Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20001201

Dossier : T-563-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 1er DÉCEMBRE 2000

DEVANT : MADAME LE JUGE DOLORES M. HANSEN

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

demandeur

et

LOPE MEJIA ANIEVAS

défendeur

ORDONNANCE

VU l'appel interjeté pour le compte du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration contre la décision par laquelle un juge de la citoyenneté a approuvé, le 25 janvier 1999, la demande que le défendeur avait présentée en vue d'obtenir la citoyenneté;

ET VU les documents qui ont été déposés ayant été lus et les observations des parties ayant été entendues;

ET pour les motifs d'ordonnance prononcés en ce jour;


LA COUR ORDONNE PAR LES PRÉSENTES QUE l'appel soit rejeté.

                      Dolores M. Hansen                    

      J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.


Date : 20001201

Dossier : T-563-99

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

demandeur

et

LOPE MEJIA ANIEVAS

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HANSEN

[1]         Il s'agit d'un appel interjeté pour le compte du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 et de l'article 21 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, contre la décision par laquelle un juge de la citoyenneté a approuvé, le 25 janvier 1999, la demande que le défendeur avait présentée en vue d'obtenir la citoyenneté en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté.


[2]         Le défendeur a obtenu le statut de résident permanent le 12 juillet 1994; il a présenté une demande en vue d'obtenir la citoyenneté canadienne le 6 janvier 1998. Au cours de la période pertinente, le défendeur a été physiquement présent au Canada pendant 608 jours de sorte qu'il lui manquait 487 jours sur les trois années de résidence exigées par la Loi sur la citoyenneté. Le juge de la citoyenneté a conclu, en se fondant sur la preuve fournie par le défendeur, que celui-ci remplissait les conditions de résidence telles qu'elles étaient énoncées dans la décision rendue par le juge en chef adjoint Thurlow dans l'affaire Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.).

[3]         Dans cet appel, l'appelant a soulevé trois questions :

1)                    Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur en rendant une décision fondée sur une demande de citoyenneté incomplète?

2)                    Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur en tenant compte d'une considération non pertinente et en omettant de tenir compte de la période pertinente?

3)                    Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur de fait et de droit en concluant que le défendeur remplissait les conditions de résidence énoncées à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté?


[4]         En ce qui concerne la première question, le demandeur soutient que la demande du défendeur présentait des lacunes, ce dernier n'ayant pas indiqué où il avait résidé depuis qu'il était initialement entré au Canada. Dans le questionnaire sur la résidence qui a été soumis avec la demande, en réponse à la question 8 : « Où avez-vous demeuré depuis votre première admission? (Remarque : séjours à l'étranger inclus) » , le demandeur a uniquement indiqué ses adresses au Canada et n'a pas inclus les adresses où il résidait pendant qu'il était absent du Canada. L'avocate du demandeur a expliqué que ces renseignements sont importants en ce sens qu'ils aident le juge de la citoyenneté à déterminer si la personne qui demande la citoyenneté maintient une résidence en dehors du Canada.

[5]         L'avocate du demandeur n'a pas fourni à la Cour le fondement légal ou réglementaire permettant de conclure qu'il faut répondre à ces questionnaires particuliers en ce sens qu'ils font partie intégrante de la demande qui doit être faite « selon la formule prescrite » comme le prévoit le paragraphe 3(1) du Règlement sur la citoyenneté, 1993, qui est ainsi libellé :


3. (1) La demande présentée en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi doit :

a) être faite selon la formule prescrite;

b) sous réserve du paragraphe (3), être déposée, accompagnée des documents visés au paragraphe (4), auprès de l'agent de la citoyenneté du bureau de la citoyenneté le plus proche du lieu de résidence du demandeur.

3. (1) An application made under subsection 5(1) of the Act shall be

(a) made in prescribed form; and

(b) subject to subsection (3), filed, together with the materials described in subsection (4), with a citizenship officer of the citizenship court that is closest to the place where the applicant resides.


[6]         De fait, le libellé employé dans la formule nous amènerait à conclure le contraire. La formule est ainsi libellée :

Afin d'aider le juge de la citoyenneté à déterminer si vous remplissez les conditions prévues dans la Loi sur la citoyenneté au regard de la résidence, nous vous invitons à remplir ce questionnaire EN ENTIER et à le retourner au bureau de la citoyenneté avant votre audience devant le juge.

Le terme « résidence » n'étant pas défini dans la Loi sur la citoyenneté ni dans son règlement d'application, nous devons nous référer aux décisions de la Cour fédérale pour en interpréter le sens. Celle-ci a statué que la période de résidence au Canada aux fins de la citoyenneté ne se limite pas à la seule présence physique. La notion de résidence est plutôt liée à la mesure dans laquelle le requérant s'est établi au Canada, y a maintenu et centralisé son mode de vie, et ce pendant la période requise de 3 ans dans les 4 années qui précèdent le dépôt de sa demande de citoyenneté. En d'autres mots, le requérant doit prouver qu'il a élu domicile au Canada et qu'il a gardé, pendant ses absences à l'étranger, suffisamment de liens avec celui-ci pour montrer le caractère permanent de sa résidence.


[7]         Il importe de noter que rien ne donne à entendre qu'il s'agissait d'une tentative de la part du défendeur visant à induire qui que ce soit en erreur au sujet de ses absences du Canada au cours de la période pertinente. Les détails relatifs à toutes les absences sont fournis tant dans la demande que dans la réponse à la question 10 du questionnaire.

[8]         Je ne suis pas convaincue que l'omission de répondre au questionnaire sur la résidence constitue une exigence de la Loi ou du Règlement. Toutefois, dans le cas où la personne qui demande la citoyenneté n'a pas été physiquement présente au Canada pendant le nombre de jours nécessaire, l'omission de répondre au questionnaire a pour conséquence de permettre au juge de la citoyenneté de conclure qu'il n'existe pas suffisamment de renseignements pour qu'il soit possible de conclure que la personne qui demande la citoyenneté a centralisé son mode de vie au Canada et la demande est rejetée.

[9]         Les deux autres questions seront examinées ensemble. En ce qui concerne la deuxième question, les notes du juge de la citoyenneté montrent que celui-ci a tenu compte des activités du défendeur au Good Shepherd Refugee Centre après la date de la demande, lorsqu'il a décidé que les conditions de résidence prévues par la Loi avaient été remplies.

[10]       Dans la décision Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 410 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 33, le juge Lutfy (tel était alors son titre) a énoncé comme suit la norme de contrôle qui s'applique à un appel d'une décision rendue par le juge de la citoyenneté :


La justice et l'équité, tant pour les demandeurs de citoyenneté que pour le ministre, appellent la continuité en ce qui concerne la norme de contrôle pendant que la Loi actuelle est encore en vigueur et malgré la fin des procès de novo. La norme appropriée, dans les circonstances, est une norme qui est proche de la décision correcte. Cependant, lorsqu'un juge de la citoyenneté, dans des motifs clairs qui dénotent une compréhension de la jurisprudence, décide à bon droit que les faits satisfont sa conception du critère législatif prévu à l'alinéa 5(1)c), le juge siégeant en révision ne devrait pas remplacer arbitrairement cette conception par une conception différente de la condition en matière de résidence. C'est dans cette mesure qu'il faut faire montre de retenue envers les connaissances et l'expérience particulières du juge de la citoyenneté durant la période de transition.

[11]       De plus, après avoir examiné les trois écoles de jurisprudence de cette cour en ce qui concerne l'interprétation des conditions de résidence énoncées à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, le juge Lutfy a dit ce qui suit :

[...] À mon avis, le juge de la citoyenneté peut adhérer à l'une ou l'autre des écoles contradictoires de la Cour, et, s'il appliquait correctement aux faits de la cause les principes de l'approche qu'il privilégie, sa décision ne serait pas erronée. [...]

[12]       En l'espèce, le juge de la citoyenneté a commis une erreur en tenant compte du travail que le défendeur avait effectué au Good Shepherd Refugee Centre. Toutefois, compte tenu des nombreux éléments de preuve justifiant la conclusion du juge de la citoyenneté selon laquelle le défendeur avait centralisé son mode de vie au Canada, je ne suis pas prête à infirmer la décision pour ce seul motif.


[13]       Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

                      Dolores M. Hansen                    

      J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 1er décembre 2000

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE LA PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :                                           T-563-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Lope Mejia Anievas

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              le 30 juin 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE HANSEN EN DATE DU 1er DÉCEMBRE 2000.

ONT COMPARU :

Andrea Horton                                        POUR LE DEMANDEUR

Lope Mejia Anievas                                             POUR SON PROPRE COMPTE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Lope Mejia Anievas                                             POUR SON PROPRE COMPTE

Scarborough (Ontario)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.