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Date : 20040210

Dossier : IMM-5305-02

Référence : 2004 CF 214

ENTRE :

                                                                  ERNO BADER

ERNONE BADER

NORBERT BADER

SZANDRA BADER

DORINA BADER

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

[1]                Les demandeurs, par leur demande, condamnent principalement la façon d'agir de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) en alléguant qu'elle fait preuve de partialité institutionnelle et systématique à l'endroit des revendicateurs du statut de réfugié d'origine rom. De plus, les demandeurs mettent en doute la partialité de l'agent chargé de la revendication (l'agent). Par conséquent, les demandeurs prétendent que l'analyse de leur revendication effectuée par la Commission est si faussée qu'elle n'est défendable ni quant aux faits ni quant au droit.


Les faits

[2]                Les demandeurs sont des citoyens rom de Hongrie. Ils sont entrés au Canada le 8 août 2000 et ils ont revendiqué le statut de réfugié le même jour. Leur revendication est fondée sur leur origine rom, sur leur crainte personnelle de persécution et sur la crainte de persécution qu'ont les Rom en Hongrie.

[3]                La Commission a rejeté la revendication présentée par les demandeurs au motif que la discrimination qu'ils avaient subie n'était pas d'un niveau suffisant pour constituer de la persécution. Le fait que le demandeur Erno Bader (le demandeur) soit retourné à plusieurs reprises en Hongrie était incompatible avec une crainte subjective. Les demandeurs n'ont pas réussi à démontrer qu'ils ne pouvaient pas obtenir une protection adéquate de l'État en Hongrie où le gouvernement tente de régler les questions touchant les Rom.

[4]                La Commission a clairement été influencée par le fait que le demandeur se soit rendu fréquemment en Allemagne pour y travailler au cours d'une période s'étendant sur dix ans, de 1990 à 2000. Il retournait ensuite en Hongrie en y rapportant l'argent qu'il avait gagné en Allemagne. Le demandeur n'a jamais demandé l'asile en Allemagne.


[5]                La Commission a conclu que cette forme de réclamation de la protection de l'État était incompatible avec une crainte bien fondée de persécution en Hongrie. Cette conclusion et la conclusion qui en résulte selon laquelle il n'y a pas de crainte subjective ne sont pas manifestement déraisonnables.

[6]                La Commission a en outre examiné des incidents auxquels avaient participé des skinheads, les mesures de réparation dont disposent les Rom et l'omission des demandeurs d'avoir utilisé de telles mesures.

[7]                La Commission a examiné les incidents sur lesquels s'appuyaient les demandeurs, y compris le fait qu'ils doivent payer les soins médicaux, le niveau de chômage des Rom et l'insuffisance de logements. La Commission a examiné toutes ces questions de façon individuelle et de façon cumulative.

[8]                La Commission a en outre examiné les éléments de preuve, tant ceux qui étaient favorables que ceux qui ne l'étaient pas, à l'égard de [TRADUCTION] « la situation dans le pays » ainsi que l'existence et le caractère adéquat de la protection de l'État.

[9]                Rien dans les documents qui ont été examinés par la Commission ou dans la façon selon laquelle elle a exercé ses fonctions ou a tiré ses conclusions ne m'apparaît être erroné. Cette conclusion mettrait fin dans la plupart des cas à la demande de contrôle judiciaire si ce n'était des allégations de partialité et de crainte raisonnable de partialité.

[10]            Les allégations de partialité systématique, de partialité ou de crainte raisonnable de partialité en résultant et d'ingérence politique sont des questions graves. De telles allégations seraient très graves s'il existait un fondement factuel ou une analyse juridique au soutien de ces allégations.

[11]            Les demandeurs prétendent que la Commission subit de la pression pour rejeter les revendications des Rom, notamment de la pression par l'ancien ministre. Il en résulte que la Commission était partiale ou qu'une personne raisonnable qui a connaissance de tous les faits et qui examine la question d'une manière objective aurait un doute raisonnable. Il faut, pour pouvoir tirer une conclusion à l'égard de cette allégation, examiner les faits qui sous-tendent les allégations.

[12]            Sur la question de la partialité institutionnelle, les demandeurs s'appuient sur un article de Ronald Lee intitulé « Post-Communism Romani Migration to Canada » qui soutient qu'Immigration Canada cherche délibérément à refuser le statut de réfugié aux Hongrois rom (voir le dossier de demande, à la page 156).

[13]            Un article, surtout s'il est rédigé par le directeur de la défense des intérêts du Roma Community and Advisory Centre, de Toronto, constitue difficilement une preuve suffisante de « motifs sérieux » permettant d'établir l'existence de partialité (voir l'arrêt R c. R.D.S., [1997] 3 R.C.S. 484).

[14]            Quant à la question de l'ingérence politique, les demandeurs s'appuient sur une déclaration faite par le ministre d'alors selon laquelle la Hongrie n'est pas [TRADUCTION] « un pays d'où proviennent beaucoup de réfugiés » . Les demandeurs, en se fondant sur cette déclaration et sur le fait que le gouvernement a utilisé comme causes types certaines décisions dont la preuve était peu convaincante, prétendent que la Commission subit une pression pour rejeter les revendications des Rom. En outre, étant donné que la Commission n'est pas un organisme indépendant du ministre, la Commission a cédé à la pression.

[15]            Donner foi à cette allégation reviendrait à accorder de façon inédite une valeur probante à la rumeur, à l'insinuation et à la conjecture.

[16]            Il existe au sein de la Commission les prérogatives de l'inamovibilité, de la sécurité financière et de l'indépendance à l'égard du contrôle administratif du ministre de façon à ce que soit satisfait le critère de l'indépendance institutionnelle énoncé par la Cour suprême du Canada dans de tels cas, entre autres dans l'arrêt R c. Lippe, [1991] 2 R.C.S. 114.

[17]            Les demandeurs n'ont pas fondé leur contestation sur l'alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés et ils n'ont pas non plus fourni d'éléments de preuve (autres que ceux mentionnés) ou d'arguments suffisamment importants pour que cette question soit examinée. Le fait que les commissaires doivent être renommés par le gouvernement n'établit pas, en soi, l'existence d'une partialité institutionnelle.

[18]            La prétention des demandeurs selon laquelle l'agent a outrepassé son rôle et a ainsi rendu l'instance partiale n'est pas une prétention valable. L'agent a signalé de nombreuses incohérences entre les déclarations et les documents. Cependant, tous les commentaires de l'agent ont été faits en vue de signaler à la Commission des problèmes quant à la crédibilité. L'agent n'est pas le décideur.

[19]            Peu importe quel a été son comportement, je ne peux pas conclure que l'agent a influencé la Commission au point où elle n'a pas tiré ses propres conclusions ou au point où elle a omis de tirer ses propres conclusions quant à la crédibilité.

[20]            Par conséquent, je suis d'avis que rien ne permet de conclure que la Commission ait fait preuve de partialité pas plus, en fait, qu'il existe une partialité institutionnelle ou une crainte raisonnable de partialité.

[21]            Étant donné que je suis d'avis que la conclusion selon laquelle les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention est bien fondée, il n'y a pas d'erreur susceptible de contrôle. La présente demande doit être rejetée.


[22]            Les parties ont mentionné qu'elles préféreraient examiner les questions aux fins de la certification après avoir reçu les présents motifs. Les deux parties peuvent soumettre des questions aux fins de la certification dans les sept jours de la date des présents motifs; elles auront ensuite quatre jours pour répondre aux observations de la partie adverse.

« Michael L. Phelan »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 10 février 2004

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-5305-02

INTITULÉ :                                       ERNO BADER, ERNONE BADER, NORBERT BADER,      SZANDRA BADER, DORINA BADER

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

                                                                             

LIEU DE L'AUDIENCE :                TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE MERCREDI 28 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                     LE MARDI 10 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

John Grice                                                                                POUR LES DEMANDEURS

Martin Anderson                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Davis & Grice

Toronto (Ontario)                                                                      POUR LES DEMANDEURS

Morris Rosenberg, c.r.

Sous-procureur général du Canada                                            POUR LE DÉFENDEUR


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