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                                                                                                                         IMM-1135-96

 

 

ENTRE :

 

                                         VASILE VALERIU MOLDOVAN,

 

                                                                                                                              requérant,

 

                                                                       et

 

            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION,

 

                                                                                                                                     intimé.

 

 

 

 

                                            MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

 

LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME

 

 

            L’audition de la présente demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 8 mars 1996 par la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a eu lieu à Toronto (Ontario), le 4 décembre 1996.  À la fin des plaidoiries, j’ai rejeté la demande et indiqué que les présents motifs écrits suivraient.

 

            M. Moldovan, un citoyen de la Roumanie, est arrivé au Canada en juin 1994.  Il a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention, invoquant une crainte fondée de persécution en Roumanie en raison de ses opinions politiques.  Une audition a été tenue devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié le 13 décembre 1994 et le 2 février 1995.  Un interprète compétent en anglais et en roumain a assisté à toute l’audition.

 

            Dans une décision rendue le 8 mars 1996, le tribunal a conclu que le requérant n’était pas un réfugié au sens de la Convention, vu l’absence de crédibilité de sa revendication.  Le tribunal a dit, entre autres, aux pages 3 et 4 de ses motifs :

 

                [TRADUCTION] La formation ne trouve ni honnête ni fiable la preuve du revendicateur et elle n’estime pas que ce dernier a une crainte fondée de persécution.  Le principal incident sur lequel se fonde la revendication est une confrontation verbale que le revendicateur aurait eue en mars 1990 avec le président provisoire de la Roumanie, à l’usine de fabrication d’armement où il travaillait et où il était représentant principal de son syndicat.  Plusieurs éléments de cette partie du récit du revendicateur ne nous semblent ni plausibles ni crédibles.  Aucune preuve crédible n’établit qu’une telle confrontation mettait le revendicateur en danger.  De plus, la formation estime que même si les événements s’étaient produits tels que le revendicateur les a décrit, quatre années se sont écoulées avant qu’il ne quitte la Roumanie en 1994 pour revendiquer le statut de réfugié au Canada.  Par ailleurs, malgré son hostilité à l’égard du président Iliescu, le revendicateur n’a pas été détenu et il n’a jamais été incarcéré ni détenu par les autorités.  Bien qu’il ait mentionné le style dictatorial du président Iliescu, le revendicateur n’a jamais été persécuté par ce dernier ni par ses représentants.

                Le revendicateur a dit à la formation qu’il avait quitté la Roumanie après le décès de son ami et collègue, Ioan Rosca.  Cependant, lorsqu’il a été interrogé à propos des liens qu’il entretenait avec M. Rosca, le revendicateur a dit à la formation qu’il n’avait eu aucun lien ni contact avec M. Rosca pendant plus d’une année et demie.  Selon la formation, il n’existait pas de lien étroit entre M. Rosca et le revendicateur.  Par ailleurs, le revendicateur n’a pas expliqué à la formation comment les autorités roumaines auraient pu établir un lien factuel entre lui et M. Rosca.  La formation n’estime pas que le décès accidentel de M. Rosca, dont le revendicateur voudrait se servir à ses propres fins en le présentant comme un meurtre malgré l’absence de tout élément de preuve à cet effet, étaye d’une quelconque façon sa crainte de persécution.  Le revendicateur a dit qu’il avait décidé de se cacher des autorités en se terrant dans sa propre demeure, laquelle se trouve dans son village.  De toute évidence, les autorités se rendraient d’abord à la résidence du revendicateur si elles le cherchaient, et la formation ne croit pas qu’il se serait caché dans sa propre demeure s’il avait vraiment eu une crainte fondée d’être persécuté par celles-ci.

                La formation remarque que plusieurs des événements que le revendicateur a qualifié de « coups de chance » ne sont ni plausibles ni véridiques.  En effet, il s’est dit chanceux d’avoir pu soudoyer un fonctionnaire qui lui a délivré, de même qu’aux membres de sa famille, un passeport sur-le-champ, bien qu’il n’avait jamais auparavant essayé de quitter le pays de cette façon.  Il s’est également dit chanceux d’avoir pu obtenir un visa de visiteur aux États-Unis qui lui a permis d’assister au tournoi de la Coupe du monde de football.  Il s’est dit chanceux de s’être rendu à l’aéroport de Budapest et du fait qu’il était si bondé ce jour-là que les responsables de la sécurité n’ont même pas vérifié son identité.  Il s’est aussi dit chanceux d’avoir obtenu un visa américain puisqu’il n’a jamais présenté la lettre d’invitation obligatoire qu’il devait avoir.  Il a déclaré que ce n’est que par hasard qu’il a eu la chance de quitter ainsi le pays.  La formation ne trouve ni plausible ni crédible la preuve du revendicateur.  Nous n’estimons pas que le revendicateur a décrit de façon véridique et honnête les circonstances relatives à son départ.

 

 

            Le requérant cherche maintenant à faire annuler la décision du tribunal au motif que ce dernier a omis de tenir compte d’éléments de preuve pertinents, a mal interprété la preuve dont il disposait et a rendu une décision fondée sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire.

 

            La Cour hésitera à infirmer une conclusion de la Commission en ce qui concerne la crédibilité d’un témoin, étant donné que le tribunal a eu l’occasion d’entendre ce dernier et d’évaluer son comportement lors du témoignage qu’il a rendu.  La Section du statut de réfugié est manifestement fondée à tirer une conclusion défavorable en matière de crédibilité si elle considère que le récit d’un requérant est invraisemblable, pourvu que ses  déductions soient raisonnables.  Les conclusions défavorables du tribunal en ce qui concerne la crédibilité d’une personne seront bien fondées lorsque celui-ci aura exposé les motifs de sa décision en des termes clairs et non équivoques, comme c’est le cas en l’espèce.  De fait, les motifs renvoient à un certain nombre d’aspects invraisemblables du témoignage du requérant concernant des éléments de sa revendication du statut de réfugié.

 

            Après avoir examiné attentivement les motifs de la Section du statut de réfugié en l’espèce, je suis convaincu que celle-ci a considéré et apprécié tous les éléments de preuve produits par le requérant et conclu, pour les motifs qu’elle a exposés, que le requérant n’avait pas une crainte fondée de persécution.  Je ne puis conclure que la formation a omis de tenir compte de la preuve dont elle disposait ni qu’elle a tiré des conclusions de façon abusive ou arbitraire.  Vu l’absence d’une telle erreur manifeste, il n’existe tout simplement pas de motif pour fonder l’annulation de la décision visée.

 

            Par ces motifs, prononcés le 4 décembre 1996, j’ai rejeté la demande.

 

 

O T T A W A

Le 22 avril 1997.                                                            « James A. Jerome »              

                                                                                    Juge en chef adjoint

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                __________________________

                                                                                                Bernard Olivier, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

                                                                       

 

NO DU GREFFE :                             IMM-1135-96

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :                  Vasile Valeriu Moldovan c. M.C.I.

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :               Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             le 4 décembre 1996

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE EN CHEF ADJOINT

 

EN DATE DU :    22 avril 1997

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

M. Edward C. Corrigan                                                                POUR LE REQUÉRANT

 

Mme Bridget O’Leary                                            POUR L’INTIMÉ

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

M. Rodney L.H. Woolf                                                                POUR LE REQUÉRANT

 

M. George Thomson                                                                     POUR L’INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

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