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Date : 20010928

Dossier : IMM-6620-00

Référence neutre : 2001 CFP1 1070

ENTRE :

                                                       SIVAKUMAR ARUNASALAM

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) le 6 décembre 2000, décision dans laquelle la Commission a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

  

LES FAITS

[2]                 Le demandeur est un citoyen du Sri Lanka âgé de 40 ans. Il revendique le statut de réfugié du fait de sa nationalité (tamoule), des opinions politiques qui lui sont attribuées et de son appartenance à un groupe social, celui des Tamouls du Nord du Sri Lanka.

QUESTIONS EN LITIGE

[3]                 1.        La Commission a-t-elle commis une erreur en n'examinant qu'un seul des motifs de revendication du demandeur?

2.        La Commission a-t-elle commis une erreur en utilisant une norme de preuve erronée pour son analyse?

3.        Une fois écartée la preuve jugée non crédible, la Commission a-t-elle laissé de côté les éléments de preuve objectifs présentés à l'appui de la revendication?

4.        La Commission a-t-elle commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité du demandeur?

ANALYSE

[4]                 1.        La Commission a-t-elle commis une erreur en n'examinant qu'un seul des motifs de revendication du demandeur?

[5]                 Dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), le demandeur déclare revendiquer le statut de réfugié à cause de sa race et de sa nationalité (tamoule sri-lankaise), à cause de sa religion (hindoue), ainsi qu'à cause de son appartenance à un groupe social (tamoul du Nord du Sri Lanka).

[6]                 Le demandeur fait remarquer qu'outre son appartenance au groupe social composé d'hommes tamouls du Nord, trois autres motifs de persécution sont mentionnés dans son FRP, mais que ces autres motifs n'ont pas été examinés par la Commission. Le demandeur fait valoir que le défaut de la Commission de prendre en considération ces autres motifs de revendication est manifeste à la fin de la section « analyse » , dans le paragraphe où la Commission résume les motifs de sa décision.

[7]                 Le demandeur soutient de plus qu'il ressort des motifs écrits qu'aucun autre motif de persécution n'a été examiné. En conséquence, la Commission ne s'est pas acquittée de ses fonctions concernant la revendication du statut de réfugié du demandeur et elle a commis une grave erreur de droit.

  

[8]                 À mon avis, le demandeur ne peut se contenter d'invoquer dans un FRP la crainte de persécution pour différents motifs sans fournir de preuve à l'appui. Si aucun élément de preuve n'est présenté et qu'on ne fait aucune observation afin d'établir une crainte raisonnable de persécution pour les motifs allégués dans le FRP, alors le demandeur ne peut reprocher à la Commission de ne pas les avoir examinés.

[9]                 En l'espèce, le demandeur a allégué différents motifs, mais son témoignage a surtout porté sur sa crainte d'être persécuté à cause de son appartenance au groupe social tamoul du Nord du Sri Lanka ainsi que sur les difficultés auxquelles il s'est heurté au Sri Lanka. Comme l'a fait valoir le défendeur, le demandeur a clairement établi un lien, dans son FRP et dans son témoignage, entre ses expériences et son identité de Tamoul du Nord.

[10]            Nulle part le demandeur n'a-t-il expliqué pourquoi il craignait d'être persécuté du fait de sa religion et il n'a jamais soulevé cette question, sauf au début de son FRP. À mon avis, la Commission n'avait pas à considérer la crainte alléguée du demandeur d'être persécuté du fait de sa religion.

[11]            En l'espèce, la Commission a examiné la crainte du demandeur d'être persécuté du fait de son appartenance à un groupe social, ce motif comprenant implicitement les motifs de race et de nationalité. C'est le demandeur lui-même qui a établi un lien entre sa crainte d'être persécuté et le fait qu'il est un Tamoul du Nord du Sri Lanka, et je ne peux pas reprocher à la Commission d'avoir évalué la preuve sous cet angle.

[12]            À mon avis, la Commission a examiné la revendication du demandeur selon les motifs appropriés.

2.        La Commission a-t-elle commis une erreur en utilisant une norme de preuve erronée pour son analyse?

[13]            Le demandeur soutient également que l'utilisation par la Commission des termes [traduction] « doutes sérieux » , à deux reprises au cours de son analyse du motif de revendication portant sur l'appartenance à un groupe social, démontre que celle-ci a évalué ce motif de revendication en utilisant une norme de preuve erronée.

[14]            Le demandeur prétend n'avoir le fardeau de prouver son identité qu'en vertu d'une norme de droit civil, à savoir celle de la prépondérance de la preuve. Or, la Commission a rejeté expressément son identité en se fondant seulement sur un doute sérieux. Analogue à la norme de preuve applicable en cas de persécution (une « possibilité sérieuse » , « avec raison » ou une « possibilité raisonnable » ), un doute sérieux constitue une norme implicitement moins élevée que celle de la prépondérance de la preuve. La Commission sous-entend que même s'il est probable que le demandeur soit du Nord, elle entretient néanmoins des « doutes sérieux » à ce sujet. C'est là un rejet illégal de l'identité du demandeur en tant que Tamoul du Nord, rejet fondé sur une norme de preuve erronée. La Commission a donc commis une autre erreur de droit.

[15]            À mon avis, l'expression « doutes sérieux » n'a pas été employée par la Commission au sens de fardeau de la preuve, mais plutôt pour expliquer que le demandeur n'a pas établi le bien-fondé de sa revendication et que la Commission ne le jugeait pas digne de foi.

[16]            Quoi qu'il en soit, même si la Commission s'était trompée dans sa formulation du fardeau de la preuve, s'il est clair qu'elle a appliqué le fardeau approprié, l'énoncé inexact du fardeau de la preuve serait sans conséquence.

[17]            Comme l'a dit la Cour d'appel fédérale dans Osei c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] A.C.F. No. 940 (C.A.F.) :

De la même façon que l'effet de l'énonciation incorrecte du critère par le tribunal peut être annulé si celui-ci est appliqué comme il convient, l'effet d'une énonciation correcte peut être annulé s'il est mal appliqué. En l'espèce, il y a lieu de croire que le tribunal n'a pas pesé la preuve de la manière appropriée parce qu'il a mal appliqué un critère qu'il comprenait bien. La décision ne peut donc être maintenue.

[18]            Donc, si j'estime que les motifs énoncés par la Commission sont suffisants pour permettre de conclure que le demandeur n'a pas satisfait au fardeau de la preuve qui lui incombait, l'intervention de la Cour ne sera pas justifiée.

3.        Une fois écartée la preuve jugée non crédible, la Commission a-t-elle laissé de côté les éléments de preuve objectifs présentés à l'appui de la revendication?

[19]            Le demandeur soutient qu'indépendamment de la crédibilité de son témoignage, la Commission doit encore évaluer les autres éléments de preuve pour juger de leur pertinence et pour voir s'ils tendent à établir le fondement objectif de la revendication.

[20]            Le demandeur fait valoir que la Commission n'a fait référence à aucun des documents déposés en preuve concernant l'état du pays, bien qu'il s'y trouve une preuve importante à l'appui de certains autres motifs de revendication. La portée de cette erreur est d'autant plus apparente que la Commission ne met pas en doute le fait que le demandeur soit un Tamoul du Sri Lanka. Ainsi, par exemple, ni la carte d'identité du demandeur provenant du Sri Lanka ni sa carte d'identité de la Croix-Rouge n'ont été mises en question dans la décision de la Commission. La Commission soupçonnait le demandeur d'être un Tamoul du Sud plutôt que du Nord du Sri Lanka.

[21]            Plusieurs documents du demandeur démontrent que les Tamouls du Sri Lanka, qu'ils proviennent du Nord ou du Sud du pays, sont menacés de torts sérieux. Certains de ces documents mentionnent simplement que les Tamouls qui sont expulsés vers leur pays se trouvent immédiatement menacés. Le fait que l'ensemble de la preuve documentaire ait été laissée de côté conduit inévitablement à conclure que la Commission ne s'est pas acquittée de son obligation légale et qu'elle a commis une erreur susceptible de révision.

[22]            Par conséquent, la Commission était tenue de remplir son obligation légale en examinant les autres motifs de la revendication et son défaut de ce faire signifie que sa décision doit être annulée.

[23]            Le demandeur n'est pas parvenu à établir un élément essentiel de sa revendication, à savoir son identité. Comme celle-ci n'a pu être établie, la Commission n'avait pas à apprécier la preuve objective qui appuierait l'idée que les Tamouls du Nord du Sri Lanka sont persécutés.

[24]            Dans la décision Sinora c. M.E.I., [1993] A.C.F. No. 725 (C.A.F.), le juge Noël a dit :

Le requérant admet ne pas avoir établi qu'il faisait personnellement l'objet de persécution. Il ajoute cependant que puisque la preuve documentaire démontre clairement que les pauvres sont maltraités en Haïti, les membres de la Section se sont fourvoyés en statuant qu'aucune preuve de persécution n'a été présentée.

À mon avis, la demande du requérant est tout à fait sans fondement. Il est bien établi qu'un requérant doit démontrer une crainte objective et subjective de persécution. En l'occurrence, il n'était pas suffisant de simplement déposer de la preuve documentaire. Il fallait tout au moins démontrer que le requérant lui-même avait une crainte réelle de persécution. En l'absence de cette preuve, les membres de la Section étaient en droit de conclure comme ils l'ont fait.

[25]            Vu la conclusion de la Commission, je suis dans l'impossibilité de conclure que celle-ci a commis une erreur parce qu'elle ne s'est pas référée à la preuve objective.

4. La Commission a-t-elle commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité du demandeur?

[26]            La Commission a estimé que le demandeur n'était pas digne de foi et que les documents personnels présentaient un grand nombre de contradictions qui n'étayaient pas sa revendication.

[27]            Dans l'arrêt Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1993] A.C.F. No. 732 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a explicité les circonstances dans lesquelles l'intervention de la Cour est justifiée lorsque l'appréciation de la crédibilité par la Commission est en cause :

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron, la Cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à mon avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées par le tribunal ne pouvaient pas raisonnablement l'être.

[28]            Dans la décision Boye c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. No. 1329 (C.F. 1re inst.), le juge en chef adjoint Jerome a dit :

Tout d'abord, les questions de crédibilité et de poids de la preuve relèvent de la compétence de la section du statut de réfugié en sa qualité de juge des faits en ce qui concerne les revendications du statut de réfugié au sens de la Convention. Lorsque la conclusion du tribunal qui est contestée porte sur la crédibilité d'un témoin, la Cour hésite à la modifier, étant donné la possibilité et la capacité qu'a le tribunal de juger le témoin, son comportement, sa franchise, la spontanéité avec laquelle il répond, et la cohérence et l'uniformité des témoignages oraux.

[29]            Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur dans son appréciation de sa crédibilité. Il a par exemple expliqué le délai de six mois écoulé avant sa fuite du Sri Lanka en disant qu'il avait eu besoin de temps pour se procurer des fonds et obtenir une carte-voyage. Dans ses motifs, la Commission a toutefois dit qu'aucune explication n'avait été offerte et elle en a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur.

[30]        Il importe de souligner que la Commission ne se référait pas au retard mis par le demandeur à quitter le pays, mais plutôt à son retard à se rendre à Colombo. À la page 4 de sa décision, la Commission a remarqué :

Enfin, il y a la question de la crainte subjective. Le tribunal n'a pas pu comprendre pourquoi le revendicateur aurait attendu environ six mois après l'incident ultime avec les autorités, en mai 1999, pour quitter Colombo, particulièrement en raison des relations solides qu'il entretenait dans cette ville. Le revendicateur n'a donné aucune explication.

[31]            L'incident de mai 1999 signalé par la Commission s'est produit à Point Pedro. Le demandeur a été arrêté, puis mis en liberté le 25 juin 1999. Cependant, il n'a quitté Point Pedro pour Colombo qu'à la fin décembre.

[32]            Interrogé à ce sujet, le demandeur a répondu (en page 90 de la transcription) :

[traduction]

Q.           Ainsi, monsieur, si je regarde votre histoire, lors du dernier incident qui est arrivé en 1999 quand vous viviez dans le Nord à Point Pedro, vous avez été détenu en mai 1999, puis vous avez été mis en liberté le 25 juin 1999. Vous avez pourtant attendu presque la fin de l'année avant de partir ou de faire quelque chose pour vous rendre à Colombo pour quitter le pays. Ceci en dépit du fait que vous semblez alors en possession d'un passeport valide. Pourriez-vous expliquer pourquoi vous avez attendu si longtemps?

R.           Une raison, c'est qu'il fallait prendre des dispositions pour l'argent. Pour obtenir une carte, j'ai demandé au gramasivaka, c'est-à-dire au chef du village. Pendant deux mois, il n'a fait qu'essayer... il me disait de venir demain, de revenir le lendemain, comme ça pendant deux mois. Finalement, une de nos connaissances a dit : « Donne-moi cinq mille roupies et je vais te procurer une carte. » Il m'a amené au bureau des cartes dans la ville de Jaffna, il a fait quelques arrangements et il m'a obtenu la carte.

[...]

Q.           Vous n'avez pas tenté de vous échapper ou de partir par d'autres moyens? Vous n'avez pas essayé de soudoyer quelqu'un pour obtenir une carte plus tôt?

R.           Ça me prenait du temps pour obtenir de l'argent, et pour finir, il y avait aussi le gramasivaka. Il me faisait espérer, puis désespérer à ce sujet.

[33]            À mon avis, le demandeur a effectivement donné des raisons et ses raisons peuvent être jugées valables. Cependant, malgré les explications du demandeur, je ne suis pas certain que les motifs de la Commission soient déraisonnables puisqu'il a obtenu sa carte au bout de deux mois et qu'il n'est parti que six mois après sa mise en liberté.

[34]            De même, le demandeur a expliqué de façon précise pourquoi il a présenté une demande pour étudier à l'étranger et donc quitter Colombo alors qu'il avait décidé d'y déménager peu avant. Dans ses motifs pourtant, la Commission a encore dit expressément qu'aucune explication n'avait été offerte et elle en a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur.

[35]            La Commission a fait remarquer que le certificat d'études universitaires que le demandeur a présenté était daté de 1996, dix ans après la fin de ses études. Quand on lui a demandé d'expliquer pourquoi il en était ainsi, il a déclaré n'avoir obtenu ce certificat qu'à la fin de 1996, car il devait prendre des dispositions pour faire des études de doctorat à l'étranger. La Commission a observé que cette possibilité n'était pas mentionnée dans le FRP du demandeur.

[36]            La Commission a aussi estimé que cette information contredisait un témoignage antérieur, alors qu'on avait demandé au demandeur pourquoi lui et son épouse s'étaient rendus à Colombo à l'automne 1996. Le demandeur a dit que c'était pour y chercher du travail. Mis devant ces contradictions, ici encore le demandeur n'a pu fournir d'explications.


[37]            L'échange suivant s'est déroulé à ce propos, comme en fait foi la transcription à la page 78 :

[traduction]

PAR L'AGENT CHARGÉ DE LA REVENDICATION (à la personne en cause)

Q.           D'accord, mais pourquoi avez-vous obtenu ce certificat?

R.           Monsieur, à ce moment-là, j'étais venu à Colombo pour m'inscrire. À ce moment-là, j'allais très souvent à Colombo, c'est alors que j'ai obtenu ce certificat.

Q.           Pourquoi?

R.           Pour demander une bourse.

PAR LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE (à la personne en cause)

Q.           Pour faire quoi?

R.           Des études supérieures. Pour faire un doctorat.

Q.           Et pourquoi faisiez-vous cela, monsieur?

[...]

R.           J'aime étudier, pour poursuivre mes études.

Q.           Au Royaume-Uni, monsieur?

[...]

Q.           Alors, si je comprends bien, vous venez de vous marier, vous fuyez la région de Killinochchi. Votre femme travaille. Votre femme travaille. Et en décembre, au dire de tous, elle aurait été, en décembre 96, elle aurait été enceinte de votre fille née en juillet suivant. Pourtant, pour une raison ou pour une autre, vous demandez un certificat pour pouvoir aller étudier au Royaume-Uni.

R.           Quand on fait une demande, on nous appelle seulement au bout d'un semestre. On nous appelle après un an. Le visa est alors donné à toute la famille.

Q.           Alors, si vous faisiez cela, monsieur, en 1996, c'était donc votre projet en 1996?

R.           J'avais le projet de continuer mes études, d'essayer de faire des études supérieures.

Q.           Oui, mais si c'était votre projet, monsieur, en 1996, pourquoi alors ne pas avoir posé d'autres gestes qui sembleraient aller dans le même sens, comme demander un passeport?

R.           J'étais admis, mais je n'avais pas la bourse. C'est pourquoi je n'y suis pas allé.


[38]            Le demandeur a de plus témoigné, à la page 88 :

[traduction]

PAR LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE (à la personne en cause)

Q.           En 1996, en septembre 96, quand vous vous êtes rendu à Colombo avec votre femme, quel était votre projet? Qu'alliez-vous faire à Colombo? Et quel était le projet que vous alliez faire à Colombo, quel était votre projet?

R.           Nous sommes allés avec l'idée... à ce moment-là, avec l'idée d'y vivre.

Q.           De vivre à Colombo?

R.           Oui.

Q.           Bien, cela semble contredire le témoignage que vous avez fait il y a quelques instants, alors que vous disiez penser à étudier en Angleterre. S'il vous plaît, monsieur, attendez la question. Et c'est pourquoi vous avez obtenu ce certificat en décembre 1996. Avez-vous une explication?

R.           C'est que je suis allé avec... nous sommes allés avec l'idée d'y vivre. Et une fois arrivés, c'est ma femme qui m'a parlé de faire mon doctorat.

[39]            Je ne peux pas conclure qu'il y a erreur dans la conclusion de la Commission puisque le demandeur a effectivement dit plus tôt dans son témoignage qu'il était allé à Colombo pour faire son inscription. Les réponses du demandeur n'étaient certainement pas claires et je ne peux pas reprocher à la Commission d'avoir conclu qu'il s'est contredit.

[40]            La Commission a aussi tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur en constatant que le ticket de caisse de Singapour était antérieur à son arrivée dans ce pays. Pourtant, nulle part refuse-t-elle, ou même examine-t-elle expressément, son explication donnée à l'audience selon laquelle il a acheté la caméra après son arrivée à Singapour d'une personne qui lui a remis le ticket.


[41]            Au sujet du ticket de caisse, je suis d'avis que la conclusion de la Commission était raisonnable et qu'elle n'avait pas à accepter l'explication du demandeur.

[42]            Le demandeur soutient que la Commission a porté atteinte au principe d'application régulière de la loi en omettant d'aviser le demandeur que les changements ou les omissions dans le FRP soulevés durant l'audience avaient une importance significative, et en continuant d'invoquer ces mêmes éléments comme source des problèmes de crédibilité.

[43]            Le demandeur fait valoir que pour certaines des conclusions concernant la crédibilité, la Commission lui a refusé l'application régulière de la loi. À la page 2 des motifs, la Commission a tiré une conclusion défavorable de deux omissions distinctes dans le FRP, au sujet des frères du demandeur et au sujet de sa résidence à Kandy pendant un certain temps. Pourtant, quand ces questions ont été soulevées au cours du témoignage oral, la Commission n'a pas trop insisté ni sur l'une ni sur l'autre, sauf pour demander, et recevoir, une explication sur la raison pour laquelle l'information concernant les frères n'avait pas d'abord été incluse.

[44]            Au moment où il a présenté son FRP, le demandeur savait qu'il devait fournir les renseignements demandés.

[45]            Sur la première page du FRP, il est énoncé :

Le présent formulaire vise à renseigner la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) sur votre revendication du statut de réfugié au sens de la Convention [...]

Le présent formulaire servira de preuve à l'instruction de votre revendication du statut de réfugié au sens de la Convention. Il est possible qu'on vous pose des questions à l'audition de celle-ci à propos de quelques-unes ou de l'ensemble de vos réponses.

Le formulaire doit donc être rempli au complet, et les renseignements qui y figurent doivent être véridiques et exacts. Veuillez répondre à toutes les questions, et inscrivez s/o. (sans objet) lorsque la question ne s'applique pas à votre cas. Si vous n'avez pas suffisamment d'espace pour répondre à une question, utilisez une feuille à part, afin de fournir une réponse complète. Donnez les précisions voulues, les dates et les noms exacts. Si vous ne comprenez pas une question, veuillez demander des explications avant d'y répondre.

[46]            À mon avis, le demandeur était dûment avisé, avant son audition, de l'importance des réponses données dans le FRP.

[47]            De plus, que la Commission ait ou non avisé le demandeur que les omissions dans le FRP soulevées à l'audience avaient une importance significative ne changerait rien à la réalité que le demandeur a omis des faits dans son FRP. Même si la Commission lui en avait parlé, elle n'en aurait pas moins eu le droit de s'appuyer sur les omissions pour établir la crédibilité. Le demandeur a eu l'occasion d'expliquer pourquoi il a omis certains faits dans son FRP. À mon avis, la Commission a respecté les principes de justice naturelle et d'application régulière de la loi.

[48]            Dans la décision Basseghi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. No. 1867 (C.F. 1re inst.), le juge Teitelbaum dit ceci :


Il n'est pas inexact de dire que les réponses fournies dans un FRP devraient être concises, mais il est inexact de dire que ces réponses ne devraient pas contenir tous les faits pertinents. Il ne suffit pas à un requérant d'affirmer que ce qu'il a dit dans son témoignage oral était un développement. Tous les faits pertinents et importants devraient figurer dans un FRP. Le témoignage oral devrait être l'occasion d'expliquer les informations contenues dans le FRP.

[49]            Le demandeur soutient qu'en s'efforçant de contester sa preuve, la Commission est allée jusqu'à faussement interpréter ses extraits de naissance. Un examen de ces documents démontre à l'évidence qu'il ne s'agit pas au sens propre de deux extraits de naissance, comme l'avait d'abord dit la Commission. L'un est plutôt une traduction anglaise et l'autre, une version tamoule. La Commission dit que la version tamoule a été délivrée en 1993 ou en 1998, et qu'elle est donc postérieure à la traduction. Or, sur la deuxième page de la version tamoule, la date (1993) est manifestement celle de la confection de la copie certifiée au bureau d'état civil. Le demandeur a reconnu franchement avoir dû obtenir une copie plus récente de l'extrait de naissance tamoul parce que l'original avait été remis à son université. La Commission n'affirme nulle part que la traduction anglaise et la version tamoule ont un contenu différent. Rien ne lui permet donc de qualifier ces documents de douteux.

[50]            J'ai relu attentivement la transcription et à mon avis, le demandeur n'a pas dit, comme l'a établi la Commission, que le texte anglais était la traduction de la version tamoule datée de 1993 ou de 1998. Je crois plutôt que le demandeur disait que la traduction anglaise avait été faite à partir d'un document original contenu dans son dossier.

[51]            À mon avis, la Commission a mal interprété le témoignage du demandeur sur ce point.

[52]            Comme on ne devrait pas s'en remettre à cette partie des motifs de la Commission pour mettre en doute la crédibilité des extraits de naissance, il faut se pencher sur les autres motifs donnés par la Commission pour voir s'ils permettent de conclure que les copies des extraits de naissance devraient être écartées.

[53]            La Commission a fait remarquer que les deux extraits de naissance mentionnent le Ceylan et non le Sri Lanka comme pays. En ce qui concerne le témoignage du demandeur selon lequel la version tamoule de son extrait de naissance de 1981 (version anglaise) avait été déposée à l'université cinghalaise qu'il fréquentait, la Commission a estimé que l'inverse serait plus juste. Je ne suis pas certain que les autres motifs qu'invoque la Commission pour douter de la crédibilité des documents soient suffisants.

[54]            Même si je suis arrivé à la conclusion que la Commission a pu se tromper en ce qui a trait aux extraits de naissance et au temps mis à quitter Point Pedro pour se rendre à Colombo, je crois que les autres motifs énoncés par celle-ci suffisent à étayer sa conclusion que le demandeur n'a pas démontré qu'il était un Tamoul du Nord du Sri Lanka et qu'il était persécuté.

[55]            En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


[56]            Ni l'un ni l'autre des avocats n'a proposé de question pour certification.

  

« Pierre Blais »

                                                                                                                                    Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 28 septembre 2001

Traduction certifiée conforme

Nicole Michaud LL.L., M. Trad.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                IMM-6620-00

INTITULÉ :                               Sivakumar Arunasalam c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :        Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 18 septembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : Monsieur le juge Blais

DATE DES MOTIFS :             le 28 septembre 2001

  

COMPARUTIONS :

Avi J. Sirlin                                                                       POUR LE DEMANDEUR

Martin Anderson                                                              POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avi J. Sirlin                                                                       POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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