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                                                                                                                                           Date : 20011114

                                                                                                                             Dossier : IMM-6300-99

                                                                                                        Référence neutre : 2001 CFPI 1239

Ottawa (Ontario), le 14 novembre 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                                        LIN HUANG

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                                       

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE PELLETIER


1.                    Il s'agit en l'espèce d'une demande présentée en vertu de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, et ses modifications, dans le but d'obtenir le contrôle judiciaire visé à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, et ses modifications, de la décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SSR) a refusé, le 14 décembre 1999, de reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention au demandeur.

2.                    Le demandeur, qui vient de la province du Fujian, en Chine, était âgé de 17 ans au moment où la SSR a rendu sa décision. Il prétend craindre avec raison d'être persécuté du fait de ses opinions politiques et de celles qui lui seront imputées par suite de sa sortie illégale de Chine.

3.                    Le demandeur affirme que l'un de ses oncles a quitté la Chine pour aller vivre à Taïwan en 1949, après avoir travaillé pour l'armée du Parti national démocratique. En 1996, le père du demandeur a écrit une lettre à cet oncle, l'avertissant de la possibilité que la Chine attaque Taïwan. La lettre a été ouverte par un employé des postes chinoises. Le père du demandeur a été arrêté le 13 mai 1996 et a été détenu pendant cinq mois. La mère du demandeur a aussi été arrêtée et gardée pendant une demi-journée. Les autorités ont accusé publiquement le père du demandeur d'être un ennemi ayant des liens avec Taïwan. La famille a ensuite été frappée d'ostracisme par sa communauté et le père du demandeur a été battu par des villageois locaux.

4.                    Le père du demandeur a été convoqué au poste de police le 9 juillet 1999, après que les rapports entre la Chine et Taïwan se furent détériorés. C'est cet incident qui a provoqué le départ du demandeur pour le Canada. Son père a été arrêté et a été gardé en détention pendant une semaine, en septembre 1999.


5.                    Le demandeur craint que les autorités chinoises le considèrent comme un espion parce qu'il a quitté la Chine illégalement. Il prétend que les autorités le recherchent depuis son départ.

6.                    Le demandeur a été emmené au Canada par des membres d'un groupe criminel organisé, les Snakeheads, qui les ont transportés, lui et neuf autres jeunes, un peu partout dans le pays. Le demandeur a quitté la Chine en juillet 1999. Il a passé dix jours à Vancouver et environ deux semaines à Toronto, où il a été enfermé dans une chambre d'hôtel par les Snakeheads. Il a été emmené à Montréal au début de septembre. Le 2 septembre 1999, il a été placé en détention à la frontière canado-américaine après avoir tenté, avec les autres jeunes qui voyageaient avec lui, d'entrer illégalement aux États-Unis.

7.                    Le demandeur prétend aussi être un réfugié sur place. Il craint que les autorités chinoises considèrent qu'il a exprimé une opinion politique en quittant la Chine illégalement et en revendiquant ensuite le statut de réfugié. Il prétend qu'il subira de graves conséquences s'il est renvoyé en Chine. Le fait que les médias aient parlé de son arrestation et de l'audience de la SSR accroît sa crainte.

8.                    Cette prétention, qui a été formulée par toutes les personnes arrêtées en même temps que le demandeur, est rejetée dans des motifs séparés joints aux présents motifs, à l'appendice A.


9.                    Le demandeur n'était pas un témoin crédible aux yeux de la SSR. Il a indiqué dans son témoignage qu'il avait été interrogé par la police à trois ou quatre reprises, mais il a omis d'en parler dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP). Pour expliquer cette omission, le demandeur a dit que son avocat ne lui avait pas demandé s'il avait été arrêté et qu'il pensait qu'il était suffisant de faire seulement état de ce qui était arrivé à son père. La SSR n'a pas accepté ces explications.

10.              La SSR a constaté que le demandeur ne pouvait pas donner les dates précises des incidents qui lui seraient arrivés, alors qu'il avait été très précis dans son FRP au sujet des dates des incidents qui seraient arrivés à son père. Elle a conclu que le demandeur essayait d'ajouter du poids à sa revendication en invoquant des incidents qui n'avaient jamais eu lieu.

11.              Finalement, la SSR a considéré qu'il était invraisemblable que la famille du demandeur l'ait envoyé à l'étranger pendant qu'elle-même demeurait dans un environnement hostile en Chine.


12.              Pour ce qui est de l'omission dans son FRP, le demandeur soutient que ses explications étaient raisonnables compte tenu des circonstances et de son jeune âge. Avec respect, il ne s'agit pas d'un motif justifiant un contrôle judiciaire. Il est clair que la SSR doit donner aux revendicateurs la possibilité d'expliquer pourquoi ils ont omis des faits dans leur FRP (Rajaratnam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 1271 (C.A.) (QL), (1991), 135 N.R. 300 (C.A.F.), mais elle n'est pas tenue d'accepter leurs explications. Lorsqu'on examine les conclusions de la SSR concernant la crédibilité, il faut se demander si la décision était « déraisonnable au point » de justifier l'intervention de la Cour : Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1993] A.C.F. no 732, au par. 4 (C.A.) (QL), (1993), 160 N.R. 315. À mon avis, il n'était pas déraisonnable que la SSR rejette les explications du demandeur, vu, en particulier, que les instructions relatives à la question no 37 du FRP exigent que les revendicateurs fassent état de tous les incidents qui leur sont arrivés :

Relatez dans l'ordre chronologique tous les incidents importants qui vous ont amené(e) à chercher protection à l'extérieur de votre pays de nationalité ou de résidence habituelle antérieure. Veuillez aussi faire mention des mesures prises contre vous, des membres de votre famille ou d'autres personnes se trouvant dans une situation analogue[1].

13.              À mon avis, la SSR pouvait avoir des doutes au sujet de la sincérité du demandeur, ce dernier n'ayant rien dit de certains incidents qui lui seraient arrivés tout en décrivant en détail des incidents qui seraient arrivés à son père. Le tribunal pouvait raisonnablement s'attendre à ce que le demandeur se rappelle avec une certaine précision à quel moment il a été détenu par la police afin d'être interrogé. Il est raisonnable de penser que cette détention était un incident important pour le demandeur.

14.              Le demandeur prétend que la SSR a conclu à l'invraisemblance sans tenir compte de la preuve. Il a indiqué dans son témoignage qu'il avait été envoyé à l'étranger parce que, comme il était le fils aîné de la famille, il était plus en danger que les autres membres de la famille. Il a déclaré aussi que sa famille est pauvre et qu'elle n'avait pas les moyens d'envoyer tous ses membres à l'étranger.


15.              La Cour a déjà statué que les conclusions d'invraisemblance ne peuvent pas être « inventées » , mais qu'elles doivent être fondées sur la preuve : Arumugam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 122, au par. 5 (1re inst.) (QL), le juge Reed. En l'espèce, la SSR a parlé du fait que la famille du demandeur avait fait l'objet d'ostracisme de la part d'autres membres de la famille, d'amis et de la communauté, que les autorités avaient considérablement restreint sa liberté de mouvement et que les problèmes du demandeur n'étaient pas plus importants que ceux des autres membres de la famille. Il n'était pas déraisonnable, même après avoir reconnu la situation particulière du demandeur en tant que fils aîné, que la SSR juge invraisemblable que ce soit ce dernier qui ait été envoyé à l'étranger plutôt que son père, qui était pourtant celui auquel s'intéressaient les autorités. La question n'est pas de savoir si la Cour tirerait la même conclusion, mais plutôt s'il était déraisonnable que la SSR en arrive à cette conclusion. Ce ne l'était pas en l'espèce.

16.              Dans les circonstances, la demande est rejetée.

ORDONNANCE

Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue par la Section du statut de réfugié le 16 décembre 1999, dont les motifs sont datés du 14 décembre 1999, est rejetée.


La question suivante est certifiée :

Lorsque le fait qu'un demandeur a présenté une revendication du statut de réfugié au sens de la Convention est signalé dans les médias au Canada et que, en conséquence, le demandeur revendique le statut de réfugié sur place, est-il nécessaire, pour que ce statut lui soit reconnu, qu'il démontre :

a)          que les reportages des médias sont venus à l'attention des autorités du pays à l'égard duquel il prétend craindre avec raison d'être persécuté, et

b)          que les renseignements donnés dans les reportages étaient suffisants pour permettre aux autorités de l'identifier?

                                                                                                                                  « J. D. Denis Pelletier »      

                                                                                                                                                                 Juge                       

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                                                                                             Dossier : IMM-6300-99

                                                                                                                                            APPENDICE A

Réfugié sur place

17.              Les demandes de contrôle judiciaire présentées par dix demandeurs ont été entendues ensemble parce qu'elles soulevaient des questions identiques, notamment celle de savoir si les demandeurs étaient devenus des réfugiés sur place. Chacun des demandeurs avait revendiqué le statut de réfugié devant la Section du statut de réfugié (SSR) parce qu'il prétendait craindre avec raison d'être persécuté à cause de ses prétendues opinions politiques et de son statut de réfugié sur place découlant des reportages parus dans les médias sur son arrestation, sa détention et sa revendication subséquente du statut de réfugié. Des enregistrements sur bandes vidéo de reportages diffusés à la télévision et deux articles parus dans des journaux ont été présentés à la SSR. Les demandeurs prétendaient qu'à cause de ces reportages et de ces articles les autorités chinoises sauraient qu'ils avaient revendiqué le statut de réfugié au Canada et considéreraient les revendications comme des déclarations politiques contre le régime chinois. Les demandeurs soutiennent également qu'ils seront sévèrement punis pour avoir quitté la Chine illégalement. Ils n'ont produit aucune preuve démontrant que les autorités chinoises les traiteraient différemment par suite des reportages faisant état de leurs revendications du statut de réfugié.

18.              Les présents motifs s'appliquent à tous les demandeurs au regard de leur allégation selon laquelle la SSR n'a pas bien évalué leur revendication du statut de réfugié sur place.


19.              La SSR a indiqué que les questions suivantes étaient [traduction] « fondamentales » au regard du statut de réfugié sur place :

[traduction] La Chine serait-elle au courant de la présente revendication du statut de réfugié? Considérerait-elle qu'une personne qui quitte le pays illégalement et revendique le statut de réfugié exprime une opinion politique? Dans l'affirmative, quelles conséquences le revendicateur subirait-il[2]?

20.              La SSR s'est ensuite demandé si la peine que le gouvernement chinois infligerait aux demandeurs pour avoir quitté le pays illégalement équivaudrait à de la persécution au sens de la Convention. Elle a rappelé les principes énoncés dans l'arrêt Zolfagharkhani c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 3 C.F. 540, [1993] A.C.F. no 584 (C.A.) (QL), selon lesquels les lois ordinaires d'application générale sont présumées être valides et neutres et le demandeur doit démontrer que la loi en question revêt un caractère de persécution pour un motif prévu par la Convention[3]. La SSR a reconnu le principe voulant qu'une loi d'application générale puisse avoir un effet assimilable à de la persécution si la peine qu'elle prévoit est [traduction] « tout à fait disproportionnée par rapport à l'infraction commise » [4]. Elle a toutefois précisé qu'il faut que la peine disproportionnée soit liée à un motif prévu par la Convention pour que le statut de réfugié soit reconnu.


21.              Citant une Réponse à une demande d'information du 22 septembre 1999, la SSR a fait remarquer que les autorités chinoises disposent d'un vaste pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l'infliction de sanctions aux personnes ayant quitté le pays illégalement. Elle a toutefois souligné que le document n'indiquait pas qu'une peine d'emprisonnement de plus de trois ans pouvait être infligée et que la Chine pouvait considérer la sortie illégale du pays ou la revendication du statut de réfugié comme l'expression d'une opinion politique ou un facteur qui influerait sur la sanction. La SSR a cité le passage suivant :

[traduction] [...] le fait que les personnes qui sont rapatriées en Chine soient rarement emprisonnées s'explique par différents facteurs : l'importance du phénomène de l'immigration illégale de personnes de la province du Fujian, le nombre de personnes rapatriées en Chine après avoir vécu en Australie, au Japon, à Taïwan, aux États-Unis et dans d'autres pays, et l'influence considérable des Snakeheads[5].

22.              La SSR a aussi cité un extrait d'un rapport sur les pays publié en Australie en 1994 :

[traduction] En réponse aux reportages parus dans les médias selon lesquels les personnes rapatriées récemment dans la province du Fujian devaient payer des amendes élevées et fréquenter des centres de rééducation en cas de défaut de paiement, un représentant du Fujian a indiqué que ces personnes avaient été détenues dans un centre du BSP afin que leur identité et leur santé soient vérifiées. Elles seraient ensuite renvoyées dans la ville où elles habitaient, qui sont toutes situées dans la région de Fuzhou. De légères amendes leur seraient infligées. Même si le gouvernement les considérait comme des personnes ayant contrevenu à la loi, il était préférable de les voir comme des victimes du trafic illégal de migrants. Le représentant a reconnu que les récidivistes et les organisateurs ignobles seraient traités plus durement[6].


23.              Une autre Réponse à une demande d'information a été citée pour démontrer que les migrants qui retournent en Chine n'ont pas non plus de motifs objectifs suffisants de craindre d'être harcelés par les Snakeheads[7].

24.              La SSR a tiré les conclusions suivantes :

[traduction] En résumé, la loi chinoise régissant la sortie illégale du pays est une loi d'application générale qui, suivant les lignes directrices établies dans l'arrêt Zolfagharkhani, est présumée valide et neutre. Même s'il soutenait que le régime chinois est généralement oppressif, le revendicateur n'a pas réussi à démontrer que cette loi aurait sur lui un effet analogue à de la persécution liée à un motif prévu par la Convention. En conséquence, il importe peu que le revendicateur puisse être identifié sur les bandes vidéo produites en preuve et que la Chine soit au courant de la présente revendication du statut de réfugié[8].


25.              Les avocats des demandeurs prétendent que la SSR a commis une erreur lorsqu'elle a décidé qu'il importait peu de savoir si les demandeurs pouvaient être identifiés dans les reportages. M. Markaki a fait valoir que la SSR s'est seulement demandé si la peine prévue pour la sortie illégale était de la nature de la persécution, sans déterminer spécifiquement comment les revendications du statut de réfugié des demandeurs dont les médias avaient abondamment parlé allaient être considérées par les autorités chinoises et l'effet que cela pourrait avoir sur la peine qui leur serait infligée. Selon l'avocat, la SSR aurait dû examiner cette question [traduction] « même si elle ne disposait pas d'éléments de preuve documentaire précis, en se servant de ce qu'elle savait des conditions existant dans le pays et les documents généraux produits en preuve qui indiquent qu'un régime oppressif est en place en Chine et que celui-ci ne tolère aucune critique ni opposition politique de quelque sorte que ce soit » [9].

26.              Il existe peu de lignes directrices et de décisions judiciaires sur l'évaluation appropriée des revendications sur place. Selon le Guide du HCR, une personne peut devenir un réfugié sur place pour d'autres raisons que le changement de circonstances dans son pays d'origine :

Une personne peut devenir un réfugié « sur place » de son propre fait, par exemple en raison des rapports qu'elle entretient avec des réfugiés déjà reconnus comme tels ou des opinions politiques qu'elle a exprimées dans le pays où elle réside. La question de savoir si de tels actes suffisent à établir la crainte fondée de persécution doit être résolue à la suite d'un examen approfondi des circonstances. En particulier, il y a lieu de vérifier si ces actes sont arrivés à la connaissance des autorités du pays d'origine et de quelle manière ils pourraient être jugés par elles[10].

27.              Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, la Cour suprême a ouvert la porte aux opinions politiques imputées au revendicateur[11] :

[...] il n'est pas nécessaire que les opinions politiques en question aient été carrément exprimées. Dans bien des cas, le demandeur n'a même pas la possibilité d'exprimer ses convictions qui peuvent toutefois ressortir de ses actes. En pareil cas, on dit que les opinions politiques pour lesquelles le demandeur craint avec raison d'être persécuté sont imputées à ce dernier. Il se peut qu'étant donné qu'il ne s'exprime pas verbalement, le demandeur ait plus de difficulté à établir le rapport existant entre cette opinion et la crainte d'être persécuté, mais cela ne l'empêche pas d'être protégé.


Le motif des opinions politiques semble donc suffisamment souple pour englober la revendication de réfugié sur place des demandeurs.

28.              À mon avis, le problème fondamental dans le cas des demandeurs vient du fait que la SSR ne disposait d'aucune preuve, documentaire ou autre, qui étayait leur revendication du statut de réfugié sur place. Ce problème ressort implicitement des propos suivants formulés par la Cour suprême dans l'arrêt Ward : « Il se peut qu'étant donné qu'il ne s'exprime pas verbalement, le demandeur ait plus de difficulté à établir le rapport existant entre cette opinion et la crainte d'être persécuté » (non souligné dans l'original). Je suis d'accord avec M. Markaki quand il dit que la SSR a limité son analyse à la preuve documentaire traitant des peines applicables en cas de sortie illégale de la Chine. Par contre, je ne pense pas que la SSR aurait dû déterminer comment le gouvernement chinois pourrait considérer le fait de revendiquer le statut de réfugié, [traduction] « même si elle ne disposait pas d'éléments de preuve documentaire précis » . Il aurait fallu, si une distinction doit être faite au regard du traitement réservé aux personnes rapatriées qui ont revendiqué le statut de réfugié au Canada et aux autres personnes rapatriées, et si ce traitement équivaut à de la discrimination fondée sur de prétendues opinions politiques, que la SSR soit saisie d'éléments de preuve à ce sujet. M. le juge Nadon a d'ailleurs dit ce qui suit dans la décision Kante c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)[12] :

Il est clair en droit que le fardeau de la preuve incombe au requérant, c'est-à-dire qu'il doit convaincre la section du statut de réfugié que sa revendication satisfait, à la fois, aux critères subjectifs et objectifs nécessaires à la justification d'une crainte de persécution.


29.              En l'absence de preuve documentaire démontrant que les demandeurs seraient persécutés en raison des opinions politiques qui leur seront imputées par suite de leurs revendications du statut de réfugié, il était raisonnable que la SSR ne tire aucune conclusion fondée sur la preuve de publicité. La SSR ne peut pas émettre d'hypothèses sur la question de savoir si cela est favorable ou défavorable aux demandeurs.

30.              Le principe suivant, qui a été élaboré par M. le juge Gibson dans la décision Biko c. Canada (Secrétaire d'État), [1994] A.C.F. no 1741 (1re inst.) (QL), m'est utile également pour analyser la décision de la SSR :

La décision de la SSR doit être interprétée dans son ensemble. J'ajouterais à cela qu'elle doit être interprétée comme un ensemble, compte tenu de tous les éléments de preuve dont disposait la SSR.

31.              Compte tenu du fait que la SSR ne disposait d'aucune preuve établissant les motifs objectifs de la crainte de persécution des demandeurs fondée sur leurs prétendues opinions politiques et que les demandeurs avaient le fardeau de la preuve à cet égard, j'estime que la SSR n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle dans son évaluation de la revendication du statut de réfugié sur place des demandeurs.

32.              À la fin de l'audience, l'avocat m'a demandé de certifier la question suivante concernant le statut de réfugié sur place :

[traduction] Le fait qu'un pays ayant un caractère généralement oppressif sache que l'un de ses ressortissants a revendiqué le statut de réfugié fait-il de cette personne un réfugié sur place?


33.              À mon avis, cette question n'est pas particulièrement claire à cause de l'imprécision de la notion de « pays ayant un caractère généralement oppressif » . La question en litige en l'espèce était de savoir si le statut de réfugié sur place pouvait être reconnu en l'absence d'une preuve démontrant que la revendication du statut de réfugié de certaines personnes était venue spécifiquement à l'attention des autorités chinoises. À mon avis, la question suivante est plus appropriée, et je suis disposé à la certifier :

Lorsque le fait qu'un demandeur a présenté une revendication du statut de réfugié au sens de la Convention est signalé dans les médias au Canada et que, en conséquence, le demandeur revendique le statut de réfugié sur place, est-il nécessaire, pour que ce statut lui soit reconnu, qu'il démontre :

a)          que les reportages des médias sont venus à l'attention des autorités du pays à l'égard duquel il prétend craindre avec raison d'être persécuté, et

b)          que les renseignements donnés dans les reportages étaient suffisants pour permettre aux autorités de l'identifier?


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-6300-99

INTITULÉ :                                                     LIN HUANG

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 11 septembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET

ORDONNANCE :                                             MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :                                     Le 14 novembre 2001

COMPARUTIONS :

Styliani Markaki                                                                             POUR LE DEMANDEUR

Daniel Latulippe                                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ebrahim, MacLeod et Gervais                                        POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1]            Dossier du tribunal, à la p. 20 [en gras mais non souligné dans l'original].

[2]           Voir IMM-6306-99, dossier des demandeurs, à la p. 11.

[3]           Ibid.

[4]            Ibid., à la p. 13.

[5]           Ibid., à la p. 14.

[6]              Ibid., aux p. 13 et 14.

[7]           Ibid., à la p. 15.

[8]            Ibid.

[9]           Ibid., à la p. 108.

[10]            Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, Genève, janvier 1998, à la p. 22.

[11]           [1993] 2 R.C.S. 689, aux p. 746 et 747.

[12]          [1994] A.C.F. no 525 (1re inst.) (QL).

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