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Date : 19990107


Dossier : T-2015-89

ENTRE


MURRAY MACKAY,


demandeur,


et


SCOTT PACKING AND

WAREHOUSING CO. (CANADA) LTD.,


défenderesse.


MOTIFS DU JUGEMENT SUPPLÉMENTAIRE

LE JUGE GIBSON

CONTEXTE

[1]      Les présents motifs découlent d"une audience visant à permettre de fixer le montant des dommages-intérêts et de régler la question des dépens. L"audience a été tenue dans le cadre d"une référence effectuée en vertu des articles 500 à 507 des Règles de la Cour fédérale1. L"historique de l"affaire est long et plutôt complexe. J"en donnerai ici un bref résumé.

[2]      Le 24 novembre 1987 ou vers cette date, le demandeur a conclu avec la défenderesse un contrat en vue de faire emballer et enlever le contenu de son appartement, à Toronto, ainsi que certains autres articles pour les envoyer à sa nouvelle résidence, à Londres, en Angleterre. Les effets qui devaient être déménagés comprenaient des antiquités de valeur et des oeuvres d"art.

[3]      Le déménagement ne s"est pas bien déroulé. Certains articles n"ont jamais été livrés. D"autres ont été livrés en mauvais état.

[4]      Le demandeur a intenté la présente action en dommages-intérêts par suite de la perte et du dommage subis. La déclaration a été déposée le 27 septembre 1989.

[5]      J"ai rendu le jugement suivant en faveur du demandeur le 31 mars 19943 :

         La Cour condamne la défenderesse à payer au demandeur les dommages-intérêts calculés suivant la clause limitative de responsabilité qui, comme il a été conclu dans les motifs du présent jugement, fait partie du contrat conclu entre les parties. Ce contrat, conclu vers le 24 novembre 1987 stipulait que la défenderesse devait déménager les effets du demandeur de Toronto (Ontario) à Londres, en Angleterre.

[6]      Par conséquent, même si le demandeur a eu gain de cause dans l"action qu"il avait intentée contre la défenderesse, le fait que le montant des dommages-intérêts devait être calculé conformément à la clause contractuelle limitative de responsabilité limitait de beaucoup le montant que le demandeur recouvrerait par rapport au montant demandé, ou pouvait du moins limiter pareil montant.

[7]      J"ai conclu mes motifs de jugement comme suit4 :

         La défenderesse n'a pas rempli ses obligations envers le demandeur de par la manière dont elle a emballé, inventorié, étiqueté et déménagé les effets du demandeur, de sorte que plusieurs de ces effets ont été perdus ou endommagés. Cependant, la défenderesse peut invoquer la clause limitative de responsabilité qui faisait partie du contrat entre le demandeur et la défenderesse Scotpac. La défenderesse doit payer au demandeur des dommages-intérêts calculés conformément à la clause limitative de responsabilité du contrat. Si les parties sont incapables de s'entendre sur le montant des dommages-intérêts ainsi calculés, l'une ou l'autre d'entre elles peut demander des directives à la Cour après avoir préalablement donné un avis à l'autre partie de son intention de le faire.
         Le demandeur a droit aux intérêts antérieurs et postérieurs au jugement au taux et selon les modalités de calcul convenus entre les parties. Si les parties ne peuvent s'entendre, l'une ou l'autre d'entre elles, en donnant avis à l'autre, peut présenter des observations écrites à la Cour et des directives seront fournies.
         Pour ce qui est des dépens, vu l'issue du litige, j'estime que chaque partie doit assumer ses propres frais. Cependant, si l'une ou l'autre des parties veut présenter des observations écrites à cet égard, son avocat devrait en informer la Cour en donnant avis à l'autre partie et des directives seront fournies.

[8]      Le demandeur a interjeté appel contre le jugement. L"appel a été rejeté avec dépens. Toutefois, le jugement de la Cour d"appel comprenait le paragraphe suivant :

         Toutefois, l'affaire est renvoyée au juge de première instance pour le règlement des questions qu'il reste à examiner afin de déterminer le montant que l'intimée peut recouvrer du requérant et de rendre le jugement définitif.

[9]      Les parties n"ont pas pu s"entendre sur le montant des dommages-intérêts et des intérêts et sur la question des dépens.

[10]      Le demandeur a demandé à la Cour de donner des directives, avec une ébauche d"ordonnance proposant la tenue d"une audience au cours de laquelle les avocats débattraient sur le plan du droit, compte tenu de la preuve déjà versée au dossier à la clôture de l"audience, la question de savoir si le demandeur devait recouvrer le plein montant de la perte qu"il avait subie selon le jugement et dont la défenderesse avait été tenue responsable ou si la responsabilité de la défenderesse pouvait être limitée par l"application d"une limitation contractuelle ou légale et, dans l"affirmative, la question de savoir quel était le montant de cette responsabilité limitée. Après l"audience, j"ai ordonné, conformément à l"article 500 des Règles de la Cour fédérale , que l"affaire me soit renvoyée pour que je tranche la question de fait suivante :

         [TRADUCTION]
         Le montant des dommages-intérêts que la défenderesse doit verser au demandeur, calculés suivant la clause limitative de responsabilité figurant dans le contrat que ceux-ci ont conclu entre eux vers le 24 novembre 1987 et selon lequel la défenderesse devait transporter les effets du demandeur de Toronto (Ontario) à Londres, en Angleterre.

Dans l"ordonnance, j"énonçais également une série de mesures procédurales menant à l"audition de la référence. Les mesures ordonnées visaient :

         [TRADUCTION]
         [....] à assurer que les questions non réglées par suite de l"audience et du jugement rendu en l"espèce soient réglées définitivement d"une façon aussi expéditive que l"équité et la justice l"exigent [...]

[11]      Le demandeur a interjeté appel contre cette ordonnance. L"appel a été rejeté avec dépens. Par conséquent, le 30 octobre 1998, l"audition de la référence a en fin de compte eu lieu devant moi.

LA LIMITATION CONTRACTUELLE

[12]      Le préambule des conditions du contrat et la condition 7 (la clause de limitation de responsabilité) se lisent en partie comme suit :

         [TRADUCTION]
         Conditions auxquelles le travail seul est effectué, et auxquelles les biens sont enlevés, emballés, entreposés, ou expédiés par scott packing & warehousing company limited, ayant son principal établissement à Kilsyth Road, Kirkintilloch (ci-après appelée "la Compagnie"). Les personnes avec qui la Compagnie fait affaire conformément aux présentes conditions sont ci-après appelées "le Client".
         [...]
         7.      Responsabilité de la compagnie
             biens perdus ou endommagés - Le Client assume tous les risques de perte ou de dommage pendant le transport et pendant que les biens sont entreposés, et la Compagnie n'engage pas sa responsabilité en cas de perte des biens, de défaut de les produire ou de dommage à ceux-ci (causé de quelque manière que ce soit); en conséquence, aucune réclamation ne pourra être faite à la Compagnie à l'égard de la perte d'un bien, du défaut de le produire ou d'un dommage qui lui est causé, de quelque manière que ce soit. En particulier, mais sans restreindre la portée générale de ce qui précède, la Compagnie n'engagera pas sa responsabilité pour une perte, un défaut de produire ou un dommage causé, de quelque manière que ce soit :
             (i)      par un incendie;
             (ii)      par une guerre, une invasion, des actes d'ennemis étrangers, des hostilités (qu'il y ait ou non déclaration de guerre), une guerre civile, une rébellion, une insurrection ou un coup d'État, une usure normale ou une détérioration graduelle, des fuites, des déficiences, des biens périssables ou susceptibles de fuir, des cas de force majeure ou des causes indépendantes de la volonté directe de la Compagnie ou attribuables aux actes de tierces parties, qu'ils soient de nature criminelle ou autre;
             (iii)      par la vermine, les animaux nuisibles ou les insectes, notamment les mites;
             (iv)      découlant d'un processus de nettoyage, de réparation ou de restauration, à moins que le nettoyage, la réparation ou la restauration des biens n'ait été effectué par la Compagnie elle-même, à la demande (par écrit) du client;
             (v)      aux articles qui se trouvent dans les armoires, les tiroirs, les paquets, les caisses ou autres contenants n'ayant pas été emballés et déballés par les employés de la Compagnie;
             (vi)      aux bijoux, montres, bibelots, pierres précieuses, etc., à l'argent, aux titres, valeurs, timbres, pièces de monnaie ou collections de toute sorte ou aux animaux;
             (vii)      lorsque des biens sont enlevés de lieux non surveillés, qu'ils y sont livrés ou lorsque des tiers sont présents;
             (viii)      s'il est prouvé que la perte ou le dommage a été causé par un vice caché des biens;
             (ix)      si le Client n'avise pas la Compagnie, avant le début du contrat, de la valeur d'articles dont le montant est supérieur à 1000 ".
             Sous réserve de ce qui précède, la responsabilité de la Compagnie, le cas échéant, en cas de perte, de dommage ou de défaut de produire, causé de quelque manière que ce soit, à l'égard de tous les biens confiés à la Compagnie par le Client, qu'ils soient en la possession de la Compagnie dans l'exécution du contrat ou autrement, sera assujettie à la limitation suivante :
             a)      une somme calculée au taux de 10 " sterling du pied cube du volume de l'article perdu ou endommagé ou, au seul gré de la Compagnie, le coût de réparation ou de remplacement de l'article endommagé ou manquant;
             b)      en ce qui a trait aux articles faisant partie d'une paire ou d'un ensemble, la responsabilité de la Compagnie est calculée d'après le volume de la pièce ou des pièces en particulier ainsi perdues ou endommagées, sans tenir compte de la valeur spéciale que ces articles peuvent avoir en tant qu'élément de la paire ou de l'ensemble.
         Toutefois, dans la mesure du possible, la Compagnie transférera au Client tout droit qu'elle pourrait avoir à l'encontre d'une compagnie ou autorité ferroviaire, maritime, portuaire ou de transports, ou d'une autre compagnie, relativement aux biens; cependant, la Compagnie ne se porte pas garante de l'existence d'un tel droit.
         [...]
         La limitation de responsabilité stipulée dans cette clause sera rajustée, le 1er janvier de chaque année, du pourcentage représenté par l'accroissement annuel en pourcentage de l'indice des prix au détail publié par l'imprimeur de Sa Majesté ou toute autre publication officielle qui en tient lieu. Cet accroissement en pourcentage sera calculé d'après l'indice des prix au détail au 1er janvier 1980.

[13]      Ni l"une ni l"autre des parties n"a soutenu que les limitations absolues figurant au début du paragraphe 7 et aux alinéas 7(i) à (ix) s"appliquent. Elles ont plutôt convenu, du moins tacitement, que les mots qui suivent l"alinéa (ix) s"appliquent. La responsabilité est donc limitée à 10 " le pied cube du volume des articles perdus ou endommagés ou, au seul gré de la défenderesse, au coût de réparation ou de remplacement de tout article perdu ou endommagé. Il n"a pas été contesté devant moi que le rajustement, en ce qui concerne la limitation de 10 " le pied cube, prévue au dernier paragraphe précité de la clause de limitation s"applique.

LES POINTS LITIGIEUX

[14]      Sous réserve d"une question préliminaire sur laquelle je reviendrai bientôt, les questions ci-après énoncées ont été soulevées devant moi :

     (1)      Les articles perdus ou endommagés à l"égard desquels la défenderesse avait en fait décidé de payer les frais de réparation ou de remplacement et le montant en résultant;
     (2)      La limitation rajustée de responsabilité;
     (3)      Le volume des articles perdus ou endommagés à l"égard desquels il a été décidé de ne pas payer les frais de réparation ou de remplacement;
     (4)      Le montant des dommages-intérêts en résultant;
     (5)      Le calcul des intérêts avant et après jugement;
     (6)      La conversion en monnaie canadienne;
     (7)      Les dépens.

POSITIONS DES PARTIES ET ANALYSE

     a)      La question préliminaire

[15]      Dans les motifs du jugement6 qui a été rendu dans le deuxième appel susmentionné, Monsieur le juge Létourneau a dit ceci :

         Toute cette histoire, qui a débuté en 1989, a duré assez longtemps. Idéalement, comme la Cour d'appel l'a dit dans sa décision de décembre 1995, le juge de première instance aurait dû trancher la question des dommages-intérêts en même temps que celle de la responsabilité, mais il ne l'a pas fait, et nous devons maintenant composer avec cette situation. La clause de limitation de la responsabilité est liée au cubage des articles perdus ou endommagés. Même si ces articles semblent avoir été identifiés, le dossier ne renferme aucun élément de preuve indiquant le cubage spécifique de chacun d'eux.
         Par ailleurs, il appert de la preuve que les marchandises de l'appelant ont été placées dans un conteneur de vingt pieds et que certaines marchandises qui restaient ont été chargées plus tard dans un autre conteneur en même temps que les articles de neuf autres personnes. Sous réserve de l'obligation du juge de première instance d'évaluer, dans le deuxième conteneur, l'espace occupé par les marchandises de l'appelant, la capacité cubique de ces conteneurs permettrait certainement de déterminer la limite maximale de la responsabilité de l'intimée selon la clause. Il appert également du dossier que ce ne sont pas tous les articles qui ont été perdus ou endommagés. Le juge de première instance serait donc tenu de déterminer arbitrairement les dimensions de chaque article pour fixer la capacité cubique totale en litige selon la clause de limitation de la responsabilité et il est presque certain qu'un troisième appel sera présenté, cette fois-ci au sujet du montant des dommages-intérêts.
         À notre avis, compte tenu des circonstances particulières de la présente affaire, il n'est pas dans l'intérêt de la justice de laisser le juge de première instance aux prises avec le dossier existant, étant donné, surtout, qu'il avait laissé la question ouverte et sujette à d'autres directives pour le cas où les parties ne pourraient s'entendre sur le montant des dommages-intérêts. Selon nous, il a le droit de prendre les mesures nécessaires pour fixer de façon satisfaisante le montant des dommages-intérêts aux termes de la clause de limitation de la responsabilité.

[16]      Conformément à ce qui précède et aux directives que j"ai données au sujet de la référence, le demandeur et la défenderesse ont tous deux produit une preuve par affidavit au sujet du volume des effets qui ont été perdus ou endommagés; j"avais ces affidavits à ma disposition lors de la référence ainsi que les transcriptions des contre-interrogatoires y afférents. Je reviendrai plus loin sur la question de la preuve par affidavit.

[17]      L"avocat du demandeur a soutenu que la défenderesse n"avait pas présenté d"éléments de preuve factuels mais plutôt une preuve sous forme d"opinion au sujet du volume des effets perdus ou endommagés. Cette allégation n"est pas contestée.

[18]      Une estimation du volume de tous les effets du demandeur qui devaient être expédiés, y compris les effets perdus et endommagés, a été préparée au cours des discussions qui ont abouti à la conclusion du contrat. Cette estimation a été faite au moyen d"un inventaire dressé par la défenderesse, lequel a été jugé " tout à fait inadéquat " dans les motifs que j"ai initialement prononcés.

[19]      La preuve par affidavit qui a été présentée pour le compte de la défenderesse en ce qui concerne le volume estimé des effets perdus ou endommagés était également, comme on l"a soutenu pour le compte du demandeur, tout à fait inadéquate.

[20]      L"avocat du demandeur a soutenu qu"étant donné qu"à son avis c"est la défenderesse qui invoque la clause de limitation, la défenderesse aurait dû mesurer le volume de chacun des effets du demandeur et qu"étant donné qu"elle ne l"a pas fait, je devrais conclure qu"elle n"a pas prouvé quel était ce volume en vertu de la clause de limitation. Il a donc soutenu que je devrais accorder au demandeur en vertu de la clause de limitation le montant total des dommages-intérêts demandés. À l"appui, l"avocat du demandeur cite la décision New York Central Railroad Company v. Siegel7. Le sommaire de cette décision se lit comme suit :

         [TRADUCTION]
         Lorsqu"une société ferroviaire limite sa responsabilité, à titre de transporteur, à l"égard du transport de meubles à soixante-cinq cents la livre, si les articles sont livrés en mauvais état, il incombe à la société d"établir le poids des meubles endommagés. À défaut de ce faire, la Cour accordera le montant des dommages-intérêts subis conformément à la common law.

[21]      L"examen des motifs énoncés par la Cour du Banc du Roi, qui ont été prononcés en français et dont la version anglaise ne m"a pas été remise, montre qu"il est possible de distinguer les faits de cette affaire-là. En effet, des marchandises faisant l"objet d"un contrat de transport avaient été endommagées. Rien ne montre que des marchandises aient été perdues et l"on peut donc supposer qu"après que le dommage a été causé, les marchandises endommagées pouvaient néanmoins être mesurées ou pesées. Le demandeur réclamait les frais de réparation. Rien ne montre qu"il ne lui était pas loisible de le faire. La Cour du Banc du Roi a confirmé un jugement qui avait été rendu en faveur du demandeur au montant demandé, en l"absence d"une preuve concernant la valeur des marchandises en vertu de la clause de limitation de responsabilité fondée sur le poids. En l"espèce, il existe une preuve au sujet du volume des effets perdus et endommagés. La défenderesse et le demandeur m"ont tous les deux fourni une preuve à cet égard, quoique sous la forme d"estimations. Le demandeur peut bien contester, comme il l"a fait, la qualité et la fiabilité de la preuve présentée par la défenderesse à cet égard, mais je n"irai pas plus loin et il me reste à apprécier la preuve et à arriver à une conclusion au sujet du volume.

[22]      Étant donné les jugements et ordonnances qui ont été rendus en l"espèce, tant en première instance qu"en appel, j"estime qu"il ne m"est pas loisible de déterminer maintenant simplement le volume des effets perdus et endommagés de façon à en arriver à un montant égal au montant réclamé par le demandeur au titre des dommages-intérêts. Même la preuve présentée par le demandeur n"étayerait pas pareille détermination. Par conséquent, même s"il m"était loisible de faire pareille détermination, je refuse de le faire.

     b)      La détermination du montant du jugement
     (1)      Les articles perdus ou endommagés à l"égard desquels la défenderesse a en fait décidé de payer les frais de réparation ou de remplacement

[23]      Dans l"affidavit présenté par la défenderesse, qui portait principalement sur la question du volume des effets perdus et endommagés, le déclarant, Vincent Parry, atteste que [TRADUCTION] " [s]elon les estimations [du demandeur] et les conditions de la clause de limitation de responsabilité, la défenderesse pourrait à son gré payer [au demandeur] les frais de réparation ou de remplacement de [quatre articles dont le coût de réparation ou de remplacement total était de 67,50 "] ". Il ressort clairement de l"affidavit que la défenderesse a décidé de payer les frais de réparation ou de remplacement à l"égard de ces articles. Je ne dispose d"aucun autre élément de preuve au sujet du choix que la défenderesse pouvait faire. Dans l"affidavit que le demandeur a produit en réponse (l"affidavit MacKay), figure le paragraphe suivant :

         [TRADUCTION]
         2.      Il ressort clairement de l"affidavit de M. Parry que ce dernier ne travaille plus pour la défenderesse et qu"il n"est donc pas en mesure de prendre des décisions au nom de la défenderesse. Cela étant, et parce que la défenderesse n"a jamais invoqué, que ce soit directement devant moi ou dans le dossier, le choix qu"elle seule pouvait faire en vertu de la clause 7 relative à la responsabilité de la compagnie [...] [condition du contrat] de payer, à la place " du coût de réparation ou de remplacement de l"article endommagé ou manquant une somme calculée au taux de 10 " sterling du pied cube du volume de l"article perdu ou endommagé [...] " toute limitation dont il est en dernier ressort tenu compte doit uniquement être fondée sur le volume.

[24]      Bien que le paragraphe précité de l"affidavit MacKay constitue clairement une plaidoirie et ne puisse faire l"objet d"un affidavit et, bien que l"argument invoqué dans ce paragraphe n"ait pas par ailleurs été repris dans la documentation que le demandeur a produite devant moi lors de l"audition de la référence ou dans les plaidoiries orales qui ont été présentées pour le compte du demandeur, j"adopte le raisonnement qui y est fait. La défenderesse ne s"est jamais prévalue de la possibilité qu"elle avait de payer les frais " de réparation ou de remplacement " en vertu de la clause de limitation, ce qui aurait été en sa faveur, du moins en ce qui concerne les articles en question. Je conclus donc que ces articles doivent être évalués en vertu de la clause de limitation sur la base de leur volume.

     (2)      La limitation rajustée de responsabilité

[25]      Lors de l"audition de la référence, la défenderesse a produit un bref calcul indiquant que la limite de 10 ", rajustée conformément au dernier paragraphe de la clause de limitation précitée, donne un montant de 22,72 ". Ce chiffre rajusté a été adopté dans les plaidoiries pour le compte de la défenderesse et a été accepté pour le compte du demandeur. Je conclus que la limitation appropriée en vertu de la clause de limitation est de 22,72 " le pied cube du volume des effets perdus et endommagés.

     (3)      Le volume des articles perdus ou endommagés à l"égard desquels il a été décidé de ne pas payer les frais de réparation ou de remplacement

[26]      Comme je l"ai déjà dit dans ces motifs, j"ai conclu que la défenderesse ne s"était pas prévalue d"une façon efficace de la possibilité de payer les frais de réparation ou de remplacement à l"égard des effets perdus ou endommagés.

[27]      Dans l"affidavit qu"il a produit pour le compte de la défenderesse (l"affidavit Parry), M. Parry estime à 112,5 pieds cubes le volume des marchandises perdues ou endommagées autres que celles à l"égard desquelles la défenderesse invoque la possibilité de payer les frais de réparation ou de remplacement. Compte tenu de l"affidavit Parry, il est reconnu que M. Parry a estimé à 39 pieds cubes le volume des effets à l"égard desquels la défenderesse s"est prévalue d"une façon inefficace de la possibilité de payer les frais de réparation ou de remplacement. En outre, lors de l"audition de la référence, l"avocat de la défenderesse a reconnu que, dans l"affidavit Parry, il n"a pas été tenu compte d"effets dont le volume avait été estimé, dans l"affidavit MacKay, à 17 pieds cubes. Par conséquent, il est estimé pour le compte de la défenderesse que le volume des effets perdus ou endommagés est de 168,5 pieds cubes et qu"il faudrait se fonder sur ce volume pour déterminer le montant des dommages-intérêts en vertu de la clause de limitation.

[28]      Selon l"affidavit MacKay, l"avocat du demandeur et le demandeur ont remis en question les compétences de M. Parry en ce qui concerne l"estimation du volume, quelle qu"elle soit, et ont en outre remis en question le bien-fondé de l"estimation obtenue. Compte tenu de l"affidavit MacKay et selon ce que l"avocat a dit lors de l"audition de la référence, il est soutenu qu"un volume équivalent au volume total des effets expédiés, ou au moins un volume de 700 pieds cubes, devrait être retenu. Il est en outre soutenu qu"en l"absence d"une preuve de la part de la défenderesse, et aucune preuve n"a été présentée, au sujet de la partie du conteneur excédentaire qui était consacrée aux effets du demandeur, je devrais considérer que le volume total des effets du demandeur est le volume total du conteneur strictement consacré à ces effets plus le volume total du conteneur excédentaire. Je rejette carrément ce dernier argument. Il ressort clairement de la preuve qui a été présentée à l"audience que seule une partie du conteneur excédentaire était consacrée aux effets du demandeur. En outre, il ressort également de la preuve que les effets du demandeur n"ont pas tous été perdus ou endommagés.

[29]      Il ressort clairement de l"affidavit Parry que M. Parry avait une longue expérience en ce qui concerne l"estimation du volume d"articles ménagers. Ceci dit, on ne sait pas trop dans quelle mesure il avait de l"expérience en ce qui concerne l"estimation d"antiquités et je suis prêt à reconnaître que ces articles, dans la mesure où il s"agit d"articles ménagers, comme c"était en général ici le cas, sont plus gros que des meubles équivalents plus modernes.

[30]      Ceci dit, l"avocat du demandeur me signale que dans les motifs que j"ai prononcés à la suite de l"audience, j"ai reconnu, comme l"a fait l"avocat de la défenderesse à l"audience, que le demandeur est un expert en matière d"évaluation d"antiquités et d"oeuvres d"art décoratif et qu"il " n"était pas un novice ". J"ai également reconnu dans mes motifs que le demandeur est " un professionnel expérimenté et averti " et qu"en témoignant devant moi, il a été à la fois " franc et crédible ". Cependant, il n"est pas pour autant reconnu qu"il a de l"expérience ou des connaissances spéciales en ce qui concerne l"estimation du volume d"effets personnels, qu"il s"agisse d"antiquités ou d"autres articles.

[31]      Je reviens au passage précité des motifs que Monsieur le juge Létourneau a prononcés la deuxième fois que la Cour d"appel a été saisie de l"affaire. Le juge Létourneau a reconnu que je suis tenu de " déterminer arbitrairement les dimensions de chaque article pour fixer la capacité cubique totale [...] ". Même si je conclus que, compte tenu de la preuve dont je dispose, traiter les articles perdus ou endommagés sur une base individuelle poserait un problème, je me vois obligé de déterminer " arbitrairement " le volume total des effets perdus et endommagés en me fondant sur la preuve dont je dispose. Je suis convaincu que le volume total découlant de l"affidavit Parry est plutôt faible. Je conclus également que le volume total minimum préconisé, et j"emploie ce terme en pesant bien mes mots, selon l"affidavit MacKay, est un gros volume.

[32]      Par conséquent, compte tenu de tous les éléments de preuve dont je dispose, j"arrive néanmoins " arbitrairement " à un volume de quatre cent cinquante pieds cubes.

     (4)      Le montant des dommages-intérêts en résultant

[33]      Si j"applique la limitation rajustée de responsabilité par pied cube au volume que j"ai calculé à l"égard des effets perdus et endommagés, la responsabilité de la défenderesse en vertu de la clause de limitation s"élève à 10 224 ".

     (5)      Le calcul des intérêts avant et après jugement

[34]      L"avocat de la défenderesse a soutenu que la formule de rajustement prévue dans la clause de limitation remplace en fait les intérêts avant jugement et que ces intérêts ne devraient donc pas être accordés. Cet argument n"a pas été invoqué à l"audience. Dans le jugement que j"ai prononcé après l"audience, je n"ai pas traité de la question des intérêts avant jugement, mais la conclusion de mes motifs de jugement laissait d"une façon claire et sans équivoque prévoir l"octroi d"intérêts avant et après jugement. Je ne me propose pas de réexaminer mes motifs sur ce point. Je n"accepte tout simplement pas la façon dont la défenderesse interprète la formule de rajustement prévue dans la clause de limitation.

[35]      Il est certain que cette cour accorde normalement des intérêts avant jugement dans les affaires de droit maritime8. L"article 36 de la Loi sur la Cour fédérale9 semble confirmer ce principe. Le paragraphe 36(1) prévoit ce qui suit :

36. (1) Except as otherwise provided in any other Act of Parliament, and subject to subsection (2), the laws relating to prejudgment interest in proceedings between subject and subject that are in force in a province apply to any proceedings in the Court in respect of any cause of action arising in that province.

36. (1) Sauf disposition contraire de toute autre loi fédérale, et sous réserve du paragraphe (2), les règles de droit en matière d'intérêt avant jugement qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s'appliquent à toute instance devant la Cour et dont le fait générateur est survenu dans cette province.

Le paragraphe 36(2) n"est pas pertinent aux fins qui nous occupent. Il n"a pas été contesté devant moi que la cause d"action a pris naissance en Ontario. Par conséquent, sauf disposition contraire d"une loi fédérale autre que la Loi sur la Cour fédérale , il semblerait que c"est le droit de l"Ontario qui s"applique. Cependant, je suis convaincu que ce n"est pas le cas. Le paragraphe 36(7) de la Loi sur la Cour fédérale se lit comme suit :

(7) This section does not apply in respect of any case in which a claim for relief is made or a remedy is sought under or by virtue of Canadian maritime law.

(7) Le présent article ne s'applique pas aux procédures en matière de droit maritime canadien.

Je suis convaincu qu"il s"agit de procédures " [...] en matière de droit maritime canadien ". Par conséquent, le principe " bien établi " mentionné dans le passage précité de la décision Fednav (note 6) n"entre en ligne de compte.

[36]      L"avocat du demandeur a soutenu qu"il faudrait accorder des intérêts composés, thèse qui est étayée à l"égard des intérêts avant jugement par la décision Fednav , selon laquelle la chose relève du pouvoir discrétionnaire du juge qui entend l"affaire10.

[37]      Compte tenu du passage précité de la décision Fednav (note 6), il s"agit clairement d"un cas dans lequel une limitation importante de responsabilité est " imposée " à la " victime ", soit le demandeur, quoique j"hésite à qualifier le demandeur de victime, compte tenu de la nature et de l"étendue de son expérience. De même, il m"est difficile d"accepter que dans ce cas-ci, la limitation de responsabilité est " imposée " au demandeur, si je puis uniquement conclure que ce dernier a volontairement conclu le contrat qui renfermait la clause de limitation de responsabilité.

[38]      Si, dans l"exercice du pouvoir discrétionnaire que je possède en vue d"accorder des intérêts composés avant jugement, je dois conclure que le demandeur a démontré que la perte qu"il a subie ne peut pas par ailleurs être indemnisée10 d"une façon équitable, c"est ce que je conclus, en me fondant sur toute la preuve qui a été présentée à l"audience et lors de l"audition de la référence.

[39]      Compte tenu de l"analyse qui précède, je conclus que les intérêts avant jugement devraient être accordés au demandeur et qu"il devrait s"agir d"intérêts composés sur une base semestrielle.

[40]      L"article 37 de la Loi sur la Cour fédérale traite des intérêts après jugement. Le paragraphe 37(1) se lit comme suit :

37. (1) Except as otherwise provided in any other Act of Parliament and subject to subsection (2), the laws relating to interest on judgments in causes of action between subject and subject that are in force in a province apply to judgments of the Court in respect of any cause of action arising in that province.

37. (1) Sauf disposition contraire de toute autre loi fédérale et sous réserve du paragraphe (2), les règles de droit en matière d'intérêt pour les jugements qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s'appliquent à toute instance devant la Cour et dont le fait générateur est survenu dans cette province.


Le paragraphe 37(2) n"est pas pertinent aux fins qui nous occupent. En ce qui concerne l"article 37, il n"y a pas de disposition correspondant au paragraphe 36(7) précité de la Loi . Je conclus donc que c"est le droit de l"Ontario qui s"applique.

[41]      Le paragraphe 129(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires10 se lit comme suit :

         129.(1) La somme d"argent due aux termes d"une ordonnance, y compris les dépens devant être liquidés ou ceux fixés par le tribunal, porte intérêt au taux d"intérêt postérieur au jugement, à compter de la date de l"ordonnance.

La Loi sur les tribunaux judiciaires ne semble donner aucune directive au sujet d"intérêts composés après jugement. Les avocats n"ont certes pas mentionné de directives de ce genre.

[42]      Je conclus que les intérêts après jugement accordés au demandeur devraient être des intérêts simples.

[43]      Les avocats s"entendaient pour dire qu"un taux d"intérêt moyen approprié à compter du 31 mars 1998 jusqu"à la date de l"audition de la référence, soit le 30 octobre 1998, est de 9,2 p. 100. À mon avis, ce taux est approprié et il doit en outre s"appliquer aux intérêts après jugement.

[44]      Le demandeur aura donc droit à des intérêts avant jugement au taux de 9,2 p. 100 sur le montant ici accordé, calculés à compter du 31 mars 1988, soit la date nominale à laquelle la perte a été subie, jusqu"à la date de mon jugement, soit le 31 mars 1994, ces intérêts étant des intérêts composés sur une base semestrielle. Le montant des intérêts ainsi calculés s"élève à 7 314,85 ". Les intérêts après jugement au taux de 9,2 p. 100 sur le montant accordé par jugement, à l"exclusion des dépens fixés dans le présent jugement ou des dépens à taxer, calculés sur la base d"intérêts simples, commenceront à courir le 31 mars 1994, et ce, jusqu"à la date du paiement. Les intérêts ainsi calculés à la date de l"audition de la référence s"élèvent à 7 395,53 ". Les intérêts quotidiens à compter du 30 octobre 1998 jusqu"à la date du paiement du montant accordé par le jugement seront de 4,42 " ou, si cette somme est convertie en monnaie canadienne, tel qu"il est prévu ci-dessous, de 11,48 $.

     (6)      La conversion en monnaie canadienne

[45]      Lors de l"audition de la référence, l"avocat de la défenderesse a établi que le taux de conversion approprié de la livre sterling en monnaie canadienne le 29 octobre 1998 était de 2,5967. L"avocat du demandeur a reconnu que ce taux devait être utilisé pour convertir en monnaie canadienne le montant accordé par jugement et notamment les intérêts avant jugement. Je retiens ce taux. Un jugement au montant de 64 747,10 $ y compris les intérêts jusqu"au 30 octobre 1998 sera donc accordé.

PAIEMENT EXTRAJUDICIAIRE

[46]      Le 26 novembre 1992, la défenderesse a versé au greffe de la Cour une somme de 2 500 $ à l"égard de cette action.

[47]      Cette somme et les intérêts accumulés seront versés hors cour à la défenderesse ou à la personne que celle-ci aura désignée à condition qu"une preuve satisfaisante du paiement intégral du montant fixé dans le présent jugement soit présentée à un fonctionnaire de la Cour.

OBSERVATIONS PRÉSENTÉES APRÈS L"AUDITION DE LA RÉFÉRENCE

[48]      À la fin de l"audition de la référence, j"ai informé les avocats que je distribuerais une ébauche de motifs de façon à leur permettre de faire des commentaires au sujet des calculs mentionnés dans les présents motifs et au sujet des dépens. Comme je l"ai déjà mentionné, voici ce que j"ai dit dans mes motifs antérieurs de jugement :

     Pour ce qui est des dépens, vu l"issue du litige, j"estime que chaque partie doit assumer ses propres frais. Cependant, si l"une ou l"autre des parties veut présenter des observations écrites à cet égard, son avocat devrait en informer la Cour en donnant avis à l"autre partie et des directives seront fournies.

[49]      L"ébauche a été distribuée et les avocats ont eu la possibilité de présenter leurs observations par écrit. Ils se sont prévalus de cette possibilité.

[50]      Dans ses observations, l"avocat de la défenderesse a fait remarquer que les deux fois que la Cour d"appel a été saisie de l"affaire à la demande du demandeur, les appels ont été rejetés et les dépens ont été adjugés à la défenderesse. L"avocat a soutenu que les dépens à l"égard desquels j"ai un pouvoir discrétionnaire se rapportent donc aux trois jours pendant lesquels on a procédé aux interrogatoires préalables, aux cinq jours d"audience, à la journée consacrée à l"audition de la requête visant à l"obtention de directives et à la journée pendant laquelle l"audition de la référence s"est déroulée. L"avocat a fait remarquer que dès le 28 septembre 1993, la défenderesse a soumis une offre écrite de règlement d"un montant de 75 000 $, un montant de beaucoup supérieur au montant que j"ai accordé avec des intérêts avant jugement jusqu"à la date de l"offre. L"avocat a soutenu que les dépens jusqu"à la date de l"offre de règlement devraient être adjugés au demandeur, les dépens, après cette date, devant être adjugés à la défenderesse. L"avocat a soutenu que je devais fixer le montant des dépens au lieu de prolonger l"affaire encore plus. En ce qui concerne les dépens sur lesquels j"ai un pouvoir discrétionnaire, l"avocat a soutenu qu"une ordonnance au montant net de 125 000 $ devait être accordée en faveur de la défenderesse. L"avocat a également soutenu que je devais fixer les dépens accordés dans les deux appels et a recommandé qu"un montant de 45 000 $ soit adjugé à la défenderesse.

[51]      L"avocat du demandeur a soutenu que son client était [TRADUCTION] " [...] prêt à accepter les motifs du juge de première instance, selon lesquels chaque partie devait assumer ses propres frais ". L"avocat a soutenu que pour arriver à un résultat neutre, étant donné que les dépens ont été adjugés à la défenderesse en appel, je devais adjuger au demandeur un montant identique à l"égard des dépens sur lesquels j"ai un pouvoir discrétionnaire. L"avocat du demandeur a conclu ses observations en disant ceci :

     [TRADUCTION]
     Les observations qui précèdent ne sont que des observations générales qui sont présentées en réponse à ce qui, aux yeux du demandeur, sont des observations tout aussi générales de la part de la défenderesse. Étant donné l"importance du montant demandé par la défenderesse à l"égard des dépens, et puisque la Cour a proposé qu"une autre audience soit tenue si les parties n"arrivaient pas à s"entendre sur la question des dépens, le demandeur demande qu"aucune ordonnance enjoignant le paiement des dépens à la défenderesse ne soit rendue sans qu"il soit possible de présenter des observations détaillées. [Je souligne]

[52]      Les avocats des deux parties ont présenté des observations au sujet de la façon de calculer les montants accordés par jugement conformément à ces motifs. L"avocat de la défenderesse a soutenu que le montant du jugement et des intérêts avant jugement devait être fixé, ainsi que le taux de conversation en monnaie canadienne, à compter de la date du jugement que j"ai initialement rendu en l"espèce plutôt qu"à compter de la date de l"audition de la référence à la suite de laquelle je rendrai un jugement définitif au sujet des dommages-intérêts, des intérêts et des dépens, par opposition à la responsabilité. Le montant accordé au demandeur serait alors beaucoup moins élevé. Par contre, l"avocat du demandeur a soutenu que je dois utiliser la date à laquelle j"ai initialement rendu jugement, l"objectif étant clairement de réduire le montant des dépens qu"il sera enjoint au demandeur de payer compte tenu de l"offre de règlement de la défenderesse. L"avocat du demandeur a en outre soutenu que je devais rajuster à la hausse le nombre de pieds cubes sur lequel le montant accordé au demandeur par jugement est fondé. Je ne suis pas prêt à modifier mes motifs de jugement et mon jugement sur la base des observations écrites qui n"ont été présentées à cet égard.

[53]      J"examinerai maintenant la question des dépens.

[54]      Le paragraphe 400(1) des Règles de la Cour fédérale (1998) confère à cette cour un large pouvoir discrétionnaire à l"égard de la détermination du montant des dépens. Cette disposition se lit comme suit :

400.(1) The Court shall have full discretionary power over the amount and allocation of costs and the determination of by whom they are to be paid.

400.(1) La Cour a entière discrétion pour déterminer le montant des dépens, les répartir et désigner les personnes qui doivent les payer.

[55]      Le paragraphe 400(3) des Règles énumère un certain nombre de facteurs dont la Cour peut tenir compte dans l"exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[56]      Le paragraphe 420(2) des Règles traite des effets que les dépens ont sur le demandeur qui refuse une offre de règlement présentée par le défendeur. Cette disposition se lit comme suit :

420.(2) Unless otherwise ordered by the Court, where a defendant makes a written offer to settle that is not revoked,

(a) if the plaintiff obtains a judgment less favourable than the terms of the offer to settle, the plaintiff shall be entitled to party-and-party costs to the date of service of the offer and the defendant shall be entitled to double such costs, excluding disbursements, from that date to the date of judgment; or

(b) if the plaintiff fails to obtain judgment, the defendant shall be entitled to party-and-party costs to the date of the service of the offer and to double such costs, excluding disbursements, from that date to the date of judgment.

420.(2) Sauf ordonnance contraire de la Cour, lorsque le défendeur présente par écrit une offre de règlement qui n"est pas révoquée et que le demandeur:

(a) obtient un jugement moins avantageux que les conditions de l"offre, le demandeur a droit aux dépens partie-partie jusqu"à la date de signification de l"offre et le défendeur a droit au double de ces dépens, à l"exclusion des débours, à compter du lendemain de cette date jusqu"à la date du jugement;

(b) n"obtient pas gain de cause lors du jugement, le défendeur a droit aux dépens partie-partie jusqu"à la date de signification de l"offre et au double de ces dépens, à l"exclusion des débours, à compter du lendemain de cette date jusqu"à la date du jugement.

De toute évidence, l"alinéa 420a ) des Règles s"applique en l"espèce. Il n"a pas été soutenu pour le compte du demandeur que l"offre de règlement de la défenderesse avait été révoquée. Au moment où j"ai décidé que chaque partie assumerait ses propres frais, je n"avais pas été informé de l"offre de règlement.

[57]      Compte tenu des principes énoncés dans les Règles de la Cour fédérale (1998) dont j"ai fait mention, et compte tenu du fait qu"en raison, du moins en partie, de la nature de la preuve relative à la valeur des effets du demandeur qui ont été perdus ou endommagés et aussi en partie des positions qui ont été adoptées, ou qui ne l"ont pas été, et que les parties et leurs avocats ont plaidées ou débattues, cette action a été prolongée et rendue plus complexe que nécessaire, et compte tenu de la preuve de l"offre de règlement qui m"a maintenant été soumise à l"égard de la question des dépens, j"abandonne la position que j"avais prise, selon laquelle chaque partie devait assumer ses propres frais. Je suis convaincu que, dans l"exercice de mon pouvoir discrétionnaire, il convient en l"espèce de rendre à l"égard de ces dépens une ordonnance en me fondant sur le pouvoir discrétionnaire que je possède à cet égard.

[58]      En outre, étant donné la position que l"avocat de la défenderesse a prise, soit que la question de savoir si je dois uniquement me fonder sur les observations écrites dont je dispose maintenant ou si je dois tenir une nouvelle audience, par téléconférence ou autrement, relève de mon pouvoir discrétionnaire, et étant donné que l"avocat du demandeur a pleinement eu la possibilité de présenter des observations par écrit et que, si ces observations étaient de nature générale, cela ne dépendait que de lui, je me propose de régler la question des dépens sans tenir une autre audience et en me fondant uniquement sur les observations écrites que j"ai reçues à ce jour, si je suis convaincu que les observations présentées pour le compte de la défenderesse sont suffisantes pour me permettre de le faire. La Cour ne s"est pas engagée à ce qu"une autre audience soit tenue [TRADUCTION] " [...] s"il était impossible de s"entendre sur les dépens " comme l"a soutenu l"avocat du demandeur dans ses observations, et elle n"a pas proposé de tenir une autre audience. Ceci dit, je souscris à la position que l"avocat du demandeur a prise, à savoir que les observations de la défenderesse sont d"une nature si générale que je ne puis raisonnablement fixer le montant des dépens en me fondant sur la documentation dont je dispose.

DISPOSITIF

[59]      Les dépens, à la date de l"offre de règlement, sont adjugés au demandeur. La défenderesse ne s"oppose pas à ce que pareille ordonnance soit rendue. Comme je l"ai dit, je ne fixerai pas le montant de ces dépens. Ils seront taxés de la façon normale.

[60]      Les dépens engagés en première instance sur lesquels j"ai un pouvoir discrétionnaire et qui sont postérieurs à la date de l"offre de règlement de la défenderesse sont adjugés à cette dernière. Ces dépens seront taxés de la façon normale et je demande à l"officier taxateur de tenir compte de l"offre de règlement susmentionnée présentée pour le compte de la défenderesse et de l"article 420(2) des Règles et de considérer le présent jugement plutôt que le jugement que j"ai initialement rendu le 31 mars 1994 comme étant le jugement définitif. À mon avis, il ressort clairement du premier jugement rendu par la Cour d"appel en l"espèce que c"est la décision qu"il convient de rendre.

[61]      En outre, les dépens que la Cour d"appel a adjugés à la défenderesse seront taxés de la façon normale.

                         FREDERICK E. GIBSON
                                 Juge

Ottawa (Ontario)

Le 7 janvier 1999

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


Date : 19990107


Dossier : T-2015-89

Ottawa (Ontario), le jeudi 7 janvier 1999

DEVANT LE JUGE GIBSON

ENTRE


MURRAY MACKAY,


demandeur,


et


SCOTT PACKING AND

WAREHOUSING CO. (CANADA) LTD.,


défenderesse.


JUGEMENT SUPPLÉMENTAIRE

     Cette cour ayant, par le jugement rendu le 31 mars 1994, ordonné ce qui suit :

         La Cour condamne la défenderesse à payer au demandeur les dommages-intérêts calculés suivant la clause limitative de responsabilité qui, comme il a été conclu dans les motifs du présent jugement, fait partie du contrat conclu entre les parties. Ce contrat, conclu vers le 24 novembre 1987 stipulait que la défenderesse devait déménager les effets du demandeur de Toronto (Ontario) à Londres, en Angleterre.

     Et ce jugement ayant été porté en appel devant la Cour d"appel, qui a rendu le jugement suivant, le 22 décembre 1995 :

         L"appel a été rejeté avec dépens.
         Toutefois, l'affaire est renvoyée au juge de première instance pour le règlement des questions qu'il reste à examiner afin de déterminer le montant que l'intimée peut recouvrer du requérant et de rendre le jugement définitif.

     Et la Cour d"appel ayant en outre confirmé une procédure de la nature d"une référence visant à l"exécution du jugement qu"elle avait rendu.

     Cette procédure ayant eu lieu à Toronto (Ontario) le 30 octobre 1998 et des observations ayant par la suite été présentées par écrit pour le compte du demandeur et de la défenderesse.

     Il est maintenant ordonné qu"un jugement définitif soit rendu comme suit :

     1.      Le montant des dommages-intérêts que le demandeur peut recouvrer conformément au jugement rendu en l"espèce le 31 mars 1994, y compris les intérêts jusqu"au 30 octobre 1998, s"élève à 64 747,10 $. Des intérêts quotidiens de 11,48 $ s"accumuleront entre le 30 octobre 1998 et la date du paiement.
     2.      Le demandeur a droit aux dépens de l"action jusqu"au 28 septembre 1993, ces dépens devant être taxés de la façon normale.
     3.      La défenderesse a droit aux dépens de l"action en première instance après le 28 septembre 1993, ces dépens devant être taxés de la façon normale. En taxant les dépens, l"officier taxateur devra tenir compte de l"offre de règlement présentée pour le compte de la défenderesse, dont il est fait mention dans les motifs du présent jugement, ainsi que de l"article 420(2) des Règles et il devra considérer le présent jugement comme étant le jugement définitif rendu dans l"instance aux fins de la détermination du montant des dépens.
     4.      Les dépens qui sont adjugés à la défenderesse et que le demandeur est tenu de payer en Cour d"appel seront taxés de la façon normale.
     5.      Le montant de 2 500 $ que la défenderesse a versé au greffe de la Cour le 26 novembre 1992 sera, avec les intérêts courus y afférents, versé à la défenderesse ou à la personne que celle-ci aura désignée à condition qu"une preuve satisfaisante du paiement intégral du montant fixé dans le présent jugement soit présentée à un fonctionnaire de la Cour.
                         FREDERICK E. GIBSON
                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :              T-2015-89
INTITULÉ DE LA CAUSE :      MURRAY MACKAY c. SCOTT PACKING & WAREHOUSING CO. LTD. (CANADA)
LIEU DE L"AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L"AUDIENCE :          LE 30 OCTOBRE 1998

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE GIBSON EN DATE DU 7 JANVIER 1999.

ONT COMPARU :

PETER CULLEN                  POUR LE DEMANDEUR
HUGH CHRISTIE ET              POUR LA DÉFENDERESSE

PETER MANDERVILLE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

STIKEMAN, ELLIOTT              POUR LE DEMANDEUR

MONTRÉAL (QUÉBEC)

SMITH LYONS                  POUR LA DÉFENDERESSE

TORONTO (ONTARIO)

__________________

11          C.R.C. 1978, ch. 663 (dans sa forme modifiée). Depuis que la tenue d"une audience a été 2ordonnée, les Règles de la Cour fédérale ont été abrogées et remplacées par les Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, qui ont pris effet le 25 avril 1998.

32          [1994] A.C.F. no 457 (C.F. 1re inst.) (QL).

43 5          Supra, note 2, par. 91-93 des motifs.

64          [1998] A.C.F. 442 au par. 3 (C.A.F.).

75          (1923) 35 B.R. 118 (Cour du Banc du Roi du Québec).

86          Voir Fednav Limited, et al. c. Ontario Bus Industries Inc., (1992), 150 N.R. 149 (C.A.F.), où le juge Marceau dit ceci :
         Il est bien établi que dans les affaires de droit maritime, l"intérêt avant jugement est considéré comme faisant partie intégrante des dommages-intérêts et découle du principe dit restitutio in integram ou du droit à l"indemnisation intégrale à compter de la date du délit civil ou de la rupture de contrat. Dans ce contexte, particulièrement dans un cas comme celui qui nous intéresse, où une importante limitation de la responsabilité est opposée à la victime, nous ne voyons aucune raison d"exclure l"octroi d"un intérêt composé là où on peut s"en faire facilement communiquer le taux chez nos institutions financières. Quoi qu"il en soit, il s"agit là d"une question qui relève du pouvoir d"appréciation souveraine du juge de première instance et dans laquelle nous n"avons aucune raison d"intervenir.

97          L.R.C. (1985), ch. F-7 (dans sa forme modifiée).

8          C.R.C. 1978,Pour une décision un peu plus récente au sujet du pouvoir discrétionnaire que possède le juge de première instance, voir Canastrand Industries Ltd. c. Le navire " Lara S " et al., (1993), 60 F.T.R. 1, à la p. 44.

9          L.R.O. 1990, ch. C-43.Voir Alcan Aluminium Limitée. c. Unican Int. S.A. (1996), 113 F.T.R. 81.

1010          L.R.O. 1990, ch. C-43.

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