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Date : 20020205

Dossier : IMM-237-02

Toronto (Ontario), le mardi 5 février 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

ARTUR MORINA

ARIOLA LIKA

                                                                                                                                                     demandeurs

-et-

LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                                     ORDONNANCE

VU la requête déposée le 31 janvier 2002 au nom des demandeurs :

a)                    pour que soit rendue une ordonnance provisoire de prohibition ou pour que soit prononcé un sursis provisoire d'exécution de la mesure de renvoi des demandeurs, actuellement prévue le 6 février 2002, à 15 heures, jusqu'à ce qu'il soit disposé de leur demande pendante d'autorisation et de contrôle judiciaire;


b)                    pour que les dépens de cette requête leur soient adjugés;

IL EST ORDONNÉ CE QUI SUIT :

Pour les motifs indiqués, cette demande de sursis d'exécution est rejetée.

     « François Lemieux »

                                                                                                                                                                 Juge                      

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20020205

Dossier : IMM-237-02

Référence neutre : 2002 CFPI 135

ENTRE :

                                                                 ARTUR MORINA

ARIOLA LIKA

                                                                                                                                                     demandeurs

-et-

LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

[3]                 Les demandeurs, mari et femme et ressortissants albanais, sollicitent un sursis d'exécution de la mesure de renvoi les concernant, mesure qui doit être appliquée demain, jusqu'à ce qu'il soit disposé de leur demande d'autorisation et de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision d'un agent de révision des revendications refusées (l'agent de révision), qui a estimé qu'ils n'étaient pas membres de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (la catégorie des DNRSRC), après l'échec de leurs revendications du statut de réfugié.


[4]                 Pour être membre de la catégorie des DNRSRC, les demandeurs doivent établir qu'ils seraient exposés à un risque objectivement identifiable pour leurs vies, ou à des sanctions extrêmes, ou à un traitement inhumain.

[5]                 Devant la section du statut de réfugié (le Tribunal), M. Morina a dit que sa crainte fondée de persécution avait deux sources.

[6]                 D'abord, il craignait un patron de la mafia dont il avait croisé le chemin lorsque M. Morina travaillait durant l'été de 1998 pour l'ambassade des États-Unis à Tirana.

[7]                 L'ambassade des États-Unis voulait construire une clôture de sécurité sur un bien-fonds adjacent dont M. Markaj, le patron de la mafia, se prétendait propriétaire. M. Morina s'était rendu sur les lieux pour surveiller les opérations. M. Markaj l'avait menacé parce que les États-Unis n'avaient pris aucune disposition avec lui - ils s'emparaient illégalement de son bien.

[8]                 M. Morina avait déguerpi, mais il était revenu le lendemain et avait été rossé par les acolytes de M. Markaj.

[9]                 La deuxième source de sa crainte concerne ses activités dans le Parti royal d'Albanie, activités qui avaient été précédées par son opposition au régime communiste alors qu'il était à l'université.

[10]            Ariola Lika craint d'être recrutée de force par la mafia comme prostituée en Italie, après avoir échappé à une tentative d'enlèvement.

[11]            En raison de ces craintes, les demandeurs ont fui l'Albanie en octobre 1998 et se sont rendus aux États-Unis pour permettre à M. Morina de fréquenter une école de pilotage en Floride, ce qu'il fit pendant deux mois et demi, en vue d'obtenir une licence de pilote. Ils se sont alors rendus au Canada sans avoir demandé le statut de réfugié aux États-Unis et sans d'abord révéler aux autorités canadiennes de l'immigration qu'ils avaient séjourné dans ce pays.

[12]            Le dossier montre que les demandeurs ont été très mal servis par le conseiller juridique qu'ils avaient mandaté au Canada pour leur revendication du statut de réfugié et leur demande visant l'attribution de la qualité de DNRSRC.


[13]            Leur conseiller juridique n'a pas présenté d'arguments à l'agent de révision au soutien de leur demande DNRSRC. Qui plus est, il n'a pas déposé auprès de l'agent de révision de preuves nouvelles confirmant les craintes de M. Morina. Il est certain que le conseiller juridique n'a pas aidé la cause des demandeurs en ne présentant pas d'arguments ni de preuves nouvelles à l'agent de révision.

[14]            L'avocat du défendeur s'oppose à la demande de sursis, non parce que les demandeurs n'ont pas prouvé l'existence d'une question grave résultant de l'incompétence de leur conseiller juridique initial, mais parce que les preuves nouvelles, qui par négligence n'ont pas été produites, n'établissaient pas objectivement un préjudice irréparable ni ne révélaient pour les demandeurs un risque objectif en cas de renvoi dans leur pays.

[15]            Deux éléments de preuve n'ont pas été déposés auprès de l'agent de révision : un affidavit de Romeo Zegali (un ancien employé de l'ambassade des États-Unis à Tirana, aujourd'hui établi au Canada) daté du 14 août 2000, et une coupure de journal daté du 7 mai 2001, qui décrivait les moyens pris par M. Morina pour résister à l'ancien régime communiste, en ajoutant que lui-même et sa famille en étaient terrorisés.

[16]            M. Zegali confirme que M. Morina a été battu violemment et qu'il a risqué sa vie aux mains du patron de la mafia. Il fut lui-même menacé par les mêmes voyous lorsqu'ils le confondirent avec M. Morina alors qu'il conduisait la voiture de l'ambassade, un véhicule de même genre et de même couleur. Les voyous avaient lancé à M. Zegali : « Dites à Artur Morina que nous le trouverons même s'il va aux États-Unis, nous avons des gens là-bas » .

[17]            M. Zegali concluait son affidavit en affirmant que, lorsqu'il avait entendu parler plus tard de la famille de M. Morina, c'est lorsqu'une bombe avait explosé dans leur maison.

[18]            La coupure de journal mentionne que la police secrète le persécutait pour ses activités politiques et fait état de l'explosion d'une grenade dans la maison de M. Morina.

[19]            Vu l'ensemble de la preuve produite, les demandeurs n'ont pas établi que leurs vies seront objectivement exposées s'ils sont renvoyés en Albanie. Ils n'ont pas montré l'existence d'un préjudice irréparable, même si l'on tient compte de la preuve qui n'a pas été déposée auprès de l'agent de révision. J'arrive à cette conclusion pour plusieurs raisons.

[20]            D'abord, c'est un défi au bon sens que les demandeurs n'aient pas cherché refuge aux États-Unis, le pays pour lequel M. Morina a travaillé, exerçant un emploi qui fut en partie la source de ses problèmes. D'ailleurs, si M. Morina avait été exposé aux menaces d'une mafia dans l'exercice de ses fonctions intéressant les affaires de l'ambassade, l'affaire aurait été résolue en Albanie.


[21]            Deuxièmement, la section du statut de réfugié a estimé pour plusieurs raisons que M. Morina n'intéresserait plus M. Markaj : ils ne se sont pas revus entre le début d'août jusqu'au jour d'octobre 1998 où M. Morina a fui l'Albanie; M. Morina s'est plié aux demandes de M. Markaj en quittant les lieux; personne d'autre à l'ambassade des États-Unis n'a eu d'ennuis à propos de ce différend immobilier.

[22]            L'affidavit de M. Zegali ne fait pas disparaître les conclusions qui précèdent. L'affidavit n'indique aucune date pour l'incident où il y a eu erreur sur la personne. Le dossier mentionne aussi que le différend immobilier entre l'ambassade des États-Unis et M. Markaj avait fait la une des journaux pendant plusieurs jours à Tirana et que M. Markaj avait décidé de s'adresser aux tribunaux.

[23]            Troisièmement, la mention par M. Zegali de l'explosion d'une bombe chez M. Morina est un ouï-dire et ne contient pas de détails rattachant cet incident à M. Markaj.

[24]            Quatrièmement, la coupure de journal ne rattache pas les activités de M. Morina au Parti royal, et elle impute l'explosion de la grenade à la police secrète et non à M. Markaj, contrairement à ce qu'affirme M. Zegali. Considérée globalement, elle ne saurait avoir beaucoup de poids.

[25]            Cinquièmement, les demandeurs n'ont produit, dans leur demande de sursis d'exécution, aucune preuve se rapportant aux craintes d'Ariola Lika, craintes que la section du statut de réfugié n'a pas jugées dignes de foi.

[26]            Pour tous ces motifs, cette demande de sursis d'exécution sera rejetée.

« François Lemieux »

                                                                                                                                                                 Juge                          

Toronto (Ontario)

le 5 février 2002

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                              IMM-237-02

INTITULÉ :                                                        ARTUR MORINA

ARIOLA LIKA

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE LUNDI 4 FÉVRIER 2002

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE :         MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX      

DATE DES MOTIFS :                                     LE MARDI 5 FÉVRIER 2002

ONT COMPARU :

Chantal Desloges                                                                                         pour les demandeurs

Jamie Todd                                                                                                  pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

Green et Spiegel                                                                                          pour les demandeurs

Avocats

121, rue King ouest

Bureau 2200

Toronto (Ontario)

M5H 3T9

Morris Rosenberg                                                                                        pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                Date : 20020205

                                                                                                                   Dossier : IMM-237-02

Entre :

ARTUR MORINA

ARIOLA LIKA

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                                         

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                         

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