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     IMM-3136-96

OTTAWA (ONTARIO), le mercredi 27 août 1997

En présence de M. le juge Allan Lutfy

ENTRE :

                     HAQUE, AZIZUL,
                     HAQUE, ZENATH,
                     HAQUE, ESRATH
                     et HAQUE, MASUDA,

     requérants,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Celle tendant à faire certifier la question posée par les requérants comme étant grave et de portée générale est refusée.

     "Allan Lutfy"

     Juge

Traduction certifiée conforme         
                         F. Blais, LL.L.

     IMM-3136-96

ENTRE :

                         HAQUE, AZIZUL,
                         HAQUE, ZENATH,
                         HAQUE, ESRATH
                         et HAQUE, MASUDA,

     requérants,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LUTFY

     La seule question que soulève la présente demande de contrôle judiciaire consiste à savoir si le témoignage produit à l'audition des revendications du statut de réfugié faites par les requérants a été correctement interprété. Les requérants sont membres d'une même famille composée des parents et de deux enfants mineurs. La section du statut (le tribunal) a conclu que le témoignage du père (le requérant principal) portant sur les événements qui ont conduit sa famille à quitter le Bangladesh n'était pas fondé et elle a conclu que les requérants n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.

     Les conclusions du tribunal au sujet de la crédibilité sont énoncées clairement et sans équivoque et ne font pas ici l'objet de contestation. Les requérants s'appuient cependant sur le rapport d'un second interprète officiel bengali (le rapport) qui met en doute la qualité de la communication entre le requérant principal et la personne qui a interprété son témoignage.

     Dans ses observations soigneusement rédigées, l'avocate de l'intimé conteste le rapport sur le fondement de plusieurs moyens. Ce document a été déposé comme pièce jointe à l'affidavit du requérant principal avec pour résultat, allègue l'intimé, que l'auteur du rapport était soustrait à un contre-interrogatoire1. L'intimé fait également valoir que les requérants se sont désistés de tout droit de contestation touchant la compétence des services d'interprétation du fait qu'ils ont omis de le faire en tout temps durant l'audition ou immédiatement après, et que le requérant principal a reconnu, au départ, que l'interprète et lui-même se comprenaient.2 Enfin, l'intimé considère que les critiques formulées dans le rapport à l'égard de l'interprétation ne sont rien d'autre qu'un examen tatillon de la transcription du témoignage qui ne décèle que des erreurs et omissions négligeables n'ayant aucun rapport avec la substance de la décision prise par le tribunal.

     J'ai pris connaissance du rapport et revu la transcription, surtout les passages concernant les prétendues erreurs et omissions relevées dans l'interprétation. Quant à l'erreur que les requérants tiennent pour la plus importante de toutes celles qu'ils ont signalées dans le document, le requérant principal a peut-être mal compris la question de l'agent d'audience lui demandant pourquoi il n'avait pas pris contact avec son avocat au Bangladesh relativement à un mandat d'arrêt émis contre lui dans le mois qui a précédé son départ pour le Canada. Toutefois, dans l'échange qui a immédiatement suivi la question, le requérant principal a répondu qu'il n'avait jamais communiqué avec son avocat au Bangladesh parce que son père l'avait fait pour lui. Cette réponse reflète ce que le requérant principal avait l'intention de communiquer. En concluant au manque de fondement et à l'inexistence d'un mandat d'arrêt, le tribunal a compris et noté dans ses motifs que [TRADUCTION] "... le requérant a déclaré ne pas avoir un avocat, mais ... n'a pas directement communiqué avec [lui]." Par conséquent, tout problème d'interprétation de la première question n'a pas eu d'effet sur la portée du témoignage du requérant principal sur ce point, ni sur la compréhension de ce témoignage par le tribunal.

     Les requérants s'appuient sur deux autres divergences d'interprétation. Ni l'une ni l'autre ne sont importantes, à mon avis. La question de l'omission apparente de la date précise de remise en liberté du requérant principal a été élucidée sans délai et sans équivoque dans les réponses qui ont immédiatement suivi. Je conclus de même, après lecture des questions et réponses pertinentes, que le requérant a admis que des membres de son propre parti politique seraient portés à faire usage de la force.

     En substance, la plupart des divergences, sinon toutes, mentionnées dans le rapport sont, de l'avis de l'auteur même de ce document, négligeables, manquent parfois de précision ou bien ont été corrigées par la suite. Je conclus qu'aucune d'entre elles n'a d'incidence sur l'audition de la cause ou sur la décision du tribunal.

     Les erreurs et omissions signalées dans le rapport ne sont pas de nature à causer un préjudice aux requérants3. Sans décider si l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Tran4 s'applique à une revendication du statut, je trouve que les requérants n'ont pas réussi à prouver que l'interprétation des témoignages n'a pas respecté les critères de continuité, de précision, d'impartialité, de compétence et de contemporanéité établis par le juge en chef Lamer. Je fais mien le raisonnement de ma collègue le juge McGillis dans l'affaire Banegas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)5 et, en particulier, ses observations suivantes qui s'appliquent également à l'espèce :

     Plus particulièrement, aucune des erreurs d'interprétation alléguées n'ont eu une incidence quelconque sur les diverses incohérences relevées dans la preuve du requérant qui ont donné lieu à la conclusion défavorable quant à la crédibilité. ... Au cours de l'audience, ce dernier a indiqué qu'il comprenait l'interprète, il a bien répondu aux questions et ne s'est pas opposé, en personne ou par l'entremise de son avocat, à la qualité des services d'interprétation. Qui plus est, le requérant n'a pas indiqué dans son affidavit qu'il n'avait pas compris les procédures.6         

     À la lumière de mes conclusions au sujet de la substance du rapport, il est inutile que je traite les autres points soulevés par l'intimé. La décision du tribunal s'articule autour de l'absence de fondement constatée. Les observations écrites des requérants concernant le manque de sensibilité du tribunal aux questions interculturelles et sa façon de qualifier le statut actuel du parti Jatiya, ne constituent pas des erreurs justifiant un contrôle judiciaire.

     Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. L'avocat des requérants a demandé la certification d'une question. À mon avis, le règlement de cette demande ne nécessite pas une réponse à la question proposée, surtout en raison de mes conclusions concernant le rapport. La demande est rejetée.

     "Allan Lutfy"

     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 27 août 1997

Traduction certifiée conforme     

                                     F. Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              IMM-3136-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      AZIZUL HAQUE ET AL. c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :          Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :      29 juillet 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE      par le juge Lutfy

EN DATE DU              27 août 1997

ONT COMPARU :

M. William Sloan                      POUR LES REQUÉRANTS
Mme Jocelyne Murphy                  POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

M. William Sloan                      POUR LES REQUÉRANTS
M. George Thomson                  POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général

du Canada

__________________

1      Zaman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (16 mai 1997), IMM-1730-96 (C.F. 1re inst.).      Coscia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (26 mai 1997), IMM-2348-96 (C.F. 1re inst.).

2      Dhillon c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (13 mars 1995), IMM-2341-94 (C.F. 1re inst.).

3      Tung c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 124 N.R. 388 (C.A.F.).

4      [1994] 2 R.C.S. 951.

5      [1997] J.C.F. No 928 (QL).

6      Ibid., paragraphe 7.

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