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                                                                                                                                  IMM-305-96

 

 

Entre :

 

 

                                                                BIBA KAUR,

 

                                                                                                                                    requérante,

 

                                                                        - et -

 

 

               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                                                                                                            intimé.

 

 

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME

 

            Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui a conclu que la requérante n'était pas un réfugié au sens de la Convention.  À l'audience qui s'est tenue à Toronto (Ontario), le 30 octobre 1996, j'ai accueilli la demande en indiquant que ma décision serait motivée par écrit.

 

            Mme Kaur, citoyenne de Malaysia, est arrivée au Canada en mai 1989 où elle a réclamé le statut de réfugié au sens de la Convention au motif qu'elle avait raison de craindre d'être persécutée du fait de ses opinions politiques.  Les faits pertinents sont résumés dans la décision de la section du statut à la page 2, dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

La requérante s'est jointe au Parti d'action démocratique (PAD) en juillet 1988.  Bien qu'elle se décrive elle-même comme un membre inactif, elle a élaboré sur le sujet et expliqué qu'elle avait beaucoup à dire au cours des réunions.  Elle a pris part à deux manifestations en août et en décembre 1988, après quoi elle a été détenue pendant une courte période et libérée avec un avertissement.  Elle a déclaré qu'elle avait chaque fois été maltraitée.  En avril 1989, elle a protesté contre des pratiques de gestion inéquitables devant l'hôtel où elle travaillait et elle a été arrêtée.  Elle a déclaré que, pendant sa deuxième nuit en détention, elle a été violée et sévèrement battue par trois ou quatre policiers.  Elle a été libérée le lendemain matin.  La requérante déclare qu'elle a eu besoin de soins médicaux par la suite.  Aucun chef d'accusation n'a été porté contre la requérante.

 

Le témoin, Gurnam Kaur, la mère de la requérante, a indiqué dans sa déposition qu'après le départ de la requérante de la Malaysia en mai 1989, des inconnus en civil, qui ne se sont pas identifiés, se sont présentés à la maison à trois reprises, en demandant où se trouvait la requérante.  La dernière visite a eu lieu cinq mois après que la requérante eut quitté la Malaysia.  Le témoin déclare qu'elle savait tout simplement qu'ils étaient des policiers.

 

La requérante déclare qu'elle ne se sentirait plus jamais en sécurité en Malaysia et que le viol a détruit sa vie.

 

            La section du statut n'a pas tiré de conclusions de fait défavorables, mais elle a conclu que la crainte de persécution de la requérante n'était pas fondée.  Elle indique aux pages 6, 7 et 8 de ses motifs ce qui suit :

[TRADUCTION]

La requérante a déclaré à plusieurs reprises que sa vie était détruite parce qu'elle avait été violée par trois ou quatre policiers, pendant qu'elle était en détention en avril 1989.  Le rapport médical indique qu'elle a des tendances suicidaires et dépressives à cause de cet incident.  La requérante a déclaré que la communauté sikh l'ostraciserait et qu'un éventuel mari sikh abuserait d'elle, s'il découvrait qu'elle a été violée.  La requérante n'a pas démontré qu'elle avait été violée pour l'une des raisons énoncées dans la définition de réfugié au sens de la Convention figurant dans la Loi sur l'immigration.  Elle avait été détenue auparavant à deux reprises et rien ne s'était passé.  Après le viol, elle a été libérée le lendemain matin.  La formation n'est pas saisie d'éléments de preuve convaincants tendant à établir que la police a essayé de violer d'autres femmes de sa famille ou d'autres membres du PAD de sexe féminin.  La preuve établit que la requérante a été une victime de violence choisie au hasard, et que cela aurait pu se produire n'importe où.  La formation n'est saisie d'aucun élément de preuve convaincant indiquant que la communauté sikh ostraciserait la requérante à cause de la façon dont elle a été violée et des responsables de ce viol, mais à cause du simple fait qu'elle a été violée.

 

                                                                                                  [...]

 

La formation a beaucoup de sympathie pour la requérante.  Toutefois, comme sa crainte de persécution en Malaysia n'est pas fondée et que le viol n'est qu'un acte de violence commis au hasard, sans aucun lien avec la définition de réfugié au sens de la Convention contenue dans la Loi sur l'immigration, nous sommes d'avis que, d'après les principes énoncés dans Obstoj, et plus récemment dans Esther Toah, cet article ne s'applique pas.

 

            Comme je l'ai indiqué à l'audience, je suis convaincu que la décision doit être annulée et la question renvoyée pour être réexaminée par une nouvelle formation.  La conclusion de la section du statut selon laquelle la requérante a été une «victime de violence choisie au hasard, et que cela aurait pu se produire n'importe où» est impossible à soutenir.  Si le viol s'était produit sans référence à des manifestations ou à des activités politiques, la conclusion de la section aurait été juste et appropriée.  Toutefois, la preuve démontre que la requérante a été détenue par suite de son engagement au PAD et qu'elle a été activement recherchée par la police à plusieurs reprises.  Pendant sa détention, elle a non seulement été interrogée au sujet de ses activités politiques, mais elle a aussi été violée.  Cet incident est une conséquence directe de sa détention pour des raisons politiques. 

 

            Pour ces motifs, le 30 octobre 1996, j'ai accueilli la demande.  L'affaire doit être renvoyée pour nouvelle audition et réexamen devant une formation différente, en conformité avec la Loi et avec les présents motifs.

 

OTTAWA

le 17 janvier 1997                                                         «James A. Jerome»                      

                                                                                                Juge en chef adjoint

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                          

 

François Blais, LL.L.


                                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                         SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

                         AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

N° DU GREFFE :IMM-305-96

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :Biba Kaur c. M.C.I.

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :le mercredi 30 octobre 1996

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR :  le juge en chef adjoint

 

 

DATE :le 17 janvier 1997

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

M. Lorne Waldman pour la requérante

 

 

M. Godwin Fridaypour l'intimé

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

M. Lorne Waldman

Toronto (Ontario)                                         pour la requérante

 

 

M. George Thomsonpour l'intimé

Sous-procureur général du Canada

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