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Date : 20000821


Dossier : IMM-2535-99



Halifax (Nouvelle-Écosse), le 21 août 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE


ENTRE :


RAJESH MANSUKHLAL MUCHHALA



demandeur


et



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur


MOTIFS D'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE O'KEEFE


Les faits


[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision, datée du 6 avril 1999, dans laquelle une agente des visas a refusé la demande de visa d'immigrant que le demandeur avait présentée dans le cadre de la catégorie des immigrants indépendants.


[2]      Le demandeur a présenté une demande de visa d'immigrant le 5 juillet 1998. Il était célibataire à l'époque, mais il a ultérieurement épousé une femme qu'il a incluse dans sa demande en tant que personne à charge l'accompagnant. Le demandeur a cherché à être apprécié en vue de l'obtention d'un visa en tant qu'ingénieur chimiste (CNP 2134.01) ou technologue en chimie appliquée (CNP 2211.1) ou technicien (CNP 2211.2).

[3]      À son entrevue à Londres (Royaume-Uni), le 30 mars 1999, le demandeur a été interrogé au sujet de ses études et antécédents professionnels. Il avait obtenu un diplôme d'ingénieur en Inde, mais l'université où il avait fait ses études n'avait pas été certifiée par le Conseil canadien des ingénieurs professionnels. Pour cette raison, le demandeur n'était pas en mesure de devenir un ingénieur agréé au Canada. L'agente des visas a conclu que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences professionnelles en ce qui concerne la profession qu'il avait choisie et, en conséquence, il ne l'a pas apprécié au regard de cette profession.

[4]      L'agente des visas a conclu que le demandeur devait être apprécié en tant que technologue en génie chimiste (CNP 2231.1) et il lui a attribué les points d'appréciation suivants :

Âge                          10
Demande dans la profession              01
Préparation à exercer la profession/Formation      15
Expérience                      06
Emploi réservé                      00
Facteur démographique                  08
Études                          15
Anglais                          09
Français                      00
Personnalité                      04
             TOTAL              68

[5]      L'agente des visas a mentionné dans la lettre qu'elle a fait parvenir au demandeur que [TRADUCTION] « le nombre peu élevé de points au titre de la personnalité reflète votre manque d'ingéniosité et d'initiative en ce qui concerne votre établissement au Canada » .


Les questions litigieuses

[6]      1.      L'agente des visas a-t-elle abusé de son pouvoir discrétionnaire en omettant d'apprécier le demandeur au regard de la profession de son choix, soit celle d'ingénieur chimiste?

     2.      L'agente des visas a-t-elle agi de façon déraisonnable en appréciant la personnalité      du demandeur?

Les arguments du demandeur

[7]      Le demandeur soutient qu'il a clairement indiqué qu'il souhaitait être apprécié au regard de la profession d'ingénieur chimiste, et que l'omission de l'agente des visas de l'apprécier ainsi constituait un abus de son pouvoir discrétionnaire et une omission d'exercer sa compétence. Le demandeur souligne le fait que le CCIP est une organisation non gouvernementale qui n'a pas la compétence voulue pour apprécier des éventuels immigrants. En outre, le demandeur fait valoir que la CNP prévoit que dans certaines provinces, les diplômés d'établissements non agréés peuvent devenir des ingénieurs agréés après avoir reçu une importante formation en apprentissage et avoir passé des examens.

[8]      Le demandeur soutient également que l'agente des visas a apprécié sa personnalité de façon indûment restrictive et que, partant, elle a pris une décision déraisonnable. Le demandeur souligne des décisions dans lesquelles notre Cour a conclu que l'agent des visas doit tenir compte de tous les facteurs d'une façon large, et que cela est d'autant plus important lorsqu'il manque seulement quelques points d'appréciation au demandeur. Il fait valoir que la conclusion de l'agente des visas en ce qui concerne sa personnalité portait principalement sur des questions traitant de la profession qu'il entendait exercer et non sur l'ensemble des facteurs généraux qui auraient dus être considérés.

Les arguments du défendeur

[9]      Le défendeur souligne le fait que pour avoir gain de cause, le demandeur en l'espèce doit établir qu'une erreur de droit a été commise ou que l'obligation d'agir équitablement a été violée. Le défendeur fait valoir que l'agente des visas a apprécié la demande de façon complète et équitable et que le demandeur n'a pas établi qu'elle avait commis une quelconque erreur ou qu'elle avait violé une quelconque obligation qui lui incombait justifiant l'annulation de sa décision.

[10]      Le défendeur souligne le fait qu'il incombe au demandeur d'établir qu'il est admissible à immigrer au Canada. En conséquence, il devait convaincre l'agente des visas qu'il avait les compétences d'un ingénieur chimiste, ce qu'il n'a pas fait.

[11]      Le défendeur soutient que l'agente des visas ne s'en est pas remise à l'appréciation du CCIPO, mais qu'elle a plutôt reconnu que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences professionnelles relatives à la profession qu'il entendait exercer, compte tenu du fait que le CCIP n'avait pas reconnu ses compétences. Vu les exigences professionnelles de la CNP, le demandeur n'était pas admissible à obtenir un emploi dans la profession qu'il entendait exercer.

[12]      Le défendeur soutient que comme il était évident que le demandeur n'obtiendrait pas suffisamment de points d'appréciation en tant qu'ingénieur chimiste, l'agente des visas n'était pas tenue d'apprécier en bonne et due forme sa capacité d'exercer cette profession. Elle pouvait se contenter d'apprécier le demandeur au regard d'autres professions qu'il avait les compétences d'exercer.

[13]      En ce qui concerne la personnalité, le défendeur soutient que la détermination à cet égard relève du pouvoir discrétionnaire de l'agente des visas et que l'appréciation qu'elle a faite en l'espèce ne doit pas être infirmée. L'agente des visas était pleinement consciente de la portée des facteurs dont elle devait tenir compte en appréciant la personnalité du demandeur. La conclusion de l'agente des visas selon laquelle le demandeur manquait d'esprit d'initiative respectait la compétence de cette dernière et n'était ni déraisonnable, ni non motivée.

Le droit

[14]      Voici ce que prévoit le paragraphe 8(1) de la Loi sur l'immigration, 1976-77, ch. 52 (la Loi) :


8. (1) Where a person seeks to come into Canada, the burden of proving that that person has a right to come into Canada or that his admission would not be contrary to this Act or the regulations rests on that person.

8. (1) Il incombe à quiconque cherche à entrer au Canada de prouver qu'il en a le droit ou que le fait d'y être admis ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.

[15]      Il ressort de la première colonne de l'annexe 1 (facteur 9) du Règlement sur l'immigration de 1978 que les facteurs dont on doit tenir compte en appréciant la personnalité sont les suivants :


Units of assessment shall be awarded on the basis of an interview with the person to reflect the personal suitability of the person and his dependants to become successfully established in Canada based on the person's adaptability, motivation, initiative, resourcefulness and other similar qualities.

Des points d'appréciation sont attribués au requérant au cours d'une entrevue qui permettra de déterminer si lui et les personnes à sa charge sont en mesure de réussir leur installation au Canada, d'après la faculté d'adaptation du requérant, sa motivation, son esprit d'initiative, son ingéniosité et autres qualités semblables.

Analyse et décision

[16]      Première question litigieuse

     L'agente des visas a-t-elle abusé de son pouvoir discrétionnaire lorsqu'elle a omis d'apprécier le demandeur au regard de la profession qu'il entendait exercer, soit celle d'ingénieur chimiste?

     Je suis convaincu qu'une fois que l'agente des visas avait conclu que le demandeur n'était pas admissible en tant qu'ingénieur chimiste, rien ne l'obligeait à faire un exercice vide de sens simplement pour conclure le processus. En bref, dans le cas où le demandeur ne satisfait pas à l'une des exigences professionnelles applicables à la profession qu'il entendait exercer, l'agente des visas n'était pas tenue d'apprécier davantage ce dernier car de toute façon, il n'était pas admissible.

[17]      Le demandeur en l'espèce a dit qu'il déménageait en Ontario. Or, en vertu du paragraphe 8(1) de la Loi, il incombe au demandeur de convaincre l'agent des visas qu'il satisfait aux exigences applicables en vue d'immigrer au Canada. Dans le cas où, en Ontario, les diplômés de programmes d'études non agréés peuvent être admissibles à devenir des ingénieurs en occupant un emploi sous supervision et en passant des examens, il incombe au demandeur d'établir ces faits. Or, rien n'indique qu'une telle preuve a été faite devant l'agente des visas. En conséquence, je ne peux que présumer que l'agente des visas a appliqué les exigences qui, selon elle, s'appliquait en Ontario, où le demandeur cherchait à obtenir un emploi.

[18]      Je n'accepte pas l'argument selon lequel l'agente des visas a abusé de son pouvoir discrétionnaire lorsqu'elle a conclu que l'admissibilité à devenir ingénieur professionnel agréé par une association provinciale constitue une exigence professionnelle à laquelle l'intéressé doit satisfaire pour exercer cette profession.

[19]      Par conséquent, en ce qui concerne la première question litigieuse, j'estime que la décision de l'agente des visas était raisonnable; j'ai appliqué la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter, que j'appliquerai également à la deuxième question litigieuse.

[20]      Deuxième question litigieuse

     L'appréciation que l'agente des visas a faite de la personnalité du demandeur était-elle déraisonnable?

     L'agente des visas a, en appréciant la personnalité du demandeur, tenu compte de faits au sujet du demandeur tels les faits suivants, que contiennent les notes CAIPS :

[TRADUCTION]
Ne s'est jamais rendu au Canada, mais dispose de nombreux renseignements au sujet de la situation économique.
Invité à préciser sa pensée, il mentionne des généralités : le Canada est un pays d'immigration, une monarchie démocratique, a un faible taux de criminalité, etc.
Où souhaitaient-ils s'installer au Canada? Aucune destination mentionnée sur le IMM8. Toronto? Que sait-il de Toronto? Il s'agit d'une ville multi-raciale, où il n'y a pas de discrimination.
Quelles sont les industries chimiques à Toronto? Industrie des pâtes et papier. Il lit un hebdomadaire sur les emplois au Canada. Il n'a pu mentionné le nom de certaines grandes industries. Il ignorait où elles se trouvent.
Au cours des deux derniers mois, il a confié son C.V. à une entreprise de recherche d'emplois.
Remarques :
Demande rejetée :
Possibilité moyenne d'installation avec succès, sans plus. Connaissance du Canada générale et vague. Ingéniosité et esprit d'initiative sous la moyenne.

[21]      Le juge en chef adjoint Jerome a fait les remarques suivantes dans la décision Gill c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996) 34 Imm. L.R. (2d) 127 (C.F. 1re inst.) Au sujet de l'appréciation, par un agent des visas, de la personnalité d'un demandeur :

J'estime que l'agent des visas n'a pas commis d'erreur en refusant le statut de résident permanent à M. Gill. Les dispositions législatives confèrent un large pouvoir aux agents des visas pour ce qui est des décisions de cette nature, et il leur incombe tout à fait de se former une opinion concernant les qualités personnelles d'un requérant en fonction de facteurs tels que la capacité d'adaptation, la motivation, l'esprit d'initiative, l'ingéniosité et d'autres qualités. Pourvu que cette opinion soit raisonnable et qu'elle ne soit ni partiale ni arbitraire, l'intervention judiciaire ne se justifie pas.

[22]      Je suis d'avis que l'agente des visas a tenu compte de facteurs pertinents et qu'elle s'est faite une opinion raisonnable de la personnalité du demandeur. Le demandeur a dit dans son affidavit qu'il avait produit une liste d'éventuels employeurs, mais il n'a pas fourni d'élément de preuve établissant qu'il avait reçu une réponse favorable de l'un ou l'autre de ces employeurs; de toute façon, il s'agissait simplement d'une liste d'éventuels employeurs. Cet élément de preuve supplémentaire ne rend pas la décision de l'agente des visas déraisonnable.

[23]      La demande est donc rejetée.


ORDONNANCE

[24]      La demande est rejetée.


« John A. O'Keefe »

                                             J.C.F.C.



Halifax (Nouvelle-Écosse)

Le 21 août 2000










Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :                  IMM-2535-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :              RAJESH MANSUKHLAL MUCHHALA



demandeur

                         et


                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                          L'IMMIGRATION

défendeur


DATE DE L'AUDIENCE :              LE MERCREDI 9 AOÛT 2000

LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS D'ORDONNANCE ET ORDONNANCE RENDUS PAR M. LE JUGE O'KEEFE

EN DATE DU :                  LUNDI 21 AOÛT 2000


ONT COMPARU :             

M. Max Chaudhary                          Pour le demandeur

M. Kevin Lunney                          Pour le défendeur



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     

Max Chaudhary Law Office

Barrister & Solicitor

255, ch. Duncan Mill, pièce 405

North York (Ontario)

M3B 3H9                              Pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                  Pour le défendeur

COUR FÉDÉRALE DU CANADA



Date : 20000821


Dossier : IMM-2535-99

ENTRE :


RAJESH MANSUKHLAL MUCHHALA



demandeur


et



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur







MOTIFS D'ORDONNANCE ET ORDONNANCE




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