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     Date : 19990325

     Dossier : IMM-2786-98

ENTRE :

     SEBSIBE HAILE ASFAW,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SHARLOW

[1]      Il s'agit du contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) a statué que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Cette décision repose principalement sur la conclusion de la CISR selon laquelle le demandeur n'était pas crédible. La CISR a également conclu que les activités exercées par le demandeur depuis son arrivée au Canada ne justifiaient pas la revendication au Canada du statut de réfugié au sens de la Convention.

[3]      En ce qui concerne ce dernier point, l'avocat du demandeur a prétendu que la CISR a commis une grave erreur dans ses conclusions de fait. La CISR précise dans ses motifs qu'elle croyait que le demandeur avait été invité a prendre la parole à l'occasion d'une réunion particulière de l'AAPO à Calgary, et que les propos tenus par le demandeur se rapportaient aux visas et à l'occupation d'un emploi légal en Alberta. La CISR a conclu :

     [traduction] [...] le requérant ne serait pas exposé à un risque de persécution si ces propos étaient portés à la connaissance des autorités éthiopiennes et, en outre, il n'existe aucune possibilité raisonnable que les autorités éthiopiennes aient appris ou apprennent ces activités.         

[4]      Selon la preuve non contredite et non contestée du demandeur, c'est quelqu'un d'autre qui a traité ces points. Pour sa part, le demandeur avait été invité à parler de l'AAPO et de la situation en Éthiopie.

[5]      L'avocat du ministre s'est opposé à ce que le demandeur invoque cet argument à l'audience parce que le dossier de la demande n'en parle pas et qu'il n'en a pas été avisé. Toutefois, il n'a proposé aucun motif sur lequel je pourrais m'appuyer pour conclure que le ministre subirait un préjudice si je permettais au demandeur d'invoquer cet argument. J'ai donc examiné cet argument.

[6]      À mon avis, il ressort de la lecture du dossier que la CISR a commis une erreur en ce qui a trait au contenu des propos tenus par le demandeur lors de cette réunion. Toutefois, je suis d'accord avec l'avocat du ministre pour dire que même si cette conclusion de fait était erronée, la CISR pouvait conclure qu'il n'existait aucune possibilité raisonnable que les autorités éthiopiennes aient appris la participation du demandeur à cette réunion.

[7]      Les autres arguments qui ont été invoqués au nom du demandeur se rapportent aux conclusions de la CISR concernant la crédibilité du demandeur.

[8]      Dans ses motifs de décision, la CISR invoque comme premier élément de son appréciation négative de la crédibilité du demandeur le fait qu'il a déclaré dans son feuillet de renseignements personnels et dans son témoignage devant la CISR qu'il avait participé à une manifestation en 1994 contre l'emprisonnement du professeur Woldeyes, alors qu'il avait passé ce fait sous silence dans son entrevue d'admissibilité.

[9]      Sauf erreur, l'entrevue d'admissibilité se rapporte aux " critères de recevabilité " prévus à l'article 46.01 de la Loi sur l'immigration et vise uniquement à décider si l'intéressé doit être exclu du processus pour l'un des motifs qui y sont mentionnés.

[10]      L'entrevue d'admissibilité n'a pas pour objet d'examiner le bien-fondé de la revendication de l'intéressé. Les renseignements que l'intéressé fournit durant cette entrevue ne constituent pas le fondement de la revendication et ne sont pas censés l'être. Je présume que c'est pour cette raison qu'on n'avise pas les intéressés que les renseignements qu'ils fournissent durant leur entrevue d'admissibilité seront pris en considération par la CISR, si la revendication parvient à ce stade. Quoi qu'il en soit, rien de semblable n'a été dit au demandeur durant son entrevue d'admissibilité.

[11]      Le rapport de l'entrevue d'admissibilité du demandeur est un formulaire qui contient des questions imprimées. Les réponses auraient été écrites à la main par la personne qui a mené l'entrevue. Une déclaration manuscrite signée par le demandeur, qui fournit des précisions sur certaines réponses, est jointe à ce formulaire. C'est dans cette déclaration que la CISR pensait vraisemblablement trouver mention de la manifestation de 1994, en dépit de la fin limitée de l'entrevue d'admissibilité.

[12]      Le défaut du demandeur de mentionner la manifestation de 1994 durant l'entrevue d'admissibilité a été noté avant l'audience devant la CISR. L'avocat du demandeur ne s'est pas opposé à ce que ce point soit soulevé et n'a pas prétendu que ce point était dénué de pertinence. Le demandeur a déclaré qu'il n'en avait pas parlé durant l'entrevue d'admissibilité parce qu'il n'en avait pas eu le temps.

[13]      Le demandeur n'a pas été contre-interrogé relativement à cette explication. Il n'y a rien dans la transcription de l'audience qui permet de conclure que la CISR a déclaré au demandeur ou à son avocat qu'elle avait des doutes sur l'acceptabilité de cette raison. Aucun argument n'a été invoqué au sujet de cette omission ou de l'explication donnée par le demandeur.

[14]      Je conviens avec l'avocat du demandeur que la CISR n'a pas agi d'une manière équitable en parvenant à une conclusion négative sur la crédibilité du demandeur, dans la mesure où elle s'est fondée sur l'omission du demandeur de mentionner la manifestation à laquelle il a pris part en 1994 au cours de l'entrevue d'admissibilité et sur l'explication que le demandeur a donnée de cette omission. La CISR a commis une erreur en ne donnant pas au demandeur un avis suffisant du fait que l'explication qu'il a donnée sur cette omission avait été soumise à la CISR, de manière à permettre au demandeur de produire d'autres éléments de preuve à ce sujet ou à son avocat de traiter ce point dans des observations.

[15]      La CISR a toutefois invoqué d'autres motifs à l'appui de la conclusion que le demandeur n'était pas crédible, et ces motifs doivent également être pris en considération. Selon mon interprétation de la décision de la CISR, les motifs les plus importants sont les suivants :

1.      Il était peu plausible que le demandeur, après une détention de trois jours en juin 1996 au cours de laquelle il a subi la torture psychologique d'être privé de sommeil et menacé avec un fusil, ait été en mesure de rentrer chez lui le troisième jour, de se changer et d'aller travailler.
2.      Il était peu plausible que les autorités éthiopiennes s'intéressent au demandeur, étant donné que celui-ci était un fonctionnaire ayant été autorisé à quitter le pays dans le cadre d'un programme parrainé par le gouvernement, qu'il avait été détenu par les autorités pendant trois jours en juin 1996 ainsi qu'il l'a mentionné et que, peu de temps après, il avait été autorisé à renouveler son passeport et à quitter le pays dans le cadre de ce programme.

[16]      En dépit de l'argumentation habile de l'avocat du demandeur, je ne puis conclure que ces conclusions sont déraisonnables.

[17]      En ce qui concerne le premier point, je n'accepte pas que la CISR doit être experte en psychologie pour apprécier la vraisemblance de l'affirmation du demandeur selon laquelle il a été en mesure de se présenter au travail après trois jours de détention au cours desquels il a été victime des mauvais traitements qu'il a évoqués dans son témoignage. La CISR pouvait conclure, comme elle l'a fait, que si le demandeur avait été traité ainsi qu'il prétend l'avoir été, il n'aurait pas été en mesure de reprendre le travail si peu de temps après sa libération.

[18]      En ce qui concerne le deuxième point, je n'accepte pas que la CISR ne pouvait pas parvenir à cette conclusion sans être saisie d'une preuve concernant le degré de communication entre les agents des passeports, la sûreté aéroportuaire et la police. Comme il s'est écoulé fort peu de temps entre la détention présumée du demandeur et son départ de l'Éthiopie, la CISR pouvait conclure que cet aspect du récit du demandeur était invraisemblable.

[19]      La question devient donc celle de savoir si l'erreur commise par la CISR en ne donnant pas un avis suffisant de sa conception de l'entrevue d'admissibilité suffit, à elle seule, à annuler la conclusion selon laquelle le demandeur n'était pas crédible.

[19]      D'après mon examen du dossier qui a été soumis à la CISR et des motifs qu'elle a fournis, il me semble que si la CISR n'avait tenu aucun compte de l'entrevue initiale ou avait trouvé digne de foi l'explication donnée par le demandeur quant à l'omission de mentionner la manifestation de 1994, il y aurait quand même suffisamment de motifs pour justifier une conclusion négative sur la crédibilité. Il s'ensuit que rien ne me permet de modifier la conclusion de la CISR sur la crédibilité du demandeur, ni d'annuler sa décision.

[20]      L'avocat du demandeur a prétendu que l'espèce se prêtait à la certification d'une question en vertu du paragraphe 83(1). Il a libellé cette question en ces termes :

     [traduction] L'équité procédurale exige-t-elle qu'un requérant soit informé, avant l'entrevue d'admissibilité, du fait que les renseignements qu'il fournit lors de cette entrevue, de même que les autres documents préliminaires qu'il fournit à Immigration Canada, peuvent être portés à la connaissance de la Commission et pris en considération par celle-ci dans le cadre de l'examen de la revendication?         

[21]      À mon avis, aucune question grave de portée générale n'est soulevée en l'espèce.

[22]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                 " Karen R. Sharlow "

                                         Juge

Le 25 mars 1999

Calgary (Alberta)

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     Date : 19990325

     Dossier : IMM-2786-98

ENTRE :

     SEBSIBE HAILE ASFAW,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

     DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DU JUGEMENT

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :                  IMM-2786-98

INTITULÉ :                          SEBSIBE HAILE ASFAW c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :                  CALGARY (Alberta)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 24 mars 1999

MOTIFS DU JUGEMENT prononcés par madame le juge Sharlow le 25 mars 1999

COMPARUTIONS :

Charles R. Darwent                      pour le demandeur

Brad Hardstaff                          pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Charles R. Darwent                      pour le demandeur

Calgary (Alberta)

George Thomson                          pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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