Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20201124


Dossier : IMM-6993-19

Référence : 2020 CF 1086

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Montréal (Québec), le 24 novembre 2020

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

ADENIYI IDRIS SANUSI

ARINOLA EUNICE SANUSI

ANUOLUWAPO OLUWADARASIMI SANUSI

ADESOLA OLUWATOYOSI SANUSI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Les demandeurs présentent, sur le fondement de l’alinéa 397(1)b) des Règles des cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles], une requête en réexamen d’un jugement daté du 26 octobre 2020 et portant rejet de la demande de contrôle judiciaire des demandeurs (Sanusi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1004 [Sanusi].

[2]  Dans la présente affaire, la Cour a précédemment été chargée d’examiner la décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a rejeté l’appel interjeté par les demandeurs et a confirmé la conclusion de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] selon laquelle les demandeurs n’avaient pas la qualité de réfugié au sens de la Convention, ni celle de personne à protéger. La SAR et la SPR ont toutes deux conclu que les demandeurs avaient une possibilité de refuge intérieur [PRI] à Port Harcourt, et qu’ils n’avaient pas fourni suffisamment d’éléments de preuve démontrant que leur réinstallation à Port Harcourt était déraisonnable, compte tenu de leur situation particulière.

[3]  Aujourd’hui, les demandeurs contestent le paragraphe 8 de la décision Sanusi, dans lequel la Cour a conclu ce qui suit :

[8] Le commentaire du commissaire lors de l’interrogatoire sur le fait de [traduction] « se cacher » a été dûment examiné par la SAR qui a revu l’ensemble du dossier, y compris l’enregistrement audio de l’audience devant la SPR. En fin de compte, les demandeurs n’ont pas réussi à convaincre la SAR que la SPR avait commis une erreur de droit, considérant que le bon critère est appliqué dans la décision de la SPR, et considérant en outre les précisions données par le commissaire à l’audience. Le manquement allégué à l’équité procédurale est un nouvel argument. Par conséquent, les demandeurs auraient pu et dû soulever la question de l’équité procédurale, et demander que la question leur soit expressément reformulée et posée par le commissaire. Cela aurait permis à la SPR de prendre en considération une éventuelle réponse. La SAR n’a pas non plus enfreint l’équité procédurale. De fait, devant la SAR, les demandeurs n’ont pas fait valoir de façon convaincante qu’il leur avait été impossible de présenter des éléments de preuve à l’audience devant la SPR, ou que la SAR devait convoquer une audience et leur permettre de présenter d’autres témoignages sur la question de la PRI (voir les paragraphes 110(4) et (6) de la LIPR).

[Non souligné dans l’original.]

[4]  Les demandeurs allèguent que le paragraphe 8 de Sanusi démontre que la Cour a oublié de prendre en compte le fait que les demandeurs avaient demandé à la SAR la tenue d’une audience. Les demandeurs font valoir que ce point déterminant aurait pu convaincre la Cour de l’opportunité d’accueillir leur demande de contrôle judiciaire. Par conséquent, les demandeurs demandent à la Cour de réexaminer le jugement rendu et de renvoyer l’affaire à la SAR pour qu’elle tienne une audience. Les demandeurs se sont appuyés sur le paragraphe 110(6) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [la LIPR] dans leur avis de requête en réexamen et dans leurs observations écrites. Toutefois, le jour précédant l’instruction de la présente requête par la Cour, les demandeurs ont demandé que tous les renvois au paragraphe 110(6) soient remplacés par l’alinéa 111(2)b) de la LIPR.

[5]  Je tiens à mentionner que pour accepter la tenue d’une audience, la SAR doit se fonder sur le paragraphe 110(6) de la LIPR, lequel exige expressément l’existence d’éléments de preuve documentaires qui, à la fois a) soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité de la personne en cause; b) sont essentiels pour la prise de la décision relative à la demande d’asile; c) à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que la demande d’asile soit accordée ou refusée, selon le cas. En outre, lu conjointement avec le paragraphe 111(1) et l’alinéa 111(2)a), l’alinéa 111(2)b) de la LIPR prévoit que la SAR peut procéder au renvoi de l’affaire à la SPR si la décision attaquée de la SPR est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait uniquement lorsqu’elle estime qu’elle ne peut confirmer la décision attaquée, ou casser la décision et y substituer la décision qui aurait dû être rendue par la SPR sans tenir une nouvelle audience en vue du réexamen des éléments de preuve qui ont été présentés à la SPR. En l’espèce, la SAR a conclu que la SPR n’avait pas eu tort de conclure que les demandeurs avaient une PRI valable à Port Harbour après avoir procédé à sa propre analyse de l’ensemble du dossier, y compris l’enregistrement audio. Par conséquent, en application de l’alinéa 111(1) de la LIPR, la SAR a rejeté l’appel et a confirmé la décision de la SPR selon laquelle les demandeurs n’avaient pas la qualité de réfugié au sens de la Convention, ni celle de personne à protéger.

[6]  Le critère applicable pour déterminer si une question qui a été oubliée doit être examinée par la Cour est strict. La jurisprudence a clairement établi que l’article 397 des Règles ne doit pas être utilisé comme moyen d’appel. Il s’agit plutôt de répondre à la question de savoir « si la Cour a oublié une question lorsqu’elle a rendu son jugement et, dans l’affirmative, si la question oubliée touche la nature de celui-ci » (Cedeno c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 16779 au para 9; Alsamarraie c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2003 CFPI 755 au para 6).

[7]  Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que les demandeurs n’ont pas démontré que l’article 397 des Règles s’appliquait en l’espèce. La Cour n’a oublié aucun élément lorsqu’elle a pris sa décision, et aucun point déterminant n’a été omis dans la présente affaire. La Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire après avoir fait un examen approfondi des motifs du tribunal et des éléments de preuve au dossier et après avoir jugé que les allégations de manquement à l’équité procédurale et d’erreur déraisonnable formulées par les demandeurs dans le cadre de chaque instance – y compris dans les observations présentées en appel devant la SAR – étaient dénuées de tout fondement. En l’espèce, les demandeurs tentent simplement de se servir, à tort, de l’article 397 des Règles comme d’un moyen d’appel déguisé (Lee c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2003 CF 867 au para 7; Naboulsi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 357 au para 7).

[8]  Il faut interpréter le jugement rendu le 26 octobre 2020 dans son ensemble. La Cour a examiné toutes les questions débattues par les parties (Sanusi aux para 3-6). La Cour a notamment conclu que le fait pour les demandeurs de ne pas avoir soulevé la question de l’équité procédurale à la première occasion équivalait à une renonciation tacite relativement à tout manquement perçu à l’équité procédurale, et que la décision contestée était par ailleurs raisonnable à tous égards (Sanusi aux para 7 à 10). De plus, comme l’a conclu la Cour dans son jugement, la SAR n’a pas non plus enfreint l’équité procédurale (Sanusi au para 8).

[9]  Il est entendu que la Cour a tenu compte du fait que les demandeurs avaient demandé la tenue d’une audience, mais elle a jugé que cet élément n’était pas déterminant dans les circonstances. Au paragraphe 25 de leurs observations devant la SAR, les demandeurs ont simplement indiqué ce qui suit :

[traduction]

Subsidiairement, compte tenu du fait que la SPR s’est fondée uniquement sur la question de la PRI, des nombreuses erreurs de droit graves relevées dans le mémoire des appelants et de l’application erronée de l’arrêt Rasaratnam, nous demandons humblement la tenue d’une audience étant donné que la seule question déterminante concernait la PRI et que, à supposer que leur réponse soit admise, elle justifierait que la demande d’asile des appelants soit accordée.

[Non souligné dans l’original.]

[10]  Le simple fait de demander la tenue d’une audience devant la SAR sans présenter aucun autre argument justifiant la tenue d’une telle audience ne constitue pas en soi une « façon convaincante » pour les demandeurs de faire valoir qu’il leur avait été impossible de présenter des éléments de preuve à l’audience devant la SPR, ou que la SAR devait convoquer une audience et leur permettre de présenter d’autres témoignages sur la question de la PRI (voir les paragraphes 110(4) et (6) de la LIPR). En effet, les demandeurs n’ont pas présenté d’éléments de preuve documentaire supplémentaires qui n’avaient pas déjà été examinés par la SPR et qui relèveraient du paragraphe 110(6) de la LIPR. Les demandeurs s’appuient maintenant sur l’alinéa 111(2)b) de la LIPR pour justifier une audience devant la SPR et non devant la SAR. Cette disposition n’aide pas non plus les demandeurs. La SAR pouvait confirmer la décision de la SPR en vertu l’alinéa 111(2)a) de la LIPR. Ce faisant, comme l’a déjà conclu la Cour, la SAR n’a pas enfreint l’équité procédurale ni commis d’erreur déraisonnable.

[11]  Pour ces motifs, la Cour rejette la présente requête en réexamen.


ORDONNANCE dans le dossier IMM-6993-19

LA COUR ORDONNE que la requête en réexamen est rejetée.

« Luc Martineau »

Juge

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6993-19

 

INTITULÉ :

ADENIYI IDRIS SANUSI, ARINOLA EUNICE SANUSI, ANUOLUWAPO OLUWADARASIMI SANUSI, ADESOLA OLUWATOYOSI SANUSI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À montrÉal (québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 novembRE 2020

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 NOVEMBRE 2020

COMPARUTIONS :

Marc J. Gruszczynski

POUR LES DEMANDEURS

Édith Savard

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Canada Immigration Team

Westmount (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Le procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.