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     T-1584-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 10 OCTOBRE 1997

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE J.E. DUBÉ

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

     L.R.C. (1985), ch. C-29

     ET un appel de la décision

     d'un juge de la citoyenneté

     ET HON LAM YIU,

     appelant.

     J U G E M E N T

     L'appel est rejeté.

                                

                             "J.E. DUBÉ"

     Juge

Traduction certifiée conforme         

                             Laurier Parenteau

     T-1584-96

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

     L.R.C. (1985), ch. C-29

     ET un appel de la décision

     d'un juge de la citoyenneté

     ET HON LAM YIU,

     appelant.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DUBÉ

     Le juge de la Cour de la citoyenneté a conclu que l'appelant respectait toutes les conditions pour obtenir la citoyenneté énoncées dans la Loi sur la citoyenneté (la Loi), à l'exception de la condition de résidence. En vertu de l'alinéa 5(1)c) de la Loi, une personne doit avoir résidé pendant au moins trois ans au Canada dans les quatre ans précédant immédiatement sa demande.

     Dans les quatre ans qui ont précédé sa demande, l'appelant n'a passé que 94 jours au Canada, et il a été absent 1 366 jours. Toutefois, la présence physique au Canada à plein temps n'est pas une condition de résidence essentielle. Ce principe a été clairement établi par le juge en chef adjoint Thurlow, tel était alors son titre, de la présente Cour, dans l'arrêt bien connu Papadogiorgakis1, dans lequel il déclare ceci à la page 214 :

     Une personne ayant son propre foyer établi, où elle habite, ne cesse pas d'y être résidente lorsqu'elle le quitte à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou même pour poursuivre des études. Le fait que sa famille continue à y habiter pendant son absence peut appuyer la conclusion qu'elle n'a pas cessé d'y résider. On peut aboutir à cette conclusion même si l'absence a été plus ou moins longue. Cette conclusion est d'autant mieux établie si la personne y revient fréquemment lorsque l'occasion se présente. Ainsi que l'a dit le juge Rand dans l'extrait que j'ai lu, cela dépend [TRADUCTION] "essentiellement du point jusqu'auquel une personne s'établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au lieu en question".         

     En l'espèce, l'appelant qui est né à Hong Kong le 1er décembre 1949, est arrivé au Canada le 17 août 1990 à titre d'immigrant ayant obtenu le droit d'établissement. Il était accompagné de sa femme et de ses deux enfants. Toutefois, il n'est demeuré que dix jours au Canada avant de retourner à Hong Kong. Pendant son bref séjour, il a établi sa famille dans une maison qu'il avait déjà achetée à Brampton (Ontario), inscrit ses enfants à l'école locale et ouvert un compte bancaire.

     L'appelant est un comptable accrédité qui est propriétaire d'un cabinet d'experts-comptables à Hong Kong, comptant quelque 20 employés, qu'il dirige lui-même. À Hong Kong, il vit avec sa mère, qui est très malade, et il en prend soin. Il a une soeur à Hong Kong qui s'occupe également de sa mère. Il prétend qu'il a eu de la difficulté à liquider son entreprise à Hong Kong parce que son successeur n'est pas encore membre de la corporation professionnelle dont il doit faire partie pour exploiter l'entreprise. L'appelant n'a fait aucun effort pour trouver de l'emploi comme comptable au Canada. Bien qu'il dise avoir l'intention de prendre sa retraite ici, il compte le faire avec ses économies et non pas en travaillant dans ce pays. Dans l'ensemble, la preuve indique que, même si l'appelant a maintenu des liens avec sa famille au Canada, ses liens personnels avec le Canada sont très fragiles.

     Comme l'a mentionné le juge en chef adjoint Thurlow dans l'affaire Papadogiorgakis ci-dessus, une personne qui a un foyer établi au Canada ne cesse pas d'y être résidente lorsqu'elle le quitte à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou même pour poursuivre des études. Dans l'affaire susmentionnée, le requérant s'absentait pour faire ses études aux États-Unis, alors qu'en l'espèce les longues absences de l'appelant sont justifiées par le fait qu'il travaille à Hong Kong.

     Comme j'ai déjà eu l'occasion de le déclarer dans l'affaire Siu Chung Hung relative à la citoyenneté2, "le lieu où réside une personne n'est pas celui où elle travaille, mais celui où elle retourne après avoir travaillé". Un demandeur de la citoyenneté qui élit domicile de façon évidente et définitive au Canada dans l'intention bien claire d'avoir des racines permanentes dans ce pays ne devrait pas être privé de la citoyenneté simplement parce qu'il doit gagner sa vie et celle de sa famille en travaillant à l'étranger.

     Toutefois, en l'espèce, après son travail l'appelant rentre chez sa mère à Hong Kong et non pas dans la maison où vivent son épouse et sa famille au Canada. Cela ne semble pas être une situation temporaire. Étant donné qu'il n'a fait aucun effort pour trouver du travail dans ce pays et qu'il n'est pas pressé de céder son entreprise à Hong Kong à quelqu'un d'autre, il n'y a pas de preuve d'une intention manifeste de maintenir ou même d'établir des racines au Canada à l'heure actuelle.

     Au cours de la période pertinente, il est venu au Canada plus en qualité de visiteur qu'en qualité de résident qui rentre chez lui. Son épouse et ses enfants sont déjà citoyens canadiens et il obtiendra, j'en suis certain, la citoyenneté canadienne le jour où il décidera réellement de faire du Canada son foyer personnel, et non pas simplement le foyer de sa famille.

     Par conséquent, l'appel est rejeté.

O T T A W A

le 10 octobre 1997

                                

                             "J.E. DUBÉ"

     Juge

Traduction certifiée conforme         

                             Laurier Parenteau

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :              T-1584-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Loi sur la citoyenneté c. Hon Lam Yiu

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 23 septembre 1997

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE DUBÉ

DATE :                  le 10 octobre 1997

ONT COMPARU :

Hon Lam Yiu                      EN SON PROPRE NOM

Peter K. Large                      AMICUS CURIAE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Peter K. Large                      AMICUS CURIAE

Toronto (Ontario)

__________________

1      [1978] 2 C.F. 208

2      T-394-95, le 26 janvier 1996, non publiée.

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