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     IMM-4355-96

     OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 30 OCTOBRE 1997

     EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

ENTRE :

     MOHAMMAD AHMAD,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     O R D O N N A N C E

     Pour les motifs ci-joints, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour décision.

                                 " Max M. Teitelbaum "

                                         Juge

Traduction certifiée conforme             

                                 Marie Descombes, LL.L.

     IMM-4355-96

ENTRE :

     MOHAMMAD AHMAD,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

     Le requérant, Mohammad Ahmad, demande le contrôle judiciaire de la décision d'une agente d'immigration portant refus de sa demande du droit d'établissement.

1.      FAITS

     Le requérant est un ressortissant du Pakistan qui travaille actuellement comme technicien numérique en Arabie Saoudite.

     Le 13 juin 1995, le requérant a présenté une demande de résidence permanente au Canada pour lui-même et trois personnes à charge à l'ambassade du Canada à Riyad, en Arabie Saoudite.

     Le 29 septembre 1996, Hanaa Shaalan, une agente d'immigration à l'ambassade du Canada à Riyad (l'agente), a fait subir une entrevue au requérant dans le but d'apprécier sa demande.

     En apprenant que le requérant avait deux beaux-frères qui ont la citoyenneté canadienne, l'agente a entrepris d'apprécier le requérant en tant que membre de la catégorie des parents aidés qui est définie au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 (le Règlement).

     Au cours de l'appréciation, l'agente est arrivée à la conclusion, à partir de la description que le requérant a faite de ses antécédents professionnels, qu'elle ne pouvait pas traiter la demande du requérant en fonction de l'emploi de réparateur de centrales électriques, soit l'emploi envisagé du requérant au Canada. Elle a conclu que, eu égard à la définition de réparateur de centrales électriques qu'on trouve dans la Classification canadienne descriptive des professions (la CCDP), elle n'était pas en mesure d'attribuer des unités d'appréciation à l'égard de l'" expérience " (facteur 3, colonne I de l'annexe I du Règlement).

     Après discussion, il a été décidé que le requérant pourrait être apprécié sous la rubrique professionnelle " vérificateur-régleur ". L'agente a attribué les points d'appréciation suivants au requérant à l'égard de l'emploi de vérificateur-régleur.

     Âge                              00

     Demande dans la profession              05

     Préparation professionnelle spécifique      15

     Expérience                          06

     Emploi réservé                      00

     Facteur démographique                  08

     Études                          13

     Anglais                          09

     Français                          00

     Points supplémentaires                  05

     Personnalité                      05

     Total                              66

     Le 30 septembre 1996, le conseiller Robert Shalka de l'ambassade du Canada à Riyad, qui n'a pas interviewé le requérant, a envoyé à ce dernier une lettre portant refus de sa demande. Cette lettre précisait au requérant qu'il n'avait pas obtenu le nombre minimum de points d'appréciation requis pour être admissible à l'immigration au Canada dans la " catégorie des immigrants indépendants ".

2.      MOYENS INVOQUÉS PAR LE REQUÉRANT

     Le requérant conteste presque tous les aspects de l'appréciation de l'agente. J'ai limité la présente partie à une analyse des points qui me paraissent importants.

2.1      Emploi envisagé du requérant

     Le requérant soutient que l'agente a commis une erreur en concluant qu'elle ne pouvait pas l'apprécier comme réparateur de centrales électriques. Pour être précis, le requérant prétend que l'agente n'a pas correctement apprécié son expérience professionnelle.

2.2      Calcul des points d'appréciation

     Dans son mémoire, le requérant affirme à plusieurs reprises que l'agente n'a tenu aucun compte, dans le calcul de plusieurs facteurs énumérés à l'annexe I du Règlement, de " certains " éléments de preuve favorables au requérant. Ces allégations ne reposent sur aucun élément de preuve. Le requérant paraît simplement exprimer son désaccord sur l'évaluation de la preuve faite par l'agente. En ce qui a trait au calcul des points d'appréciation, toutefois, le requérant soulève un point qui doit être examiné.

2.2.1      Personnalité

     Le requérant soutient que l'agente n'a pas correctement apprécié le facteur de la " personnalité " prévu à l'annexe I du Règlement. Plus précisément, le requérant soutient que l'agente a incorrectement tenu compte de l'âge du requérant dans son calcul de la personnalité.

2.3      Fonds suffisants

     Le requérant insiste sur le fait que l'agente a commis une erreur en concluant que le requérant n'avait pas assez d'argent pour soutenir l'établissement au Canada.

2.4      Immigrant indépendant ou parent aidé?

     Ainsi qu'il est mentionné plus haut, le requérant a été apprécié en tant que parent aidé (article 10 du Règlement), mais la lettre en date du 30 septembre 1996 portait refus de la demande du requérant parce que celui-ci n'était pas admissible dans la catégorie des immigrants indépendants (article 9 du Règlement). Par conséquent, le requérant soutient que l'agente et le conseiller ont commis une erreur de droit en refusant sa demande.

2.5      Lettre de refus (figurant à la page 11 du dossier du requérant)

     La lettre précise [TRADUCTION] " J'ai apprécié " et est signée par Robert Shalka, alors que l'entrevue et l'appréciation ont été faites par Hanaa Shaalan.

3.      ANALYSE - TROIS QUESTIONS LITIGIEUSES :

3.1      L'agente a-t-elle commis une erreur en concluant que le requérant ne pouvait pas être apprécié comme réparateur de centrales électriques?

     D'après la jurisprudence pertinente, un agent des visas a l'obligation d'apprécier une demande en fonction de l'emploi que le requérant a désigné comme celui pour lequel il possède les compétences voulues et qu'il est préparé à exercer au Canada1. De plus, un agent des visas a nettement l'obligation d'apprécier d'autres emplois inhérents à l'expérience professionnelle du requérant2. Un agent des visas doit examiner les aptitudes d'un requérant, son expérience professionnelle antérieure et la question de savoir s'il s'agit ou non d'une expérience dans les emplois envisagés3.

     La " liste des besoins par profession " que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration distribue aux agents des visas énumère les différents emplois en demande au Canada à un moment donné. Chaque emploi figurant sur cette liste est assorti d'un code de référence à la CCDP. La CCDP donne la définition acceptée pour chaque emploi. Celle de réparateur de centrales électriques (code 8584-130) est la suivante :

     Installe, règle et répare de l'équipement mécanique et des pièces de machines, telles que des génératrices, des turbines, des vannes et de la tuyauterie dans des centrales électriques:         
     Installe les machines et le matériel selon les dispositions de plans et de croquis, en se servant de palans, de chariots élévateurs, d'outils à main et mécaniques. Examine et écoute le matériel en fonctionnement pour repérer les anomalies. Démonte les machines et le matériel auxiliaire, tel que les compresseurs et la tuyauterie en suivant les instructions d'un manuel. Répare ou remplace les pièces défectueuses et remonte les machines et le matériel auxiliaire. Effectue des essais de rendement sur le matériel qui vient d'être réparé, en se conformant aux normes.         
     Peut fabriquer des pièces de rechange et des outils spéciaux pour le matériel. Peut se spécialiser dans la réparation de l'équipement mécanique d'un certain type de centrale et être désigné en conséquence, par exemple [...]4         

     Le requérant a remis à l'agente deux lettres de référence fournies par son employeur actuel. Ces deux lettres donnent des précisions sur les fonctions du requérant en tant que technicien numérique. L'agente a noté que les fonctions qui y sont décrites ne comprenaient pas l'installation de machines. Selon l'affidavit de l'agente, le requérant a finalement admis que son expérience professionnelle était inconciliable avec la définition de la CCDP.

     Le requérant soutient qu'il possède les compétences voulues comme réparateur de centrales électriques et qu'il n'a pas admis le contraire. Il reproche à l'agente de ne pas avoir apprécié son expérience professionnelle antérieure à cet égard. Il convient de mentionner que la description qu'il donne lui-même de l'expérience professionnelle qu'il a acquise avant d'occuper le poste qu'il occupe actuellement ne concorde pas avec la définition de la CCDP5.

     Bien que le requérant ait jugé bon de qualifier le point de vue de l'agente de [TRADUCTION] " hantise de la découverte du libellé exact de la définition de la CCDP "6, rien dans le dossier n'indique que l'agente n'a pas rendu sa décision conforme à l'obligation d'équité dont il vient d'être question.

3.2      L'agente a-t-elle commis une erreur dans son appréciation de la personnalité?
3.2.1      Fonds insuffisants

     Selon l'annexe I du Règlement, le facteur de la personnalité doit être évalué d'après la " faculté d'adaptation du requérant, sa motivation, son esprit d'initiative, son ingéniosité et autres qualités semblables ".

     Il convient de mentionner que les notes de l'agente qui sont consignées dans le Système informatisé de traitement des cas d'immigration (SITCI) et l'affidavit qu'elle a souscrit par la suite n'apportent guère d'éclaircissements sur la façon dont la personnalité du requérant a été appréciée. Toutefois, l'intimé reconnaît que le principal élément dont l'agente a tenu compte dans l'appréciation de ce facteur est ce qu'elle a considéré comme une insuffisance de fonds en vue d'un établissement au Canada. L'intimé se fonde sur l'observation suivante contenue dans les notes SITCI de l'agente :

     [TRADUCTION] De plus, vu l'âge du requérant et le fait qu'il n'a pas d'argent pour soutenir l'établissement, je pense que ses perspectives d'établissement sont très mauvaises. Refusé avec points7.         

     L'intimé prétend donc que l'agente n'a pas commis d'erreur dans son appréciation de la personnalité du requérant malgré les évaluations foncières et les attestations bancaires fournies par le requérant indiquant qu'il possède des biens immobiliers d'une valeur approximative de 45 000 $ au Pakistan et plus de 20 000 $ dans un compte bancaire en Arabie Saoudite8.

     Les notes SITCI de l'agente ne permettent pas vraiment de savoir si les mots " pas d'argent pour soutenir l'établissement " veulent dire que le requérant n'avait pas assez d'argent ou qu'il n'en avait pas du tout. L'affidavit de l'agente (onglet B du dossier de la demande de l'intimé) ne dit rien à ce sujet. Il ne fait toutefois aucun doute que dans le cas où l'agente a cru que le requérant n'avait pas d'argent, soit qu'elle s'est méprise sur la preuve soit qu'elle n'a pas fait confiance à la validité des attestations bancaires du requérant. Si cette dernière affirmation est exacte, alors peut-être que l'agente avait l'obligation de donner au requérant la possibilité de corriger cette impression9.

     Subsidiairement, si l'expression " pas d'argent pour soutenir l'établissement " veut dire pas que le requérant n'avait pas assez d'argent, et c'est ce que cette expression signifie selon moi, il faut alors se demander combien est assez. L'intimé fait remarquer que malgré la conclusion de l'agente concernant l'aspect monétaire, celle-ci a [TRADUCTION] " malgré tout attribué 5 des 10 points d'appréciation possibles "10. Un compte bancaire de 50 000 $ aurait-il permis d'attribuer 10 points d'appréciation? Bien que la jurisprudence invoquée par l'intimé sur ce point établisse que les critères de la faculté d'adaptation, de la motivation, de l'esprit d'initiative, de l'ingéniosité et d'autres qualités semblables sont conçus pour déterminer la capacité du requérant de gagner sa vie au Canada11, l'importance du compte d'épargne d'un requérant ne devrait être significative dans le contexte de l'appréciation de la personnalité que dans la mesure où ce compte permet peut-être de prévoir la réussite économique future au Canada12. En l'espèce, le fait que le requérant [TRADUCTION] " a quitté son pays de citoyenneté et a été capable de travailler pendant plus de douze ans dans un pays qui a des lois et des pratiques en matière d'emploi inhospitalières, c'est le moins qu'on puisse dire, envers les travailleurs étrangers " (Dossier de la demande du requérant, par. 23) est beaucoup plus représentatif de la capacité du requérant de gagner sa vie au Canada.

3.2.2      Âge

     Le paragraphe 54 du dossier de la demande de l'intimé est ainsi libellé :

     [TRADUCTION] Il semblerait qu'au cours de l'audience, le requérant a été incapable de démontrer à l'agente des visas qu'il possédait assez d'argent pour s'établir avec succès avec sa famille au Canada. Pris conjointement avec d'autres facteurs, ce fait a convaincu l'agente des visas que les perspectives d'établissement du requérant étaient mauvaises et portaient préjudice à sa personnalité.         

     (Non souligné dans l'original.)

     Comme la seule allusion aux " perspectives d'établissement " dans le dossier est le passage susmentionné des notes SITCI de l'agente, les " autres facteurs " mentionnés par l'intimé dans le paragraphe ci-dessus se réfèrent forcément à l'âge du requérant :

     [TRADUCTION] De plus, vu l'âge du requérant et le fait qu'il n'a pas d'argent pour soutenir l'établissement, je pense que ses perspectives d'établissement sont très mauvaises. Refusé avec points.         

     (Non souligné dans l'original.)

     Dans la mesure où l'âge a déjà été pris en considération dans le facteur I de l'annexe I du Règlement, l'agente semble avoir fait un double comptage, ce qui est normalement interdit13. Il semblerait que l'âge, comme d'autres facteurs mentionnés à l'annexe I, puisse uniquement être pris en considération à nouveau dans le contexte de la personnalité lorsqu'il se rapporte à la motivation du requérant et à son ingéniosité, entre autres choses14. L'intimé n'a pas démontré que c'était le cas.

3.3      Immigrant indépendant ou parent aidé?

     Comme il est mentionné plus haut, le requérant a été apprécié en tant que parent aidé. Conformément à l'alinéa 10(1)b) du Règlement, et sous réserve des exceptions, un parent aidé qui a l'intention de résider ailleurs qu'au Québec doit obtenir au moins 65 unités d'appréciation pour qu'un visa d'immigrant lui soit délivré :

     10. (1) Sous réserve des paragraphes (1.1) et (1.2) et de l'article 11, lorsqu'un parent aidé présente une demande de visa d'immigrant, l'agent des visas peut lui en délivrer un ainsi qu'aux personnes à sa charge qui l'accompagnent si les conditions suivantes sont réunies :         
     [...]         
     b) dans le cas du parent aidé qui entend résider au Canada ailleurs qu'au Québec, sur la base de l'appréciation visée à l'article 8, le parent aidé obtient au moins 65 points d'appréciation;         

     Sous réserve des exceptions, le sous-alinéa 9(1)b)(i) du Règlement dispose qu'un immigrant indépendant doit obtenir au moins 70 points d'appréciation pour qu'un visa d'immigrant lui soit délivré.

     9. (1) Sous réserve du paragraphe (1.01) et de l'article 11, lorsqu'un immigrant, autre qu'une personne appartenant à la catégorie de la famille, qu'un parent aidé ou qu'un réfugié au sens de la Convention cherchant à se réétablir, présente une demande de visa d'immigrant, l'agent des visas peut lui en délivrer un ainsi qu'à toute personne à sa charge qui l'accompagne si :         
     [...]         
     b) [...]         
     (i) dans le cas d'un immigrant, autre qu'un entrepreneur, un investisseur, ou un candidat d'une province, il obtient au moins 70 points d'appréciation,         

     La confusion qui règne en l'espèce tient au fait que dans la décision en date du 30 septembre 1996, le requérant a obtenu 66 points d'appréciation, ce qui est supérieur au minimum requis dans le cas d'un parent aidé. Toutefois, comme il est expliqué aux paragraphes 22, 23 et 24 du dossier de la demande de l'intimé :

     [TRADUCTION]         
     22.      À la fin de la page 1 de la décision en date du 30 novembre [sic] 1996, le calcul des points d'appréciation indique que cinq points supplémentaires ont été attribués au requérant. Ces cinq points supplémentaires lui ont été attribués parce qu'il appartient à la catégorie des parents aidés.         
     23.      En effet, comme le système informatique utilisé par les agents des visas ne reconnaît qu'une note de passage de 70 points d'appréciation (la note que doivent obtenir les requérants indépendants), tous les membres de la catégorie des parents aidés visés par l'alinéa 10(1)b) se voient attribuer cinq (5) points d'appréciation supplémentaires pour des raisons administratives. Ces cinq points supplémentaires visent à combler la différence entre les 65 points que doivent obtenir les membres de la catégorie des parents aidés et les 70 points reconnus comme note de passage par le système informatique.         
     24.      Par conséquent, le requérant a obtenu 61 points d'appréciation (sur les 65 points requis) et cinq points supplémentaires pour les raisons administratives susmentionnées.         

     L'intimé en déduit donc, de façon tout à fait raisonnable, que la présence de points supplémentaires dans le dossier du requérant tient uniquement au fait qu'il a été apprécié et refusé comme parent aidé. L'intimé reconnaît bien que la mention de la catégorie des immigrants indépendants dans la lettre de refus est incorrecte, mais soutient qu'il s'agit d'une simple erreur d'écriture qui n'a pas eu d'effet sur l'appréciation régulière du requérant en tant que membre de la catégorie des parents aidés. L'intimé invoque donc le principe qu'une erreur qui ne tire pas à conséquence ne vicie pas une décision15.

     Cela étant dit, il importe d'attirer l'attention sur le paragraphe 30 de l'affidavit de l'agente, qui est ainsi libellé :


     [TRADUCTION] Au moment de l'évaluation, je n'ai relevé aucun renseignement pouvant m'amener à croire qu'il convenait de délivrer un visa d'immigrant au requérant malgré le fait qu'il n'a pas obtenu les soixante-dix (70) points prescrits à l'article 9 du Règlement sur l'immigration de 1978.         

     L'agente a eu largement la possibilité de revoir son appréciation, mais elle confond une fois de plus les dispositions pertinentes du Règlement! Je conviens avec l'intimé que, d'après les faits, le requérant paraît avoir été apprécié et refusé comme parent aidé, mais le fait que l'agente ne voit toujours pas cette différence ajoute foi, dans une certaine mesure, à la prétention du requérant que l'agente comprenait et connaissait mal la Loi sur l'immigration et son règlement d'application.

3.4      Lettre de refus

     La lettre en date du 30 septembre 1996 avisant le requérant du refus de sa demande de résidence permanente est signée par Robert Shalka, " conseiller " à l'ambassade du Canada en Arabie Saoudite. En voici le libellé :

     [TRADUCTION] La présente se rapporte à votre demande de résidence permanente au Canada et à l'entrevue que vous avez subie le 12 mai 1996. J'ai maintenant terminé l'appréciation de votre demande et j'ai le regret de vous informer que j'ai déterminé que vous ne remplissez pas les conditions pour immigrer au Canada dans la catégorie des immigrants indépendants.         
     En vertu des paragraphes 8(1) et 9(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, modifié, les immigrants indépendants doivent être appréciés d'après chacun des facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I du Règlement. Ces facteurs sont les suivants : études, préparation professionnelle spécifique, expérience, demande dans la profession, emploi réservé et profession désignée, facteur démographique, âge, connaissance du français et de l'anglais, et, sur la base d'une entrevue, personnalité.         
     J'ai apprécié votre demande en tenant compte de l'emploi de vérificateur-régleur pour lequel vous possédez les compétences et l'expérience voulues, mais vous n'avez obtenu que 66 points d'appréciation dans cet emploi, ce qui est insuffisant pour que j'approuve votre demande. Voici la répartition des points d'appréciation qui vous ont été attribués :         
     Âge                              00         

     Demande dans la profession              05

     Préparation professionnelle spécifique      15

     Expérience                          06

     Emploi réservé                      00

     Facteur démographique                  08

     Études                          13

     Anglais                          09

     Français                          00

     Points supplémentaires                  05

     Personnalité                      05

     Total                              66

     Vous avez également demandé à être apprécié comme réparateur de centrales électriques. Toutefois, quand on vous a demandé à l'entrevue de donner des précisions sur vos tâches quotidiennes, vous n'avez pas donné une description exacte des tâches de cet emploi, et vous n'avez pas démontré que vous possédiez une expérience antérieure suffisante. Vous n'avez donc pas convaincu l'agente qui vous a interviewé que vous possédez une expérience dans ce domaine. Par conséquent, pour vous apprécier dans cet emploi, je n'ai pu attribuer aucun point à l'égard de l'expérience, ce qui a empêché tout traitement ultérieur de votre demande.         
     Vous n'avez pas obtenu le minimum requis de points d'appréciation pour être admissible dans la catégorie des immigrants indépendants (70). Je considère les points d'appréciation qui vous ont été attribués comme un reflet exact de votre capacité de vous établir avec succès au Canada.         
     Votre demande ne fait état d'aucun autre emploi pour lequel votre femme ou vous-même possédez les compétences et l'expérience voulues, et qui permettrait d'approuver votre demande.         
     Comme vous ne pouvez pas satisfaire aux critères de sélection applicables aux immigrants indépendants, vous appartenez à la catégorie des personnes qui ne sont pas admissibles au Canada prévue à l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration, et j'ai refusé votre demande. J'ai joint à la présente, à titre documentaire, des exemplaires des dispositions législatives et réglementaires mentionnées dans la présente.         
     J'ai également examiné d'éventuels facteurs d'ordre humanitaire. J'ai déterminé qu'il n'y a pas de raisons suffisantes qui justifient un examen spécial.         
     Je suis conscient que cette décision pourra vous décevoir et je regrette qu'elle ne puisse être favorable.         
     Robert Shalka         

     Conseiller

     La lecture de cette lettre permet aisément de conclure que c'est M. Shalka qui a interviewé le requérant, qui a fait l'appréciation concernant la question de l'emploi et qui a attribué les " points " à l'égard des facteurs énumérés dans la lettre.

     Cette conclusion est inexacte puisque c'est Mme Hanaa Shaalan qui a fait l'entrevue le 29 septembre 1996.

     Le fait que la lettre porte la signature de M. Shalka, et celui-ci précise qu'il a fait l'entrevue, ne vicie pas en soi le traitement de la demande, mais ce fait ainsi que le " double comptage " et la question du montant nécessaire pour devenir autosuffisant invalident le traitement de la demande.

     La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour décision.

     Les deux parties m'ont avisé qu'il n'y a pas de question à certifier.

                                 " Max M. Teitelbaum "

                                         Juge

OTTAWA

Le 30 octobre 1997

Traduction certifiée conforme             

                                 Marie Descombes, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :                  IMM-4355-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :              MOHAMMAD AHMAD c.
                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
                             ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 27 octobre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

EN DATE DU 30 octobre 1997

ONT COMPARU :

M. Emile Jean Bakarat                  POUR LE REQUÉRANT

M. Daniel Latulippe                      POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Emile Jean Bakarat                  POUR LE REQUÉRANT

Montréal (Québec)

M. George Thomson                      POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général

du Canada

__________________

     1      Gaffney c. Canada (M.E.I.), (1991) 12 Imm. L.R. (2d) 185, 121 N.R. 256, 40 F.T.R. 79.

     2      Li c. Canada (M.E.I.), (1990) 9 Imm. L.R. (2d) 263 (C.F. 1re inst.).

     3      Dhaliwal c. Canada (M.E.I.), (1992) 16 Imm. L.R. (2d) 212 (C.F. 1re inst.) et Hung c. Canada (Procureur général), (23 sept. 1994) IMM-3968-93 (C.F. 1re inst.).

     4      Dossier de la demande du requérant, p. 35.

     5      [TRADUCTION] " Mon travail consistait à réparer les génératrices, compresseurs et accessoires. " Affidavit du requérant, par. 43.

     6      Réponse du requérant, par. 11.

     7      Dossier de la demande de l'intimé, p. 27.

     8      Voir les pp. 23 et 31 de documents communiqués par le requérant par application de la règle 1612 des Règles de la Cour fédérale et le dossier de la demande de l'intimé, p. 10.

     9      Fong c. Canada (M.E.I.), (1990) 11 Imm. L.R. (2d) 205, et Dhaliwal c. Canada (M.E.I.), supra.

     10      Dossier de la demande de l'intimé, par. 54.

     11      Hemani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 37 Imm. L.R. (2d) 76, et Chen c. Canada (M.E.I.), [1995] 1 R.C.S. 725.

     12      Dans l'affaire Ping c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1997] A.C.F. no 53, par. 5, le juge en chef adjoint Jerome déclare :
             Je conclus que le fait que la requérante possède environ 760 000 $ canadiens a été pris en compte par l'agente pour déterminer si la requérante avait les moyens de subvenir à ses besoins pendant un certain temps et que cela pourrait révéler une certaine ingéniosité de la part de la requérante. Toutefois, la requérante n'a pas démontré pourquoi le fait d'être en possession de cet argent, par lui-même, mérite une note plus élevée au facteur de la personnalité.
         Dans l'affaire Syed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996) 35 Imm. L.R. (2d) 157, par. 11, le juge Simpson déclare :
             [I]l est raisonnable de supposer, en l'absence d'une explication satisfaisante, qu'une personne, se trouvant dans la même situation que le requérant et n'ayant pas d'actifs, éprouve des problèmes de motivation. En l'espèce, le requérant a eu l'occasion d'expliquer l'absence d'actif mais il n'a pas fourni d'explication satisfaisante.

     13      Zeng c. Canada (Ministre de l'Emploi et de la Citoyenneté) (1991), 12 Imm. L.R. (2d).

     14      Ping c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1997] A.C.F. no 53, et Stefan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 35 Imm. L.R. (2d) 21, par. 5.

     15      Bastanfar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996) 35 Imm. L.R. (2d) 29.

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