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     Date : 20000628

     Dossier : T-2580-97


     ACTION IN REM CONTRE LE NAVIRE « CANMAR CONQUEST »

     ET IN PERSONAM CONTRE GUARDIAN INSURANCE

     COMPANY OF CANADA ET CANADA MARITIME LIMITED

Entre

     RAINBOW TECHNICOLOURED WOOD VENEER LTD.,

     TOUTES LES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR

     LA CARGAISON CHARGÉE À BORD DU NAVIRE « CANMAR CONQUEST »

     demanderesses

     -et -


     GUARDIAN INSURANCE COMPANY OF CANADA,

     CANADA MARITIME LIMITED, LES PROPRIÉTAIRES

     ET AFFRÉTEURS DU NAVIRE « CANMAR CONQUEST » ,

     LE NAVIRE « CANMAR CONQUEST »

     défendeurs



     MOTIFS DU JUGEMENT


Le juge DUBÉ


[1]      L'action en instance a été intentée par la demanderesse Rainbow Technicoloured Wood Veneer Ltd. (Rainbow), la propriétaire de la cargaison, savoir un massicot acheté en Italie auprès de son fournisseur Emme Elle S.P.A. de Canzi (Emme Elle), contre la défenderesse Guardian Insurance Company of Canada (Guardian), l'assureur de la cargaison, et la défenderesse Canada Maritime Limited (Canada Maritime), le transporteur et propriétaire du navire défendeur (Canmar Conquest), pour endommagement de la cargaison au cours du transport transocéanique d'Italie au Canada fin décembre 1996 et début janvier 1997.

[2]      Peu avant l'ouverture du procès, l'action contre Canada Maritime a été réglée à l'amiable, et le procès, qui a pris une journée, ne mettait en cause que Guardian.

[3]      Guardian ne nie pas qu'elle ait assuré la cargaison et que celle-ci ait été totalement endommagée, mais rejette toute responsabilité par application des exclusions de la clause de l'Institut des assureurs maritimes de Londres sur marchandises dite « Institute Cargo Clause (A) » qui fait partie intégrante du contrat d'assurance, et en particulier des clauses 4.3 (clause d'exclusion) et 8.1 (clause de durée), lesquelles portent ce qui suit :

     [TRADUCTION]

     4. En aucun cas le présent contrat d'assurance ne couvrira :

    

     4.3      les pertes, détériorations ou dépenses tenant à l'emballage ou à la préparation insuffisante ou non conforme du bien assuré (pour l'application de la clause 4.3, « emballage » s'entend également de l'arrimage dans un conteneur ou un camion de déménagement, dans le cas uniquement où cet arrimage a été effectué avant la prise d'effet du présent contrat d'assurance, ou par l'assuré ou ses employés)

    

     8-8.1      Le présent contrat d'assurance prend effet à compter du moment où les marchandises quittent le magasin ou l'entrepôt au lieu désigné aux présentes pour commencer le voyage, demeure en vigueur pendant la durée ordinaire du transport et prend fin
     8.1.1.          à la livraison soit aux consignataires soit au magasin final ou autre entrepôt au lieu de destination désigné aux présentes.

[4]      Guardian soutient en défense que la préparation et l'empotage du conteneur ont été effectués en Italie chez le fournisseur et que l'arrimage de la cargaison à l'intérieur du conteneur consistait en des petites pièces de bois de 3 x 2 po utilisées comme matériau d'assujettissement au plancher, ce qui représentait un arrimage insuffisant et non conforme.

[5]      Les assertions de Guardian sont corroborées par les preuves et témoignages produits au procès. Jonh M. Jaffrey, inspecteur des navires et des cargaisons, a témoigné en qualité d'expert cité par cette compagnie, et son affidavit a été déposé conformément aux Règles de la Cour fédérale. Il s'est rendu au terminal Racine du port de Montréal en janvier 1997 pour assister au dépotage du massicot. Il a décrit le dommage causé à la cargaison et au conteneur. Il a examiné le plancher de ce conteneur pour savoir quelle méthode d'arrimage avait été employée. Ce qu'il a vu, c'étaient quelques pièces de bois percées de clous. Il n'a « rien trouvé qui indique que la machine avait été convenablement arrimée » .

[6]      William McGarr Morrison, un autre inspecteur des navires et des cargaisons, était également là avec deux autres inspecteurs, MM. Gerry Funnekotter et Clifford Parfett. Ayant examiné le mode d'arrimage de la cargaison, il l'a trouvé « totalement insuffisant et inapproprié » . La seule indication d'arrimage de quelque sorte que ce fût était la présence de petites pièces de bois de 3 x 2 po percées de clous. « Les clous étaient tordus, et beaucoup des petites pièces de bois étaient brisées et fortement rayées » . À son avis, le dommage a été causé par l'arrimage incorrect. En contre-interrogatoire, il a reconnu que le mauvais temps était à prévoir en hiver dans l'Atlantique Nord, mais a affirmé que toutes les cargaisons devraient être arrimées en conséquence. Pour l'édification de la Cour, il a montré avec l'aide de deux diagrammes, comment il faut arrimer une cargaison. La pièce D3 représente l'arrimage du massicot à l'intérieur du conteneur, tel qu'il a été fait en l'espèce, et la pièce D4 indique de quelle façon cette cargaison aurait dû être arrimée.

[7]      Dans l'un et l'autre diagrammes, la cargaison est représentée par le petit rectangle, marqué « M » (pour machine), à l'intérieur du grand rectangle qui représente le conteneur.

     Act. Securing = Arrimage constaté

     Roof = Dessus

     Wall = Paroi

     Floor = Plancher

     Proper Securing = Arrimage conforme

     Heavy Timber = Étais

     Wire = Câble

     Turnbuckle = Ridoir

[8]      La pièce D3 montre le massicot calé, seulement à sa base, par de petits blocs. La pièce D4 montre de quelle façon la cargaison devrait être convenablement fixée par des étais appuyés sur la paroi du conteneur. L'expert explique que ces étais devraient être placés des deux côtés de la cargaison.

[9]      La pièce D4 montre aussi un autre mode possible d'arrimage efficace, avec un câble fixant la cargaison au plancher du conteneur. Le câble doit être tendu au moyen d'un ridoir, tel qu'il figure sur le côté droit du câble.

[10]      Un autre inspecteur des navires, Clifford Parfett, retenu par Rainbow pour évaluer le dommage, a été appelé à la barre par Guardian mais non pas en qualité d'expert, puisque Rainbow ne produisait pas son rapport. Je l'ai autorisé à témoigner sur les faits importants. Il a déclaré qu'il voyait dans le conteneur au terminal Racine du port de Montréal, exactement ce que les autres inspecteurs ont vu et rapporté au procès.

[11]      Il ressort des témoignages produits à l'audience que le massicot en question, acheté par Rainbow chez Emme Elle, a été chargé et arrimé dans le conteneur par Segheria Car. At. Di Corti Carluccio (Segheria) en exécution d'un contrat passé avec Emme Elle. Segheria a chargé le conteneur sur un camion pour le transporter depuis l'usine à Barzano jusqu'au navire. Il est constant qu'à l'arrivée à Montréal, la cargaison a été déclarée totalement endommagée, et le dommage a été évalué à 104 473,23 $, avec en sus un intérêt de 7,5 % réclamé pour la période allant du 7 février 1997 à la date du jugement.

[12]      Puisque cette action n'est plus dirigée contre le transporteur Canada Maritime, mais contre l'assureur Guardian, il échet d'examiner si la perte est couverte par le contrat d'assurance, savoir les Institute Cargo Clauses (A), en particulier la clause de durée 8.1 et la clause d'exclusion 4.3. Il me semble que le libellé de ces clauses est clair. Aux termes de la clause 4.3, l'endommagement dû à l'emballage non conforme est exclu de la garantie si l'emballage est effectué avant la prise d'effet du contrat d'assurance ou par l'assuré. En l'espèce, l'empotage n'a pas été effectué par l'assuré, mais a eu lieu avant la prise d'effet. Aux termes de la clause 8.1, le contrat d'assurance prend effet depuis le moment où la cargaison quitte l'entrepôt. Au moment où le massicot quitta l'entrepôt d'Emme Elle, l'empotage avait été déjà fait et, comme on l'a constaté par la suite, de façon non conforme.

[13]      Il n'y a aucune jurisprudence portant sur le point litigieux, puisque l'interprétation de ces deux clauses est très claire. L'emballage non conforme et la clause 4.3 sont commentés dans Arnould's Law of Marine Insurance and Average1, plus précisément au paragraphe 215 (p. 215), comme suit :

     [TRADUCTION]

     215      Comme noté supra, l'emballage insuffisant ou inapproprié constitue une autre exclusion de la garantie visée à ce paragraphe, à cette exception près que l'emballage s'entend également de l'empotage dans un conteneur ou camion de déménagement, mais seulement dans le cas où l'empotage est effectué avant la prise d'effet du contrat d'assurance ou par l'assuré ou ses employés. Il appert que cette disposition est fondée sur la présomption que l'endommagement dû à l'emballage défectueux ne sera pas exclu, en application des dispositions plus générales de la clause 4.4 portant exceptions pour vice inhérent, dans les cas visés à la clause 4.3 et où le conteneur ne doit pas être considéré comme un « emballage » .

                                                 [non souligné dans l'original]

[14]      En l'espèce, l'empotage défectueux a été effectué avant la prise d'effet du contrat d'assurance. Ce fait en soi emporte exclusion de la garantie, que cet empotage ait été effectué ou non par l'assuré ou ses employés.

[15]      Par ces motifs, l'action est rejetée avec dépens.


     _______________________________

     Juge

Ottawa (Ontario),

le 28 juin 2000





Traduction certifiée conforme,




Martine Brunet, LL. L.


     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER No :              T-2580-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Rainbow Technicoloured Wood Veneer Ltd. et al. c. Guardian Insurance Company

LIEU DE L'AUDIENCE :          Montréal (Québec)


DATE DE L'AUDIENCE :          20 juin 2000

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE DUBÉ


LE :                      28 juin 2000



ONT COMPARU :


Me George J. Pollack                  pour les demanderesses

Me Frédéric Scalabrini              pour la défenderesse (Guardian)



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Sproule, Castonguay, Pollack          pour les demanderesses

Montréal (Québec)

Marler & Associates                  pour la défenderesse (Guardian)

Montréal (Québec)




     Date : 20000628

     Dossier : T-2580-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 28 JUIN 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE J.E. DUBÉ

     ACTION IN REM CONTRE LE NAVIRE « CANMAR CONQUEST »

     ET IN PERSONAM CONTRE GUARDIAN INSURANCE

     COMPANY OF CANADA ET CANADA MARITIME LIMITED

Entre

     RAINBOW TECHNICOLOURED WOOD VENEER LTD.,

     TOUTES LES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR

     LA CARGAISON CHARGÉE À BORD DU NAVIRE « CANMAR CONQUEST »

     demanderesses

     -et -


     GUARDIAN INSURANCE COMPANY OF CANADA,

     CANADA MARITIME LIMITED, LES PROPRIÉTAIRES

     ET AFFRÉTEURS DU NAVIRE « CANMAR CONQUEST » ,

     LE NAVIRE « CANMAR CONQUEST »

     défendeurs


     JUGEMENT


     L'action est rejetée avec dépens.


     _____________________________

     Juge



Traduction certifiée conforme,




Martine Brunet, LL. L.

__________________

1      Tome III, 16e édition, par Jonathan C.B. Gilman.

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