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Date: 20020426

Dossier: IMM-2099-01

Citation neutre: 2002 CPFI 466

ENTRE:

                                                                    MARCELINUS OEI

                                                                                                                                               Demandeur

ET:

                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                   Défendeur

                                                           MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire fondée sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour Fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 à l'encontre d'une décision de l'agent des visas Kwee Luan Tan ("l'Agent des visas"), rendue le 20 mars 2001, rejetant la demande de résidence permanente du demandeur dans la catégorie investisseurs en raison de son défaut d'établir la légalité de ses sources de revenus et de fonds. Le demandeur demande à la Cour d'ordonner l'annulation de la décision de l'agent des visas et la tenue d'une nouvelle entrevue du demandeur au Haut Commissariat du Canada à Singapour par un autre agent des visas que Kwee Luan Tan.   


[2]                 Le demandeur est un citoyen de l'Indonésie, marié et père de quatre enfants. Il est titulaire depuis 1980 d'un Baccalauréat universitaire en Économie et fait affaire dans le commerce du bois d'oeuvre depuis plus de onze ans. Il est également le président, directeur exécutif et actionnaire majoritaire (50%) de la PT Sumbar Kembang Agung company, un chef de file dans l'industrie du bois d'oeuvre en Indonésie. Le demandeur est détenteur de Certificats de Sélection pour lui et sa famille, dans la catégorie gens d'affaires-investisseurs, émis par le service d'immigration du Québec à Hong Kong le 18 avril 2000.


[3]                 Le 19 juillet 2000, la demande de résidence permanente du demandeur dans la catégorie investisseurs, de même que les Certificats de Sélection du Québec, ont été reçus au Haut Commissariat du Canada à Singapour. Le 21 octobre 2000, la demande de résidence permanente du demandeur fit l'objet d'une première évaluation, suite à laquelle il a été déterminé que la question de son admissibilité au Canada devait être examinée et ses sources de revenue établies. Le 16 novembre 2000, les sources de revenus du demandeur ont fait l'objet d'un examen minutieux à partir des documents qui étaient à ce moment dans son dossier. Suite à cet examen, il a été décidé qu'une entrevue avec le demandeur était nécessaire pour lui donner l'occasion d'apporter des précisions sur la nature de ses affaires et sur ses sources de revenus et lui permettre d'établir son admissibilité au Canada.

[4]                 Le ou vers le 22 janvier 2001, le demandeur fut convoqué à une entrevue pour le 20 mars 2001 par le Haut Commissariat du Canada. La lettre de convocation était accompagnée d'une liste de documents à apporter dont les preuves sur ses avoirs financiers et ceux de son entreprise, y compris ses relevés d'impôt des trois dernières années (il s'agissait des documents suivants : PERSONAL ASSETS; PERSONAL INCOME TAX STATEMENTS FOR THE PAST 3 YEARS; BUSINESS ASSETS; BUSINESS INCOME TAX STATEMENTS/RETURNS (SUBMITTED AND ASSESSED BY THE APPROPRIATE GOVERNMENT TAXATION DEPARTMENT) FOR THE LAST 3 YEARS). Cette lettre indiquait aussi que seul un interprète en mandarin était disponible et gratuit, et que pour toute autre langue, il incombait à la personne interviewée de fournir son propre interprète et d'en payer le coût.


[5]                 Le demandeur s'est présenté à l'entrevue le 20 mars 2001 sans son propre interprète et ni avant, ni durant son entrevue n'a-t-il demandé qu'un interprète soit présent. L'entrevue s'est déroulée entièrement en anglais. Bien que la langue maternelle du demandeur ne soit pas précisée dans son affidavit, il ressort de sa demande de résidence permanente qu'il s'exprime en anglais et comprend cette langue avec difficulté.

[6]                 Les notes manuscrites CAIPS (système de traitement informatisé des dossiers d'immigration) de l'agent des visas qui procéda à l'entrevue démontrent que celle-ci a indiqué au demandeur que le but de l'entrevue était de vérifier son admissibilité au Canada. Le demandeur a ensuite été invité à préciser ses sources de revenu :

AT THE BEGINING OF THE INTERVIEW I ASKED "HAVE YOU DECLARED ALL YOUR INCOME TO THE GOVERNMENT? APPLICANT ANSWERED "NO". I THEN ASKED HIM TO EXPLAIN HOW HE COULD BE STUDYING AND WORKING FOR HIS UNCLE AT THE SAME TIME. ASKED HIM TO EXPLAIN HOW HE COULD HAVE ACCUMULATED US$ 1.35 MILLION AND US$100K IN PROPERTY FROM 1976 TO 1988 AT THE TIME OF HIS RESIGNATION. APPLICANT COULD NOT GIVE A LOGICAL EXPLANATION. (NOTE : HIS FIXED DEPOSIT IS KEPT IN BNP BANK IN SINGAPORE).

THE ANNUAL INCOME TAX NOTIFICATION LETTER (TRANSLATED COPIES WHICH HAVE CONVERTED INDONESIAN RUPIAHS TO US DOLLARS) SUBMITTED BY APPLICANT SHOWED THAT HIS BUSINESS PROFIT TOGETHER WITH HIS SALARY WERE APPROXIMATELY US$50K FOR 1995. US$71K FOR 1996. US$89K FOR 1997 AND US$92K FOR 1998. QUERY THE AUTHENTICITY OF THESE DOCS AND ITS TRANSLATION. THERE IS ALSO NO INDICATION OF THE CONVERSION RATE FROM RUPIAHS TO US DOLLARS FOR ALL THE YEARS.

I ASKED IF HE HAD 2 SETS OF ACCOUNTS? APPLICANT STATED THAT THE COMPANY HAD KEPT ONE SET OF ACCOUNT FOR THE GOVT AND ONE SET OF ACCOUNT FOR THE COMPANY. THEY PAID TAX "UNDER THE TABLE TO THE GOVT AUDITOR AND ACCORDINGLY TO APPLICANT IF THEY WERE TO PAY THE OFFICIAL TAX TO GOVERNMENT. THEY WOULD NOT BE ABLE TO CONDUCT BUSINESS IN INDONESIA. THE TAX DOCUMENTS FOR 1999 AND 2000 HAVE NOT BEEN TRANSLATED AND I WAS UNABLE TO VERIFY THEM.

[7]                 Or, le demandeur n'avait pas établi à la satisfaction de l'agent des visas la source de ses fonds. Comme le montrent d'ailleurs les notes CAIPS de l'agent des visas, celle-ci informa le demandeur lors de l'entrevue de ses préoccupations quant au fait qu'il n'établissait pas de façon satisfaisante la provenance de ses fonds :

I TOLD APPLICANT THAT HIS WAS A CASE OF TAX EVASION AND THAT THERE WAS NO WAY FOR ME TO VERIFY THE LEGALITY OF HIS SOURCE OF INCOME. APPLICANT ASKED HOW HE COULD MAKE IT LEGAL AS THIS WAS HOW THEY WOULD OPERATE IN INDONESIA. I TOLD HIM THIS WAS NOT ACCEPTABLE ACCRODING TO CND IMMIGRATION REGULATIONS.

[8]                 Au terme de l'entrevue, l'agent des visas expliqua au demandeur pour quelle raison elle refusait sa demande de résidence permanente. Celui-ci tenta encore une fois d'expliquer qu'il n'avait pas à payer de l'impôt sur son dépôt à terme puisque ceci avait déjà été prélevé sur l'intérêt à un taux de 15%. Il demanda également une révision de la décision de l'agent des visas sans demander à soumettre plus d'informations et/ou plus de documents au soutien de sa preuve. L'agent des visas révisa sa décision après l'entrevue, mais décida toutefois de maintenir son refus, estimant que le demandeur avait été incapable de justifier la source de ses fonds, ce qui remettait en question la légitimité et la légalité des moyens qu'il avait employés pour les obtenir.

[9]                 Ainsi, dans sa décision du 20 mars 2001, l'agent des visas conclut que le demandeur n'avait pas démontré qu'il n'appartenait à aucune des catégories de personnes inadmissibles au Canada décrites à l'article 19 de la Loi sur l'immigration, L.R.C., 1985, ch. I-2 ("la Loi"), et refusa la demande de résidence permanente du demandeur en ces termes :

I HAVE CAREFULLY ASSESSED THE INFORMATION YOU HAVE PROVIDED IN SUPPORT OF YOUR APPLICATION. YOUR APPLICATION HAS BEEN REFUSED FOR THE REASONS BELOW.

YOU SUBMITTED AN APPLICATION FOR PERMANENT RESIDENCE IN CANADA ALONG WITH A CERTIFICATE OF SELECTION (CSQ) ISSUED BY THE QUEBEC IMMIGRATION SERVICE UNDER THE INVESTOR CATEGORY. FOLLOWING A REVIEW OF DOCUMENTS PROVIDED, WE REQUESTED THAT YOU FURNISH EVIDENCE AS TO THE ORIGINS OF YOUR PERSONAL NET WORTH TO SUBSTANTIATE YOUR CLAIM THAT THESE FUNDS WERE DERIVED FROM LEGAL AND LEGITIMATE SOURCES.

A COMPREHENSIVE REVIEW OF ALL DOCUMENTS SUBMITTED DOE SNOT PROVIDE SUBSTANTIATION THAT YOUR FUNDS WERE EARNED FROM LEGAL AND LEGITIMATE SOURCES. YOU EXPLAINED THAT THE SOURCE OF YOUR ASSETS FROM 1976 TO 1987 WAS FROM THE DIRECTORSHIP OF YOUR UNCLE'S COMPANY AND YOU DID NOT PAY ANY TAX FOR THE ACCUMULATED INCOME WHICH WAS US$1,35 MILLION. YOU STATED THAT YOUR COMPANY, PT SUMBAR KEMBANG AGUNG WHICH YOU HAD 50% SHARE HAD KEPT 2 SETS OF ACCOUNTS, ONE SET FOR THE GOVERNMENT AND ONE SET FOR THE COMPANY. YOU FURTHER EXPLAINED THAT TAX WAS PAID "UNDER THE TABLE" TO THE GOVERNMENT AUDITOR AS WITHOUT DOING THIS IT WOULD NOT BE POSSIBLE TO CONDUCT BUSINESS IN INDONESIA.

FOR YOUR APPLICATION TO SUCCEED, YOU MUST DEMONSTRATE THAT YOUR ADMISSION TO CANADA WOULD NOT BE CONTRARY TO ANY PROVISIONS OF THE IMMIGRATION ACT AND REGULATIONS. THE IMMIGRATION ACT CLEARLY PLACES THE BURDEN OF PROOF ON THE APPLICANT. WITHOUT CREDIBLE AND VERIFIABLE SUPPORTING DOCUMENTS AND BASED ON YOUR OWN ADMISSION OF TAX EVASION, I AM NOT SATISFIED THAT YOUR SOURCE OF FUNDS HAS BEEN BY LEGAL AND LEGITIMATE MEANS. YOUR FAILURE TO ADEQUATELY ACCOUNT FOR THE LEGALITY OF THE ORIGINS OF YOUR PERSONAL NET WORTH RENDERS YOU INADMISSIBLE TO CANADA.

[10]            Il s'agit de la décision attaquée en l'instance.

[11]            La question principale que soulève ce contrôle judiciaire est celle de savoir si l'agent des visas a violé les principes de justice naturelle du demandeur en ne lui donnant pas l'opportunité de répondre à ses doutes quant à l'insuffisance de la preuve documentaire sur l'origine des fonds et à son évaluation de la preuve verbale et sa détermination d'évasion fiscale. La présente affaire soulève également la question de savoir si l'agent des visas a violé les principes de justice naturelle du demandeur dans sa conduite de l'entrevue du 20 mars 2001.


[12]            Tout d'abord, le demandeur soumet que l'agent des visas ne lui donna pas l'opportunité de répondre à ses doutes quant à l'insuffisance documentaire sur l'origine des fonds. En effet, afin d'arriver à une conclusion d'admissibilité du demandeur, l'agent des visas devait se baser sur une preuve d'ordre documentaire et/ou verbale exclusivement soumise par le demandeur. Pour ce qui est de la preuve documentaire, il s'agissait de celle déjà présente au dossier du demandeur au jour de l'entrevue et de celle qui lui avait été demandé de produire à l'entrevue, soit des documents concernant les trois dernières années de l'origine de ses fonds. Le demandeur soumet qu'il appert d'un document déposé au dossier de la Cour par l'agent des visas que celle-ci a admis que le demandeur aurait apporté, telles que demandées, les preuves documentaires permettant de prouver l'origine de ses fonds des trois dernières années.

[13]            Or, soumet le demandeur, aucune preuve au dossier ne permet de penser que quelque document que ce soit ayant trait à des années antérieures fut demandé du demandeur. Pourtant, les notes CAIPS indiquent que l'entrevue du 20 mars 2001 avait été convoquée spécifiquement parce que l'agent ayant révisé le dossier était concernée par l'accumulation des fonds du demandeur depuis 1976 et ne comprenait pas qu'en 1989, il ait réussi à accumuler les biens et fonds bancaires qu'il déclarait posséder en l'an 2000. Ainsi, selon le demandeur, il appert que sans indication de la part de l'agent des visas qu'elle voulait plus de preuves documentaires, celui-ci satisfaisait à son obligation d'avoir produit les documents demandés.


[14]            Le demandeur soumet que devant son insatisfaction quant à la suffisance des documents présentés, il incombait à l'agent des visas d'en aviser le demandeur et, éventuellement, d'exiger qu'il fournisse plus de documents, ce que les notes CAIPS indiquent qu'elle n'a pas fait. Il incombait aussi à l'agent des visas, si elle n'était pas satisfaite de l'authenticité des documents devant elle, de non seulement en faire part au demandeur et de lui permettre de répondre à cette insatisfaction, mais aussi de lui donner l'opportunité de produire d'autres documents qu'elle aurait considéré comme plus fiables, ce qu'elle n'a pas fait non plus.

[15]            Le demandeur soumet que la jurisprudence de cette Cour a établi à plusieurs reprises et avec constance que l'agent des visas a non seulement ce droit, mais aussi le devoir d'agir dans ces circonstances. Ainsi, malgré cette obligation d'agir équitablement, l'agent des visas a décidé de garder pour elle ses doutes et ses inquiétudes sur la validité et la suffisance de la preuve documentaire soumise par le demandeur et a refusé la demande de résidence permanente du demandeur au motif que les documents soumis ne fournissaient pas une explication que ses fonds provenaient de sources légales et légitimes, comme l'indique sa lettre du 20 mars 2001. Bien que le demandeur lui ai demandé comment il pouvait rendre sa situation légale, l'agent des visas a maintenu son refus. De plus, bien que le demandeur ait tenté d'expliquer avec plus de détails sa situation fiscale, l'agent des visas lui indiqua qu'elle reverrait sa décision sans toutefois lui laisser aucun espoir sur le résultat de sa révision ultérieure. Ce faisant, elle viola les principes de justice naturelle.


[16]            Le demandeur soumet également que l'agent des visas ne lui a pas donné l'opportunité de répondre à ses doutes quant à son évaluation de le preuve verbale et sa conclusion d'évasion fiscale. Le demandeur note que l'agent des visas a indiqué dans son affidavit qu'elle a pour habitude de préparer à l'avance ses questions afin de se donner le temps d'en écrire la réponse pendant l'entrevue et rien n'indique dans son affidavit et/ou dans les notes CAIPS qu'elle aurait dépassé le cadre de quatre questions dites préparées et posées au demandeurs. Le demandeur soumet qu'alors que dans son affidavit l'agent des visas affirme que son habitude est de répéter ses questions pour s'assurer qu'elles sont comprises, rien dans la preuve n'indique qu'elle a agi comme à son habitude durant l'entrevue du demandeur. Ainsi, face à des réponse qui l'auraient inquiétée ou qui auraient éveillé ses doutes sur l'admissibilité du demandeur, l'agent des visas n'a pas ajouté d'autres questions pour éclairer, confirmer ou infirmer son impression d'inadmissibilité.


[17]            Le demandeur note que malgré les difficultés qu'il éprouvait en anglais et la teneur de l'entrevue, il appert des notes CAIPS que l'agent des visas n'a à aucun moment offert ou suggéré un interprète au demandeur. Elle a poursuivi l'entrevue sans s'inquiéter de savoir si ses questions étaient bien comprises par le demandeur ni s'assurer que les réponses qui lui étaient données répondaient bien à ses questions. Le demandeur note également que son affidavit ainsi que celui de l'agent des visas se contredisent sur plusieurs points, notamment en ce que l'agent des visas affirme que le demandeur n'aurait eu aucune difficulté à la comprendre et à lui répondre en anglais lors de l'entrevue alors que le demandeur affirme le contraire et ce, compte tenu du fait que celui-ci était nerveux devant l'importance de cette entrevue et qu'il avait indiqué sur sa demande de résidence permanente qu'il éprouvait des difficultés en anglais.

[18]            Le demandeur soumet que la différence entre les deux affidavits réside dans le manque de souvenir de l'agent des visas sur le déroulement des événements. Il note qu'alors que près de sept mois s'étaient écoulées depuis l'entrevue lorsque l'agent rédigea son affidavit, après avoir mené de nombreuses autres entrevues de candidats, son commentaire est très vigoureux considérant le peu de souvenir qu'elle avait probablement de cette entrevue à ce moment là. Puisque les notes CAIPS ne permettent pas à première vue de contredire l'un ou l'autre de ces affidavits, il s'agit alors de juger de la crédibilité de l'une et de l'autre de ces versions contradictoires. Le demandeur soumet qu'entre la version de l'agent dont son seul souvenir de l'entrevue est que le demandeur ne lui a pas indiqué qu'il avait des difficultés en anglais et celle du demandeur qui, lui, en a un souvenir vivace tant cette entrevue lui était cruciale, il faut préférer cette dernière.


[19]            De plus, les notes CAIPS, reproduction que l'agent prétend être fidèle de ce qui s'est passé à l'entrevue, montrent que l'agent a déduit d'une des réponses fournies par le demandeur qu'il était, comme elle l'écrit, "un cas" d'évasion fiscale. Or, soumet le demandeur, ni dans ces notes, ni dans l'affidavit de l'agent apparaît-il qu'une autre question ait été posée, qu'une opportunité quelconque ait été offerte au demandeur pour corriger cette conclusion, que ce soit verbalement ou par la production éventuelle de documents, et ainsi rassurer l'agent des visas. À ce sujet, le demandeur souligne que son affidavit indique clairement qu'il n'a pas eu l'opportunité de corriger cette conclusion de l'agent, ce qui est confirmé par les notes CAIPS.

[20]            Le demandeur soumet que l'agent des visas avait le droit et l'obligation de s'assurer, tout au long de l'entrevue, que le demandeur répondait à toutes les questions possibles concernant l'origine de ses fonds. Le déroulement de l'entrevue aurait dû pousser l'agent des visas à le questionner plus avant comme l'a indiqué le juge Cullen dans Bhatia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] F.C.J. No. 98. Or, elle a préféré s'en tenir à ses quatre questions prévues d'avance et à ses impressions. Pour ces raisons, le demandeur soumet que l'agent des visas a manqué à son devoir d'agir équitablement envers le demandeur et, ainsi, le refus de l'agent de lui octroyer un visa est mal fondé en fait et en droit et doit être mis de côté.   


[21]            Par ailleurs, le demandeur soumet que l'agent des visas a violé les principes de justice naturelle dans la conduite de l'entrevue. Le demandeur note que l'agent des visas précise dans son affidavit qu'elle ne conduit jamais d'entrevues rapides. Pourtant, ses notes CAIPS font état d'une entrevue autour de quatre questions couvrant une période de 25 ans sur les déclarations de revenus et des taxes du demandeur et de sa compagnie. Ces notes soutiennent l'allégation du demandeur que l'entrevue était courte et rapide et contredisent la version de l'affidavit de l'agent sur ce point, si cette version devait être appliquée à l'entrevue. La version de l'agent est d'ailleurs générale sur son attitude et ne porte pas sur le comportement qu'elle a eu le jour de l'entrevue avec le demandeur puisqu'elle ne mentionne pas qu'elle s'en rappelle.


[22]            À la lecture des notes CAIPS, le demandeur soumet qu'il est pour le moins surprenant de constater qu'après les présentations de base, la première question posée au demandeur était : "have you declared all your income to the government?". Le fait de poser cette question en premier ne pouvait, selon le demandeur, que donner un ton d'inquisition à l'entrevue et dénotait déjà une certaine animosité. Puis, immédiatement après cette question, alors que le demandeur venait de répondre "non", l'agent est parti sur une autre ligne de questions sans rechercher plus avant ce que le "non" pouvait bien vouloir dire. Il ressort aussi des notes CAIPS que l'Agent des visas nota que sa seconde question concernant les 25 dernières années de la vie financière du demandeur n'avait pas reçu d'explication logique. Or, elle décida encore une fois de ne pas aller plus loin dans cette voie et préféra sauter à la prochaine question, à savoir si le demandeur avait deux séries de comptes. Le demandeur y a répondu en disant que sa compagnie en avait deux, et que l'auditeur du gouvernement était "payé sous la table" sans quoi il ne pourrait faire affaires en Indonésie. Or, une fois de plus, l'agent des visas pris note sans aller plus loin que de décréter que le demandeur était un "cas" d'évasion fiscale.

[23]            Le demandeur soumet que l'agent des visas avait le devoir de conduire une entrevue dont le but était de clarifier les questions qu'un autre agent avait soulevées sur le dossier du demandeur et non de conduire un contre-interrogatoire comme dans un procès criminel. Elle avait l'obligation légale de lui donner la marge nécessaire pour répondre calmement à ses questions alors qu'il faisait des efforts pour paraître à son mieux en parlant l'anglais "avec difficulté". Elle avait aussi le devoir de s'assurer qu'il avait eu l'occasion de répondre complètement aux questions qu'elles se posait. Or, en omettant de le faire ou en refusant de le faire, elle a manqué à son devoir d'agir équitablement à l'égard du demandeur et donc son refus de lui octroyer un visa doit être mis de côté puisque mal fondé en faits et en droit.


[24]            Pour sa part, le défendeur soumet que le demandeur ne peut prétendre avoir soumis tous les documents demandés quant à l'origine de ses fonds. À cet égard, comme les notes CAIPS le démontrent, celui-ci a soumis des documents d'impôt (Annual Income Tax Notification Letters) pour les années 1995, 1996, 1997 et 1998. Or, les chiffres y apparaissant avaient tous été convertis en dollars américains, sans que ne soit indiqué à quels chiffres ils correspondaient en monnaie indonésienne, ni quels taux avaient été utilisés pour chacune des années pour établir la conversion en monnaie américaine. L'agent des visas a donc demandé au demandeur s'il maintenait deux systèmes de compatibilité différents, l'un pour le gouvernement et l'autre pour sa compagnie. Celui-ci a alors reconnu que tel était le cas et que les taxes étaient payées sous la table au vérificateur du gouvernement, sans quoi il n'aurait pu continuer à faire affaires en Indonésie. Le demandeur reconnaissait donc explicitement que les documents d'impôt qu'il présentait pour établir ses sources de revenus reflétaient une pratique d'évasion fiscale. Ainsi, soumet le défendeur, ils ne pouvaient servir à établir, d'une manière crédible, ses sources de revenus pour les fins de sa demande de résidence permanente.

[25]            Le défendeur note d'ailleurs que lorsque confronté avec le caractère illégal de ses documents, le demandeur n'a rien su dire d'autre que de demander comment il pouvait rendre légale ce qui était illégal au Canada. En outre, pour les deux dernières années (1999 et 2000), le demandeur soumis des documents non traduits contrairement à ce qu'exigeait la lettre de convocation du 22 janvier 2001. Ainsi, l'agent des visas a été incapable de vérifier les rapports d'impôt du demandeur pour les années 1999 et 2000.

[26]            Quant à l'argument à l'effet que l'agent des visas ne lui a pas donné l'opportunité de répondre à ses doutes quant à l'insuffisance documentaire sur l'origine des fonds et ne lui a pas donné l'opportunité de la compléter, le défendeur soumet que les notes CAIPS démontrent clairement que l'agent des visas lui a bel et bien indiqué que ses documents reflétaient une pratique illégale et que, dans ces conditions, ils ne lui permettaient pas de vérifier ses sources de revenus. Contrairement à ce que celui-ci fait valoir dans son affidavit, il n'a pas non plus demandé à soumettre plus d'informations et/ou plus de documents au sujet de la source de ses fonds. Il a simplement demandé comment il pouvait rendre ses documents légaux, puisque c'était la façon de procéder dans son pays. En somme, le défendeur soumet que le dossier fait voir que le demandeur n'a pas produit de documents qui auraient permis à l'agent d'évaluer adéquatement ses sources de revenus et ce, même si il a été dûment avisé des préoccupations de l'agent à ce sujet.


[27]            En outre, le défendeur soumet que les arguments du demandeur s'appuient sur une prémisse fausse et donc qu'ils ne sauraient être considérées par cette Cour. En effet, l'argumentation du demandeur s'appuie sur une prémisse voulant que ce soit en raison de son défaut de produire des documents couvrant les années antérieures à 1989 que sa demande de résidence permanente a échoué. Le demandeur invoque à cet égard la lettre de convocation du 22 janvier 2001 qui ne mentionnait pas de documents antérieurs à 1989. En somme, si l'on croit le demandeur, il aurait été pénalisé pour n'avoir pas produit des documents qu'on ne lui a jamais demandé de produire. Le défendeur soumet d'une part qu'il est abusif de la part du demandeur et contraire aux termes-mêmes de la décision de l'agent des visas de prétendre que les coches apparaissant sur la lettre de convocation constituent une admission de la part de celle-ci qu'il a satisfait à l'obligation qui lui incombait de prouver la légalité et la légitimité de ses sources de revenus. D'autre part, il est vrai que l'agent des visas a demandé au demandeur d'expliquer oralement comment il avait pu accumuler 1,35 millions de dollars américains et acquérir une propriété d'une valeur de US$100,000 durant cette période, ce que le demandeur n'a pu faire. Or, soumet le défendeur, l'agent des visas n'a jamais exigé des documents pour les années antérieures à 1989 et ce n'est pas le fait de n'avoir pas produit ces documents qui a fait échouer la demande de résidence permanente du demandeur. C'est le fait d'avoir produit, pour les années 1995-2000, des documents non traduits et qui n'étaient pas dignes de foi qui a fait échouer sa demande.


[28]            En outre, contrairement aux prétentions du demandeur dans son affidavit, le défendeur soumet que celui-ci n'a, au cours de l'entrevue, donné aucune indication quant à des difficultés qu'il aurait eues à procéder en anglais. Ainsi, l'agent des visas n'a eu aucune raison de s'inquiéter de savoir si ce dernier comprenait ses questions puisque ses réponses, qui étaient satisfaisantes, démontraient qu'il comprenait bien les questions qu'elle lui posait et qu'il n'avait aucune difficulté de s'exprimer en anglais. De plus, en réponse aux allégations de l'affidavit du demandeur à l'effet que l'agent des visas a mené une entrevue rapide, brusque et inquisitrice, le défendeur soumet que l'affidavit de l'agent des visas indique qu'il n'en est rien et que les notes CAIPS ne mentionnent aucune difficulté spéciale au cours de l'entrevue du demandeur à ce sujet.


[29]            Pour ce qui est du poids à attribuer aux affidavits respectifs du demandeur et de l'agent, le défendeur soumet que l'agent n'a évidemment aucun intérêt dans l'issue du litige alors que le demandeur y a un intérêt évident. Ainsi, il convient d'accorder plus de poids au témoignage d'une personne désintéressée qu'à celui du principal intéressé dans une cause. De plus, le défendeur soumet que le demandeur aurait pu contre-interroger l'agent des visas et rien ne l'empêchait de le faire. Il a cependant choisi de ne pas le faire et le demandeur ne peut maintenant, selon le défendeur, remettre en question ce qui est affirmé dans l'affidavit de l'agent. Par ailleurs, le défendeur soumet que c'est au demandeur qu'incombe le fardeau de convaincre la Cour dans le cadre du présent contrôle judiciaire. Ainsi, dans la mesure où son argumentation repose en grande partie sur ce qu'il dit au sujet de la façon dont s'est déroulée son entrevue, le demandeur doit, pour réussir, convaincre la Cour que ses allégations à cet égard sont véridiques. Cependant, soumet le défendeur, si la Cour n'arrive pas à discerner où se trouve la vérité, elle devra nécessairement conclure que le demandeur ne satisfaisait pas au fardeau qui lui incombe de la convaincre de la véracité des faits dont il témoigne. Il est en effet reconnu que lorsque la Cour ne peut déterminer où se trouve la vérité, elle doit faire perdre la partie qui a le fardeau de la preuve.

[30]            Le défendeur soumet que compte tenu des principes établis dans la jurisprudence, l'agent des visas a fait plus que ne commandait le devoir d'agir équitablement dans les circonstances en soulignant au demandeur que sa preuve ne lui permettait pas de connaître la source de ses avoirs. Le défendeur soumet que l'agent n'avait pas l'obligation d'interroger le demandeur afin de l'amener à parfaire sa preuve. Le fardeau incombait entièrement au demandeur. Les faits démontrent que l'agent a fait connaître ses préoccupations au demandeur et qu'elle lui a posé toutes les questions pertinentes, allant ainsi au-delà de son devoir. Ainsi, le défendeur demande à la Cour de rejeter la demande de contrôle judiciaire du demandeur.

[31]            Après avoir parcouru minutieusement les soumissions écrites et les affidavits déposés par les parties et examiné les notes CAIPS de l'agent des visas, je suis d'avis que cette dernière était en droit de rejeter la demande de résidence permanente du demandeur à cause d'une lacune importante, soit le fait que le demandeur n'a pas produit une preuve documentaire acceptable et crédible pour établir la provenance de ses fonds. Je suis aussi d'avis qu'elle n'a violé aucun principe de justice naturelle justifiant l'intervention de cette Cour.


[32]            Le paragraphe 8(1) de la Loi impose à un demandeur le fardeau de prouver que son admission au Canada ne contrevient pas à la Loi et à ses règlements. Les paragraphes 9(3) et (4) de la Loi prévoient également ce qui suit :


Obligations

9. (3) Toute personne doit répondre franchement aux questions de l'agent des visas et produire toutes les pièces qu'exige celui-ci pour établir que son admission ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.

Délivrance de visas

9. (4) Sous réserve du paragraphe (5), l'agent des visas qui est convaincu que l'établissement ou le séjour au Canada du demandeur et des personnes à sa charge ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements peut délivrer à ce dernier et aux personnes à charge qui l'accompagnent un visa précisant leur qualité d'immigrant ou de visiteur et attestant qu'à son avis, ils satisfont aux exigences de la présente loi et de ses règlements.

Duty to answer questions

9. (3) Every person shall answer truthfully all questions put to that person by a visa officer and shall produce such documentation as may be required by the visa officer for the purpose of establishing that his admission would not be contrary to this Act or the regulations.

Issuance of visa

9. (4) Subject to subsection (5), where a visa officer is satisfied that it would not be contrary to this Act or the regulations to grant landing or entry, as the case may be, to a person who has made an application pursuant to subsection (1) and to the person's dependants, the visa officer may issue a visa to that person and to each of that person's accompanying defendants for the purpose of identifying the holder thereof as an immigrant or a visitor, as the case may be, who, in the opinion of the visa officer, meets the requirements of this Act and the regulations.


[33]            En outre, la définition d'investisseur dans le Règlement sur l'immigration, 1978 SOR/78-172 prévoit qu'il s'agit d'une personne qui a accumulé des biens par ses propres efforts et, donc, provenant de sources légitimes :



2. (1) « _investisseur_ » Immigrant qui répond aux critères suivants :

a) il a exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise;

b) il a indiqué par écrit au ministre qu'il a fait ou a l'intention de faire un placement;

c) il possède un avoir net d'au moins 800 000_$, accumulé par ses propres efforts.

2. (1) "investor" means an immigrant who

(a) has successfully operated, controlled or directed a business,

(b) indicates to the Minister, in writing, that they intend to make an investment or have made an investment, and

(c) has a net worth, accumulated by their own endeavours, of at least $800,000.


[34]            L'agent des visas était donc tenu de refuser d'émettre un visa au demandeur si celui-ci n'a pas rempli les obligations prévues par la Loi.


[35]            En ce qui concerne l'argument du demandeur à l'effet que l'agent des visas ne lui a pas donné l'opportunité de répondre à ses doutes quant à l'insuffisance documentaire sur l'origine des fonds et ne lui a pas donné l'opportunité de la compléter, il faut préciser que l'agent des visas n'a pas toujours le devoir de faire connaître à un demandeur ce qui le préoccupe dans le dossier qu'il lui présente. La jurisprudence de cette Cour a clairement établi que ce devoir n'est présent que lorsque le demandeur ne peut raisonnablement être au courant de ce qui préoccupe l'agent ou lorsque celui-ci obtient des éléments de preuve extrinsèques. Ainsi, l'agent des visas n'a pas ce devoir lorsque ce qui le préoccupe est prévu et clairement identifié dans la Loi ou dans les règlements comme, par exemple, l'obligation qu'ont les demandeurs de démontrer qu'ils ont le droit d'être admis au Canada. Un demandeur doit connaître la Loi et ses règlements d'application et présumer que les préoccupations de l'agent des visas découleront directement de la Loi et des règlements. Dans l'arrêt Mehboob Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] F.C.J. No. 948 (QL) aux para. 19-21 (1ère inst.), le juge Teitelbaum s'est d'ailleurs exprimé ainsi à ce sujet :

It appears that the duty to apprise the applicant of the visa officer's concerns is limited. Given that the applicant must establish that he has met certain criteria to enter Canada, the applicant should assume that the visa officer's concerns will arise directly from the Act or the Regulations. This does not mean that the visa officer should remain silent throughout the interview while the applicant states his case. The visa officer should lead the interview and attempt to draw out relevant information about the application. What it does mean is if, for example, an applicant for a visitor's visa has provided weak evidence supporting his position that he has sufficient ties to his home country to ensure his return, then the visa officer does not have to apprise the applicant of this concern. Such a concern arises directly from the Act and the Regulations. It may be preferable if the visa officer would inform the applicant of this concern but failure to do so does not violate the duty of fairness.

On the other hand, the prime example of when a visa officer should inform the applicant of his concerns is when the visa officer has obtained extrinsic evidence. In that situation, the applicant should have the opportunity to disabuse the officer of any concerns that may arise from that evidence.

In essence, where an interview is necessary to assess an applicant, the duty of fairness requires that the visa officer thoroughly interview the applicant on factors relevant to the claim and give the applicant an opportunity to respond to allegations or assumptions of which the applicant could not be reasonably aware.

[36]            Plus récemment, le juge Kelen écrivait ceci dans l'arrêt Nawab Singh Heer c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] F.C.J. No. 1853 (QL) au para. 19 (1ère inst.) :


While the duty to act fairly requires that the applicant be given the opportunity to address any prejudicial information relevant to their case, this duty to act fairly does not relieve the applicant from the onus to satisfy the visa officer that the applicant has met the requirements set out in the Act and Regulations. The visa officer is under no duty to request that better further evidence be produced; Shaikh v. Canada (1998), 156 F.T.R. 136 (F.C.T.D.) at 140.


[37]            Le demandeur reproche à l'agent des visas de ne pas l'avoir suffisamment questionné au cours de l'entrevue. Il lui reproche, en particulier, de ne pas avoir posé des questions pour éclairer ses doutes quant à son admissibilité. Selon la jurisprudence, l'agent des visas n'a pas l'obligation d'interroger le demandeur afin de l'amener à parfaire sa preuve concernant la source de ses fonds : Harjariwala v. Canada (Minister of Employment and Immigration), [1998] F.C.J. No. 1021 (QL) au para. 7 (1ère inst.); Heer, supra aux para. 21-25. Le fardeau incombe entièrement au demandeur. À mon avis, l'agent des visas en l'espèce n'avait pas à indiquer au demandeur que ses documents ne lui permettait pas de vérifier la source de ses avoirs financiers et l'inviter à fournir davantage de preuves puisque celui-ci ne pouvait ignorer que pour que sa demande de résidence permanente soit accueillie, il devait établir qu'il ne contrevenait pas à la Loi et ses règlements d'application. Pour ce faire, il devait justifier de la provenance de ses ressources personnelles car, autrement, de sérieuses questions se posaient quant à la légitimité et la légalité des moyens dont il s'était pourvu pour les obtenir, ce qui fut d'ailleurs le cas en l'espèce. Il ne s'agit pas ici d'un cas où le demandeur n'a pas eu la possibilité de répondre à des allégations ou suppositions dont il ne pouvait être raisonnablement conscient, ni celui où l'agent obtint et se fia sur des éléments de preuve extrinsèques au détriment du demandeur sans lui donner la possibilité de s'exprimer.


[38]            Quoi qu'il en soit, une lecture des notes CAIPS démontre clairement à mon avis que l'agent des visas a posé toutes les questions pertinentes au demandeur et lui a fait connaître ses préoccupations, mais les réponses qui lui ont été fournies ne lui permettait pas de conclure ses fonds provenaient de sources crédibles et légales. Voyant ses documents pour les années 1995-1998, elle lui a demandé s'il tenait deux comptabilités différentes, une pour le gouvernement, une pour sa compagnie. Le demandeur lui a répondu dans l'affirmative en ajoutant qu'il payait ses taxes à un vérificateur du gouvernement sous la table. Devant cette admission, l'agent des visas a clairement signifié au demandeur que ce fait, dont il témoignait lui-même, rendait ses documents non crédibles et ses sources de revenu invérifiables. De plus, lorsque le demandeur lui a demandé comment il pouvait rendre légal ce qui était illégal, l'agent lui a indiqué que des documents illégaux comme ceux qu'il présentait ne satisfaisaient pas aux exigences du règlement. L'agent des visas a également demandé au demandeur comment il avait pu, avant 1989, accumuler 1,35 millions de dollars américains et acquérir une propriété de $US100,000, et le demandeur n'a pas donné d'explication satisfaisante à ce sujet. À mon avis, une situation aussi claire ne commandait pas que d'autres questions soient posées. Le demandeur n'indique d'ailleurs pas dans son affidavit ni dans ses soumissions ce que l'agent aurait pu faire davantage pour jeter de la lumière sur sa demande de résidence permanente.

[39]            Par ailleurs, l'argument du demandeur à l'effet que sa demande de résidence permanente aurait échoué puisqu'il n'avait pas produit des documents pour les années antérieures à 1989 qu'on ne lui avait d'ailleurs jamais demandé de produire ne peut être retenu. Son cas est tout simplement celui d'une personne qui a présenté des documents à l'appui de sa demande, tout en révélant des faits susceptibles d'amener une personne raisonnable à douter de leur valeur probante. Ainsi, la demande de résidence permanente du demandeur a échoué uniquement parce que les documents qu'il a présentés et qui lui étaient demandés n'ont pas été jugés dignes de foi.


[40]            Quant aux difficultés qu'aurait causé au demandeur le fait de s'exprimer en anglais lors de l'entrevue, je note que le demandeur avait été informé dans la lettre de convocation du 22 janvier 2001 de son obligation de fournir un interprète autre qu'un interprète en mandarin. Or, non seulement le demandeur n'a-t-il pas requis les services d'un interprète, mais il n'a pas fait état de ses difficultés en anglais durant l'entrevue. À cet égard, il n'est nullement contesté que le demandeur n'ait point fait part à l'agent des visas des difficultés qu'il prétend avoir éprouvées au cours de l'entrevue. Il ressort d'ailleurs de son affidavit et de ses prétentions écrites qu'il ne prétend pas avoir fait quoi que ce soit à cet égard alors que, pour sa part, l'agent affirme dans son affidavit qu'il ne lui a pas parlé de difficultés de compréhension. En outre, il ressort de la preuve que les réponses du demandeur aux questions que lui a posées l'agent ont été telles qu'il était impossible à cette dernière de se rendre compte qu'il éprouvait des difficultés à comprendre la portée de ses questions et à s'exprimer en anglais. Devant ces faits, je ne peux que conclure que si le demandeur avait effectivement éprouvé des difficultés au cours de l'entrevue, il devait en faire part à l'agent, chose qu'il n'a pas fait.

[41]            Quant à l'argument du demandeur à l'effet que la forme rapide, brusque et inquisitrice de l'entrevue constitue un manquement aux principes de justice naturelle, justifiant l'intervention de cette Cour, je note que le demandeur n'indique pas quelles circonstances spéciales auraient pu amener l'agent à modifier, dans son cas à lui, sa façon habituelle de procéder. Les notes CAIPS ne font d'ailleurs ressortir aucune difficulté spéciale au cours de l'entrevue dont le demandeur se serait plaint auprès de l'agent.


[42]            À mon avis, il convient d'accorder plus de poids au témoignage de l'agent des visas au sujet de ce qui s'est passé durant l'entrevue pour les raisons suivantes. D'une part, celui-ci est corroboré par les notes qu'elle a retranscrites dans le système CAIPS, lesquelles ne font nulle mention de difficultés de communication avec le demandeur, alors qu'aucun élément ne vient appuyer ou confirmer les allégations du demandeur. En outre, les notes de l'agent ont été retranscrites dans le CAIPS le lendemain de l'entrevue du demandeur, soit le 21 mars 2001, alors que les événements étaient encore frais dans sa mémoire, et l'affidavit du demandeur date pour sa part du 31 août 2001, soit plus de cinq mois après l'entrevue. La contemporanéité des notes du CAIPS, qui corroborent le témoignage de l'agent, constitue à mon avis une raison suffisante de préférer son témoignage à celui du demandeur. Enfin, il convient de noter que ce n'est qu'une fois la décision rendue le 20 mars 2001 que le demandeur a soulevé une objection en ce qui concerne le fond et la forme de l'entrevue. Or, cette objection à la procédure devait à mon avis être soulevée in limine litis et ne pouvait être soulevée une fois la décision rendue, alors que l'intéressé s'est entièrement plié à la procédure qui a conduit à la décision. Dans ces circonstances, le demandeur ne peut donc s'en prendre qu'à lui-même.

[43]            Pour toutes ces raisons, je rejette la présente demande de contrôle judiciaire sur la base qu'elle est non fondée en fait et en droit.

      JUGE

OTTAWA, Ontario

Le 26 avril 2002


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER: IMM-2099-01

INTITULÉ: Marcelinus Oei c. Le Ministre de la citoyenneté et de l'immigration

LIEU DE L'AUDIENCE: Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE: 23 avril, 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU EN DATE DU: 26 avril, 2002

COMPARUTIONS

Me Patricia Gamliel POUR LE REQUÉRANT

Me Guy Lamb POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Gamliel & Valai POUR LE REQUÉRANT Avocats

Morris Rosenberg POUR L'INTIMÉ Sous-procureur général du Canada

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