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Date : 20000906

Dossier : IMM-3803-99

Ottawa (Ontario), le 6 septembre 2000

En présence de Monsieur le juge Pinard

Entre :

PEI-YI HU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

O R D O N N A N C E

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l'agente des visas Denise Lamoureux datée du 6 mars 1998 est rejetée et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour qu'il statue à son tour sur celle-ci. Aucune circonstance extraordinaire ne justifie que les dépens soient adjugés en faveur du demandeur.

     « Yvon Pinard »     

    JUGE

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


Date : 20000906

Dossier : IMM-3803-99

Entre :

PEI-YI HU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision, datée du 6 mars 1998, dans laquelle l'agente des visas Denise Lamoureux du consulat général du Canada à New York a conclu que le demandeur faisait partie de la catégorie des personnes non admissibles, en vertu de l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, étant donné qu'il avait omis de satisfaire au paragraphe 22.2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-166, modifié. En conséquence, l'agente a rejeté la demande de résidence permanente au Canada du demandeur.


[2]         Le demandeur est un citoyen de la Chine. Le 7 février 1996, il a présentéune demande de résidence permanente au Canada.

[3]         Dans son formulaire de demande, le demandeur a déclaréque son adresse actuelle était à Terre Haute (Indiana) et que son adresse postale était a/s Morgen & Kevin, des consultants en immigration de Elmhurst (New York). En juillet 1996, le demandeur a déménagé. Le demandeur n'a pas avisé le bureau des visas de son changement d'adresse résidentielle.

[4]         Le 28 octobre 1997 ou vers cette date, le demandeur a retenu les services d'un avocat ontarien (M. Kabateraine). Dans une lettre datée du 3 novembre 1997, M. Kabateraine a avisé le bureau des visas qu'il était dorénavant le représentant du demandeur et lui a demandé de faire parvenir toute correspondance à l'adresse de son bureau de Toronto. La lettre comprenait une déclaration dans laquelle M. Kabateraine enjoignait au bureau des visas de lui communiquer tous les renseignements personnels concernant le demandeur, de même qu'un avis, signé par le demandeur, indiquant que son adresse postale était dorénavant celle du bureau de Toronto de M. Kabateraine. Les notes CAIPS qui ont été prises au sujet du demandeur ne contiennent aucune mention de ce changement d'adresse.

[5]         Le 24 novembre 1997, après avoir examiné le dossier, une agente d'immigration a décidé de rouvrir le cas en raison du lien qui existait entre le demandeur et les consultants Morgen & Kevin.


[6]         Une lettre datée du 12 décembre 1997 enjoignait au demandeur de se présenter à une entrevue qui aurait lieu au consulat général du Canada à New York, le 10 mars 1998. Le bureau des visas a envoyé la lettre à l'adresse résidentielle du demandeur à Terre Haute. La lettre est ultérieurement revenue au bureau des visas, car le demandeur ne vivait plus à cette adresse.

[7]         Le 6 mars 1998, Denise Lamoureux a examiné le dossier et l'a fermé. Voici ce qu'elle a écrit dans ses notes CAIPS :

[TRADUCTION] L'INTÉRESSÉ A ÉTÉ DÉBOUTÉ EN 1996 ET SON DOSSIER N'AURAIT PAS DÛ ÊTRE ROUVERT. EN OUTRE, NOUS NE POUVONS PAS COMMUNIQUER AVEC LUI CAR IL NE NOUS A PAS FOURNI UNE ADRESSE VALIDE ET IL NE PARAÎT PAS DIRE LA VÉRITÉ ÉTANT DONNÉ QUE LE IMM8 N'INDIQUE PAS VRAIMENT OÙ IL SE TROUVE. NOUS AVONS TENTÉ À PLUSIEURS REPRISES DE LUI FAIRE PARVENIR DE LA CORRESPONDANCE. IL LUI INCOMBE DE NOUS FOURNIR DES RENSEIGNEMENTS EXACTS. JE ME RETIRE. SI L'INTÉRESSÉ COMMUNIQUE AVEC NOUS, ENVOYER UN REFUS POUR ABSENCE DE SUIVI ET NE PAS AVOIR FOURNI LES DOCUMENTS REQUIS (VOIR PLUS HAUT) . . .

[8]         Le bureau de M. Kabateraine a envoyé une lettre datée du 23 mars 1999 au bureau des visas qui portait la mention « URGENT! » . Dans la lettre, M. James Zhu (un agent parajuridique) disait que le demandeur avait subi un examen médical conformément à ce qu'on lui avait demandé à la fin de 1996 et que depuis lors, il n'avait reçu aucune correspondance du bureau des visas. Monsieur Zhu a écrit que le bureau de M. Kabateraine avait envoyédeux télécopies, le 10 août 1998 et le 8 février 1999, et qu'il n'avait pas reçu de réponse.


[9]         Dans une autre lettre, datée du 18 juin 1999, M. Zhu a demandéau bureau des visas ce qu'il advenait du dossier du demandeur, soulignant que sa lettre du 23 mars 1999 était demeurée sans réponse. Monsieur Zhu a joint à cette lettre l'autorisation de communiquer des renseignements personnels qui avait été présentée au bureau des visas en 1997.

[10]       Monsieur James C. Gill, consul, a envoyé une lettre datée du 21 juin 1999 à M. Kabateraine (qui avait demandéce qu'il advenait du dossier du demandeur). Dans la lettre, M. Gill disait que Mme Lamoureux avait rejeté la demande du demandeur le 6 mars 1998, étant donné que ce dernier avait omis de donner son adresse. Dans la lettre, M. Gill disait que [TRADUCTION] « à lpoque, votre adresse [celle de M. Kabateraine] était aussi inacceptable, car nous n'avions pas reçu de preuve [sic] votre citoyenneté canadienne » .

[11]       À mon avis, les demandes de l'agente des visas visant à obtenir la preuve de la citoyenneté de l'avocat ne tenaient pas compte des Règles générales sur le traitement (les Règles générales) que contenaient le Guide de l'immigration du ministère. En refusant d'envoyer la correspondance à la nouvelle adresse postale qui lui avait été fournie par lettre et par le consentement que contenait une lettre datée du 3 novembre 1997, l'agente des visas a négligé de tenir compte des articles 3.2 et 12 des Règles générales, qui prévoient :

3. DEMANDES

3.2         N'importe qui peut présenter une demande n'importe où.

Les bureaux à ltranger sont tenus de donner suite aux demandes reçues de l'extérieur du territoire qu'ils desservent, y compris les demandes en provenance du Canada. La correspondance destinée aux requérants doit être envoyée à l'adresse postale indiquée sur l'IMM 0008. [...]

12. LOI SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

[...]

Aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels, il n'est pas interdit de communiquer avec un client à une adresse postale d'un tiers indiquée sur la demande. La personne dont l'adresse est indiquée sur la demande ne doit pas nécessairement être un citoyen canadien ou un résident permanent ou, dans le cas d'une entreprise, une entité constituée au Canada.


[12]       Bien que les agents des visas ne soient pas tenus de tenir compte des Règles générales du ministère en prenant leurs décisions, des lignes directrices comme celles que prévoient les articles 3.2 et 12 ont une importance réelle en ce qui concerne la question de savoir si la décision en cause dans la présente affaire était acceptable (voir Baker c. Canada (M.C.I.) (1999), 174 D.L.R. (4th) 193, le juge L'Heureux-Dubé, au paragraphe 72).

[13]       En outre, compte tenu du changement d'adresse postale que le demandeur a signé et que son avocat a fait parvenir au bureau des visas dans une lettre datée du 3 novembre 1997, les arguments du défendeur concernant la communication de renseignements personnels sont, dans une grande mesure, non pertinents, étant donné que la principale raison pour laquelle l'affaire a de nouveau été fermée était que les lettres enjoignant au demandeur de se présenter à une entrevue ont été renvoyées au bureau des visas depuis l'ancienne adresse postale de ce dernier.

[14]       Au paragraphe 6 de son affidavit, James Gill, consul du Canada à New York, déclare que le 18 décembre 1996, le ministère a refusé d'envoyer toute autre correspondance à Morgen & Kevin, les représentants du demandeur à New York à lpoque, car il avait des réserves au sujet des représentations erronées et frauduleuses que ceux-ci faisaient pour le compte de clients en général. Le gestionnaire du programme d'immigration a plutôt demandé aux agents des visas d'envoyer toute correspondance directement à l'adresse du domicile du demandeur. Comme le demandeur avait déménagé, il ne pouvait répondre à de telles lettres, et c'est pour cette raison que son dossier a initialement été fermé.


[15]       Après la réouverture du dossier par les agents des visas en novembre 1997, cependant, ni les notes CAIPS, ni l'affidavit de James Gill ne faisaient état de réserves en matière d'illégalité qui auraient justifié que l'on ne tienne pas compte du changement d'adresse signé que le demandeur avait fourni.

[16]       Compte tenu de ce qui précède, j'estime que le fait d'intentionnellement omettre de tenir compte du changement d'adresse en bonne et due forme que le demandeur a signé et d'insister plutôt pour envoyer ailleurs les lettres enjoignant au demandeur de se présenter à une entrevue constitue clairement une violation de l'obligation d'agir de façon équitable. Tenter par la suite d'invoquer le fait que le demandeur ne s'est pas présentéà une entrevue dont il ignorait nécessairement la tenue en raison de l'erreur du ministère ne saurait justifier la décision de l'agente des visas de fermer de nouveau le dossier pour cette raison. Cela est particulièrement vrai compte tenu des remarques des notes CAIPS susmentionnées selon lesquelles le [TRADUCTION] « DOSSIER N'AURAIT PAS DÛ ÊTRE ROUVERT » , remarques qui paraissent établir que l'agente des visas avait déjà pris sa décision avant d'examiner l'affaire.

[17]       Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l'agente des visas Denise Lamoureux datée du 6 mars 1998 est rejetée et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour qu'il statue à son tour sur celle-ci.


[18]       L'avocat du demandeur ne m'a pas convaincu que des circonstances extraordinaires justifiaient que des dépens soient adjugés dans la présente affaire.

     « Yvon Pinard »    

JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 6 septembre 2000.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                              IMM-3803-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Pei-Yi Hu c. Le ministre de la Citoyenneté et de                                                               l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 le 9 août 2000

MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE PINARD

EN DATE DU :                                   6 septembre 2000

ONT COMPARU :

M. Nkunda I. Kabateraine

Pour le demandeur

M. Martin E. Anderson

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Nkunda I. Kabateraine

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur

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