Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20201117


Dossier : T-1112-19

Référence : 2020 CF 1057

Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2020

En présence de la juge en chef adjointe Gagné

ENTRE :

CONSEIL DES ATIKAMEKW DE MANAWAN

demandeur

et

MONSIEUR ALAIN BOISVERT

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Survol

[1]  Dans sa décision Première Nation de Atikamekw de Manawanc Boisvert, 2020 CF 516 [Manawan 1], la Cour a conclu qu’il était raisonnable pour l’arbitre Pierre Lamarche, nommé en vertu du Code canadien du travail, LRC 1985, c L-2 [CCT], d’avoir qualifié le contrat ayant lié le Conseil des Atikamekw de Manawan à M. Alain Boisvert de contrat de travail, et d’avoir conclu que M. Boisvert avait fait l’objet d’un congédiement injuste au sens de l’article 242(3) du CCT.

[2]  Dans une seconde décision, l’arbitre a déterminé le remède qu’il jugeait approprié dans les circonstances et a octroyé à M. Boisvert la somme de 466 581,71 $ (dont le détail sera discuté plus loin), en plus de dicter le contenu d’une lettre de référence à être transmise sur demande par le Conseil.

[3]  C’est cette seconde décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

II.  Faits

[4]  M. Boisvert est psychologue de profession. En 2010, le Conseil retient ses services pour développer et mettre en œuvre un programme visant à réduire le taux de suicide sur la réserve.

[5]  En 2017, M. Boisvert est informé qu’une pétition circule dans la communauté, par laquelle les signataires critiquent la qualité de ses services professionnels et demandent son congédiement.

[6]  M. Boisvert écrit à la directrice des services professionnels et au directeur des services de santé de Manawan pour leur exprimer ses préoccupations à l’égard de cette pétition. Le Conseil suspend alors M. Boisvert et ordonne la tenue d’une enquête visant à faire toute la lumière sur les allégations.

[7]  Le Conseil met toutefois fin au contrat de M. Boisvert le 13 avril 2017, avant même de connaître le résultat de l’enquête. Les motifs invoqués pour ce faire sont résumés au paragraphe 11 de Manawan 1, soit le fait :

Qu’il ait tenté d’inciter le Conseil à intervenir pour faire cesser la pétition des membres de la communauté;

Qu’il ait questionné l’état mental de la personne à l’origine de la pétition, alors qu’il ne la connaissait pas, et d’avoir invité le Conseil à intervenir auprès de son entourage;

Qu’il ait cherché à connaître immédiatement, sans en préciser la raison, les noms des signataires et des instigateurs de la pétition avant même que le Conseil n’ait mis sur pied le comité chargé de vérifier le bien-fondé des allégations; et

Qu’il ait augmenté unilatéralement ses honoraires professionnels sans obtenir l’accord du Conseil.

[8]  Postérieurement au congédiement de M. Boisvert, le Comité d’enquête rejette la plainte contre M. Boisvert, ainsi que l’ensemble des allégations formulées dans la pétition.

[9]  Le principal enjeu devant la Cour dans Manawan 1 était de déterminer si l’arbitre avait eu raison de conclure que le contrat qui liait les parties était un contrat de travail et non un contrat de service au sens des articles 2098 et suivants du Code civil du Québec, c CCQ-1991 [CcQ]. Or, la Cour a conclu que bien que certains éléments de la preuve militaient en faveur du contrat de service (par exemple le mode de rémunération de M. Boisvert, le fait qu’il ne bénéficiait pas d’avantages sociaux et que le Conseil ne faisait aucun prélèvement à la source), il n’était pas déraisonnable pour l’arbitre de préférer les éléments de preuve qui militaient en faveur du contrat d’emploi (par exemple le lien de subordination, l’organisation du travail, etc.). La Cour a également confirmé la conclusion de l’arbitre à l’effet que M. Boisvert a été congédié injustement au sens de l’article 242(3) du CCT. Cette décision fait l’objet d’un appel pendant devant la Cour d’appel fédérale.

III.  Décision contestée

[10]  Dans sa seconde décision, l’arbitre condamne le Conseil à payer à M. Boisvert, au chapitre des dommages et réparations, les sommes suivantes :

Pour salaire perdu, la somme de 262 659,04 $ (avec intérêt au taux légal à compter du 13 avril 2017 jusqu’au jour du paiement);

Pour valoir de délai-congé, la somme de 122 977,83 $ (avec intérêt au taux légal à compter du 28 septembre 2018 jusqu’au jour du paiement);

Au chapitre des dommages moraux, la somme de 25 000 $;

Au chapitre des dommages punitifs, la somme de 15 000 $;

La somme de 37 104,71 $ en remboursement partiel des honoraires professionnels et déboursés encourus par M. Boisvert;

La somme de 3 840,13 $ représentant la valeur des biens de M. Boisvert disparus du logement qu’il occupait sur la réserve, de l’usage de ces biens par des tiers, ainsi qu’en remboursement de frais de ligne téléphonique et de nettoyage;

[11]  L’arbitre dicte également le contenu de la seule lettre de recommandation que le Conseil peut fournir au bénéfice de M. Boisvert, à qui en fait la demande.

IV.  Questions en litige et norme de contrôle

[12]  Puisque la norme de contrôle qui s’applique en l’instance est celle de la décision raisonnable (Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 25), la seule question qui se pose celle de savoir si les dommages et la réparation octroyés par l’arbitre sont raisonnables. L’analyse de la Cour donc sera sous-divisée par poste de dommages octroyés par l’arbitre.

V.  Remarques préliminaires

[13]  Puisque je ne dispose ni d’une transcription de l’audience ni d’un Dossier certifié du Tribunal, je prends pour acquis, pour les fins de cette demande de contrôle judiciaire, que les seuls documents qui se trouvaient devant l’arbitre sont ceux énumérés à l’annexe 1 de sa décision.

[14]  Et puisqu’il est bien connu qu’à l’exception des informations générales qui sont susceptibles de l’aider à comprendre les questions dont elle est saisie, une Cour de révision ne peut considérer que le dossier de preuve dont disposait le décideur administratif (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 au para 20), je ne tiendrai pas compte des éléments de preuve qui ne font pas partie de l’annexe 1 et qui, pour bon nombre, sont postérieurs à la décision sous étude.

[15]  En ce qui concerne les dissensions quant à ce qui a ou non été dit devant l’arbitre, je ne peux malheureusement pas les trancher en l’absence de transcription. J’accorderai donc une grande déférence à l’analyse de la preuve et au récit des faits par l’arbitre.

VI.  Analyse

A.  Compensation pour salaire perdu

[16]  Au chapitre du salaire perdu, M. Boisvert réclamait la somme de 297 098,58 $ représentant le total de ce qu’il aurait facturé au Conseil, à son taux quotidien indexé de 820 $, du 13 avril 2017 (date de son congédiement) au 28 septembre 2018 (date de la première décision de l’arbitre), n’eut été du congédiement.

[17]  Dans un premier temps, l’arbitre retient plutôt un taux quotidien de 750 $ puisqu’il conclut que seul le Conseil pouvait approuver une augmentation du taux quotidien de M. Boisvert, ce qu’il n’a pas fait.

[18]  Par ailleurs, l’arbitre note que la réclamation ne comprend pas qu’un manque à gagner au niveau des honoraires, mais également au niveau des frais de déplacement (rappelons que M. Boisvert voyageait de la région de Chaudière-Appalaches à la réserve située au nord de Joliette). À ce chapitre, comme les parties avaient convenu d’un montant forfaitaire de 500 $ par journée de transport et qu’une partie de ce montant couvrait les dépenses de sa voiture, l’arbitre a conclu que cette dernière partie devait être retranchée puisque la dépense n’a pas été encourue par M. Boisvert. Se fondant sur le taux d’allocation pour frais d’automobile reconnu au Québec par le Gouvernement du Canada pour l’année 2018, l’arbitre a retranché un montant de 212 $ (400 km x 0,53 $) par journée de transport de la réclamation de M. Boisvert.

[19]  L’arbitre a donc accordé 262 659,04 $ pour salaire perdu.

[20]  Le Conseil plaide que ce montant est déraisonnable pour deux raisons : i) l’arbitre aurait dû déduire l’indemnité pour déplacement au complet, et ii) l’arbitre aurait dû réduire l’indemnité pour perte de salaire pour tenir compte du fait que M. Boisvert n’a fait aucune preuve qu’il ait tenté de mitiger ses dommages.

[21]  Sur le premier moyen invoqué par le Conseil, je suis d’avis qu’il était raisonnable pour l’arbitre de retenir le témoignage de M. Boisvert à l’effet qu’il a été convenu qu’une partie seulement de la somme de 500 $ couvrait les dépenses de voiture, le reste devant compenser pour son temps de déplacement. Il n’était alors pas libre de son temps puisqu’il devait parcourir les 400 kms qui séparaient sa résidence de la réserve. Il s’agit d’un montant qu’il aurait perçu n’eut été de son congédiement. Bien que les déplacements ne soient généralement pas considérés comme des heures de travail (voir notamment Déménagements Tremblay Express Ltée c Gauthier, 2018 CF 584 au para 11), les parties ont convenu que la situation particulière d’éloignement de la réserve justifiait une exception à cette règle et elles ont déterminé la valeur qu’elles attribuaient au temps de déplacement de M. Boisvert. La logique appliquée par l’arbitre se tient et je ne vois aucune raison d’intervenir à ce niveau.

[22]  Je ne crois pas non plus que le second moyen invoqué par le Conseil nécessite l’intervention de la Cour. Le Conseil a déposé en preuve la publicité entourant un certain nombre de postes de psychologue affichés au cours de la période pertinente, certains dans la région de M. Boisvert, d’autres non.

[23]  De son côté, M. Boisvert a déposé une note de son médecin traitant à l’effet qu’il était en arrêt de travail pour dépression pour une bonne partie de la période pertinente. Il a également déposé ses factures pour services professionnels rendus lors de son retour progressif au travail à compter du 8 juin 2018, lesquelles totalisent la somme de 5 312,50 $ que l’arbitre déduit de la compensation pour perte de salaire.

[24]  Le Conseil plaide que l’arbitre ne pouvait accepter la note du médecin traitant de M. Boisvert sans son témoignage et qu’il a été privé de son droit de le contre-interroger.

[25]  L’arbitre étant maître de la preuve qu’on lui soumet, je suis d’avis qu’il lui était loisible d’accepter la note médicale du médecin traitant combinée au témoignage de M. Boisvert comme faisant preuve de son incapacité à retourner sur le marché du travail avant le 8 juin 2019, et de l’opportunité de procéder à un retour progressif à compter de cette date. Encore une fois, les motifs de l’arbitre sont intrinsèquement rationnels et sa conclusion fait partie des issues possibles et acceptables tenant compte des contraintes factuelles et juridiques.

B.  Le calcul et l’octroi d’un délai-congé

[26]  Lors de l’audience devant la Cour, j’ai demandé aux parties si dans les faits, le salaire octroyé par l’arbitre entre le moment du congédiement et le moment de sa première décision ne constituait pas un délai-congé de 17 mois ou, dit autrement, s’il n’y avait pas double emploi entre la compensation pour salaire perdu et le délai-congé. Cependant, puisque cette question n’a pas été soulevée dans les mémoires des parties et que le procureur du Conseil a fait valoir qu’en vertu du CCT, l’arbitre avait la discrétion d’accorder les deux, je m’en tiendrai aux questions qui ont été plaidées par les parties.

[27]  D’entrée de jeu, l’arbitre indique qu’il tire sa compétence pour l’octroi d’un délai-congé de l’article 242(4) du CCT qui lui attribue le pouvoir et le devoir d’imposer toute mesure équitable de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou d’y remédier, ainsi que des articles 2091 et 2092 du CcQ, qui se trouvent au chapitre portant sur le contrat de travail, et qui prévoient que :

2091. Chacune des parties à un contrat à durée indéterminée peut y mettre fin en donnant à1’autre un délai de congé.

Le délai de congé doit être raisonnable et tenir compte, notamment de la nature de l’emploi, des circonstances particulières dans lesquelles il s’exerce et de la durée de la prestation de travail.

2092. Le salarié ne peut renoncer au droit qu’il a d’obtenir une indemnité en réparation du préjudice qu’il subit, lorsque le délai de congé est insuffisant ou que la résiliation est faite de manière abusive.

[28]  Le Conseil plaide d’abord que puisque M. Boisvert rendait ses services professionnels par l’entremise d’une personne morale, il ne peut bénéficier des avantages inhérents au délai-congé.

[29]  Subsidiairement plaide-t-il, puisque le délai-congé doit tenir compte des avantages sociaux dont bénéficiait l’employé et que M. Boisvert n’en bénéficiait d’aucun, la décision contestée est forcément déraisonnable, cherchant à palier pour quelque chose d’inexistant.

[30]  La Cour ignore si l’argument à l’effet que M. Boisvert ait offert ses services par l’intermédiaire d’une personne morale a été plaidé devant l’arbitre puisque ce dernier n’en fait aucune mention. Chose certaine, il n’y a aucune preuve au dossier à cet effet et toutes les factures qui ont été déposées sont au nom de M. Boisvert personnellement. Le Conseil réfère la Cour à un document émanant de Revenu Québec qui atteste de l’inscription de l’entreprise personnelle de M. Boisvert (et de sa conjointe) au fichier de la taxe de vente du Québec (TVQ). Or, on sait que le Conseil bénéficie d’une exemption de taxes et qu’il ne paie ni la TPS ni la TVQ. Par ailleurs, dans Manawan 1 la Cour a confirmé la conclusion de l’arbitre à l’effet qu’en dépit du mode de rémunération de M. Boisvert, il y avait lieu de le considérer comme un employé et non comme un travailleur autonome. Si M. Boisvert est un employé auquel s’applique l’article 242(4) du CCT et les articles 2091 et 2092 du CcQ, il a droit au délai-congé. Le Conseil ne m’a pas convaincue que l’arbitre aurait erré à ce niveau.

[31]  Il ne m’a pas non plus convaincue que le fait que la rémunération de M. Boisvert ait été fonction d’un honoraire forfaitaire quotidien, exclusion faite des avantages sociaux généralement payés aux employés, empêchait l’arbitre de lui octroyer une compensation pour délai-congé. Encore une fois, cela découle simplement de la conclusion de l’arbitre à l’effet que M. Boisvert était un employé et non un fournisseur de services.

[32]  Finalement, bien que le délai-congé inclut normalement les avantages sociaux, il n’est pas limité aux avantages sociaux.

[33]  Dans Wallace c United Grain Growers Ltd, [1997] 3 RCS 701la Cour Suprême énumère quelques facteurs à prendre en compte dans le calcul d’un délai-congé raisonnable :

[81] Pour déterminer ce qui constitue un préavis raisonnable de cessation d’emploi, les tribunaux ont généralement appliqué les principes énoncés par le juge en chef McRuer dans Bardal c. Globe & Mail Ltd. (1960), 24 D.L.R. (2d) 140 (H.C. Ont.), à la p. 145:

[TRADUCTION] Il est impossible de préciser ce qui constitue un préavis raisonnable dans des catégories particulières de cas. Le caractère raisonnable du préavis est à déterminer au cas par cas, eu égard à la nature de l’emploi, à l’ancienneté de l’employé, à l’âge de celui‑ci et à la possibilité d’obtenir un poste similaire, compte tenu de l’expérience, de la formation et des compétences de l’employé.

[34]  Tenant compte de l’âge et du statut de professionnel de M. Boisvert, du haut niveau de responsabilités que le Conseil lui a confiées, de fait qu’il ait été sollicité par le Conseil et qu’il ait quitté un emploi stable et rémunérateur pour venir travailler à Manawan, l’arbitre lui octroie un délai-congé d’un mois par année de service. Cela équivaut à huit mois et à une indemnité de 122 977,83 $.

[35]  Or au paragraphe 85 de son mémoire des faits et du droit, le Conseil se dit en désaccord avec le calcul de l’arbitre. Il s’exprime comme suit :

Ainsi, selon les critères retenus par la jurisprudence, le défendeur :

Ÿ  A travaillé environ 76 mois (soit 6,3 ans);

Ÿ  Ne détenait aucun poste hiérarchique ou décisionnel, se disant lui-même un simple employé du demandeur;

Ÿ  N’aurait eu aucune difficulté à obtenir un nouvel emploi ou un nouveau travail (référant à la publicité concernant des postes de psychologue affichés au cours de la période pertinente);

Ÿ  N’a pas chercher à mitiger ses dommages;

Ÿ  N’a été victime d’aucune diffamation de la part du demandeur;

Ÿ  N’a pas été victime de mauvaise foi de la part du demandeur

[36]  Pour justifier la réduction du délai-congé à deux semaines par année de travail, le Conseil enchaine avec son argument à l’effet que l’octroi de dommages moraux et du remboursement des frais d’avocat de M. Boisvert sont non fondés.

[37]  Avec respect, je suis d’avis que le Conseil confond ici les critères à considérer pour la fixation d’un délai-congé avec les critères applicables à d’autres postes de dommages octroyés par l’arbitre, et il n’explique pas en quoi l’arbitre aurait erré dans son analyse de la preuve.

[38]  L’arbitre a considéré les facteurs pertinents dans son analyse et sa décision est logique et motivée. Bien que je trouve très élevé l’effet combiné des indemnités pour salaire perdu et pour délai-congé, je suis d’avis que la conclusion de l’arbitre fait partie des issus pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

C.  Les dommages moraux et punitifs

[39]  Voici comment l’arbitre aborde l’examen de ce poste de dommages :

[34] Un groupe, parmi les membres de la Communauté, a pris prétexte d’allégations de services non-efficients rendus par le Plaignant, comme moyen pour lui permettre de contester les membres du Conseil de l’époque. Ce groupe non identifié porta atteinte sérieusement à la personne et à la dignité du Plaignant ainsi qu’à sa réputation professionnelle.

[35] Or, bien que l’employeur sût que cette campagne était mensongère, il n’intervint jamais pour rétablir la réputation du Plaignant. Même qu’après qu’un comité indépendant nommé par le conseil eut déclaré qu’aucun reproche formulé par ce groupe quant au Plaignant était fondé, l’Employeur tut ce résultat. En outre, jamais l’employeur ne chercha à obtenir la version du Plaignant sur l’un ou l’autre motif qu’il invoquait pour le congédier.

[40]  L’arbitre reproche ensuite au Conseil de ne pas avoir recherché un règlement à l’amiable de ce dossier et il lui reproche le ton d’une certaine correspondance échangée avec M. Boisvert après son congédiement.

[41]  L’arbitre cite un extrait d’une lettre que le Chef transmet à M. Boisvert en date du 28 février 2019, en réponse à une lettre de ce dernier en date du 15 février 2019 (dans laquelle il rappelle à l’employeur avoir éradiqué pendant six ans les suicides et s’inquiète du fait que depuis son départ il y aurait eu de nouveaux suicides). Le Chef dit à M. Boisvert :

[...]

Toutefois, sachez que vos propos sur la problématique des suicides dans la communauté de Manawan sont inacceptables. Sachez également que le soussigné ainsi que le Conseil les considèrent comme étant une fausse représentation en ce qui a trait à la fois à votre compétence ainsi qu’à l’efficacité des services que vous avez rendus.

[...]

[42]  L’arbitre conclut qu’au regard de « la gravité des accusations non fondées, vexatoires, abusives et de mauvaise foi à l’égard desquelles aucun geste de reconnaissance de la vérité n’a été entrepris » et qu’en considération de « la persistance dans la diffusion d’informations fausses » et de « l’attitude de l’employeur qui nuit à la possible obtention d’un emploi par le Plaignant », il y a lieu d’accorder des dommages moraux et des dommages punitifs.

[43]  Au chapitre des dommages moraux pour souffrance personnelle et atteinte à sa réputation professionnelle, l’arbitre accorde à M. Boisvert la somme de 25 000 $, alors qu’au chapitre des dommages punitifs visant les « agissements de mauvaise foi, abusifs, délibérés et répréhensibles de l’Employeur », il lui accorde la somme de 15 000 $.

[44]  Or avec respect, l’arbitre n’explique pas ce qui lui permet de faire un lien entre, d’une part, la pétition lancée par des membres de la communauté et la campagne de salissage sur les média sociaux par un groupe non identifié et, d’autre part, la responsabilité du Conseil comme employeur.

[45]  Les seuls éléments de preuve documentaire auxquels l’arbitre fait référence ici sont l’Avis de fin de contrat (2017-04-13) (Pièce I-1 devant l’arbitre et P-1 devant la Cour) et le texte de la pétition (Pièce P-3 devant l’arbitre).

[46]  D’abord, l’Avis de fin de contrat est un document privé, porté à la connaissance des parties seulement et qui n’a fait l’objet d’aucune publicité de la part du Conseil. Le Conseil y exprime les motifs pour lesquels il met fin au contrat. Il reproche essentiellement à M. Boisvert d’avoir tenté d’arrêter la pétition et de connaître le nom de ses signataires, d’avoir questionné l’état mental de la personne qu’il croyait être à l’origine de la pétition et d’avoir augmenté unilatéralement son taux d’honoraires quotidiens. Dans ce contexte et indépendamment de résultat de l’enquête mise sur pied pour faire la lumière sur les allégations des signataires de la pétition, le Conseil indique ne pas pouvoir poursuivre sa relation avec M. Boisvert et qu’il ne voit pas comment les membres de la communauté pourraient à nouveau lui faire confiance. Je ne vois rien dans cet avis qui serait un signe de mauvaise foi de la part du Conseil, je n’y vois aucune accusation non-fondée, vexatoire ou abusive et je ne vois pas en quoi on pourrait y voir de la persistance, de la part du Conseil, dans la diffusion d’informations fausses.

[47]  C’est une chose de conclure que les motifs invoqués pour mettre fin à l’emploi de M. Boisvert sont insuffisants pour justifier son congédiement, c’en est une toute autre de conclure qu’ils donnent ouverture à des dommages moraux et punitifs. Comme le rappel la Cour suprême du Canada dans l’affaire Honda Canada Inc c Keays, 2008 CSC 39 au para 60, il est important d’éviter la double indemnisation ou la double sanction :

...la confusion entre les dommages‑intérêts accordés pour les circonstances du congédiement et les dommages‑intérêts punitifs n’a rien d’étonnant, les deux indemnités étant versées à cause du comportement de l’employeur lors du congédiement. Il convient de signaler l’importance de préserver la nature fondamentale des dommages‑intérêts liés aux circonstances du congédiement, c’est‑à‑dire que la somme accordée pour le préjudice psychologique doit toujours viser l’indemnisation.

[48]  Dans cette affaire, la Cour rappelle également que l’octroi de dommages punitifs est réservé aux cas où l’acte fautif délibéré est si malveillant et inacceptable qu’il justifie une sanction indépendante. Je ne vois aucun tel acte dans la présente affaire.

[49]  En ce qui concerne la pétition, rappelons qu’elle émane de tiers. À mon avis, le Conseil l’a traité comme il devait la traiter, en enquêtant sur les allégations y contenues. Une pétition est un exercice démocratique et le Conseil ne pouvait museler les membres de la communauté. À nouveau, je ne vois pas ce qui peut être reproché au Conseil à cet égard et je vois encore moins en quoi cela justifierait l’octroi de dommages moraux et punitifs.

[50]  Je n’ai pas non plus trouvé dans la preuve un élément qui aurait permis à l’arbitre de conclure que le Conseil était informé des propos tenus par des membres de la communauté sur les média sociaux, ou encore ce qu’il aurait pu faire pour y remédier. Je suis à nouveau d’avis que l’arbitre a erré en tenant le Conseil responsable des agissements des membres de la communauté.

[51]  En ce qui concerne le fait pour le Conseil de ne pas avoir recherché un règlement à l’amiable de ce dossier, il faut se rappeler qu’une importante question demeure litigieuse entre les parties et sera éventuellement tranchée par la Cour d’appel fédérale, soit celle concernant la nature du contrat ayant lié les parties. Le Conseil n’était pas démuni d’argument dans Manawan 1 pour faire valoir qu’il s’agissait d’un contrat de service au sens des articles 2098 et suivants du CcQ, auquel il pouvait mettre fin en tout temps pour un motif sérieux, sans toutefois le faire à contretemps. Compte tenu de l’impact de cette question sur la responsabilité du Conseil, on ne peut lui reprocher d’avoir fait valoir ses droits devant la Cour.

[52]  Finalement, je n’ai pas le texte des échanges entre le Chef et M. Boisvert dans leurs correspondances des 15 et 28 février 2019 (outre l’extrait reproduit dans la décision de l’arbitre et au paragraphe 41 des présents motifs). Cependant et tout comme pour l’Avis de fin de contrat, il s’agit d’un échange privé, porté à la connaissance des parties seulement et qui n’a fait l’objet d’aucune publicité de la part du Conseil. Par ailleurs, n’ayant pas le texte de la lettre de M. Boisvert, il est difficile de savoir à quoi le Chef réagit. Toutefois, on peut facilement imaginer que la question du suicide chez les jeunes Atikamekw de la communauté en soit une des plus sensible et délicate, et qu’elle suscite une réaction émotive de la part du Chef. Je ne vois donc rien dans cet extrait qui permette de conclure à la mauvaise foi du Conseil.

[53]  Puisque l’arbitre invoque les mêmes faits pour justifier l’octroi de dommages moraux et l’octroi de dommages punitifs, je suis d’avis qu’il y a lieu d’annuler ces deux postes de dommages.

D.  Compensation pour les biens volés ou abimés

[54]  Comme pour les autres professionnels de la santé qui se rendent sur la réserve pour y travailler, le Conseil a mis à la disposition de M. Boisvert un appartement situé sur la réserve qu’il a occupé jusqu’à ce qu’il soit suspendu avec solde en février 2017, puis congédié en avril 2017.

[55]  Le 6 juin 2017, un représentant du Conseil s’est présenté sur les lieux pour prendre en photo l’état de l’appartement ainsi que les biens propriété de M. Boisvert. C’était la première fois que l’employeur qui n’avait pas de double des clés avait accès à l’intérieur de l’appartement et on a dû enlever la serrure et la poignée de la porte pour y avoir accès.

[56]  Or, selon le témoignage de M. Boisvert, ces photos démontrent que l’appartement était alors dans un état de désordre qui laissait entendre que quelqu’un y avait séjourné depuis son départ, alors qu’un certain nombre de ses biens manquaient ou avaient été abimés. Il dresse une liste de ces biens dont il estime la valeur à 5 472,26 $ (à noter que cette somme inclut quelques frais de nettoyage et des frais de ligne téléphonique et de location d’équipement pour la période entre sa suspension et son congédiement). Voici comment l’arbitre motive sa décision de condamner le Conseil à rembourser la moitié de cette somme à M. Boisvert :

[69] Prenant en compte que c’est la première fois que l’Employeur pénétrait dans l’appartement, que les concierges n’avaient pas le double de la clef de l’appartement, que l’état de l’appartement était déjà en désordre et que plusieurs objets manquaient déjà, ce 6 janvier 2017, force est tenue de conclure qu’une ou des personnes avaient « récupéré » le double de la clef de l’appartement du Plaignant, l’avaient habité et s’étaient appropriés [sic] par vol plusieurs objets.

[70] Le fait que l’appartement ait été aussi occupé après le 6 juin 2017 peut être démontré par le fait que les factures de Bell [P1-6] comprennent des frais d’interurbain effectués du 9 juin au 2 juillet 2017;

[71] Considérant que les objets volés avaient une certaine usure, je ne reconnais que 50 % du total réclamé au chapitre des biens volés pour un montant de 2 736,13 $.

[57]  Encore une fois, et cela étant dit avec respect, l’arbitre tient l’employeur responsable pour la faute de tiers non identifiés. Dans la mesure où l’arbitre n’avait aucune preuve que le Conseil avait un double des clés de cet appartement, il me semble fort déraisonnable de le tenir responsable de l’état des lieux au 6 juin 2017.

[58]  Mais à mon sens il y a plus. J’ignore si une entente écrite encadrait les obligations des parties quant à l’utilisation et l’entretien de cet appartement; cette preuve n’est pas devant la Cour. Bien que l’utilisation de cet appartement ait fait partie des conditions de travail de M. Boisvert, la réclamation du demandeur en est une de responsabilité civile qui relève de la Régie du logement du Québec, si les parties étaient liées par un bail d’habitation, ou encore de la Cour du Québec, division des petites créances. M. Boisvert ne recherche pas ici une indemnité visant à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier (CCT, art 242(4)(c)), mais plutôt une compensation pour dommages causés à ses biens par des tiers. Cela relève de la responsabilité civile des tiers ou de la responsabilité d’un assureur biens, le cas échéant.

[59]  Lors de l’audience, le procureur de M. Boisvert a référé la Cour à l’arrêt de la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Fortier c Québec (Procureure générale), 2015 QCCA 1426 pour justifier la compétence de l’arbitre sur cette portion de la réclamation de M. Boisvert. Or dans Fortier, la situation était fort différente de celle qui nous occupe. La Cour devait considérer le caractère abusif, au sens des articles 6, 7 et 1375 du CcQ, de la résiliation du contrat de M. Fortier comme délégué général du Québec à New York, et elle devait déterminer si en expulsant M. Fortier de la résidence officielle associée à cette fonction, sans préavis et sans lui permettre de récupérer ses effets personnels, il y avait eu atteinte intentionnelle et illicite au droit à sa vie privée garantit par l’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12. C’est parce que la Cour répond par l’affirmative à ces deux questions qu’elle augmente le quantum des dommages moraux et punitifs octroyés par la Cour supérieure du Québec de 5 000 $ pour chaque poste aux montants respectifs de 50 000 $ et 25 000 $. Comme l’indique la Cour d’appel du Québec au paragraphe 69 de ses motifs, « [e]n agissant ainsi, le [ministère des Relations internationales] a jeté à la rue le deuxième diplomate en importance du corps diplomatique québécois. » La cause d’action dans cette affaire demeure donc la compensation pour résiliation abusive du contrat de travail de M. Fortier et l’impact de cet abus sur le quantum des dommages qui en résultent.

[60]  À mon sens, il était déraisonnable pour l’arbitre de condamner l’employeur pour la faute d’un tiers et de conclure qu’il avait compétence sur une réclamation qui relève essentiellement de la responsabilité civile de tiers. En conséquence, je suis d’avis que le seul montant que M. Boisvert peut réclamer du Conseil à ce chapitre est la somme de 180 $ pour couvrir les frais de ligne téléphonique et de location d’équipement pour la période entre sa suspension et son congédiement, soit la somme de 180 $.

E.  Les honoraires d’avocats

[61]  Devant l’arbitre, M. Boisvert réclamait un montant de 95 536,61 $ en remboursement des honoraires payés à ses procureurs aux termes de la convention d’honoraires intervenue entre les parties. La décision de l’arbitre à ce chapitre est relativement courte et peut facilement être reproduite au long :

[57] Considérant le caractère répréhensible, malveillant, délibéré, trompeur et de mauvaise foi de l’Employeur et considérant qu’à aucun moment l’Employeur n’a recherché une solution à l’amiable de ce congédiement malgré l’orientation affirmée par tous les tribunaux qui visent à favoriser d’abord une médiation entre les parties, je considère juste que le Plaignant soit indemnisé, du moins en partie, de ses frais d’avocats;

[58] Je considère, cependant, ne pas être lié par la convention d’honoraires intervenue entre son procureur et le Plaignant;

[59] J’estime raisonnable de l’indemniser du nombre de journées d’audience (sept) et de la reconnaissance de deux (2) journées de préparation pour chaque journée d’audience, soit quatorze (14) jours, à raison de sept heures par journée;

[60] Le mandat professionnel [P1-8] fait état d’un taux horaire de 225 $;

VII.1. En conclusion

[61] J’accorde donc 33 075 $ (21 jours x 7 heures x 225 $) à titre de frais d’avocats que j’ordonne à 1’Employeur de payer au Plaignant;

[62]  Dans l’affaire Banque de Nouvelle-Écosse c Randhawa, 2018 CF 487, la Cour résume bien l’état du droit en la matière :

[60] Il existe deux principes directeurs concernant l’adjudication de dépens sur une base procureur-client. D’abord, comme l’a affirmé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Young c. Young, [1993] 4 RCS 3, à la page 134 : « Les dépens comme entre procureur et client ne sont généralement accordés que s’il y a eu conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante d’une des parties. » La Cour d’appel fédérale l’a confirmé dans l’arrêt Lee-Shanok concernant les arbitres du travail : « Une telle adjudication extraordinaire ne doit avoir lieu que dans des circonstances clairement exceptionnelles, comme ce serait le cas lorsqu’un arbitre désire indiquer de ce fait qu’il désapprouve la conduite d’une partie à l’instance. »

[61] Le deuxième principe directeur veut que lorsque de telles adjudications extraordinaires ont lieu, le décideur doit expliquer le fondement de sa décision en vertu des principes établis dans l’arrêt Lee-Shanok; le fait de ne pas offrir une telle explication peut constituer une erreur susceptible de révision : Alberta Wheat Pool v Konevsky, [1990] FCJ No 877 (CA); Première nation Sipekne’katik c. Paul, 2016 CF 769, aux paragraphes 97 à 101. Voir également Banque de Nouvelle-écosse c. Fraser (2000), 186 FTR 225, conf. par 2001 CAF 267, où la Cour a conclu que les principes avaient été correctement énoncés et appliqués.

[63]  Il faut donc bien comprendre qu’un tel poste de dommages vise à punir la conduite de l’une des parties pendant l’instance et non la conduite de l’employeur lors du congédiement (qui, lorsqu’abusive, vexatoire et empreinte de mauvaise foi justifie l’octroi de dommages moraux et/ou punitifs).

[64]  Puisque le seul reproche que l’arbitre semble faire à l’égard de la conduite du Conseil pendant l’instance est de ne pas avoir réglé la réclamation de M. Boisvert à l’amiable, je vois difficilement en quoi cela peut être qualifié d’exceptionnelle ou de conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante.

[65]  Les motifs de l’arbitre n’ont pas le caractère logique et rationnel nécessaire dans les circonstances pour justifier sa conclusion et sa conclusion ne trouve aucunement appuie dans la preuve qu’on lui a présentée. Ce poste de dommage sera donc annulé.

VII.  Conclusion

[66]  Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire du Conseil sera accueillie en partie. Puisqu’il serait inutile dans les circonstances de retourner le dossier à l’arbitre pour une nouvelle détermination, certaines de ses conclusions seront plutôt modifiées. J’annule donc la condamnation aux dommages moraux et aux dommages punitifs, ainsi que la condamnation au remboursement des honoraires d’avocats, alors que je réduis à la somme de 180 $ la condamnation pour les biens volés ou endommagés.


JUGEMENT dans T-1112-19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie;

  2. La condamnation à payer la somme de 25 000 $ au chapitre des dommages moraux (para 77.3 du dispositif) est annulée;

  3. La condamnation à payer la somme de 15 000 $ au chapitre des dommages punitifs (para 77.4 du dispositif) est annulée;

  4. La condamnation à payer la somme de 37 104,71 $ en honoraires et déboursés d’avocats (para 77.5 du dispositif) est annulée;

  5. La condamnation pour biens volés ou endommagés (para 77.6 du dispositif) est réduite à la somme de 180 $;

  6. Les dépens au montant total de 1 500 $ sont accordés au demandeur.

« Jocelyne Gagné »

Juge en chef adjointe

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1112-19

 

INTITULÉ :

CONSEIL DES ATIKAMEKW DE MANAWAN c ALAIN BOISVERT

 

PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE MONTRÉAL(QUÉBEC) et QUÉBEC (QUÉBEC)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 septembre 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE EN CHEF ADJOINTE GAGNÉ

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 NOVEMBRE 2020

 

COMPARUTIONS :

Benoit Denis

 

Pour le demandeur

 

François Leduc

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Neashish & Champoux s.e.n.c.

Wendake (Québec)

 

Pour le demandeur

 

François Leduc

Québec (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.