retrouvait. De plus, la SAR a admis que les demandeurs ont tenté de se réfugier ailleurs au Nigéria (à Lagos) et qu’ils y ont été retrouvés dans les trois mois qui ont suivi. Par conséquent, la Cour doit déterminer si, à la lumière des présomptions relatives à la crédibilité des demandes d’asile des demandeurs, la SAR a raisonnablement conclu qu’ils ne s’exposeraient pas à une possibilité sérieuse de persécution s’ils étaient découverts à Abuja, malgré le fait qu’ils ont été repérés à Lagos.

[15]  La SAR a jugé que, en concluant que les agents de persécution se tourneraient vers des membres de la famille des demandeurs pour les retrouver, la SPR ne s’est pas livrée à des conjectures inappropriées, puisque la preuve même des demandeurs indiquait que les agents de persécution savaient que la sœur de Mme Aigbe les hébergeait. La SAR a fait état d’un affidavit de la sœur de Mme Aigbe dans lequel elle affirmait que [traduction« des renseignements selon lesquels [elle] hébergeai[t] [sa] sœur, l’époux et les enfants chez [elle] ont été communiqués à la famille de l’époux pour qu’ils soient soumis aux rituels de leur famille ». Cependant, cet affidavit révèle simplement que la famille de M. Aigbe a appris que les demandeurs restaient chez la sœur de Mme Aigbe et qu’elle l’a menacée. L’affidavit précise ensuite que la famille de M. Aigbe a pourchassé les demandeurs à Lagos, mais n’explique pas comment elle a su où ils se trouvaient. L’affidavit n’établit pas non plus si les demandeurs ont été trouvés uniquement parce qu’ils habitaient avec la sœur de Mme Aigbe, ou parce que les agents de persécution cherchaient des membres de leur famille au départ.

[16]  Le défendeur soutient qu’il était raisonnable pour la SAR d’inférer que la secte a été en mesure de retrouver les demandeurs à Lagos parce qu’ils habitaient avec leur famille. Je ne suis pas d’accord. Il est possible que la famille de M. Aigbe ait obtenu ce renseignement par l’entremise de son réseau et de ses relations, ou d’une autre manière. Comme je l’ai déjà mentionné, la preuve n’indiquait pas comment la famille de M. Aigbe a su où se trouvaient les demandeurs et, par conséquent, aucune des nombreuses possibilités envisageables n’est corroborée.

[17]  La SAR a également conclu que les demandeurs risquaient davantage d’être repérés dans une autre ville s’ils vivaient avec un membre de leur famille, car il est probable que les agents de persécution se serviraient de la famille pour les retrouver et, par conséquent, le fait que les demandeurs ont été repérés chez un membre de leur famille à Lagos « n’annule pas la conclusion selon laquelle Abuja, où ils prétendent n’avoir aucun membre de la famille, est une PRI viable ». Ce faisant, la SAR a tiré une deuxième conclusion erronée découlant de la première : si les demandeurs ont été retrouvés à Lagos parce qu’ils vivaient chez un membre de leur famille, alors il est peu probable qu’ils soient repérés à Abuja s’ils y vivent par eux-mêmes.

[18]  La conclusion de la SAR selon laquelle les demandeurs ne risquaient pas sérieusement d’être persécutés à Abuja reposait principalement sur cette double inférence. À mon avis, cette inférence était insuffisante pour justifier la décision de la SAR, et les autres éléments de preuve sur lesquels elle s’est appuyée n’ont pu servir à justifier sa décision. La SAR s’est fondée sur les rapports du CND, qui énoncent qu’il est généralement possible de déménager dans une autre partie du Nigéria pour échapper à des menaces localisées provenant de parents ou d’autres acteurs non étatiques. Toutefois, les demandeurs ont effectivement déménagé dans une autre partie du Nigéria, mais ils y ont été découverts par les agents de persécution et n’y étaient pas en sûreté. La SAR n’a pas expliqué en quoi les observations générales tirées des rapports du CND suffisaient à réfuter la preuve contradictoire propre aux demandeurs. La SAR s’est également appuyée sur le fait qu’Abuja est une grande ville de près de trois millions d’habitants, mais ce fait ne peut servir de justification puisque la population à Lagos est encore plus élevée. Par conséquent, la SAR n’a pas justifié sa décision à la lumière d’une preuve établissant que la portée ou l’influence de la secte au sein du Nigéria est restreinte, ou qu’elle n’a pas la capacité de repérer les demandeurs dans une ville comme Abuja.

[19]  Bien que la SAR ait souligné à juste titre que les demandeurs ne peuvent s’acquitter de leur fardeau de preuve en invoquant leur conviction qu’ils seraient retrouvés à Abuja, je conclus que les demandeurs ont présenté davantage qu’une simple conviction. Les demandeurs ont fait la preuve qu’ils ont tenté de se cacher en déménageant à Lagos, une grande ville du Nigéria située à bonne distance de Benin City, et que les agents de persécution avaient les moyens et la motivation de les trouver en trois mois. Ils ont également présenté plusieurs affidavits et lettres notariées à l’appui, qui relataient les événements ayant poussé les demandeurs à fuir le Nigéria. Il était déraisonnable pour la SAR de conclure que les affidavits et les lettres notariées corroboraient les affirmations des demandeurs selon lesquelles ils ont été retrouvés à Lagos pendant qu’ils vivaient avec leur famille, mais qu’ils n’établissaient pas, selon la prépondérance des probabilités, que la secte Asigidi avait les moyens et la motivation, y compris les relations et les ressources, pour repérer les demandeurs à Abuja. On ne connaît pas le type de preuve que la SAR s’attendait à recevoir au sujet des moyens et des motivations de la secte Asigidi, ou de son influence et de sa portée à Abuja. Les souscripteurs d’affidavit et les auteurs de la preuve à l’appui ne sont pas des membres de la secte et ne peuvent témoigner que des faits dont ils ont connaissance. Ils ont fait valoir que la famille de M. Aigbe ne laisserait pas les demandeurs vivre en paix et que ces derniers ne seraient pas en sécurité au Nigéria. Les demandeurs affirment à juste titre qu’ils ne peuvent témoigner au sujet d’Abuja, puisqu’ils n’y sont jamais allés. Il est bien établi que les demandeurs d’asile n’ont pas à avoir vécu dans la PRI envisagée, ou même s’y être rendus, pour établir que cette dernière n’est pas viable : Lugo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 170, au para 35.

[20]  En résumé, comme la SAR a présumé que les allégations des demandeurs étaient crédibles, sa conclusion relative au premier volet du critère relatif à la PRI était fondée principalement sur l’inférence qu’il serait peu probable que les agents de persécutions retrouvent les demandeurs pourvu qu’ils ne vivent pas avec des membres de leur famille. À mon avis, cette inférence n’était soutenue par aucune preuve et ne permettait pas à la SAR de conclure que les demandeurs ne risquaient pas sérieusement d’être persécutés à Abuja.

B.  Avis en ligne et notoriété de M. Aigbe

[21]  Les demandeurs ont également contesté les conclusions de la SAR, qui sont exposées plus loin, concernant la notoriété de M. Aigbe et les avis en ligne qui décrivent la portée et l’influence de la secte Asigidi. Bien que je ne sois pas convaincue par les observations des demandeurs relatives à ces conclusions, elles ne changent en rien mon avis selon lequel la décision de la SAR au sujet du premier volet du critère relatif à la PRI est déraisonnable.

[22]  En ce qui a trait aux avis en ligne, je conclus que la SAR a présenté des motifs suffisants pour n’accorder que peu de poids et de valeur probante à la preuve. Comme la SAR l’a raisonnablement conclu, le premier avis en ligne traite de l’expérience de crimes rituels vécus par la sœur de l’auteur; cependant, les circonstances factuelles alléguées n’ont pas été vérifiées. En outre, l’auteur a fait des déclarations douteuses selon lesquelles sa sœur serait morte après que la secte l’ait fait sombrer dans le délire, et que l’enfant aîné de sa sœur aurait fait l’objet d’un meurtre spirituel. En ce qui a trait au deuxième avis, la SAR a souligné qu’aucun détail ni renseignement n’a été fourni concernant les qualifications de l’auteur, et que rien n’indiquait que ses allégations avaient été vérifiées. À mon avis, les motifs présentés par la SAR étayaient pleinement sa décision d’accorder peu de poids aux avis en ligne.

[23]  En ce qui a trait aux conclusions relatives à la notoriété de M. Aigbe, les demandeurs soutiennent que, puisque la SAR a présumé que leurs allégations étaient crédibles, elle était tenue d’accepter la preuve selon laquelle ils étaient personnellement à risque en raison de la notoriété de M. Aigbe. Cet argument ne me convainc pas. La SAR a conclu que les antécédents politiques de M. Aigbe et son profil d’homme d’affaires ne feraient pas de lui une personne facile à reconnaître à Abuja. M. Aigbe a travaillé comme conseiller municipal six ans plus tôt dans un État distinct et parmi des milliers d’autres conseillers, et il était propriétaire d’une entreprise de voitures usagées à Benin City. Bien que la SAR ait admis que les allégations de M. Aigbe étaient véridiques et crédibles, il était raisonnable de conclure que son profil ne l’exposerait pas à un risque accru à Abuja.

[24]  Compte tenu de mes conclusions selon lesquelles la décision de la SAR relative au premier volet du critère relatif à la PRI est déraisonnable, je conclus qu’il n’est pas nécessaire d’aborder les observations des demandeurs au sujet du deuxième volet du critère.

IV.  Conclusion

[25]  Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la décision de la SAR est déraisonnable. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

[26]  Aucune des parties n’a proposé de question à certifier et la présente affaire n’en soulève aucune.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-6033-19

LA COUR ORDONNE :

  1. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre décideur pour nouvel examen.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Christine M. Pallotta »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6033-19

 

INTITULÉ :

DORIS EZEGBEBE AIGBE, VICTOR AIGBE, AIMUAMWOSA GOODLUCK AIGBE, VANESSA UWAILA AIGBE c LE MINISTE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario) PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 JUIN 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE PALLOTTA

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

 

LE 14 SEPTEMBRE 2020

 

COMPARUTIONS :

Sumeya Mulla

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Nicholas Dodokin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

pour les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

pour le défendeur

 

 

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