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                                                                                                                                  Date : 19991202

                                                                                                                               Dossier : T-387-96

Ottawa (Ontario), le 2 décembre 1999

En présence de Madame le juge Sharlow

ENTRE :

                                                   LE FRÈRE WALTER A. TUCKER

                                                                                                                                           demandeur

                                                                          - et -

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                        défenderesse

                                          ORDONNANCE (MOTIFS ET DISPOSITIF)

[1]         Le 19 février 1996, le demandeur a intenté une action en restitution de numéraires et de biens illégalement saisis par la GRC en 1990 et dont il prétendait qu'ils n'avaient pas été restitués. Par défense déposée le 27 mars 1996, la Couronne prétend que la GRC a restitué l'argent saisi sauf quelques dollars d'argent américains, qui se trouvent dans les bureaux de la GRC à Hamilton en attendant que le demandeur vienne les chercher. Elle nie que celle-ci ait en sa possession quelque autre bien du demandeur, qui ait été saisi.

[2]         Il appert que le demandeur ne faisait rien pour diligenter l'affaire et le 4 février 1999, le juge Blais a délivré un avis d'examen de l'état de l'instance conformément à la règle 381 des Règles de la Cour fédérale (1998).


[3]         Les règles ci-dessus sont entrées en vigueur en mars 1998, en remplacement des règles qui étaient en vigueur au moment où l'action fut intentée. Les règles relatives à l'examen de l'état de l'instance sont applicables en l'espèce.

[4]         L'avis d'examen de l'état de l'instance porte la mention suivante :

Le demandeur est tenu de justifier, au moyen de prétentions écrites qui seront signifiées et déposées au plus tard le lundi 8 mars 1999, les raisons pour lesquelles cette action ne doit pas être rejetée pour cause de retard.

[5]         Le 21 avril 1999, le demandeur a, par avis de requête, demandé la prorogation du délai de réponse à l'avis d'examen de l'état de l'instance, tout en concluant à des mesures de redressement subsidiaires, savoir : (1) ordonnance portant autorisation de dépôt tardif de la réponse, (2) ordonnance autorisant la poursuite de l'instance à titre d'instance à gestion spéciale, et (3) ordonnance portant jonction de l'instance avec le dossier T-1805-98 (action intentée le 16 septembre 1998 et tendant à jugement déclarant que la Loi réglementant certaines drogues et autres substances est inconstitutionnelle pour ce qui est du cannabis, de la marijuana et de certaines autres substances).

[6]         Suite à cette requête, le protonotaire a, par ordonnance, prorogé au 15 juillet 1999 le délai de dépôt des conclusions, en ordonnant expressément au demandeur de répondre aux questions suivantes :

1.          Quelles mesures le demandeur a-t-il prises depuis le dépôt de l'acte introductif d'instance, le 19 février 1996?

2.          Pourquoi la procédure ne s'est-elle pas poursuivie de façon plus diligente?

3.          Quelles mesures le demandeur se propose-t-il de prendre maintenant pour diligenter l'action?


[7]         Le demandeur a déposé son mémoire le 9 juillet 1999. Après l'avoir examiné, le protonotaire a conclu que sauf un avis de changement d'adresse et la requête déposée le 21 avril 1999 en réponse à l'avis d'examen de l'état de l'instance, le demandeur n'avait rien fait dans l'instance et n'avait donné aucune explication du retard. En conséquence, il a rejeté l'action pour cause de retard. C'est cette ordonnance du protonotaire que le demandeur porte en appel.

[8]         Dans Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425, la Cour d'appel fédérale a posé que dans le cas où l'ordonnance du protonotaire faisant droit à une requête a pour effet de trancher l'action au fond, le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance doit revenir sur la requête elle-même. En l'espèce, l'ordonnance rendue par le protonotaire ne faisait pas suite à une requête, mais à un avis d'examen de l'état de l'instance. Le même principe est cependant applicable.

[9]         Le demandeur fait valoir plusieurs points dans son mémoire du 9 juillet 1999.

[10]       En premier lieu, il dit qu'il n'a été informé de l'avis d'examen de l'état de l'instance que le 20 avril 1999, apparemment à cause de changements successifs d'adresse. Il a immédiatement déposé l'avis de requête susmentionné pour demander une prorogation de délai et d'autres mesures de redressement.

[11]       La question d'un manque de temps après la notification de l'avis d'examen de l'état de l'instance a été réglée lorsque le protonotaire prorogea le délai de réponse. Le fait que le demandeur n'était pas au courant de cet avis lorsqu'il fut délivré en février 1999 n'explique pas pourquoi il ne faisait rien pour donner suite à son action avant cette date.


[12]       Le demandeur se dit victime de nombreux actes d'injustice de la part de la police et d'autres autorités, dont cette saisie illégale. Il se peut qu'il en soit ainsi. Mais cela n'explique pas pourquoi il n'a rien fait pour donner suite à l'instance.

[13]       Le demandeur dit que son chef de demande est relativement simple et peut être tranché de façon expéditive. Il se peut qu'il en soit ainsi. Mais cela n'explique pas son inaction.

[14]       Il fait valoir deux points au sujet des mesures prises par la défenderesse. En premier lieu, dit-il, celle-ci n'a rien fait pour conclure au rejet de l'action pour cause de retard. En second lieu, il soutient qu'il est inique de l'astreindre à des délais stricts alors que la défenderesse a pu déposer sa défense avec une semaine de retard, sans avoir à obtenir au préalable le consentement du demandeur ni une ordonnance de la Cour à cet effet.

[15]       Normalement, il incombe à la partie qui engage la procédure d'y donner suite en prenant les mesures appropriées conformément aux Règles. L'examen de l'état de l'instance est un moyen employé par la Cour pour faire respecter cette obligation. Dans ce contexte, il importe peu que la partie défenderesse n'ait pas pris les mesures nécessaires pour la mise en état de l'instance; v. Baroud c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 C.F. D-29 (1re inst.). Au surplus, un retard d'une semaine dans le dépôt de la défense, contre lequel le demandeur n'a opposé aucune objection à l'époque, ne peut excuser un retard de plus de trois ans de sa part.

[16]       La seule explication de fond que le demandeur donne de son retard est son manque de moyens tenant à sa pauvreté et, en partie, à un incendie en octobre 1998. Cependant, une fois l'avis d'examen de l'état de l'instance porté à sa connaissance, il a pu trouver les ressources nécessaires pour donner une réponse cohérente et propre à prévenir un rejet de son action pour cause de retard. Je n'accepte pas l'argument que le manque de moyens l'a empêché de donner suite à sa demande.


[17]       Le précédent Baroud susmentionné pose que pour décider s'il y a lieu d'autoriser la poursuite de l'instance après la délivrance d'un avis d'examen de l'état de l'instance, la Cour doit se poser deux questions. La première est de savoir si le retard est justifié. À cet égard, une simple assertion de la volonté et du désir de poursuivre n'est pas suffisante. La seconde est de savoir si des mesures sont proposées en vue de la mise en état de la cause.

[18]       En l'espèce, le demandeur n'a pas justifié le retard par ses arguments. Le protonotaire était donc fondé à rejeter l'action.

[19]       Le demandeur soutient encore que le protonotaire était prévenu contre lui et que l'ordonnance de ce dernier porte atteinte aux droits que lui garantit la Charte et jette le discrédit sur l'administration de la justice. Ces allégations ne sont pas fondées.

[20]       La requête en réformation de l'ordonnance du protonotaire est rejetée.

                                                                                                                      Signé : Karen R. Sharlow        

                                                                                            ________________________________

                                                                                                                                                     Juge                    

Traduction certifiée conforme,

Bernard Olivier, LL.B.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                  AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER No :                                    T-387-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Le frère Walter A. Tucker c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :    1er novembre 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MME LE JUGE SHARLOW

LE :                                                      2 décembre 1999

ONT COMPARU:

Le frère Walter Tucker et                                  pour le demandeur

le frère Michael Baldasaro

Mme Cassandra Kirewskie                                 pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Les frères Walter Tucker                                   pour le demandeur

et Michael Baldasaro

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              pour la défenderesse

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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