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                                                                                                                                 Date : 20040428

                                                                                                                             Dossier : T-586-03

                                                                                                                  Référence : 2004 CF 625

Montréal (Québec), le 28 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DANIÈLE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

                                                             ROBERT R. HINDLE

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                            L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA,

                                                                                                                                        défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée à l'encontre d'une décision que le ministre du Revenu national a prise le 12 mars 2003 de rejeter la demande que le demandeur lui avait présentée en vertu des Dispositions d'équité de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (la LIR), de rouvrir ses déclarations de revenus frappées de prescription, soit celles des années 1990 et 1991, pour qu'il puisse demander une déduction pour les dépenses d'entreprise engagées au cours de ces années.


[2]                Le demandeur était associé dans un cabinet d'avocats du 1er février 1988 au 30 septembre 1989. Lors du départ du demandeur du cabinet, la société et le cabinet ont été dissous.

[3]                Le demandeur a payé des dépenses d'entreprise engagées pour l'exploitation de la société pour les années 1990 et 1991. Le ministre a refusé ces dépenses au titre des dépenses d'entreprise déductibles. Deux des anciens associés du demandeur, MM. Brian Cornish et Normand Quesnel, ont porté l'affaire en justice.

[4]                La défenderesse demanda au demandeur de signer une renonciation quant à la prescription s'appliquant à la cotisation et au droit d'appel dans l'affaire. On lui a dit que, à l'issue de la procédure judiciaire entamée par ses anciens associés contre la défenderesse, lui et un autre ancien associé se verraient appliquer la même décision.

[5]                Le 14 octobre 1997, la défenderesse a fait des ajustements aux années d'imposition 1991 et 1992 tenant compte des dépenses engagées par le demandeur.


[6]                La défenderesse a reçu les renseignements relativement aux dépenses du demandeur en juin 1998. Le temps écoulé entre la décision d'octobre 1997 et juin 1998 est le temps que le demandeur et les associés du cabinet dissous ont pris pour déterminer quelles représentations avaient été faites, lesquelles avaient été acceptées ou rejetées, l'incidence sur les pertes du demandeur et les années auxquelles ces pertes seraient imputées.

[7]                Le 9 septembre 1998, le demandeur a déposé un avis d'opposition en rapport avec la cotisation du 22 juin 1998 pour l'année d'imposition 1997. Le 21 septembre 1998, la défenderesse a établi une nouvelle cotisation pour 1997. Le 21 décembre 1998, la défenderesse a envoyé au demandeur une lettre l'informant que son avis d'opposition avait été annulé par la nouvelle cotisation, mais qu'il pouvait déposer un nouvel avis d'opposition en rapport avec la nouvelle cotisation.

[8]                Le 30 mai 2000, la défenderesse a rejeté l'opposition et confirmé la nouvelle cotisation pour l'année 1997.

[9]                Le 25 octobre 2000, un appel selon la procédure informelle a été interjeté devant la Cour canadienne de l'impôt, qui a confirmé la conclusion de la défenderesse.

[10]            Un appel selon la procédure générale a été interjeté devant la Cour canadienne de l'impôt, mais cet appel a été abandonné le 20 juillet 2001.

[11]            Le 11 octobre 2001, par lettre, le demandeur a demandé à la défenderesse que les dépenses soient acceptées en vertu des Dispositions d'équité de la LIR.


[12]            Le 26 juillet 2002, la défenderesse a rejeté la demande du demandeur au motif qu'il ne s'agissait pas d'une situation propre à l'application des Dispositions d'équité.

[13]            Le 14 août 2002, le demandeur a demandé que cette décision soit révisée.

[14]            Le 12 mars 2003, la défenderesse a rejeté la demande de révision.

[15]            Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

ANALYSE

[16]            En vertu du paragraphe 152(4.2) de la LIR, le ministre du Revenu national a le pouvoir discrétionnaire de rouvrir les déclarations de revenus frappées de prescription du demandeur, en l'espèce les années 1990 et 1991, et d'accueillir les demandes de déductions pour certaines dépenses d'entreprise que le demandeur affirme avoir engagées pour ces années d'imposition.

[17]            Le paragraphe 152(4.2) est rédigé de la façon suivante :



152(4.2)    Malgré les paragraphes (4), (4.1) et (5), pour déterminer à un moment donné après la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable à un contribuable -- particulier, autre qu'une fiducie, ou fiducie testamentaire -- pour une année d'imposition le remboursement auquel le contribuable a droit à ce moment pour l'année ou la réduction d'un montant payable par le contribuable pour l'année en vertu de la présente partie, le ministre peut, sur demande du contribuable :

a) établir de nouvelles cotisations concernant l'impôt, les intérêts ou les pénalités payables par le contribuable pour l'année en vertu de la présente partie;

b) déterminer de nouveau l'impôt qui est réputé, par les paragraphes 120(2) ou (2.2), 122.5(3), 122.51(2), 127.1(1), 127.41(3) ou 210.2(3) ou (4), avoir été payé au titre de l'impôt payable par le contribuable en vertu de la présente partie pour l'année ou qui est réputé, par le paragraphe 122.61(1), être un paiement en trop au titre des sommes dont le contribuable est redevable en vertu de la présente partie pour l'année.

152(4.2)    Notwithstanding subsections 152(4), 152(4.1) and 152(5), for the purpose of determining, at any time after the expiration of the normal reassessment period for a taxpayer who is an individual (other than a trust) or a testamentary trust in respect of a taxation year,

(a) the amount of any refund to which the taxpayer is entitled at that time for that year, or

(b) a reduction of an amount payable under this Part by the taxpayer for that year,

the Minister may, if application therefor has been made by the taxpayer,

(c) reassess tax, interest or penalties payable under this Part by the taxpayer in respect of that year, and

(d) redetermine the amount, if any, deemed by subsection 120(2) or (2.2), 122.5(3), 122.51(2), 127.1(1), 127.41(3) or 210.2(3) or (4) to be paid on account of the taxpayer's tax payable under this Part for the year or deemed by subsection 122.61(1) to be an overpayment on account of the taxpayer's liability under this Part for the year.


[18]            La jurisprudence a établi que la décision manifestement déraisonnable est la norme de contrôle à appliquer aux décisions discrétionnaires comme celle en l'espèce. (Barron c. Canada (Ministre du revenu national) 97 D.T.C. 5121 (C.F. 1re inst.), Chrétien c. Canada, 2002 D.T.C. 7047 (C.F. 1re inst.)).

[19]            Il s'agit là d'un seuil très élevé qui ne permet à la Cour d'intervenir que si la décision a été prise de mauvaise foi, ou si le décideur a omis de tenir compte des faits pertinents ou en a pris d'autres en considération qui ne l'étaient pas, ou si la décision est contraire au droit.


[20]            Dans sa décision, M. Laporte explique que les dépenses en cause soumises par le demandeur ont été engagées au cours des années d'imposition 1991 et 1992, et non en 1990 et 1991. Vu qu'aucun impôt n'était dû pour l'année d'imposition 1991, les Dispositions d'équité ne s'appliquent pas. Cependant, M. Laporte n'a pas pris en compte le fait que les dépenses additionnelles engagées en 1990 et 1991 auraient une incidence sur les années subséquentes, par exemple 1997, année pour laquelle le demandeur a déposé un avis d'opposition en bonne et due forme. Par conséquent, pour ce seul motif, je suis d'avis qu'il n'a pas tenu compte des faits pertinents et qu'il a incorrectement exercé son pouvoir discrétionnaire.

[21]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. La décision de l'agence sera annulée et l'affaire lui sera renvoyée pour y être réexaminée par une personne autorisée par la LIR a exécuter les obligations du ministre quant à l'application du paragraphe 152(4.2).

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE : La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l'agence est annulée et l'affaire lui est renvoyée pour y être réexaminée par une personne autorisée par la LIR a exécuter les obligations du ministre quant à l'application du paragraphe 152(4.2).

                                                                                                                _ Danièle Tremblay-Lamer _           

                                                                                                                                                     Juge                                 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        T-586-03

INTITULÉ :                                       ROBERT R. HINDLE

c.

L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 26 AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                     LA JUGE DANIÈLE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :                     LE 28 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Andrew Dragan                                   POUR LE DEMANDEUR

Louis Sébastien                                    POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hindle & Assoc.                                  POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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