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                                              T-154-96, T-156-96

                                    T-157-96, T-158-96, T-159-96

                                    T-160-96, T-161-96, T-163-96

                                    T-164-96, T-165-96, T-166-96

                                    T-167-96, T-168-96, T-169-96

                                                        T-177-96

 

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT la Commission royale d'enquête sur le système d'approvisionnement en sang au Canada suivant le décret C.P. 1993‑1879

 

ET les avis donnés conformément à la Loi sur les enquêtes, L.R.C. (1985), ch. I-11, à la Loi sur les enquêtes publiques, L.R.O. 1990, c. P.41, et à la Public Inquiries Act, R.S.P.E.I. 1988, ch. P‑31

 

 

Entre

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, LE DOCTEUR ALBERT JOSEPH LISTON, LE DOCTEUR ALASTAIR JAMES CLAYTON, LE DOCTEUR NORBERT GILMORE, LE DOCTEUR DENISE LECLERC, JAKE EPP, LE DOCTEUR GORDON A. JESSAMINE, LE DOCTEUR WARK BOUCHER, LE DOCTEUR DAVID POPE, MONIQUE BÉGIN, LE DOCTEUR JOHN FURESZ, LE DOCTEUR MAUREEN M. LAW, DAVID KIRKWOOD, LE DOCTEUR DENYS COOK, LE DOCTEUR EMMANUEL SOMERS, LE DOCTEUR J.W. DAVIES, BRUCE RAWSON, J.L. FRY, ET LE DOCTEUR A.B. MORRISON, BAYER INC., CRAIG A. ANHORN, LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE LA CROIX-ROUGE, GEORGE WEBER, LE DOCTEUR ROGER A. PERRAULT, LE DOCTEUR MARTIN G. DAVEY, LE DOCTEUR ELIZABETH ROSS, LE DOCTEUR MORRIS A. BLAJCHMAN, LE DOCTEUR TERRY STOUT, LE DOCTEUR JOSEPH ERNEST COME ROUSSEAU, LE DOCTEUR NOEL ADAMS BUSKARD, LE DOCTEUR RAYMOND M. GUEVIN, LE DOCTEUR JOHN SINCLAIR MACKAY, LE DOCTEUR MAX GORELICK, LE DOCTEUR ROSLYN HERST, et LE DOCTEUR ANDREW KAEGI, ARMOUR PHARMACEUTICAL COMPANY et RHÔNE-POULENC RORER INC., CONNAUGHT LABORATORIES LIMITED, BAXTER CORPORATION, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC ET L'HONORABLE CAMILLE LAURIN,  L'HONORABLE DENNIS TIMBRELL, L'HONORABLE LARRY GROSSMAN, L'HONORABLE KEITH NORTON, L'HONORABLE ALAN POPE, L'HONORABLE MURRAY ELSTON, L'HONORABLE PHILIP ANDREWES ET L'HONORABLE ELINOR CAPLAN, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC ET L'HONORABLE THÉRÈSE LAVOIE-ROUX, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC ET L'HONORABLE PIERRE-MARC JOHNSON, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC ET L'HONORABLE MARC-YVAN CÔTÉ, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC ET L'HONORABLE GUY CHEVRETTE, SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE, SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DE L'ALBERTA, SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU MANITOBA, SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DE LA NOUVELLE-ÉCOSSE, SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU NOUVEAU-BRUNSWICK, SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DE L'ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD, SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DE TERRE-NEUVE, SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU TERRITOIRE DU YUKON, SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST, L'HONORABLE STEPHEN ROGERS, L'HONORABLE JIM NIELSEN, L'HONORABLE PETER DUECK, L'HONORABLE JOHN JANSEN, L'HONORABLE DAVID RUSSELL, L'HONORABLE MARV MOORE, L'HONORABLE NANCY BETKOWSKI, L'HONORABLE LARRY DESJARDINS, L'HONORABLE DONALD ORCHARD, L'HONORABLE CHARLES GALLAGER, L'HONORABLE NANCY CLARK TEED, L'HONORABLE RAYMOND FRENETTE, L'HONORABLE GERALD SHEEHY, L'HONORABLE RONALD RUSSELL, L'HONORABLE JOEL MATHESON, L'HONORABLE ALBERT FOGARTY, L'HONORABLE JOSEPH GHIZ, L'HONORABLE KEITH MILLIGAN, L'HONORABLE WAYNE CHEVERIE, L'HONORABLE JOHN COLLINS, ET DENISE LECLERC‑CHEVALIER,

 

                                          requérants/Applicants,

 

 

 

                             - et -

 

L'HONORABLE HORACE KREVER, ès qualité de COMMISSAIRE DE L'ENQUÊTE SUR LE SYSTÈME D'APPROVISIONNEMENT EN SANG AU  CANADA SUIVANT LE DÉCRET C.P. 1993 - 1879,

THE HONORABLE HORACE KREVER, COMMISSIONER OF THE INQUIRY OF THE BLOOD SYSTEM IN CANADA

 

                                              intimé/Respondent,

 

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE L'HÉMOPHILIE, LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DU SIDA, HIV-T GROUP (BLOOD TRANSFUSED), JANET CONNERS (INFECTED SPOUSES AND CHILDREN), CANADIAN HEMOPHILIACS INFECTED WITH HIV, COMMITTEE FOR HIV AFFECTED AND TRANSMITTED, ASSOCIATION OF HEMOPHILIA CLINIC DIRECTORS OF CANADA, LA SOCIÉTÉ DES SURVIVANT(E)S D'HÉPATITE C, GIGNAC, SUTTS GROUP, GUY HENRI‑GODIN et JEAN‑DANIEL COUTURE, THE HEPATITIS C GROUP, THE TORONTO and CENTRAL ONTARIO REGIONAL HEMOPHILIA SOCIETY,

 

                                       intervenants/Intervenors.

 

 

 

 

                     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

 

LE JUGE RICHARD

 

           Une catastrophe nationale de proportions alarmantes s'est produite au Canada dans le domaine de la santé publique au début des années 1980.  Elle exposait tous les résidents du pays qui pouvaient avoir besoin de sang, d'un composant du sang ou d'un produit sanguin, à contracter des maladies fatales.

 

     Le 4 octobre 1993, le gouvernement du Canada a chargé l'honorable Horace Krever de faire rapport sur les événements qui ont entouré la contamination du système canadien de collecte et de distribution du sang au début des années 1980.

 

 


     La Commission a tenu des audiences publiques dans tout le pays entre le 22 novembre 1993 et le 21 décembre 1995.  Un rapport provisoire a été rendu public le 24 février 1995.  Le rapport final était attendu le 30 septembre 1996.

 

     Le 21 décembre 1995, l'avocate de la Commission a adressé, de façon confidentielle, quarante‑cinq préavis (les «préavis») en application de l'article 13 de la Loi sur les enquêtes[1] dans lesquels elle informait les gouvernements, les institutions et les particuliers désignés nommément que le commissaire pourrait tirer des conclusions susceptibles d'impliquer une faute de leur part, et qu'ils avaient le droit de répliquer.

 

     Les requérants ont engagé ces procédures, alléguant qu'après quelque deux années d'auditions, le commissaire n'avait pas la compétence nécessaire pour tirer aucune des conclusions de fait possibles exposées dans les préavis ou, dans l'éventualité où il aurait eu à l'origine cette compétence, qu'il l'avait perdue en raison soit des assurances qu'il avait données, soit des procédures qu'il avait adoptées.  La Société canadienne de la Croix‑Rouge («SCCR») et la Baxter Corporation («Baxter») soutiennent aussi que les avocats du commissaire ont adopté une approche inquisitoire au cours de l'enquête et qu'il devrait leur être interdit d'aider leur client à préparer son rapport final.

 

     Pour bien analyser cette affaire, il est essentiel d'examiner les réalités politiques et pratiques ayant donné naissance à cette enquête afin de déterminer le contexte qui l'a suscitée et son étendue.[2]


1.HISTORIQUE

 

     Plus de 1 000 Canadiens ont été directement infectés par le VIH véhiculé par le sang et les produits sanguins au début des années 1980.  De plus, de 10 à 20 de leurs épouses se sont trouvées elles aussi infectées par le VIH, et un nombre inconnu d'enfants sont nés séropositifs.  Environ 12 000 Canadiens ont contracté l'hépatite C transmise par le sang et les produits sanguins, maladie qui peut aussi être mortelle.  Ces infections ont jeté le doute sur la sûreté du système canadien de collecte et de distribution du sang.

 

     Le public indigné a finalement exigé de savoir comment cette tragédie avait pu se produire et l'assurance que les mesures nécessaires avaient été ou seraient prises pour en empêcher la répétition.  En 1985, ont commencé les épreuves de dépistage du VIH.  En 1989, le gouvernement fédéral a instauré un programme d'indemnisation, mais ce n'est qu'en 1993 qu'il s'est résolu à ordonner une enquête.

 

           Le 13 mai 1993, le Comité permanent de la santé et du bien‑être social, des affaires sociales, du troisième âge et de la condition féminine a rendu public le troisième rapport du Sous‑comité sur les questions de santé, qui est intitulé «Tragédie et enjeu : La transfusion sanguine au Canada et le VIH» (le «rapport Wilbee»).

 

     Le rapport Wilbee note que :

 

«Chaque jour au Canada, une personne a besoin d'une transfusion sanguine ... toutes les 20 secondes».[3]

 

et que

 

«La contamination du sang et des produits sanguins au Canada, et ailleurs, est une véritable tragédie médicale et sociale».[4]

 

     L'étude du Sous‑comité a porté sur deux aspects de la question. Premièrement, l'étude s'est attachée à dégager les faits et les facteurs qui ont provoqué l'infection de plus d'un millier de Canadiens par du sang et des produits sanguins contaminés au VIH dans les années 1980.  Deuxièmement, elle a cherché à s'assurer que les approvisionnements sanguins actuels au Canada sont aussi sûrs que possible et que les mécanismes en place permettraient de réagir efficacement et rapidement à toute crise future semblable à celle du désastre du sida il y a une décennie.[5]

 

     Le rapport Wilbee a décrit le système canadien de collecte et de distribution du sang étant un élément essentiel du régime de santé canadien, et très peu de personnes ou de familles au Canada ne sont pas touchées d'une façon ou d'une autre par la nécessité d'assurer en permanence l'innocuité et la haute qualité du sang et des produits sanguins.  Tout comme le sang est une ressource complexe qui exige une gestion prudente et intelligente, le système de collecte et de distribution du sang est lui aussi fort complexe.

 

     Le rapport souligne que le système canadien de collecte et de distribution du sang est fortement identifié à la SCCR.  Il comprend aussi quelques autres intervenants, qui ont tous un rôle essentiel à jouer.  Au début des années 80, lorsque l'épidémie du sida était encore à ses débuts, le système canadien de collecte et de distribution du sang comprenait trois principaux intéressés.

 

     Tout comme maintenant, la SCCR était le volet opérationnel du système.  Elle comptait sur deux grands éléments : le Recrutement des donneurs de sang et les Services transfusionnels.  L'organisation et le fonctionnement du système de collecte et de distribution du sang par la Croix‑Rouge ont une envergure nationale.  Le système fait appel à des centres régionaux, qui appliquent des procédures, lignes directrices et politiques nationales.

 

     Un autre intervenant important au début des années 80 était le Comité canadien du sang («CCS»).  Il s'agissait d'un comité fédéral‑provincial composé des ministres fédéral et provinciaux de la santé, son directeur exécutif étant un haut fonctionnaire fédéral.[6]

 

     Sans participer directement à la structure administrative et opérationnelle du système canadien de collecte et de distribution du sang, le gouvernement fédéral a joué certains rôles essentiels dans le processus global.  Les produits sanguins sont réglementés en vertu de la Loi sur les aliments et drogues[7] depuis qu'ils existent.  L'autorité fédérale régit également les trousses de diagnostic et de dépistage pour assurer l'innocuité du sang.[8]

 

     Le rapport Wilbee a documenté les auditions tenues par le Sous‑comité, dont celles de vingt‑neuf témoins représentant les «principaux intervenants» dans le système canadien de collecte et de distribution du sang et ceux qui avaient été infectés par le VIH en recevant du sang contaminé.  Le Sous‑comité a conclu qu'en dépit de ses efforts, il ne pouvait répondre à certaines questions essentielles, comme par exemple :

 

•«... le dépistage des anticorps a‑t‑il été mis sur pied aussi rapidement qu'on le pouvait, compte tenu de la technologie et des compétences qui existaient à l'époque, et la prise des décisions dans le système canadien de collecte et de distribution du sang à l'époque a‑t‑elle occasionné des retards évitables ou contribué à de tels retards »?

 

•la transition au facteur VIII chauffé [produit sanguin utilisé principalement par les hémophiles] s'est‑elle effectuée «... le plus rapidement possible dans les circonstances ? Aurait‑on pu, dans l'ensemble du système, éviter le retard dans la décision de remplacer les produits de coagulation non chauffés par des produits chauffés ?  Est‑il possible que des considérations financières aient joué un rôle, par exemple dans la disponibilité de fonds pour acheter un produit de remplacement ?»[9]

 

     Le rapport Wilbee a fait neuf recommandations, dont voici les deux premières :

 

RECOMMANDATION No 1

 

Le Sous‑comité recommande fortement que soit réalisée une enquête publique sur le système canadien de collecte et de distribution de sang, qui porterait principalement sur l'efficacité et la fiabilité du système.  L'enquête comprendrait notamment un examen complet des événements qui se sont produits au cours des années 1980, lorsque les stocks canadiens de sang ont été contaminés par le virus de l'immunodéficience humaine, l'agent pathogène associé au sida.

 

RECOMMANDATION No 2

 

Le Sous‑comité recommande en outre que le gouvernement fédéral prenne les devants afin d'organiser, de financer et de réaliser l'enquête dans le cadre d'une initiative mixte fédérale‑provinciale‑territoriale.  Le mandat de la commission d'enquête publique serait élaboré de façon conjointe et en collaboration par le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires, après que les groupes et les organismes touchés auront été consultés.[10]

 

     Le 16 septembre 1993, les ministres de la Santé fédéral, provinciaux et territoriaux se sont réunis et ont convenu du mandat de l'enquête envisagée, annonçant qu'elle viserait aussi bien l'ancien que le nouveau systèmes canadiens de collecte et de distribution du sang.  Les ministres ont publié un communiqué annonçant qu'une enquête publique aurait lieu pour traiter des questions suivantes :

 

•la constitution et l'efficacité de l'ancien et du nouveau systèmes canadiens d'approvisionnement en sang et en produits sanguins;

 

•les rôles, les vues et les idées des organismes intéressés;

 

•les structures et l'expérience d'autres pays, particulièrement ceux dotés de systèmes comparables.[11]

 

     Le ministre fédéral de la Santé à l'époque, Mary Collins, a engagé le gouvernement fédéral, pour la première fois, à tenir cette enquête, réclamée depuis longtemps par les représentants de plus de 1 000 Canadiens infectés par le virus du sida après avoir reçu des produits sanguins et des transfusions contaminées.  L'enquête, investie du pouvoir de citer des témoins et d'ordonner la production de documents, avait pour mandat de rechercher soigneusement de quelle façon et pourquoi tant de personnes avaient été infectées avant que ne débute l'examen systématique des dons de sang vers la fin de 1985.

 

     Dans une entrevue accordée au Globe and Mail, Mme Collins a dit ce qui suit :

 

[TRADUCTION]  «Personne ne veut de chasse aux sorcières, et je comprends que ceci rende certaines personnes nerveuses, mais il nous faut comprendre les événements passés pour nous assurer qu'une chose de ce genre ne se répétera pas.»

 

Le ministre de la Santé a dit que s'imposait une enquête plus générale que celle proposée tout d'abord en mai par le ministre de la Santé à l'époque, l'honorable Benoît Bouchard.

 

«Cela aurait tenu davantage d'une étude.  Je crois que ce qu'il faut, c'est une enquête complète conformément à la Loi sur les enquêtes.  Il s'agit d'une tragédie majeure,» a dit Mme Collins.

 

«On ne peut modifier le passé.  Mais à la simple lecture de ce qui s'est produit, il me semble que les choses auraient pu être mieux faites.»

 

                              . . .

 

«C'est très triste.  L'une des principales demandes [des victimes], c'est de comprendre ce qui leur est arrivé, et pourquoi.  Cela a comme un effet libérateur, et j'y attache une grande importance,» a-t-elle ajouté.

 

«Après avoir parlé avec les gens, j'ai eu le sentiment que c'était la seule façon de parvenir à la vérité et d'assurer un point de vue réellement indépendant sur la question.  J'ai ressenti beaucoup de cynisme, et j'estime qu'il faut s'en préoccuper.»[12]

 

     Le 17 septembre 1993, le ministre Collins a été interviewée au cours de l'émission CBC Morning News et, comme on lui demandait si le commissaire allait apprécier l'existence d'une faute et jeter un blâme, elle a répondu qu'il

 

[TRADUCTION] ... appartient entièrement au commissaire de décider comment agir et tirer des conclusions, et d'indiquer de fait ce qui s'est produit et les organismes en cause, et comment tout cela fonctionnait ... le commissaire est libre ... les commissaires sont libres, évidemment, de traiter de la situation de la façon qu'ils jugent la plus efficace.  Mais je crois qu'il est très important de s'assurer de l'efficacité future du système.  C'est ce que tous réclament.  Et, afin de réaliser cela, il faut comprendre ce qui s'est passé, pourquoi il y a eu des problèmes, pourquoi de fait tant de Canadiens ont contracté le virus VIH après avoir reçu des produits sanguins, et d'essayer de voir à ce que cela ne se produise jamais plus.

 

 

Ainsi donc, le mandat de la Commission d'enquête est de grande étendue; elle aura accès à toute la documentation dont elle a besoin et, naturellement, elle décidera comment elle déposera finalement son rapport.  L'action de cette dernière n'est entravée d'aucune façon, et je suis convaincue qu'elle fera un excellent travail.»[13]

 

2.NOMINATION DU COMMISSAIRE

 

     Le 4 octobre 1993, le Conseil privé a, par décret no C.P. 1993-1879, constitué une commission en application de la partie I de la Loi sur les enquêtes et nommé M. le juge Krever pour :

 

faire enquête et rapport sur le mandat, l'organisation, la gestion, les opérations, le financement et la réglementation de toutes les activités du système canadien d'approvisionnement en sang, y compris les événements entourant la contamination des réserves de sang au début des années 1980 [14]

 

     Le commissaire s'est vu confier un mandat identique par décrets respectifs des gouvernements de l'Ontario, de la Saskatchewan et de l'Île-du-Prince-Édouard.

 

     Chacun de ces décrets et lettres patentes habilitait le commissaire :

 

à adopter les méthodes et procédures qui lui apparaîtront les plus indiquées pour la conduite de l'enquête et à siéger aux moments et aux endroits qu'il jugera opportuns.[15]

 

     Le commissaire avait pour mandat de présenter au Conseil privé d'abord un rapport provisoire puis un rapport final[16], le premier le 31 mai 1994 au plus tard, et le second le 30 septembre 1994 au plus tard.  Le rapport provisoire devait expressément porter sur «la sécurité du système d'approvisionnement en sang, en l'accompagnant de recommandations pertinentes quant aux mesures pouvant être prises pour corriger toute lacune actuelle du système».  Par décret no C.P. 1994-894 du 26 mai 1994, le délai de présentation a été prorogé au 30 novembre 1994 pour le rapport provisoire, et au 31 décembre 1995 pour le rapport final.  Par décret no C.P. 1994-2001 du 30 novembre 1994, la date de présentation du rapport provisoire a été prorogée une seconde fois au 15 février 1995.  Subséquemment, celle du rapport final a été reportée au 30 septembre 1996 par décret no C.P. 1995-2135 du 13 décembre 1995.

 

3.LE CONTEXTE DE LA DEMANDE EN INSTANCE

 

     Durant la période allant du 22 novembre 1993 au 21 décembre 1995, la commission d'enquête a siégé 235 jours en audiences publiques.  Du 14 au 24 février 1994, se sont déroulés 9 jours d'audiences préliminaires à Toronto.  Puis, pendant 87 jours, du 7 mars au 9 décembre 1994, la commission d'enquête a siégé et recueilli des témoignages dans diverses provinces, au cours d'une série d'audiences régionales portant surtout sur ce qui s'était passé durant les années 1980.  Les 6 et 7 décembre 1994, elle a consacré deux journées d'audience à la question de la «vérification de la sécurité» du système canadien de collecte et de distribution du sang, ce qui a abouti au rapport provisoire daté du 24 février 1995.[17]  Les audiences relatives aux questions intéressant le Canada dans son ensemble se sont ouvertes le 7 mars 1995 et ont pris fin le 21 décembre 1995.  Ces audiences sur les questions de portée nationale ont pris 137 jours, dont 111 consacrés à l'historique du problème de la contamination des stocks de sang au cours des années 1980.  Les questions touchant la sécurité de l'approvisionnement actuel en sang au Canada ont pris 26 jours.  Les audiences nationales sur les événements passés ont pris fin le 6 novembre 1995.  Les audiences sur la situation présente et l'avenir de l'approvisionnement en sang se sont déroulées durant la période allant du 7 novembre au 21 décembre 1995[18].

 

     Plus de 490 témoins ont été entendus durant les diverses phases des audiences publiques.  À la clôture de ces audiences, 1 230 pièces, soit quelque 100 000 pages, avaient été admises en preuve.  L'enquête a produit 48 843 pages de transcription[19].  Copie de la transcription a été fournie gratuitement à chacune des parties; elle est mise à la disposition du public pour consultation sur place.

 

     Le 7 février 1995, les avocats de la Commission ont informé les parties que les audiences publiques se termineraient à la fin de décembre 1995.  Le 18 octobre 1995, ils ont informé toutes les parties ayant qualité pour agir qu'elles devaient présenter leurs observations écrites au plus tard le 19 janvier 1996 à midi.  Le 21 décembre 1995, ce délai a été prorogé au 8 février 1996, à la demande quasi unanime de toutes les parties qualifiées pour agir, à l'exception de la SCCR.

 

     Le 26 octobre 1995, les avocats de la Commission ont envoyé à toutes les parties la note suivante :

 

     [TRADUCTION]

Le commissaire est tenu par l'article 13 de la Loi sur les enquêtes, L.R.C., ch. I‑13 [sic], de prévenir toute personne à laquelle il pourrait imputer une faute.  Il examinera vos dernières observations avant de tirer ses conclusions de fait.  Afin d'éviter toute possibilité qu'un intéressé ne soit pas prévenu, conformément à l'article 13 de la Loi, que le commissaire pourrait lui imputer la faute que vous mentionnez dans vos dernières observations, nous vous prions de nous dire ce qu'il y a lieu de mentionner dans les préavis.  Veuillez détailler toutes les conclusions de faute que vous vous proposez de recommander au commissaire ainsi que les personnes (particuliers, collectivités et personnes morales) contre lesquelles vous recommanderez ces conclusions, et préciser, pour chacune d'elles, quelles sont les conclusions recommandées.  Vous devez faire parvenir ces détails aux avocats de la Commission dans la semaine qui suit la clôture des audiences sur les événements passés, soit au plus tard le 10 novembre 1995 à 17 heures, si vous tenez à ce que les conclusions recommandées soient prises en considération en vue de leur inclusion possible dans les préavis que pourrait adresser le commissaire.

 

     Le 21 décembre 1995, les avocats de la Commission ont  envoyé, en application de l'article 13 de la Loi sur les enquêtes et à titre confidentiel, 45 préavis où étaient nommément désignés 95 particuliers, personnes morales ou gouvernements.  Les préavis envoyés aux requérants sont demeurés confidentiels jusqu'au moment où ceux-ci les déposèrent auprès de la Cour dans l'affaire en instance ou, pour ce qui était des requérants appartenant à la SCCR, jusqu'au moment où celle-ci les rendit publics dans un communiqué de presse.

 

     Ces préavis informaient les intéressés que les éléments de preuve produits révélaient que le commissaire pourrait tirer certaines conclusions de fait susceptibles d'être visées à l'article 13 de la Loi sur les enquêtes, et que l'intéressé avait le droit de se faire entendre sur le point de savoir si le commissaire devrait ou non tirer ces conclusions de fait, en tout ou en partie.  Ces préavis comportent l'énumération détaillée des conclusions de fait que le commissaire pourrait tirer.

 

     Les préavis en question[20] informaient les intéressés que :

 

le commissaire pourrait tirer les conclusions suivantes susceptibles d'impliquer une faute de leur part, au sens de la Loi sur les enquêtes, L.R.C. (1985), ch. I‑11, la Loi sur les enquêtes publiques, L.R.O. 1990, ch. P.41, et la Public Inquiries Act, R.S.P.E.I. 1988, ch. P‑31

                                                     [les italiques figurent dans l'original]

 

et portaient cette précision :

 

vous avez le droit d'être entendu, en personne ou par l'entremise d'un avocat, sur ces conclusions possibles.  Vous pouvez vous prévaloir de ce droit en présentant vos observations finales et, le cas échéant, il n'est pas nécessaire de donner avis de ce choix au Bureau du commissaire.  Les observations écrites finales doivent parvenir au Bureau du commissaire au plus tard le jeudi 8 février 1996 à 12 h.  Si vous désirez être entendu de quelque autre façon, vous devez en aviser le Bureau du commissaire au plus tard le mercredi 10 janvier 1996 à 12 h.

 

     L'affidavit déposé par l'avocate de la Commission explique le moment choisi pour l'envoi de ces préavis ainsi que la raison pour laquelle les parties ayant qualité pour agir étaient invitées à faire part à la Commission de toute allégation de faute qu'elles pourraient faire dans leurs observations.

 

1)Le commissaire et son avocat savaient dès le début de l'enquête qu'au cas où les témoignages produits engageraient le commissaire à faire des rapports défavorables au sens de l'article 13 de la Loi sur les enquêtes, il fallait que le particulier ou l'institution touché en fût prévenu et eût la possibilité d'y répondre[21].

 

2)Il a été décidé qu'avant l'envoi des préavis prévus à l'article 13, la Commission entendrait tous les témoignages que ses avocats se proposent de produire de sorte que tout le contexte dans lequel les décisions et mesures avaient été prises puisse être compris.[22]

 

3)Les avocats de la Commission savaient que certaines parties présenteraient probablement vers la fin de l'enquête des observations dans lesquelles elles demanderaient au commissaire de tirer à l'égard d'autres parties des conclusions de fait valant rapport défavorable au sens de l'article 13 de la Loi sur les enquêtes.  Afin de prévenir la possibilité que le commissaire acceptât ces observations sans que la partie concernée en fût prévenue, ce qui entraînerait un cycle renouvelé des préavis et des observations visés à l'article 13, les avocats de la Commission ont jugé qu'il y avait lieu d'avoir à l'avance idée des observations finales des parties[23].

 

4.   LES DEMANDES DE CONTRÔLE JUDICIAIRE

 

     Le procureur général du Canada, deux anciens ministres fédéraux de la Santé et seize employés ou anciens employés du gouvernement fédéral (les «requérants du gouvernement fédéral»), le procureur général du Québec et cinq anciens ministres de la Santé de cette province (les «requérants du Québec»), sept anciens ministres de la Santé de l'Ontario (les «requérants de l'Ontario»), Sa Majesté la Reine du chef des provinces de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, du Manitoba, de la Nouvelle-Écosse, de l'Île‑du‑Prince‑Édouard, de Terre‑Neuve, et du Yukon et des Territoires du Nord‑Ouest, ainsi que vingt-cinq anciens ministres de la Santé de ces provinces et un ancien employé (les «requérants des provinces»), la SCCR et treize de ses employés ou anciens employés (les «requérants appartenant à la Croix‑Rouge»), Bayer Inc. («Bayer»), Armour Pharmaceutical Company et Rhône-Poulenc Rorer Inc. («Armour»), Connaught Laboratories Limited («Connaught»), Baxter Corporation («Baxter»), et Craig Anhorn («Anhorn») (tous les requérants susmentionnés étant désignés collectivement ci‑après «les requérants») ont intenté cette procédure par voie d'avis de requête introductive d'instance (les «demandes») en application des articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale[24].

 

     À l'ouverture des audiences, trois anciens ministres de la Santé de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick[25] se sont désistés, ainsi que Sa Majesté la Reine du chef des provinces de la Colombie‑Britannique et de la Nouvelle‑Écosse.

 

     Au cours des débats, l'avocat de l'intimé a, en réponse à une demande d'éclaircissement de la Cour, confirmé que certains des requérants qui avaient reçu le préavis en question pourraient être nommément désignés dans le rapport final du commissaire[26].

 

     Bien que les requérants ne concluent pas tous à la même réparation, voici ce qu'ils demandent collectivement :

 

1)Un jugement déclarant que l'intimé, savoir le juge Horace Krever, commissaire de l'enquête sur le système d'approvisionnement en sang au Canada (ci‑après le «commissaire»), n'avait pas compétence ou a excédé sa compétence lorsqu'il a adressé aux requérants les préavis du 21 décembre 1995 en application de l'article 13 de la Loi sur les enquêtes, du paragraphe 5(2) de la Loi sur les enquêtes publiques[27], et de l'article 7 de la Loi sur les enquêtes publiques;[28];

 

2)Un jugement déclarant qu'en envoyant les préavis susmentionnés, le commissaire a manqué aux principes de justice naturelle et d'équité procédurale que prescrivent la Charte canadienne des droits et libertés (la «Charte») et la Déclaration canadienne des droits;

 

3)Un jugement déclarant que le commissaire a commis une erreur de droit en envoyant ces préavis;

 

4)Une ordonnance portant annulation de ces préavis et interdiction pour le commissaire de tirer dans son rapport final aucune conclusion de faute, conclusion de fait valant conclusion de faute, ou conclusion de fait valant conclusion de responsabilité pénale ou civile; ou, subsidiairement,

 

5)Une ordonnance portant prorogation du délai imparti aux requérants pour répondre aux préavis susmentionnés, et obligation pour le commissaire de communiquer tous les détails et de produire toutes les preuves à l'appui des éventuelles conclusions de faute dont font état ces préavis.

 

     En sus des réparations ci‑dessus, les requérants appartenant à la Croix-Rouge et Baxter concluent encore à ordonnance portant interdiction pour l'avocat du commissaire de contribuer à la préparation du rapport final de celui‑ci, notamment par ses conseils ou recommandations ou par sa participation à la rédaction de ce rapport.  Il y a lieu de noter que dans son mémoire, Baxter semblait se désister de ce chef de réparation, ce qui a été confirmé par la suite lors des débats.

 

     Le procureur général du Canada ne conteste pas le préavis adressé au gouvernement du Canada, mais a informé la Cour que celui-ci et tous ses départements se proposent de répondre pleinement aux allégations qui y figurent.

 

5.LES POINTS EN LITIGE

 

     Les requérants s'appuient sur deux motifs principaux pour contester ces préavis.

 

     Le premier est celui de savoir si le commissaire a la compétence légale et constitutionnelle voulue pour tirer les conclusions de faute que renferment les accusations portées dans les préavis, ou, subsidiairement, s'il a perdu sa compétence en ayant garanti qu'il ne tirera pas de conclusions au sujet du type d'accusations qui figurent dans lesdits préavis.

 

     Le second consiste à savoir si le commissaire n'a plus compétence pour rendre les conclusions de faute exposées dans les préavis parce qu'il ne s'est pas conformé aux articles 12 et 13 de la Loi sur les enquêtes ainsi qu'aux exigences de la justice naturelle et, en ce qui concerne les particuliers, aux prescriptions de l'article 7 de la Charte.

 

     La SCCR a soulevé une question supplémentaire, soit celle de savoir s'il faudrait empêcher l'avocate de la Commission de prendre part à la rédaction du rapport final du commissaire.

 

     L'avocat de la SCCR a déclaré que : [TRADUCTION] « les requérants contestent lesdits préavis dans ces circonstances ». Il a fait valoir que, dès le départ, le commissaire a interprété son mandat et donné à maintes reprises aux requérants des garanties auxquelles ces derniers se sont fiés, à savoir qu'il ne tirerait pas de conclusions du genre de celles qu'il a menacé de faire dans les préavis. L'avocat de la SCCR soutient qu'avant d'avoir reçu les préavis, à la fin de décembre 1995, les requérants n'avaient aucune raison de croire qu'ils ne pouvaient se fier à ces garanties ni que le commissaire ou son avocate envisageait des préavis de cette nature[29].

 

     L'avocat a reconnu que l'objectif que visait en fin de compte la Commission - rendre compte de la sécurité du système de collecte et de distribution du sang - était un objectif d'intérêt public légitime, mais que le commissaire ne peut tirer accessoirement des conclusions de fait qui équivalent à des conclusions de responsabilité criminelle ou civile à l'encontre des différents requérants[30]. Le commissaire, a‑t‑il admis, peut critiquer des actions antérieures, mais non tirer de conclusions qui qualifient, dans les termes qu'il a menacés d'employer, la conduite de particuliers et d'institutions[31]. Il a admis qu'au départ, la SCCR avait reconnu et accepté la possibilité que le commissaire puisse conclure à des faits qui discréditeraient la SCCR[32] — en fait, cette dernière a invité publiquement ses employés à collaborer avec l'enquête tout en reconnaissant cette possibilité. La SCCR ne s'est pas opposée à la possibilité que l'on tire des conclusions de faute ni à celle que l'on adresse des préavis en vertu de l'article 13 lorsque l'avocate de la Commission, Me Edwardh, a remis son mémoire le 26 octobre 1995, invitant les parties ayant qualité pour agir à formuler, les unes contre les autres, des allégations de faute.

 

     Le commissaire était représenté par un avocat de l'extérieur, qui a déclaré que son client n'avait ni perdu sa compétence pour adresser les préavis, ni outrepassé cette dernière en le faisant. Il a ajouté aussi que la Cour ne devrait pas se mêler du pouvoir discrétionnaire accordé au commissaire quant au degré et à la nature de l'aide dont il aura besoin de la part de son avocat pour la rédaction de son rapport final.

 

     Douze intervenants ont obtenu qualité pour participer pleinement au contrôle judiciaire. Tous sauf un appuyaient le commissaire. L'un d'eux, l'Association of Hemophilia Clinic Directors of Canada, a lui-même reçu un préavis en vertu de l'article 13 de la Loi sur les enquêtes, mais a déclaré qu'il n'était ni pour ni contre la demande de contrôle judiciaire et qu'il répliquerait aux allégations portées contre lui devant un tribunal approprié et au moment opportun.

 

     Dans sa plaidoirie devant moi, l'avocat de l'intimé a clarifié la position de la Commission en déclarant ce qui suit :

 

1)seuls certains des requérants qui ont reçu un préavis risquent d'être expressément nommés dans le rapport du commissaire. L'intimé a produit une liste de divers requérants dont le nom n'apparaît pas précisément dans le corps des préavis, mais qui ont reçu un préavis fondé sur l'article 13 pour qu'ils puissent répliquer à toute allégation susceptible d'entacher leur réputation à la suite de conclusions de faute visant les institutions qu'ils dirigeaient[33]. Il se peut qu'ils soient désignés nommément dans la partie descriptive du rapport, mais leur nom n'apparaîtra pas dans une conclusion leur portant préjudice;

 

2)les règles de l'équité procédurale confèrent aux personnes morales la même protection que celle qui est garantie aux personnes physiques[34].

 

3)le commissaire reconnaît[35] que les destinataires des préavis sont soumis aux principes d'équité procédurale suivants :

 

a)le droit, mais pas l'obligation, de comparaître;

 

b)le droit d'être représentés par l'avocat de leur choix;

 

c)le droit de pouvoir consulter les documents dont la Commission se sert pour son enquête et pour rédiger son rapport;

 

d)le droit de contre-interroger des témoins;

 

e)le droit de produire des preuves;

 

f)le droit à ce que des réponses incriminantes ne soient pas utilisées contre eux dans une instance subséquente;

 

g)le droit d'être informés des allégations portées;

 

h)le droit d'obtenir la possibilité de répliquer;

 

i)le droit de comparaître et de présenter des arguments avant que toute conclusion défavorable soit tirée.

 

4)rien ne prouve que le commissaire ne sollicitera pas une prorogation de délai pour s'acquitter de son mandat[36], si cela devient nécessaire pour donner pleinement l'occasion de répliquer. C'est ce qu'il a fait auparavant chaque fois qu'une telle prorogation était requise;

 

5)aucune conclusion n'est tirée lorsqu'aucune allégation n'est faite. Si de nouvelles allégations sont soulevées après que la Commission a entendu de nouveaux éléments de preuve, de nouveaux préavis seront adressés;[37]

 

6)bien qu'il n'admette pas ne pas avoir compétence pour le faire, le commissaire s'est engagé à ne tirer aucune conclusion de droit ni aucune conclusion de responsabilité civile ou criminelle.[38]

 

     Les avocats des requérants ont clarifié eux aussi leur position en déclarant ce qui suit :

 

1)ils n'essaient pas d'arrêter l'enquête;[39]

 

2)ils ne contestent pas le pouvoir qu'a le commissaire de tirer des conclusions de façon générale;[40]

 

3)le commissaire peut juger que des particuliers sont responsables d'actions ou d'incurie, mais il ne peut laisser entendre que cela dénote un défaut de respecter un critère de conduite objectif auquel on peut s'attendre de leur part;[41]

 

4)le commissaire a compétence pour émettre de façon générale des préavis en vertu de l'article 13. Ce qu'ils contestent, ce sont les préavis particuliers donnés dans ces circonstances particulières parce que ces derniers contiennent des allégations susceptibles de mener à des conclusions de responsabilité criminelle ou civile;[42]

 

5)les circonstances dans lesquelles les préavis sont contestés ont trait au temps mis à les adresser (c'est‑à‑dire après deux ans et demi d'audiences) ainsi qu'au caractère illusoire de la possibilité qui est maintenant donnée de répliquer.[43]

 

6.COMPÉTENCE DU COMMISSAIRE À DONNER LES PRÉAVIS

 

a)La Loi sur les enquêtes

 

     La première Loi sur les enquêtes au Canada a reçu la sanction royale en 1868.  La présente Loi remonte à 1912.  La Commission de réforme du droit du Canada («CRD») indique qu'environ 400 commissions ont été constituées sous le régime de la partie I entre 1867 et 1977 (année de rédaction du Document de travail), et près de 1 500 en vertu de la partie II depuis 1880.[44]

 

     La Loi sur les enquêtes est divisée en deux parties.  La partie I régit les «enquêtes publiques», cette expression s'entendant d'une enquête «sur toute question touchant le bon gouvernement du Canada ou la gestion des affaires publiques».  La partie II autorise la tenue d'«enquêtes ministérielles» visant à faire enquête et rapport sur l'administration des affaires d'un ministère et, peut-être, sur la conduite des personnes qui y travaillent, dans l'exercice de leurs fonctions officielles.  La présente enquête est effectuée sous le régime de la partie I de la Loi.  Il est évident que l'objet de cette enquête est visé par l'article 2 et touche, plus particulièrement, la gestion d'une partie des affaires publiques du Canada.

 

Les articles 4 et 5 confèrent à une commission des pouvoirs de contrainte lui permettant d'assigner des témoins, de les faire témoigner et d'obtenir la communication de documents.[45]  Ces pouvoirs sont très étendus et ils ont été critiqués en raison de la possibilité qu'ils donnent lieu à un abus de pouvoir.[46]

 

4.Les commissaires ont le pouvoir d'assigner devant eux des témoins et de leur enjoindre de :

 

a) déposer oralement ou par écrit sous la foi du serment, ou d'une affirmation solennelle si ceux-ci en ont le droit en matière civile;

 

b) produire les documents et autres pièces qu'ils jugent nécessaires en vue de procéder d'une manière approfondie à l'enquête dont ils sont chargés.

 

5.Les commissaires ont, pour contraindre les témoins à comparaître et à déposer, les pouvoirs d'une cour d'archives en matière civile.

 

L'article 11 permet à la commission de retenir les services de conseillers, d'experts et d'avocats.  Il se lit en partie comme suit :

 

11.(1) Les commissaires, qu'ils soient nommés sous le régime de la partie I ou de la partie II, peuvent, s'ils y sont autorisés par leur commission, retenir les services :

 

a) des experts - comptables, ingénieurs, conseillers techniques ou autres -, greffiers, rapporteurs et collaborateurs dont ils jugent le concours utile;

 

b) d'avocats pour les assister dans leur enquête.

 

Les articles 12 et 13 reconnaissent par voie législative trois éléments de l'équité procédurale établis en common law : le droit d'être représenté par un avocat, le droit d'être informé de toute faute dont on est accusé et la possibilité de se faire entendre en personne ou par l'entremise d'un avocat.  En voici le libellé :

 

12.Les commissaires peuvent autoriser la personne dont la conduite fait l'objet d'une enquête dans le cadre de la présente loi à se faire représenter par un avocat.  Si, au cours de l'enquête, une accusation est portée contre cette personne, le recours à un avocat devient un droit pour celle-ci.

 

13.La rédaction d'un rapport défavorable ne saurait intervenir sans qu'auparavant la personne incriminée ait été informée par un préavis suffisant de la faute qui lui est imputée et qu'elle ait eu la possibilité de se faire entendre en personne ou par le ministère d'un avocat.

 

Le terme «faute» («misconduct» dans le texte anglais) n'est pas défini dans la Loi sur les enquêtes. Voici la définition que le Shorter Oxford Dictionary attribue au terme «misconduct» :[47]

 

1.improper or unprofessional behaviour; or (soit : inconduite ou conduite non professionnelle)

 

2.   bad management (soit : gestion irrégulière).

 

La version française utilise le mot «faute».  Dans le Nouveau Petit Le Robert,[48] le mot «faute» est défini comme signifiant «inconduite».   Il peut s'agir d'une conduite qui n'entraîne pas tout à fait la responsabilité civile ou pénale[49].  Une telle conclusion peut raisonnablement être interprétée comme discréditant une personne[50].  Il s'agit manifestement d'une conclusion qui peut avoir un impact négatif sur l'intéressé.

 

     L'allégation de faute doit s'appuyer sur des conclusions de fait, celles‑ci étant tirées indépendamment de toute décision quant à leurs effets juridiques[51].  L'article 13 prévoit clairement qu'une enquête peut mener à un rapport défavorable contre une personne à qui une faute est imputée[52].

 

     Dans son document de travail,[53] la CRD affirme qu'il existe deux sortes de commissions d'enquête : les commissions consultatives et les commissions d'enquête proprement dites.  La CRD souligne toutefois que beaucoup de commissions jouent ces deux rôles.  Elle ajoute (p. 13) que l'étude de vastes questions de politique peut mener à l'étude des abus ou erreurs que l'ancienne politique ou l'absence de politique rendait possibles.

 

     Le Document de travail comporte (p. 36) la recommandation suivante :

 

Les conclusions qu'une commission d'enquête se propose de tirer quant à la conduite d'une personne doivent être communiquées à l'intéressé, qui pourra ainsi les commenter.  Le droit à l'aide juridique doit être établi; ceux qui ne peuvent en bénéficier doivent pouvoir obtenir un remboursement total ou partiel de leurs frais juridiques, à la discrétion de la commission.

 

     Le Document de travail recommande également que le paragraphe 11(1) soit maintenu et que les articles 12 et 13 continuent de s'appliquer, avec certaines modifications[54].

 

     Le Rapport[55] qui a suivi souligne que les commissions consultatives et les commissions d'enquête proprement dites peuvent, dans leur rapport, faire état de la faute d'une personne.  Toutefois, les règles élémentaires de l'équité et les principes fondamentaux qui sous-tendent notre système juridique exigent que l'intéressé reçoive un avis raisonnable de la conduite qui lui est reprochée et ait la possibilité d'être entendu sur ce point.  Dans certains cas, l'intéressé ne sera en mesure de répondre valablement à ces allégations que si on l'autorise à faire comparaître des témoins devant la commission.

 

     La Loi sur les enquêtes confère de vastes pouvoirs d'enquête pour leur permettre de mettre au jour des faits qui ne sont pas facilement accessibles au gouvernement ou au public en général.  Bon nombre d'enquêtes, dont la présente constitue un exemple, sont instituées dans la foulée d'un événement tragique afin d'en établir les causes.  L'attribution de tels pouvoirs d'enquête à une commission se justifie alors par l'importance sociale extrême d'établir un mécanisme gouvernemental pour expliquer l'événement tragique au public et conseiller le gouvernement sur les solutions à adopter pour éviter que de telles tragédies se reproduisent.  Dans l'affaire Westray, le juge Cory a déclaré[56] :

 

L'une des principales fonctions des commissions d'enquête est d'établir les faits.  Elles sont souvent formées pour découvrir la «vérité», en réaction au choc, au sentiment d'horreur, à la désillusion ou au scepticisme ressentis par la population.  Comme les cours de justice, elles sont indépendantes; mais au contraire de celles‑ci, elles sont souvent dotées de vastes pouvoirs d'enquête ... [E]lles peuvent remplir, et remplissent de fait, une fonction importante dans la société canadienne.  Dans les périodes d'interrogation, de grande tension et d'inquiétude dans la population, elles fournissent un moyen d'informer les Canadiens sur le contexte d'un problème préoccupant pour la collectivité et de prendre part aux recommandations conçues pour y apporter une solution...  Elles constituent un excellent moyen d'informer et d'éduquer les citoyens inquiets.

 

                               ...

 

... [L]es enquêtes profitent à toute la société sur ces trois plans:  établissement des faits, éducation et information.

 

     La conclusion de fait, en particulier en ce qui a trait aux faits qui expliquent ce qui s'est produit ou la cause du désastre, peut constituer une condition préalable essentielle à la formulation d'une recommandation utile et fiable à l'intention du gouvernement quant à la façon d'éviter la répétition des événements en cause.

 

[TRADUCTION]

La justice ne pourra être correctement administrée que lorsqu'on aura découvert ce qui s'est produit dans cette affaire, parce que c'est seulement à ce moment-là que des mesures pourront être prises pour veiller à ce que cela ne se reproduise plus.  De même, ce qui est arrivé en l'espèce est susceptible de diminuer la confiance du public dans l'administration de la justice.  Une enquête publique est nécessaire pour que le public sache que l'on s'occupe de cette affaire[57].

 

     La Cour suprême du Canada a reconnu comme valides bon nombre d'enquêtes axées sur la découverte de faits touchant des actes répréhensibles, y compris sur la question expresse de savoir si des personnes en particulier étaient les auteurs d'actes répréhensibles.  Dans aucune de ces causes la Cour suprême du Canada n'a mis en doute la compétence de la commission d'enquête de tirer des conclusions de fait établissant une faute[58].

 

     Aucun des requérants en l'espèce n'a contesté la constitutionnalité de la Loi sur les enquêtes ou de l'enquête elle-même[59].

 

b)   Le mandat de la Commission d'enquête

 

     La Commission d'enquête a été constituée aux termes d'un décret pris par le gouverneur en conseil en application de la Loi sur les enquêtes.

 

     La Commission est à la fois un organisme consultatif et un organisme d'enquête. Elle n'exerce pas de pouvoirs judiciaires, ne se prononce pas sur des droits ou des obligations et ne tranche pas de litige opposant des parties. Elle n'est ni un prolongement de la magistrature, ni une cour de justice ou un tribunal administratif quasi-judiciaire. Elle est indépendante du gouvernement qui l'a constituée.

 

     Les pouvoirs et le mandat de la Commission d'enquête sont énoncés dans le décret aux termes duquel elle a été créée :

 

faire enquête et rapport sur le mandat, l'organisation, la gestion, les opérations, le financement et la réglementation de toutes les activités du système canadien d'approvisionnement en sang, y compris les événements entourant la contamination de réserves de sang au début des années 1980, en examinant, sans limiter la portée générale de l'enquête,

 

·l'organisation et l'efficacité des systèmes actuels et antérieurs d'approvisionnement en sang et en produits du sang au Canada;

 

·les rôles, opinions et idées des groupes d'intérêts concernés; et

 

·les structures et expériences d'autres pays, particulièrement ceux qui ont des systèmes fédéraux comparables.[60]

 

     Il ressort de ce mandat que la Commission d'enquête est investie de fonctions qui sont à la fois des fonctions d'enquête et des fonctions consultatives, ou de recommandation. Le Commissaire doit faire enquête et expliquer les événements qui ont conduit à la contamination de réserves de sang, et il doit formuler des recommandations sur la façon d'éviter qu'une tragédie semblable ne se reproduise.

 

     Le mandat du commissaire a été libellé en des termes généraux pour englober toutes les activités du système canadien de collecte et de distribution du sang.  L'enquête n'est pas une enquête abstraite sur le mode de fonctionnement d'un système. Elle porte sur les raisons pour lesquelles une tragédie s'est produite et sur les leçons qu'on peut tirer de cette tragédie.

 

     Il appartient au commissaire d'établir l'ordre du jour de l'enquête de façon à pouvoir remplir le mandat que la loi lui donne. À cet égard, la Commission de réforme du droit de l'Ontario (« CRDO ») a fait observer :

 

[TRADUCTION]

 

[...] Il est souvent difficile, au moment de la création d'une commission d'enquête chargée de faire enquête sur une question de principe ou sur un présumé acte illicite, de connaître avec précision l'orientation qui sera donnée à l'enquête, et l'une des principales tâches du commissaire consiste alors à diriger les travaux de la commission au fur et à mesure que l'enquête se déroule. L'une des caractéristiques distinctives des commissions d'enquête publiques est leur caractère inquisitoire. Par conséquent, c'est la commission, et non les parties, qui établit l'ordre du jour, et il arrive souvent que celui-ci évolue au cours du déroulement de l'enquête[61].

 

     Pour lui permettre de remplir son mandat, le gouverneur en conseil a conféré au commissaire un pouvoir discrétionnaire étendu en ce qui concerne la détermination de sa procédure et de ses méthodes d'enquête :

 

2. le Commissaire [est] autorisé à adopter les méthodes et procédures qui lui apparaîtront les plus indiquées pour la conduite de l'enquête et à siéger aux moments et aux endroits qu'il jugera opportuns [...][62]

 

     En vertu de la partie I de la Loi sur les enquêtes, le commissaire a un large pouvoir discrétionnaire qui lui permet de déterminer les choses qu'il examinera pour favoriser son enquête. À cette fin, il a le pouvoir d'assigner des témoins à comparaître et de les contraindre à témoigner et à produire les pièces et autres choses qu'il estime pertinentes à son enquête.

 

     J'estime essentiel à la réalisation du mandat de cette enquête que le commissaire puisse découvrir les faits pour expliquer au public la contamination du système de collecte et de distribution du sang et faire des recommandations, en se fondant sur ces faits, en vue d'assurer à l'avenir la sûreté du système de collecte et de distribution du sang.

 

c)La théorie de l'expectative légitime

 

     La SCCR, le procureur général du Canada, le procureur général du Québec, ainsi que Connaught et Bayer soulèvent la question de l'expectative légitime à l'appui de leur qualification du mandat du commissaire. Anhorn, Baxter et Armour ne soulèvent pas la question dans leur mémoire, mais souscrivent aux arguments des parties qui la soulèvent. Toutefois, lors du débat, seule la SCCR a abordé la question de l'expectative légitime. Connaught formule un argument similaire, mais le désigne sous le nom d'attente raisonnable ou de fair-play. Suivant ce raisonnement, les assurances que le commissaire a données au cours des audiences ont pour effet de restreindre son mandat et constituent une reconnaissance de sa part des mêmes restrictions que celles qui ont été reconnues dans l'arrêt Nelles.[63] L'avocat de la SCCR a reconnu que l'expectative légitime ne portait pas sur la procédure suivie par la Commission, mais plutôt [TRADUCTION] « sur l'objet de l'enquête »[64].

 

     Les principes applicables de la théorie de l'expectative légitime sont exposés par le juge Sopinka dans le Renvoi relatif au Régime d'assistance publique du Canada[65]. Dans cet arrêt, le juge Sopinka explique que la théorie de l'expectative légitime ne crée aucun droit fondamental. Cette théorie fait partie des règles de l'équité procédurale auxquelles peuvent être soumis les organismes administratifs. Dans les cas où elle s'applique, elle peut seulement faire naître le droit de présenter des observations ou d'être consulté.

 

     Ce principe a été appliqué par la Cour fédérale dans les arrêts Bendahmane c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration)[66] et Travailleurs des pâtes, du papier et du bois du Canada c. Canada (ministre de l'Agriculture)[67]. Dans ce dernier arrêt, Mme le juge Desjardins donne un résumé de la jurisprudence pertinente dans le passage suivant :

 

La théorie de l'attente légitime ressortit essentiellement à la procédure. Le juge Hugessen de la Cour d'appel l'a énoncée en ces termes dans l'affaire Bendahmane c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration)[68] :

 

Le principe applicable est parfois énoncé sous la rubrique « expectative raisonnable » ou « expectative légitime ». Il a une importante histoire dans le droit administratif, et le Conseil privé l'a énoncé avec fermeté dans l'affaire Attorney-General of Hong Kong v. Ng Yuen Shiu[69]. Dans cette affaire, Ng était un immigrant illégal ayant gagné Hong Kong à partir de Macao comme plusieurs milliers d'autres. Le gouvernement a publiquement promis que chaque immigrant illégal aurait droit à une entrevue, et que chaque cas serait traité selon ses propres faits. Malgré cela, Ng, dont le statut illégal n'était pas contesté, a fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion sans avoir la possibilité d'expliquer pourquoi le pouvoir discrétionnaire devrait être exercé en sa faveur pour des raisons humanitaires et autres. Le Conseil privé a statué que, en agissant ainsi, les autorités ont rejeté les expectatives raisonnables de Ng fondées sur les propres déclarations du gouvernement. Lord Fraser of Tullybelton s'est exprimé en ces termes (à la page 638) :

 

[TRADUCTION] ... Lorsqu'une autorité publique a promis de suivre une certaine procédure, l'intérêt d'une bonne administration exige qu'elle agisse équitablement et accomplisse sa promesse, pourvu que cet accomplissement n'empêche pas l'exercice de ses fonctions prévues par la loi. Le principe se trouve également justifié par l'autre idée que, lorsque la promesse a été faite, l'autorité doit avoir considéré que toutes observations de la part des parties intéressées l'aideraient à s'acquitter de ses fonctions équitablement et, règle générale, cela est exact.

 

Leurs Seigneuries estiment que le principe selon lequel une autorité publique est liée par ses engagements quant à la procédure qu'elle va suivre, pourvu qu'ils ne soient pas incompatibles avec ses fonctions, s'applique à l'engagement que le gouvernement de Hong Kong a donné au requérant, et à d'autres immigrants illégaux venant de Macao, lors de l'annonce faite à l'extérieur de la résidence du gouverneur le 28 octobre, savoir que chaque cas serait examiné selon ses propres faits.

 

Après avoir invoqué plusieurs affaires britanniques[70] et canadiennes[71] qui traitent de cette théorie, la Cour suprême du Canada s'est exprimée en ces termes dans l'affaire Assoc. des résidents du Vieux Saint-Boniface Inc. c. Winnipeg (Ville)[72] :

 

Le principe élaboré dans cette jurisprudence n'est que le prolongement des règles de justice naturelle et de l'équité procédurale. Il accorde à une personne touchée par la décision d'un fonctionnaire public la possibilité de présenter des observations dans des circonstances où, autrement, elle n'aurait pas cette possibilité. La cour supplée à l'omission dans un cas où, par sa conduite, un fonctionnaire public a fait croire à quelqu'un qu'on ne toucherait pas à ses droits sans le consulter.

 

     Dans le Renvoi relatif au Régime d'assistance publique du Canada (C.‑B.),[73] la Cour suprême du Canada a fait d'autres observations :

 

Or, ni la jurisprudence canadienne ni celle d'Angleterre n'appuient la proposition suivant laquelle la théorie de l'expectative légitime peut créer des droits fondamentaux. Cette théorie fait partie des règles de l'équité procédurale auxquelles peuvent être soumis les organismes administratifs. Dans les cas où elle s'applique, elle peut faire naître le droit de présenter des observations ou d'être consulté. Elle ne vient pas limiter la portée de la décision rendue à la suite de ces observations ou de cette consultation.

 

     En réalité, les requérants cherchent à utiliser la théorie de l'expectative légitime non pas pour obtenir l'équité procédurale, mais pour modifier la compétence de l'organisme administratif sur le fond ou par ailleurs contrecarrer la décision de ce dernier. Il s'agit d'une commission d'enquête constituée sur l'ordre du gouverneur en conseil et, bien qu'elle doive être dirigée par le commissaire, celui-ci ne peut ni restreindre ni élargir son mandat.

 

     Les assurances sur lesquelles les requérants se fondent pour limiter le mandat de la Commission ont été formulées à l'ouverture des audiences de la commission d'enquête, le 22 novembre 1993, date à laquelle le commissaire a expliqué son mandat dans les termes suivants :

 

[TRADUCTION]

Il ne s'agit pas d'une chasse aux sorcières. La présente enquête ne porte pas sur la responsabilité civile ou criminelle. Je tirerai des conclusions de fait. C'est à d'autres et non à la commission qu'il appartiendra de décider quelles mesures, s'il y a lieu, sont justifiées par ces conclusions.

 

Je ne ferai aucune recommandation au sujet de poursuites ou de responsabilité civile. Je ne permettrai pas que les audiences servent à d'autres fins, comme une enquête ou un interrogatoire préalables, ou qu'elles soient utilisées pour faciliter des poursuites civiles ou criminelles en cours ou à venir.

 

Suivant mon interprétation de mon mandat, l'enquête vise d'abord et avant tout à déterminer si les réserves de sang sont aussi sûres qu'elles pourraient l'être et à déterminer si le système canadien d'approvisionnement en sang est suffisamment sans danger pour garantir qu'aucune autre tragédie ne se produira. À cette fin, il est essentiel de déterminer ce qui a causé ou contribué à causer la contamination du système de collecte et de distribution sang au Canada au début des années 1980.  Nous avons l'intention d'aller jusqu'au fond de cette question; qu'il n'y ait aucune méprise à ce sujet[74].

 

     Les avocats des requérants ont invoqué également des assurances analogues[75] à celles qui ont été données le 22 novembre 1993. Le 14 février 1994, le commissaire a en effet déclaré :

 

[TRADUCTION]

J'ai déjà dit et je répète que je ne suis pas préoccupé par des poursuites au criminel ou au civil. On ne fait le procès de personne ici. Il s'agit d'une enquête sur des faits sur lesquels reposeront d'importantes recommandations de principes.

 

 

     Par ailleurs, le 17 octobre 1994, il a déclaré :

 

[TRADUCTION]

J'ai dit dès l'ouverture de la présente enquête que la Commission n'entend pas des témoignages pour défendre les intérêts de qui que ce soit dans quelque procès — civil ou criminel — que ce soit.

 

Finalement, le 24 novembre 1995, le commissaire a déclaré :

 

[TRADUCTION]

Je tiens à répéter ce que j'ai déjà dit à plusieurs reprises : il ne s'agit pas d'un procès. On ne fait le procès d'aucun individu ni d'aucune organisation.  Il ne s'agit pas d'une procédure de type accusatoire dans le cadre de laquelle une partie formule des allégations contre une autre partie. Il s'agit d'une enquête de caractère inquisitoire. Qui plus est, c'est moi qui mène l'enquête, et non mon avocat.

 

Je n'ai aucunement l'intention de tirer des conclusions au sujet de la responsabilité ou de la faute civile ou criminelle de qui que ce soit.

 

 

     Il est par conséquent évident que ce principe ne s'applique ni en droit ni en fait à la présente affaire.

 

     Ces déclarations s'accordent entièrement avec le mandat énoncé dans le décret. Même si je devais conclure que la théorie de l'expectative légitime s'applique, les déclarations en question ne pourraient pas modifier le mandat de la Commission.

 


d)Préjudice découlant d'autres instances

 

     Les requérants font état du préjudice qu'ils pourraient subir lors d'un procès pénal ou civil qui serait intenté par la suite.

 

     En ce qui concerne un procès pénal subséquent, les requérants n'ont présenté aucun élément de preuve pour démontrer que des accusations ou des soupçons pèsent sur eux dans le cadre d'une procédure pénale quelconque. De toute façon, les requérants disposeraient d'une panoplie de protections procédurales lors d'un procès pénal subséquent. Ainsi, ils bénéficieraient notamment : de la protection que leur accordent les articles 7 et 13 de la Charte et l'article 5 de la Loi sur la preuve au Canada, qui empêchent d'admettre ou d'utiliser dans une procédure pénale ultérieure les éléments de preuve — y compris les éléments de preuve dérivés — qui ont été recueillis lors de l'enquête; du pouvoir discrétionnaire du procureur général de ne pas intenter de poursuites s'il était injuste de le faire; du pouvoir discrétionnaire que possède le juge du procès d'ordonner un arrêt de la procédure si celle-ci est injuste; d'un tribunal impartial si l'instance se déroule devant un juge unique; et de la récusation motivée ou d'un arrêt de procédure, si celle-ci se déroule devant un jury qui n'est pas considéré comme impartial.

 

     En particulier,

 

1)L'article 13 de la Charte interdit l'utilisation de tout témoignage donné devant le commissaire par un requérant pour l'incriminer dans une procédure pénale;

 

2)Dans les cas où il a été invoqué avant que le témoignage ne soit donné, l'article 5 de la Loi sur la preuve au Canada[76] interdit l'utilisation d'un témoignage dans le but d'incriminer quelqu'un dans une procédure pénale, bien que cette protection n'ajoute rien à la protection de l'article 13, qu'il n'est pas nécessaire d'invoquer[77].

 

3)L'article 7 de la Charte protège les personnes contraintes à témoigner, pour le cas où des accusations seraient un jour portées contre elles, contre l'utilisation des « éléments de preuve qui [sont] découverts par suite [de leur] divulgation forcée ». Est visée non seulement la preuve qui « n'aurait pas pu être obtenue », mais également celle « dont on n'aurait pas pu apprécier l'importance » n'eût été le témoignage que le témoin a été contraint de donner[78]. La Cour suprême du Canada a expressément laissé entendre que les personnes qui témoignent de leur plein gré pouvaient bénéficier de la même protection.

 

Par conséquent, la personne contrainte à témoigner bénéficie, par le biais de l'article 7 de la Charte, d'une protection plus large que celle que prévoient l'article 13 de la Charte et l'article 5 de la Loi sur la preuve au Canada. L'article 7 a pour effet de rendre irrecevable dans une procédure pénale toute preuve dérivée obtenue d'une personne qui a été contrainte à témoigner, étant donné que la recevabilité de cette preuve irait à l'encontre du principe interdisant l'auto-incrimination[79].

 

     Dans l'arrêt Westray, le juge Cory, qui s'exprimait au nom de trois membres de la Cour, a énuméré un certain nombre de considérations dont il faut tenir compte pour examiner la situation des personnes qui risquent de faire l'objet de conclusions défavorables de la part de la Commission. Bien que les considérations en question soient exposées dans le contexte d'une requête en suspension ou en interdiction de publication, elles sont instructives dans le cas qui nous occupe, dans lequel les requérants soutiennent qu'ils seront exposés à l'opprobre d'une responsabilité criminelle par suite de la publicité qui risque d'entourer la publication des conclusions de la Commission. Voici les considérations pertinentes :

 

1.Les enquêtes publiques jouent souvent un rôle important, parce qu'elles répondent aux attentes et aux préoccupations de la population en les renseignant sur la cause d'une tragédie, la fiabilité des travailleurs de l'établissement ou de l'industrie en cause, la nature de la réglementation et des mesures en matière de sécurité et leur application par l'État, ainsi que les recommandations destinées à assurer la fiabilité pour l'avenir de l'industrie ou l'établissement concernés.

 

2.Le droit à un procès équitable revêt une importance fondamentale et il doit toujours être pris en compte quand il s'agit de décider s'il y a lieu d'accorder des recours sous le régime de la Charte afin de protéger ce droit.

 

3.Étant donné l'importance des enquêtes publiques, il est indispensable que toutes les personnes susceptibles de rendre un témoignage pertinent puissent être assignées comme témoins et contraintes à témoigner.

 

4.Les droits de ces témoins sont généralement protégés par les dispositions de la Charte, en particulier par l'alinéa 11d) et par les articles 13 et 7.

 

5.Non seulement les témoins ont droit à ce qu'aucun témoignage qu'ils donnent ne soit utilisé pour les incriminer, mais encore ils sont protégés contre l'utilisation de la « preuve dérivée » suivant l'arrêt S. (R.J.).

 

6.Dans certaines circonstances, la tenue de l'enquête publique peut compromettre à un tel point le procès pénal d'un témoin appelé à témoigner à l'enquête que celle-ci pourra être suspendue ou que des éléments de preuve importants seront jugés non admissibles au procès pénal. En pareil cas, il appartient au pouvoir exécutif de décider s'il y a lieu de poursuivre l'enquête publique. Cette décision ne devrait pas, sauf dans de rares cas, être annulée par une cour de justice.

 

7.Si l'accusé choisit un procès devant un juge seul, la publicité faite avant l'ouverture du procès n'est pas un facteur qui entre en ligne de compte pour déterminer si le procès est juste.

 

     Quant au préjudice auquel les requérants prétendent qu'ils seraient exposés dans le cadre de procédures civiles, bon nombre des procès civils actuels dont les requérants font l'objet ont été intentés avant que les audiences de la Commission ne commencent. Les requérants étaient, pendant toute la durée des audiences de la commission d'enquête, au courant des utilisations qui pouvaient être faites dans les procès civils en question de leur témoignage devant la Commission. On ne m'a cité aucune source qui appuie la proposition que les conclusions du commissaire — et encore moins le contenu des préavis — seraient admissibles en preuve dans le cadre de procédures civiles ultérieures pour trancher une question soumise à ce tribunal. En tout état de cause, le juge du procès sera mieux placé pour déterminer si les éléments de preuve ou le rapport devraient être admis en preuve et, dans l'affirmative, quelle valeur devrait leur être accordée.

 

     Il y a lieu d'établir une distinction entre une commission d'enquête et une cour de justice : une commission d'enquête ne se prononce pas sur la culpabilité ou la

responsabilité.

 


e)   Nature des allégations

 

     Il est important de rappeler que les requérants demandent l'annulation des préavis les informant de la faute qui leur est imputée et non pas l'annulation de conclusions à cet égard qui seraient présentées dans le rapport du commissaire.  Les requérants ne remettent pas en question le rapport provisoire du commissaire et celui-ci n'a pas encore déposé son rapport final.  Les préavis, signifiés aux termes de l'article 13 de la Loi sur les enquêtes, ont pour objet d'informer, dans un délai raisonnable, leurs destinataires des accusations de faute portées contre eux et de leur donner l'occasion de se faire entendre en personne ou par le ministère d'un avocat.  Cette procédure a été suivie par de nombreuses commissions d'enquête[80].  Les requérants contestent ces préavis en se fondant sur la nature des accusations de faute qu'ils contiennent.

 

     Bien que la jurisprudence fasse état de certains cas dans lesquels des conclusions précises d'un commissaire ont été annulées[81], aucun cas dans lequel un préavis fondé sur l'article 13 de la Loi sur les enquêtes aurait été annulé n'a été cité à la Cour.

 

     Les particuliers requérants craignent que les accusations de faute formulées dans les préavis, si elles sont accueillies par le commissaire, aient pour conséquence de nuire à leur réputation et à leur carrière.  En outre, ils prétendent que le commissaire ne peut tirer de conclusions de fait qui seraient raisonnablement interprétées par le public comme la reconnaissance que les accusations sont fondées.  Il s'agit là manifestement d'une contestation de conclusions éventuelles qui n'ont pas encore été tirées.  À ce stade, cette prétention n'est que pure spéculation de la part des requérants.  Qui plus est, le commissaire s'est engagé à donner aux destinataires des préavis, qui voudront se prévaloir de ce droit, la pleine possibilité de se faire entendre et, notamment, à leur assurer la totalité des garanties procédurales dont il a été question ci-dessus.  De plus, le commissaire s'est engagé à ne tirer aucune conclusion de droit[82].  Il a déclaré qu'il ne se prononcera pas sur la responsabilité civile ou criminelle[83].

 

     Les avocats des requérants se sont fortement appuyés sur les décisions Nelles[84] et Starr[85] et ont énergiquement fait valoir que celles-ci imposent à la compétence d'une commission d'enquête une restriction implicite qui a déjà été reconnue par le commissaire quand il a donné ses assurances.

 

     Dans l'affaire Nelles, le décret restreignait expressément la compétence du commissaire en lui interdisant d'exprimer toute conclusion de droit concernant la responsabilité civile ou criminelle.  Le commissaire a formulé la question suivante à l'intention de la Cour :  [TRADUCTION] «Avais-je raison de conclure que j'ai le droit dans mon rapport [...] d'exprimer mon opinion quant à savoir si le décès d'un enfant est le résultat d'un acte, accidentel ou autre, d'une ou de plusieurs personnes nommément désignées?»  La Cour d'appel a statué que, même si le commissaire ne pouvait désigner une personne comme étant légalement responsable d'un décès, il devait analyser l'ensemble de la preuve concernant les circonstances d'un décès et en faire rapport et, s'il en était capable, faire des recommandations en se fondant sur cette preuve.  Bien que la constitutionnalité du décret n'ait pas été soulevée, les limites interprétatives imposées par la Cour avaient pour but de garantir qu'il reste dans les limites de la compétence provinciale[86].

 

     La Cour d'appel a fait cette observation importante aux pages 215 et 216 :

 

[TRADUCTION]

Une enquête publique n'est pas le moyen de mener des enquêtes sur la perpétration de crimes précis [...]  Une telle enquête est une procédure coercitive et elle est incompatible avec notre notion de justice dans la recherche d'un crime précis et quant à la détermination de la responsabilité civile ou criminelle réelle ou probable.

 

 

     Il ressort clairement de l'affaire Starr qu'une enquête menée par un commissaire n'est pas un substitut d'enquête de police et d'enquête préliminaire relativement à une allégation précise de faute imputée à des personnes nommément désignées[87].  Une telle façon de procéder aurait pour effet que le commissaire assumerait le rôle d'un juge qui préside une enquête préliminaire.  Dans l'affaire Starr, aucun objectif plus général ne permettait de différencier l'enquête menée par la commission d'un substitut d'enquête policière.

 

     Les affaires O'Hara[88] et Westray[89] illustrent la très large portée de l'objet que poursuivent les commissions d'enquête.  Dans l'affaire O'Hara, la Cour suprême a confirmé la validité d'une enquête au cours de laquelle le commissaire a tiré des conclusions manifestement assimilables à l'imputation d'une responsabilité civile et potentiellement criminelle au motif que le décret ordonnant la tenue de l'enquête sur toutes les questions reliées aux blessures qu'auraient subies Michael Albert Jacobson poursuivait un but valide relevant de la compétence provinciale.  Dans l'affaire Westray, il y a eu des poursuites criminelles et une collaboration étroite entre la commission et la police.  La Cour d'appel de Nouvelle-Écosse a conclu qu'il s'agissait là d'un exercice valide de détermination des faits, point sur lequel l'autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada a été refusée[90].  En fait, la Cour suprême a refusé la demande de suspension des audiences publiques de la commission en attendant l'issue des procès criminels.

 

     Il ressort du mandat de cette Commission d'enquête que sa fonction principale est de déterminer des faits et non de mener un procès criminel.  Dans l'affaire Starr, le juge Lamer a reconnu qu'une enquête sur des accusations de faute pouvait avoir une portée étendue tant et aussi longtemps que cette enquête n'était pas utilisée pour remplacer la procédure criminelle ordinaire ou contourner les protections que garantit cette procédure[91].

 

     On a également cité une décision récente du juge en chef Daigle[92].  Dans cette affaire, le requérant demandait une ordonnance annulant certaines conclusions défavorables du commissaire au motif que ces conclusions outrepassaient le mandat limité du commissaire.  Le décret créant la commission d'enquête, comme dans l'affaire Nelles, interdisait expressément au commissaire d'exprimer [TRADUCTION] «[...] toute conclusion de droit concernant la responsabilité civile ou criminelle».  Dans son analyse, le juge en chef Daigle a passé en revue les affaires Nelles, Starr et Westray.  Il a fait observer que les conclusions de fait contestées devaient être examinées en tenant compte de l'objet et du mandat de la commission et à la lumière de la restriction expressément imposée à la commission.  Au bout du compte, il a conclu qu'une constatation de fait précise, équivalant à l'imputation d'une responsabilité civile et attribuant cette responsabilité à une personne nommément désignée, allait à l'encontre de l'interdiction formulée dans le mandat et devait être exclue du rapport.

 

     En signifiant ces préavis, le commissaire n'a pas outrepassé son mandat ni élargi celui-ci en vue de mener une enquête sur la perpétration de crimes précis.  Les allégations contenues dans les préavis pourraient conduire à des conclusions qui pourraient raisonnablement être considérées comme une atteinte à la réputation d'une personne physique ou morale ou d'une institution, c'est‑à‑dire confirmer qu'il y a eu faute.  Le commissaire a déclaré que, malgré l'absence de toute interdiction de ce genre dans son mandat, il n'irait pas jusqu'à tirer des conclusions de droit ou des conclusions concernant la responsabilité civile ou criminelle.

 

     L'argument principal des requérants repose sur le raisonnement selon lequel le commissaire ne peut formuler dans les préavis des allégations qui, selon eux, équivaudraient à une décision au niveau de la responsabilité civile ou criminelle parce que ce genre de conclusions n'est pas autorisé.  Toutefois, le commissaire n'a pas tiré de telles conclusions; il a simplement signifié à certaines personnes le préavis prescrit par la loi concernant la faute qui leur est imputée.  Les requérants me demandent non seulement de reconnaître qu'ils ont décrit avec justesse les allégations, mais aussi de conclure qu'il est possible que le commissaire ait tiré de telles conclusions et que, s'il l'a fait, celles-ci outrepassent son mandat.

 

     Comme il fut fait dans les affaires Landreville[93] et Richards, les conclusions du commissaire, une fois publiées, pourront être examinées individuellement et être annulées si elles outrepassent le mandat de la Commission.  À l'heure actuelle, toutefois, la Cour n'est saisie que d'un acte administratif posé par le commissaire par l'entremise de son avocat, c'est-à-dire la décision de signifier le préavis prescrit par la loi aux parties intéressées.  Ce préavis est fourni afin de protéger les intérêts d'une personne.  Tout argument s'opposant à ce que le commissaire accepte les allégations ainsi portées peut à bon droit être soulevé devant lui, étant donné que toutes les personnes qui ont reçu les préavis auront l'occasion de se faire entendre.

 

     Les avocats du procureur général du Canada laissent entendre que les destinataires des préavis ne devraient pas être placés dans une position où ils devront négocier leurs droits avec le commissaire[94].  À mon avis, il interprète mal la nature des préavis fondés sur l'article 13 de la Loi sur les enquêtes.  Les destinataires de ces préavis ont la possibilité de se faire entendre; il s'agit là d'un droit, et non pas d'une position qui leur permet de négocier quoi que ce soit.

 

7.   ÉQUITÉ PROCÉDURALE

 

     Les requérants affirment que le commissaire a perdu compétence parce qu'il a omis de leur fournir les garanties procédurales qui devaient leur être assurées aux termes de l'article 7 de la Charte, de l'alinéa 2e) de la Déclaration des droits, des articles 12 et 13 de la Loi sur les enquêtes et de la common law.

 

a)   Qualité pour agir

 

     Vingt-neuf demandes de qualité pour agir ont été entendues le 22 novembre 1993.  Cette qualité a été reconnue à dix-huit requérants, notamment[95] :

 

. le SCCR

     . Connaught

     . le gouvernement du Canada

     . Miles Canada  Inc. (maintenant Bayer)

     . la Colombie-Britannique

     . l'Alberta

     . la Saskatchewan

     . le Manitoba

     . l'Ontario

 

 

     Après l'audience d'ouverture, les provinces du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve, de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse et les Territoires du Yukon et du Nord-Ouest ont demandé que leur soit reconnu le statut de participant, ce qui a été fait[96].

 

     En plus des parties susmentionnées, la qualité pour agir a été accordée aux personnes et organismes suivants[97] :

 

La Société canadienne de l'hémophilie

     La Société canadienne du SIDA

     HIV-T Group (Blood Transfused)

Canadian Hemophiliacs infected with HIV

Janet Conners

Hémophilie Ontario - Régions de Toronto et du Centre de l'Ontario

Gignac Sutts Group

Jean-Daniel Couture et Guy-Henri Godin

L'Agence canadienne du sang

La Société canadienne des survivant(e)s d'hépatite C

Committee of HIV Affected and Transfused

Canadian Hemophilia Clinic Directors Group

 

 

     Dans cette procédure, aucun des requérants ayant demandé la qualité pour agir n'a vu sa demande refusée.  Parmi les personnes morales requérantes, seuls Armour, Baxter et la province de Québec n'ont pas demandé le statut de participant à la commission.  Bien que le Québec n'ait pas présenté sa demande, il a reçu tous les droits et privilèges accordés à une partie ayant qualité pour agir et a participé aux audiences qui se sont tenues dans la province de Québec et aux audiences nationales ultérieures à Toronto[98].  Aucun des particuliers requérants dans cette procédure n'a demandé le statut de participant à la commission d'enquête.

 


b)Règles de procédure

 

     Dans ses observations préliminaires, le 22 novembre 1993, le commissaire a annoncé qu'une réunion de toutes les personnes ayant qualité pour agir aurait lieu le 29 novembre 1993, aux fins de discuter des questions à examiner par la Commission et de la procédure à établir.  Le commissaire a déclaré :

 

[Traduction]

Plutôt que de promulguer un code de procédure que j'aurais conçu arbitrairement à l'avance, je donne pour instruction à mes avocats de convoquer, le plus tôt possible, une réunion de toutes les personnes ayant qualité pour agir aux fins de discuter à la fois des questions et de la procédure qui devraient être retenues, de façon que toutes les questions importantes puissent être examinées adéquatement et de façon équitable[99]

 

     Conformément à cette directive du commissaire, les avocats de toutes les parties se sont réunis le 29 novembre 1993 et le 20 décembre 1993.  Au cours de ces réunions, et grâce à un échange de correspondance et à des discussions, les avocats de la Commission et des parties sont parvenus à un consensus concernant les règles de procédure et de pratique qui devaient régir l'enquête; en outre, les parties ont exposé leurs points de vue concernant les questions à examiner et l'identité des témoins éventuels[100].

 

     À la suite de ces discussions, il a été convenu d'adopter la procédure suivante :

 

i)l'avocat de la Commission serait le premier responsable de la présentation de la preuve devant la Commission et les avocats des autres parties auraient la possibilité de contre-interroger chaque témoin;

 

ii)seuls les documents produits devant la Commission qui ont été sélectionnés comme pièces seraient accessibles aux autres parties;

 

iii)toutes les parties auraient le droit de présenter une preuve documentaire additionnelle et de demander l'autorisation de faire entendre d'autres témoins;

 

iv)toutes les parties et tous les témoins auraient la possibilité d'être représentés par un avocat[101].

 

     Le 28 janvier 1994, la version définitive des Règles de procédure et de pratique a été distribuée aux parties.  Aucune des parties ne s'est adressée au commissaire, à quelque moment que ce soit, pour formuler une objection concernant ces règles ou la façon dont elles ont été appliquées lors des audiences[102].

 

     La version définitive des Règles de procédure et de pratique contenait les dispositions pertinentes qui suivent :

 

# 1Il est proposé que, règle générale, l'avocat de la Commission assigne et interroge tous les témoins qui déposeront au cours de l'enquête.  L'avocat d'une partie peut demander au commissaire de mener l'interrogatoire principal d'un témoin donné.  Si l'avocat obtient cette autorisation, l'interrogatoire sera limité par les règles habituelles régissant l'interrogatoire d'un témoin par la partie qui l'assigne.

 

# 4Si une partie estime, à la fin d'une étape de l'audition, que certaines personnes que l'avocat de la Commission n'a pas assignées devraient témoigner, elle peut demander l'autorisation de les assigner comme témoins.  Si cette autorisation est accordée, l'avocat de la Commission les assignera, sous réserve de la Règle 1.

 

# 5L'interrogatoire se déroulera de la façon suivante :

 

i)l'avocat de la Commission fera déposer les témoins.  Les parties ayant officiellement qualité pour agir auront ensuite la possibilité de les contre-interroger;

 

ii)l'avocat de chaque témoin, qu'il représente ou non une partie, le contre-interrogera en dernier, à moins qu'il n'ait mené son interrogatoire principal, auquel cas il aura le droit de le réinterroger;

 

iii)l'avocat de la Commission peut interroger les témoins sur les questions soulevées pour la première fois lors de leur contre-interrogatoire par les parties.

 

La forme de la preuve

 

# 7L'avocat de la Commission est autorisé à présenter la preuve en posant toutes les questions, suggestives ou non, qu'il juge nécessaires, sous réserve, bien sûr, de l'exercice par le commissaire de son pouvoir discrétionnaire.

 

# 9Les témoins qui ne sont pas représentés par l'avocat d'une partie ayant qualité pour agir sont autorisés à se faire représenter par leur propre avocat.

 

# 10L'avocat d'un témoin est autorisé à l'interroger après son interrogatoire principal par l'avocat de la Commission et son contre-interrogatoire par les autres parties.

 

# 12La Commission peut recevoir des éléments de preuve qui pourraient autrement être irrecevables devant une cour de justice.  La recevabilité de la preuve ne sera pas établie par application stricte des règles de preuve.  Toutefois, le commissaire tiendra compte des risques que pose la preuve irrecevable devant une cour de justice et de son effet possible sur la réputation d'une personne.

 

Confidentialité

 

# 19Le commissaire s'est engagé à tenir des audiences publiques.  Il sera toutefois possible de demander que l'audition se tienne à huis clos ou que d'autres mesures soient prises pour préserver le caractère confidentiel de l'information.

 

Preuve documentaire

 

# 33La Commission s'attend que les parties ayant qualité pour agir produisent tous les documents pertinents.

 

# 34Les documents reçus d'une partie, ou d'un autre organisme ou particulier, seront traités de façon confidentielle par la Commission, à moins qu'ils ne soient versés comme pièces au dossier public.  La présente disposition ne porte pas atteinte au droit de l'avocat de la Commission de divulguer un document à un témoin avant de le faire entendre ou dans le cours de l'enquête.

 

# 35Sous réserve de la Règle 36, et autant que faire se peut, l'avocat de la Commission prendra les mesures voulues pour fournir à l'avance aux parties et au témoin les documents auxquels il sera fait allusion au cours de l'interrogatoire de celui-ci.

 

# 37Si une partie estime que l'avocat de la Commission n'a pas inclus un document pertinent dans le recueil des documents, elle portera ce fait à son attention le plus tôt possible.  L'objet de cette règle est d'empêcher les témoins d'être pris au dépourvu par la présentation d'un document pertinent qu'ils n'ont pas eu l'occasion d'examiner avant de rendre leur témoignage.  Si l'avocat de la Commission décide que ce document n'est pas pertinent, il ne sera pas inclus dans le recueil des documents.  Il pourra néanmoins être utilisé par toute partie en contre-interrogatoire.   L'avocat qui entend ainsi l'utiliser aux fins d'un contre-interrogatoire doit, au préalable, en donner l'accès à toutes les parties, au plus tard lors du premier contre-interrogatoire du témoin, sous réserve de l'exercice par le commissaire de son pouvoir discrétionnaire.

 

Le droit d'être représenté par un avocat

 

# 38L'avocat de la Commission n'interrogera une personne qui est employée par quiconque a la qualité de partie aux fins de l'enquête qu'après en avoir informé l'avocat de cette partie, à moins que le témoin ne déclare qu'il ou elle est représenté par un avocat indépendant ou qu'il ne prévienne l'avocat de la Commission qu'il ne veut pas que l'avocat de la partie qui l'emploie assiste à l'interrogatoire ou en soit avisé.

 

# 39L'avocat de la Commission informera le témoin qui est un ancien employé d'une ou de plusieurs parties qu'il ou elle peut avoir recours à l'avocat de cette partie; il procédera néanmoins à son interrogatoire si le témoin exprime le désir que l'avocat de la partie qui l'a déjà employé n'assiste pas à l'interrogatoire et n'en soit pas avisé[103].

 

c)Liste des questions traitées à l'audition

 

     Le décret qui a constitué la Commission d'enquête a confié au commissaire le mandat de faire enquête et rapport sur les événements survenus au début des années 1980, ainsi que d'examiner le système actuel d'approvisionnement en sang et de faire des recommandations à son égard, mais il n'a pas énoncé de façon détaillée les questions précises que le commissaire devait étudier.

 

     Après avoir consulté les parties, l'avocat de la Commission a établi les grandes lignes des questions qui avaient, jusqu'alors, été reconnues comme des questions qui devait être examinées lors des audiences locales.  Ces grandes lignes énuméraient 20 sujets; elles ont été remises aux avocats des parties le 14 janvier 1994.  Y figuraient notamment les sujets suivants[104] :

 

i)l'histoire du VIH et du SIDA comme maladies à déclaration obligatoire;

 

ii)l'existence de programmes de «remontée de l'information» et de «retour en arrière» visant à identifier les personnes qui ont donné du sang contaminé et celles qui en ont reçu, y compris un examen des programmes qui ont été envisagés et rejetés et de ceux qui devraient être mis en place pour suivre la trace des épidémies futures;

 

iii)les tests sanguins effectués sans le concours de la Croix Rouge;

 

iv)la sélection des donneurs.

 

     L'avocat de la Commission a également établi une liste de questions à examiner principalement lors des audiences nationales.  Cette liste de questions d'intérêt national a été décrite comme un document de travail et remise aux parties le 11 février 1994.  Y figuraient notamment les sujets suivants[105] :

 

i)un aperçu de la réglementation fédérale sur le système de collecte et de distribution du sang;

 

ii)le financement du système de collecte et de distribution du sang;

 

iii)une étude détaillée des faits concernant le VIH et du SIDA dans le système de collecte et de distribution du sang, y compris la connaissance de la présence du VIH et du SIDA dans l'approvisionnement en sang, la mise au point de tests de détection du VIH, la mise au point du traitement des produits sanguins par la chaleur, les difficultés organisationnelles touchant la SCCR, le rôle du Bureau des produits biologiques, du CCS et de la Société canadienne de l'hémophilie;

 

iv)l'hépatite B;

 

v)les questions touchant la sélection des donneurs;

 

vi)les questions touchant la détection du VIH;

 

vii)le traitement par la chaleur des produits sanguins, y compris la question de savoir si les produits non traités par la chaleur auraient dû être rappelés et si des produits de remplacement étaient disponibles.  À quel moment il a été possible d'obtenir des fonds pour traiter les produits par la chaleur et à quel moment ces produits ont été disponibles pour l'approvisionnement en sang;

 

viii)les programmes visant à aviser les donneurs et les receveurs;

 

ix)les questions concernant le fractionnement du sang;

 

x)le cadre législatif et réglementaire actuel.

 

     Aucune partie n'a laissé entendre que l'une des questions proposées excédait le mandat du commissaire ou ne devait pas être examinée par la Commission[106].

 

     En plus de consulter les parties au sujet des questions à examiner au cours des audiences, l'avocat de la Commission leur a demandé leur point de vue quant aux témoins qui devaient être assignés.

 

d)L'article 7 de la Charte

 

     Je ne suis pas convaincu que la délivrance des avis met en cause un droit énuméré expressément à l'article 7 de la Charte qui, quoi qu'il en soit, s'applique uniquement aux personnes physiques et non aux personnes morales ni aux gouvernements.  Tout comme d'autres dispositions de la Charte, l'article 7 doit être interprété en regard des droits qu'il vise à protéger[107].  Personne n'a laissé entendre que la «vie» ou la «liberté» d'une personne étaient en jeu.  L'argument invoqué semblerait s'appuyer sur la proposition selon laquelle la «sécurité de la personne» comprend sa réputation.  Le respect de la réputation est une valeur sous-jacente de notre société.  Toutefois, la réputation ou la protection contre la stigmatisation  sociale ne sont pas des droits indépendants protégés par la Constitution.  Aucune source n'appuie la proposition voulant que la sécurité de la personne englobe la simple réputation.  En conséquence, les droits des requérants touchés par la délivrance des avis ne sont pas protégés par l'article 7 de la Charte parce qu'on ne peut affirmer qu'elle touche ou porte atteinte à leur droit à la «sécurité de la personne».

 

     Quoi qu'il en soit, même si l'on reconnaissait que la délivrance des avis mettait en jeu les droits garantis au requérant par l'article 7 de la Charte, la Commission s'est acquittée de l'obligation à laquelle elle est assujettie de  préserver l'équité procédurale.  En conséquence, les requérants ne peuvent prétendre que la délivrance des avis violait les principes de justice fondamentale.

 

e)L'alinéa 2e) de la Déclaration des droits

 

     L'alinéa 2e) prévoit que les lois du Canada doivent être interprétées ou appliquées de façon à ne pas «priver une personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de  justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations».

 

     Contrairement aux garanties accordées par l'article 7 de la Charte, les protections fournies par l'alinéa 2e) s'appliquent aux personnes morales comme aux personnes physiques.

 

     Pour répondre brièvement aux requérants qui s'appuient sur l'alinéa 2e), précisons que la Déclaration des droits ne s'applique pas en l'espèce parce que le rapport du commissaire ne définit pas leurs droits ou leurs obligations.  Quoi qu'il en soit, l'alinéa 2e) exige que l'article 13 de la Loi sur les enquêtes soit interprété et appliqué de façon à ne pas priver les requérants d'une audition impartiale.  Étant donné que la Commission s'est acquittée de son obligation de préserver l'équité procédurale, elle a également respecté les principes de justice fondamentale conformément à la Déclaration des droits.

 

f)Les articles 12 et 13 de la Loi sur les enquêtes et la common law

 

        Les articles 12 et 13 de la Loi sur les enquêtes codifient certains éléments de l'obligation d'équité procédurale fondée sur la common law : le droit à l'assistance d'un avocat et la règle audi alteram partem.

 

        Tous les requérants ont eu le droit de se faire assister par avocat au cours de l'enquête tout entière.  S'ils souhaitaient répondre, les requérants se sont vu accorder la pleine possibilité de se faire entendre, et il n'existe clairement aucune preuve qu'on les a privés de cette possibilité.  L'article 13 de la Loi sur les enquêtes n'exige nullement que les préavis donnent des détails sur les éléments de preuve étayant les conclusions possibles; il n'y est requis qu'un préavis des conclusions éventuelles soit donné.  Ainsi que je l'ai fait remarquer ci-dessus, le dossier des procédures du tribunal a été mis à la disposition de toutes les parties, et le public peut le consulter.

 

        La Cour suprême du Canada a statué que l'équité était une notion souple et que son contenu variait selon la nature de l'enquête et les conséquences qu'elle pouvait avoir pour les particuliers en cause.  Les caractéristiques de la procédure, la nature du rapport qui en résulte et sa diffusion publique, et les sanctions qui s'ensuivront lorsque les événements succédant au rapport seront enclenchés, détermineront l'étendue du droit[108].

 

        Les règles procédurales des litiges ne s'appliquent pas à une enquête.

 

        La Commission de réforme du Canada a recommandé les sauvegardes procédurales suivantes, notant que certaines sont à la discrétion du commissaire[109]  :

 

 

Quelles sont les garanties nécessaires?  Il est essentiel que tous ceux qui comparaissent devant une commission aient le droit d'être représentés par un avocat.  Quiconque comparaît devant une commission d'enquête doit pouvoir être entendu relativement à toute question soulevée à l'audience et susceptible de porter préjudice à ses intérêts; il doit également pouvoir, à la discrétion de la commission, appeler, interroger et contre-interroger des témoins lui-même ou par l'intermédiaire de son avocat.  La discrétion de la commission à l'égard de l'assignation et de l'interrogatoire d'autres témoins doit être exercée en tenant compte de l'importance des intérêts en jeu et de la nécessité de ne pas ralentir indûment le travail de la commission.  Quiconque, n'ayant pas comparu comme témoin, fait néanmoins l'objet de commentaires défavorables au cours du témoignage d'autres personnes, doit pouvoir, à la discrétion de la commission, comparaître comme témoin (avec le droit d'être représenté par un avocat et de contre-interroger).

 

 

        Les requérants qui ont cherché à avoir qualité pour agir ont bénéficié de toutes les protections procédurales précédentes au cours de l'enquête, même avant l'émission des préavis.  Les requérants n'ont pas demandé à répondre aux préavis, et ils n'ont présenté aucune preuve pour montrer que le commissaire ne leur accorderait pas la pleine possibilité de répondre à ceux-ci par l'exercice des protections procédurales susmentionnées ou de protections procédurales même plus grandes.

 

        Dans les cas où une enquête est menée uniquement pour examiner des méfaits ou fautes possibles, ce qui n'était pas le cas de la présente enquête, les tribunaux ont jugé que l'obligation d'équité procédurale fondée sur la common law pouvait inclure :

 

(i)le droit de se faire assister par avocat et le droit de citer et de contre-interroger des témoins[110],

 

(ii)le droit accordé aux avocats de produire la preuve principale et de présenter des observations au commissaire après que tous les témoins ont été interrogés[111];

 

     (iii)le droit d'être informé de toutes les pièces ou documents produits et des témoignages donnés devant la Commission[112];

 

(iv)le droit d'un particulier d'être informé de toutes les allégations ou plaintes contre lui et de la pleine possibilité de répondre à ces allégations[113].

 

    

    

        Toutes les sauvegardes procédurales précédentes ont été données aux requérants et, du fait même du préavis, ils sont informés des allégations et de leur possibilité de les contester.

 

g)Nature des éléments de preuve

 

        Bien que les requérants n'aient pas répondu aux préavis, ils affirment qu'on a irréparablement porté atteinte à leur capacité à cet égard en raison de la forme de certains des éléments de preuve qui ont été admis aux auditions.

 

        Les enquêtes ne sont pas régies par des règles de preuve strictes.  La poursuite de leur fin publique générale est habituellement facilitée par des règles relâchées concernant l'admission du ouï-dire et d'autres éléments de preuve qui ne sont pas strictement recevables dans des procédures judiciaires.  Rien dans la preuve ne laisse entendre que le commissaire ne sera pas conscient des dangers de la preuve par ouï-dire qui peut avoir été admise dans les procédures, comme le reconnaît la règle 12 des Règles de procédure de la Commission[114].  Le dossier de la présente enquête n'est pas encore complet. Tous les requérants ont maintenant la possibilité d'ajouter au dossier en répondant aux préavis et en faisant des observations.

 

        Je suis persuadé qu'en rédigeant ce rapport, le commissaire se laissera guider par les principes énoncés par lord Diplock dans l'arrêt Mahon[115]. Un tribunal qui tire des conclusions dans l'exercice de son pouvoir d'enquête doit fonder sa décision sur des preuves qui ont une certaine valeur probante, c'est-à-dire qu'il doit exister des documents qui tendent logiquement à prouver l'existence des faits compatibles avec ses conclusions, et que le raisonnement étayant ses conclusions, s'il est divulgué, ne doit pas logiquement être contradictoire en soi.  Le tribunal qui exerce un pouvoir d'enquête est également tenu de prêter impartialement l'oreille à tout témoignage pertinent qui est en conflit avec une conclusion que se propose de tirer devant la commission d'enquête une personne qui s'y fait représenter et dont les intérêts (notamment sa carrière et sa réputation) pourraient être touchés, et à tout argument rationnel qui va à l'encontre de cette conclusion.

 

h) Observations confidentielles

 

        Pour affirmer que le commissaire a perdu son pouvoir de donner des préavis, les requérants s'appuient en outre sur la réception par les avocats de la Commission d'observations confidentielles concernant l'envoi et la teneur des préavis.

 

        Au début des présents motifs, j'ai relaté les événements qui ont conduit à l'exposé en date du 26 octobre 1995, adressé par les avocats de la Commission à toutes les parties ayant qualité pour agir, les invitant à exposer toutes les conclusions de faute qu'elles ont l'intention de formuler devant le commissaire dans leurs observations finales[116].

 

        En réponse à l'exposé des avocats de la Commission en date du 26 octobre 1995, de nombreux avocats des requérants ont écrit aux avocats de la Commission pour exprimer leur inquiétude quant à la procédure proposée.  Parmi les questions contestées se trouvait la possibilité d'une publicité défavorable découlant des observations elles-mêmes.  Aucune partie ne s'est opposée à l'éventualité de l'envoi des préavis pour le motif qu'il était trop tard dans les procédures[117].

 

        Les avocats de la Commission ont expliqué que les observations seraient gardées confidentielles, et qu'elles ne devaient pas être rendues publiques par la partie qui les avait déposées pour éviter de porter atteinte à la réputation de ceux qui y avaient été mentionnés[118].

 

        Le 24 novembre 1995, le commissaire a dit qu'il n'examinerait pas les observations qui avaient été reçues ou devaient être reçues, et qu'elles seraient examinées seulement par son avocat[119].

 

        Au cours de novembre et de décembre 1995, pendant que les auditions des questions actuelles étaient en cours, les pièces documentaires et les transcriptions des témoignages qui avaient été produites ont été examinées pour déterminer s'il y avait lieu d'adresser des préavis et décider de leurs destinataires.  Les observations confidentielles qui avaient été reçues ont également été examinées pour s'assurer que les avocats de la Commission n'avaient pas oublié une question ou un fait figurant dans le dossier de deux ans des auditions[120].

 

        Le 21 décembre 1995, quarante-cinq préavis nommant 95 particuliers, sociétés et gouvernements ont été signifiés à titre confidentiel.

 

        Bien que les requérants aient demandé la production des observations confidentielles au début des présentes procédures de contrôle judiciaire, ils ont retiré leur demande antérieurement à la requête en établissement du rôle ou à l'occasion de cette requête[121] du fait du privilège d'intérêt public associé à ces observations.

 

        Toutes observations reçues par les avocats de la Commission qui peuvent former le fondement des conclusions de faute tirées par le commissaire figurent dans les préavis, et les requérants auront la possibilité de contester ces conclusions éventuelles. 

 

        Les parties qui n'ont pas reçu les observations se verront accorder la possibilité équitable de contester toute question soulevée par ces observations avant qu'une décision fondée sur ces dernières ne soit rendue.

 

        L'avocat du procureur général du Canada m'a cité l'affaire Hecla Mining Co. c. Cominco Inc.[122].  Dans cette affaire, le dossier indiquait qu'après que les parties eurent complété leurs observations, le ministre avait reçu une lettre du registraire minier qui contenait un certain nombre d'affirmations de fait et d'avis que le ministre avait incorporés presque textuellement dans sa décision.  Cette lettre n'avait jamais été communiquée aux parties antérieurement à la décision.  L'avocat de l'intimé a tenté de soutenir que le manquement du ministre était de peu de conséquence puisque, même si la requérante avait eu la possibilité de répondre, il n'y avait rien qu'elle eût pu utilement dire ou faire.  En annulant la décision du ministre, le juge Hugessen s'est appuyé sur l'arrêt de la Cour suprême Cardinal and Oswald[123] où le juge LeDain s'est prononcé en ces termes :

 

 

J'estime nécessaire d'affirmer que la négation du droit à une audition équitable doit toujours rendre une décision invalide, que la cour qui exerce le contrôle considère ou non que l'audition aurait vraisemblablement amené une décision différente.

 

        Les traits distinctifs suivants se retrouvent en l'espèce:

 

 

1)l'invitation à la présentation d'observations a été publique, faite par écrit et adressée à toutes les parties;

 

2)le 24 novembre 1995, le commissaire a déclaré publiquement qu'il n'examinerait pas les observations qui avaient été reçues, et qu'elles seraient examinées seulement par son avocat;

 

3)le commissaire n'a pas pris de décision sous forme de conclusions par suite de la réception des observations données en réponse à l'exposé en cause;

 

4)les allégations concernant une personne qui pourront figurer dans une conclusion du commissaire ont été révélées à celle-ci dans le préavis qui a été ultérieurement signifié, et cette personne a connaissance de chacune des allégations figurant dans les observations en réponse à l'exposé qui ont été retenues par le commissaire;

 

5)toutes autres allégations figurant dans les observations ne sauraient étayer une conclusion de faute en raison de l'article 13 de la Loi sur les enquêtes;

 

6)les personnes visées par ces allégations ont la pleine possibilité de se faire entendre avant que le commissaire ne tire des conclusions dans son rapport final.

 

        En conséquence, les requérants n'ont pas été privés de leur droit à une audition équitable parce que l'avocat de la Commission a reçu les observations confidentielles susmentionnées dans ces circonstances particulières.


i)Le temps mis à donner les préavis

 

        Les requérants affirment que le commissaire ne leur a pas donné de préavis en temps opportun, donc de préavis suffisant, car il a attendu après deux ans d'auditions pour les leur donner.  Ce moyen soulève aussi l'existence du déni de la possibilité de se faire entendre, dont je traiterai bientôt.

 

        L'article 13 de la Loi sur les enquêtes prévoit expressément que toute personne à qui une faute est imputée doit recevoir un préavis avant qu'elle ne puisse faire l'objet d'un rapport défavorable.  Le commissaire s'est littéralement conformé à cette disposition statutaire.  D'autres commissions d'enquête ont, selon leur contexte, adopté différentes approches à l'égard du moment où des préavis fondés sur l'article 13 ont été adressés.  Dans certains cas, lorsque leurs mandats ou les circonstances en cause montraient clairement, de façon implicite ou explicite, que la conduite d'un particulier identifiable était examinée, un préavis a été donné dès le début.[124]  Dans d'autres cas, lorsque ce n'est qu'au moyen du processus d'enquête que les individus sont désignés et que la preuve d'une faute possible est révélée, les préavis sont donnés à la suite de l'enquête.[125]

 

        Les préavis, communiqués le 21 décembre 1995, ont été remis aux avocats qui avaient représenté les parties ou un témoin au cours des débats ou dont l'avocat de la Commission croyait qu'ils avaient représenté les parties ou des témoins.  Pour ce qui est des requérants individuels appartenant à la Croix-Rouge, leurs préavis ont été donnés à l'avocat de la SCCR.  Après réception des préavis, l'adjoint de l'avocat principal de la SCCR a écrit à chacun des requérants appartenant à la Croix-Rouge, les avisant de ce qui suit:

 

[TRADUCTION] Les commissions d'enquête ont pour pratique commune de remettre des "préavis" aux organismes et aux particuliers visés par une enquête.  Cette mesure fait partie de l'obligation faite à la Commission d'aviser les gens de la possibilité que le rapport final contiennent des conclusions qui leur sont défavorables, et le préavis doit comprendre toutes les conclusions possibles - il ne signifie pas qu'une décision a été prise.

 

Le 21 décembre 1995, la Commission d'enquête sur le système canadien de collecte et de distribution du sang a donné un certain nombre de ces préavis, dont un qui vous adressé.  Vous trouverez ci-inclus copie de ce préavis ainsi qu'une lettre de M. Earl Chermiak, avocat de la Société, expliquant plus en détail la signification des préavis et la façon dont nous projetons en traiter.

 

En réponse à ce préavis, nous allons incorporer aux observations écrites de la Croix-Rouge les éléments de preuve que vous avez présentés à l'enquête.  Cependant, si vous souhaitez faire part de tout autre renseignement, veuillez me le dire rapidement pour nous permettre de vous aider.[126]

 

       

        Je ne dispose d'aucune preuve que le commissaire a agi de mauvaise foi ou avec une intention secrète lorsqu'il a décidé de donner les préavis à la conclusion des auditions publiques.

 

j)Allégations d'irrégularités dans la procédure

 

        Les requérants se plaignent dans le cadre des présentes procédures qu'ils n'ont pas reçu toutes les garanties procédurales qu'exigeait la justice naturelle dans les circonstances.  Ils se plaignent plus précisément de ce qui suit:

 

1)la possibilité insuffisante d'interroger et de contre-interroger les témoins;

 

2)un préavis insuffisant des questions litigieuses et des témoignages attendus;

 

3)une communication insuffisante des documents;

 

4)défaut de soulever auprès des témoins pendant leur témoignage les allégations contenues dans les préavis;

 

5)des restrictions inappropriées faites aux témoins.

 

        Les audiences publiques ont duré environ deux ans et demi.  Les requérants m'ont mentionné des incidents précis pour illustrer chacune de leurs plaintes.  Ces incidents ne me permettent pas de conclure au manque d'équité des audiences de l'enquête. Étant donné l'assurance du commissaire que les destinataires des préavis auront la possibilité de se faire entendre au sujet des allégations contenues dans les préavis et jouiront de toutes les garanties procédurales que j'ai déjà exposées, avant qu'il ne fasse un rapport défavorable, je ne peux conclure que les requérants ont été ou seront privés d'une audition équitable.

 

k)   La question des excuses

 

        Bien que la SCCR n'ait pas allégué qu'il y avait partialité de la part du commissaire, son avocat a soulevé comme point litigieux les vifs propos qu'avaient échangés le commissaire et M. Douglas Lindores, l'actuel secrétaire général de la SCCR, à l'ouverture de l'audience publique le 23 novembre 1995.[127]  Avant que M. Lindores ne commence sa présentation, le commissaire l'a renvoyé à la transcription d'une émission radiophonique style tribune libre à laquelle avait participé M. Lindores en mars 1995, et dans laquelle le commissaire avait vu un blâme à l'endroit de la Commission d'enquête en raison de l'incapacité de la SCCR de présenter des excuses aux personnes qui avaient été contaminées après avoir reçu du sang et des produits sanguins.[128]  Le commissaire a avoué éprouver une grande difficulté à comprendre comment des excuses équivaudraient à la trahison et à l'abandon du personnel de l'organisme en cause.

 

        L'avocat de la SCCR laisse entendre que le commissaire a apparemment conclu que la SCCR devrait présenter des excuses et qu'il y avait cause pour elle d'en faire.  Il ajoute que cela peut porter atteinte à sa capacité de répondre aux préavis adressés à la SCCR et à sa haute direction.  Cependant il ne conteste pas l'intégrité du commissaire, ne prétend pas qu'il devrait lui être interdit de rédiger son rapport final, ni ne soutient que le rapport ne peut critiquer la SCCR.

 

        Placées dans ce contexte, les remarques du commissaire n'établissent pas que ce dernier ne prêtera pas une oreille équitable aux observations que pourraient souhaiter faire la SCCR et sa haute direction en réponse aux allégations contenues dans leurs préavis.

 

8.LE ROLE DES AVOCATS DE LA COMMISSION DANS LA RÉDACTION DU RAPPORT FINAL

 

     L'objection soulevée par la SCCR et le procureur général du Canada (et aussi par Baxter à l'origine, bien qu'elle y ait renoncé dans sa plaidoirie) à la participation des avocats de la Commission à la rédaction du rapport final est dénué de bien-fondé.

 

        Premièrement, la demande est prématurée puisque le commissaire n'a pas encore demandé leur participation à la rédaction du rapport final et que rien au dossier ne permet de croire qu'il a pris une décision à l'égard du rôle qui sera le leur.

 

        Même si la demande n'était pas prématurée, l'objection de la SCCR à l'égard des avocats de la Commission doit être rejetée.  Aucune objection n'a été soulevée en ce qui concerne l'impartialité du commissaire lui-même.  De fait, le procureur général du Canada ne soulève ce point qu'à l'égard de l'équité et nullement de la partialité.  On m'a abondamment renvoyé au dossier pour illustrer la conduite des avocats de la Commission au cours de deux années et demie d'audience.  Les requérants tentent de démontrer que le rôle des avocats de la Commission a été irrégulier en se fondant sur des allégations exposées principalement dans l'affidavit de Mme Connie Berry.  Ces allégations ont toutes fait l'objet de répliques et d'explications de la part de Mme Marlys Edwardh et de M. Delmar Doucette dans leurs affidavits et leurs contre-interrogatoires.  Je suis convaincu que les avocats de la Commission ne sont pas allés au-delà du rôle qu'il leur était approprié de jouer dans le processus d'enquête jusqu'à maintenant.

 

        Finalement, je dois noter à cette étape que le commissaire a clairement indiqué que [TRADUCTION] "ceci est mon enquête, et non celle de mes avocats".[129]  Il dirige, comme il convient, les actions des avocats de la Commission.  Par conséquent, il lui appartient de décider, en se fondant sur les principes établis par la jurisprudence, quel rôle joueront ses avocats.  Je n'ai pas à décider cette question à ce point-ci.

 

9.CONCLUSION

 

        Toutes les institutions et les sociétés qui ont reçu des préavis fondés sur l'article 13 et que pourra nommer le commissaire dans des conclusions de fait défavorables étaient d'importantes intéressées dans le système canadien de collecte et de distribution du sang à l'époque concernée.  Elles savaient clairement, et auraient assurément dû savoir, que l'enquête examinerait leur conduite.

 

        Des dix-sept personnes physiques requérantes dont le commissaire dit qu'il pourrait les nommer dans des conclusions de fait défavorables,[130] quatorze font partie de la haute direction de la SCCR et trois sont de hauts fonctionnaires du gouvernement canadien.  Des quatorze membres de la haute direction de la SCCR, quatre étaient des dirigeants de la SCCR au Canada et dix étaient des directeurs médicaux ou des sous-directeurs médicaux aux centres régionaux de la SCCR au Canada au cours de la période concernée.  Tous ces particuliers, sauf un ancien directeur médical de la SCCR, le docteur Terrence Stout,[131] ont déposé au cours des audiences publiques et ils pouvaient retenir les services d'un avocat.  Trois dirigeants de la SCCR, M. Weber, le docteur Perrault et le docteur Davey, étaient représentés par leurs avocats.  Un ancien dirigeant de la SCCR, M. Craig Anhorn, était aussi représenté par son propre avocat.  Tous les gouvernements et leurs institutions, la SCCR et les sociétés pharmaceutiques étaient représentés par des avocats et, à l'exception de Armour, Baxter et la province de Québec, qui ont volontairement limité leur participation, tous ont pleinement participé à l'enquête.

 

        L'avocat du commissaire a confirmé à cette Cour que les quarante-sept autres requérants qui sont des personnes physiques destinataires de préavis ne seront pas nommés dans des conclusions de fait défavorables résultant de ces préavis.  Ils sont énumérés à l'appendice III de mes motifs.  Il aurait été préférable que ces préavis précisent clairement que le rapport du commissaire ne contiendrait aucune mention défavorable explicite ni autres conclusions de faute les nommant.[132]  Puisque les préavis étaient destinés à offrir à ces personnes la possibilité de se faire entendre si elles le souhaitaient, ils ne devraient pas être écartés de façon à les priver de ce droit.  Il est toutefois approprié que cette Cour déclare que le rapport final de la Commission ne peut contenir aucune mention défavorable explicite ni autres conclusions de faute nommant les requérants en question qui seraient fondées sur les préavis.

 

        En outre, cette Cour déclare que tous les destinataires des préavis fondés sur l'article 13 doivent avoir pleine possibilité de se faire entendre.

 

        Finalement, la Commission est tenue de prendre en considération les demandes de qualité pour agir et d'aide financière que pourront présenter les particuliers qui ont reçu des préavis fondés sur l'article 13.

 

        À tous autres égard, toutes les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

 

                        

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le      juin 1996.

 

 

 

Traduction certifiée conforme                           Louise Dumoulin-Clark

 


                           APPENDICE I

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


                          APPENDICE II

 

 

 

 

 

 

 

 


                          APPENDICE III

 

 

 

 

 

 



    [1]   L.R.C. 1985, ch. I‑11.

    [2]   C'est l'approche adoptée par Madame le juge L'Heureux‑Dubé dans l'arrêt Starr c. Houlden, [1990] 1 R.C.S. 1366 aux pp. 1413 et 1414.

    [3]   Le rapport Wilbee, p. 3, affidavit de Marlys Edwardh, pièce 1, Dossier de la demande de l'intimé, vol. V, onglet 7(1).

 

    [4]   Ibidem, pp. 1 et 2.

    [5]   Ibidem, p. 2.

    [6]          Un nouvel organisme, l'Agence canadienne du sang («ACS»), a été créé pour remplacer le Comité canadien du sang.  Incorporée en mai 1991, l'Agence a commencé ses activités le 1er octobre de la même année, lors de la nomination d'un directeur exécutif.

 

    [7]          L.R.C. (1985), ch. F‑27.

[8]               Le rapport Wilbee, à la p. 7.

[9]               Ibidem, pp. 9, 21 et 22.

[10]              Ibidem, p. 27.

[11]              Affidavit de Marlys Edwardh, pièce 5; Dossier de l'intimé, vol. V, onglet 7(5), pp. 1566 à 1568.

[12]              «Une enquête sur le sang contaminé s'impose, dit Mme Collins» (le 16 septembre 1993) Globe and Mail; affidavit de Marlys Edwardh, par. 12 et pièce 6; Dossier de l'intimé, vol. V, onglet 7, p. 1297 et onglet 7(6), p. 1570.

[13]              Affidavit de Marlys Edwardh, par. 13 et pièce 7; Dossier de l'intimé, vol. V, onglet 7, p. 1297 et onglet 7(7), pp. 1572 à 1578.

[14]              Affidavit de Marlys Edwardh, pièce 10; Dossier de l'intimé, vol. V, onglet 7(10), p. 1589; voir le texte intégral à l'Appendice I.

[15]              Affidavit de Marlys Edwardh, pièces 9 et 10; Dossier de l'intimé, vol. V, onglets 7(9), p. 1585, et 7(10), p. 1589.

[16]              C.P. 1993‑1879, p. 2; affidavit de Marlys Edwardh, pièce 10; Dossier de l'intimé, vol. V, onglet 7(10), p. 1590.

[17]              Avant la décision d'adresser les préavis à l'étude, la Commission avait déjà donné à deux reprises des préavis fondés sur l'article 13 qui n'avaient pas été contestés.  Le 12 décembre 1994, la SCCR et la Direction fédérale de la protection de la santé ont reçu des préavis visés à l'article 13 relativement à des allégations contenues dans les éléments de preuve devant être pris en considération dans le rapport provisoire.  Ni l'une ni l'autre n'ont répliqué aux allégations contenues dans ces préavis.  Le 4 octobre 1995, Armour a reçu un préavis fondé sur l'article 13 relativement à une question particulière qui semblait jouer contre elle et sur laquelle aucune des parties ayant qualité pour agir ne semblait posséder les renseignements nécessaires.  Armour a donné une réponse écrite complète au préavis.

[18]              Affidavit de Connie Berry, par. 17, Dossier de la demande de la SCCR, vol. 1, onglet 2, p. 20; Affidavit de Maryls Edwardh, par. 147, Dossier de la demande de l'intimé, vol V, onglet 7, p. 1345.

[19]              Affidavit de Marlys Edwardh, par. 146.  Dossier de la demande de l'intimé, vol. V, onglet 7, p. 1345.

[20]              Un avis semblable a été adressé au procureur général du Québec le même jour, avec mention que la traduction française suivrait sous peu.  La version française du préavis, datée du 29 décembre 1995, a été envoyée au procureur général et à d'anciens ministres de la Santé du Québec.  Bien qu'elle fût différente de l'original anglais, l'avocat des requérants du Québec a concédé dans ses observations qu'il fallait y voir une erreur de traduction.

[21]              Affidavit de Marlys Edwardh, par. 51 et 201; Dossier de la demande de l'intimé, vol. V, onglet 7, pp. 1309 et 1363.

[22]              Affidavit de Marlys Edwardh, par. 51, 201, 206, 208 et 209; Dossier de la demande de l'intimé, vol. V, onglet 7, pp. 1309 et 1363 à 1366.

[23]              Affidavit de Marlys Edwardh, par. 212 à 214; Dossier de la demande de l'intimé, vol. V, onglet 7, p. 1367.

[24]              L.R.C. (1985), ch. F-7, modifiée par L.C. 1990, ch. 8, art. 5.

[25]              L'honorable Gerald Sheehy, l'honorable Joel Matheson et l'honorable Ronald Russell.

[26]              Voir aux Appendices II et III les noms des individus énumérés par l'avocat de l'intimé.

[27]              L.R.O. 1990, ch. P.41.

[28]              R.S.P.E.I. 1988, chap. P‑31.

     [29].       Notes sténographiques, M. Cherniak, pp. 32-33.

     [30].       Ibidem. Divers avocats ont fait référence à cet argument, employant les mots [TRADUCTION] « sont assimilables à » ou [TRADUCTION] « volant » des conclusions de responsabilité criminelle ou civile.

     [31].       Ibidem, p. 34.

     [32].Ibidem, pp. 64 et 65 et 232.

     [33].       Transcriptions, M. Lamek, p. 1277 à 1282.

     [34].       Transcriptions, M. McKinnon, p. 1172, lignes 20 à 23.

     [35].       Transcriptions, M. McKinnon, pp. 1176 à 1181.

     [36].       Transcriptions, M. McKinnon, p. 1184.

     [37].       Transcriptions, M. Lamek, pp. 1281 et 1282.

     [38].       Ibidem, M. Lamek, p. 1135, lignes 16 à 24 et p. 1123, lignes 19 et 20.

     [39].       Transcriptions, M. Cherniak, pp. 105 et 106.

     [40].       Ibidem, p. 34.

     [41].       Ibidem, pp. 220 à 236.

     [42].       Ibidem, p. 204.

     [43].       Ibidem, pp. 252 et 253 et 298 et 299.

     [44].       Les commissions d'enquête : une nouvelle loi, Document de travail 17 de la Commission de réforme du droit du Canada, (1977).

 

     [45].       La Commission n'a pas exercé ces pouvoirs de contrainte en l'espèce.  Seul un témoin, M. Anhorn, a demandé une citation à comparaître.

     [46].       Voir "Public Inquiries", le juge Sopinka, Conférence ACJI le 24 août 1990, Winnipeg, Manitoba; Commission de réforme du droit de l'Ontario, Report on Public Inquiries (Toronto: La Commission, 1992); Henderson, Gordon c.r., "The Abuse of Power and the Role of an Independent Judicial System in its Regulation and Control" et "Abuse of Power by Royal Commissions" dans Special Lectures of the Law Society of Upper Canada, 1979, (Toronto: Richard DeBoo, 1979).

     [47].       R.E. Allen, éd., (8ième éd.), (Oxford: Clarendon Press, 1990), p. 757.

     [48].       J. Rey‑Debove et A. Rey, éd., (Paris: Dictionnaires Le Robert, 1993), p. 898.

 

     [49].       Dubin, L'honorable Charles L., commissaire, Commission d'enquête sur le recours aux drogues et aux pratiques interdites pour améliorer la performance athlétique, Ottawa, Centre d'édition du gouvernement du Canada, 1990, à la page xxix.

     [50].       Commission de réforme du droit de l'Ontario, Report on Public Inquiries (1992); Alberta Law Reform Institute, Report no 62, Proposals for the Reform of the Public Inquiries Act (1992).

     [51].       Moreno c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 298 (C.A.), aux pages 311 et 312.

     [52].       Consortium Development (Clearwater) Limited v. Sarnia (City) (1995), 23 O.R. (3d) 498 (C. div.) à la page 511.

     [53].       Commission de réforme du droit du Canada, Document de travail 17, Les Commissions d'enquête : une nouvelle loi (1977).

     [54].       Ibidem, aux pp. 53 et 54.  Ces modifications devraient conférer aux témoins le droit de contre‑interroger les autres témoins; donner le droit de témoigner (ainsi que celui d'être représentée par un avocat et de procéder à un contre-interrogatoire) à la personne à l'égard de laquelle les autres témoins ont fait des commentaires défavorables; enfin, accorder à un témoin le droit au remboursement de ses dépenses à la discrétion de la commission.

 

     [55].       Commission de réforme du droit du Canada, Rapport 13 : Les commissions consultatives et les commissions d'enquête, décembre 1979, à la page 40.

     [56].       Phillips c. Nouvelle-Écosse (Commission d'enquête sur la tragédie de la mine Westray), [1995] 2 R.C.S. 97, le juge Cory, à la page 137, par. 62 («Westray»).

     [57].       O'Hara v. British Columbia, [1987] 3 W.W.R. 362 (C.A. C.‑B.), à la page 367, le juge Seaton, passage cité et approuvé dans [1987] 2 R.C.S. 591, à la page 603.

     [58].       O'Hara v. British Columbia, précité; Procureur général du Québec et Keable c. Procureur général du Canada, [1979] 1 R.C.S. 218; Di lorio c. Le gardien de la prison commune de Montréal, [1978] 1 R.C.S. 152; Faber c. La Reine, [1976] 2 R.C.S. 9; Phillips c. Nova Scotia (Commission of Inquiry into the Westray Mine Tragedy) (1993), 117 N.S.R. (2d) 218 (C.A.), autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada sur ce point refusée.

     [59].       Le Procureur général du Québec avait déposé un avis de question constitutionnelle contestant la validité de l'enquête, mais a retiré cette partie de sa demande au début de l'audition.

     [60].       Affidavit de Marlys Edwardh, pièce 10, Dossier de l'intimé, vol. V, onglet 7(10), p. 1589; Voir à l'Appendice 1 le texte intégral du décret.

 

     [61].      Commission de réforme du droit de l'Ontario, Report on Public Inquiries (Toronto, Commission de réforme du droit de l'Ontario, 1992), page 28.

     [62].C.P. 1993‑1879.

     [63].Nelles and Grange (1984), 46 O.R. (2d) 210 (C.A. Ont.).

     [64].Transcriptions, M. Cherniak, pp. 414 et 415.

     [65].       [1991] 2 R.C.S. 525.

     [66].[1989] 3 C.F. 16 (C.A.F.).

     [67].(1994), 174 N.R. 37 (C.A.F.), aux pp. 47 et 48.

     [68].[1989] 3 C.F. 16, à la page 31.

     [69].[1983] 2 A.C. 629 (C.P.).

     [70].       Aux affaires invoquées, on peut ajouter R. c. Secretary of State, [1987] 2 All E.R. 518; R. v. Secretary of State, [1985] 1 All. E.R. 40.

     [71].       D'autres affaires peuvent être ajoutées. Voir Gaw v. Commr. of Corrections (1986), 19 Admin. L.R. 137; Bawolak v. Exroy Resources Ltd. (1992), 11 Admin. L.R. (2d) 137; Lehndorff United Properties (Canada) Ltd. v. Edmonton (City) (1993), 14 Alta. L.R. (3d) 67; Pollard et al. v. Surrey (District) et al. (1993), 25 B.C.A.C. et 43 W.A.C. 81; Sierra Club of Western Canada v. B.C. (A.‑G.) (1991), 83 D.L.R. (4th) 708 (théorie non appliquée); Furey v. Conception Bay Centre Roman Catholic School Board (1993), 104 D.L.R. (4th) 455 (théorie non appliquée).

     [72].       [1990] 3 R.C.S. 1170, page 1204.

     [73].       [1991] 2 R.C.S. 525, aux pages 557 et 558. Voir aussi l'arrêt Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Lidder (C.A.), [1992] 2 C.F. 621, dans lequel la théorie n'a pas été appliquée parce qu'elle aurait été incompatible avec une obligation légale.

     [74].       Affidavit de Connie Berry, par. 22, dossier de la demande de la SCCR, vol. 1, onglet 2, page 24; affidavit de Marlys Edwarth, par. 28 et pièce 18, dossier de la demande de l'intimée, vol V., onglet 7, pages 1301 et 1302 et vol. VI, onglet 7(18), page 1637.

 

     [75].       Affidavit de Connie Berry, par. 22 à 27, dossier de la demande de la SCCR, vol. 1, onglet 2, page 26.

 

     [76].     L.R.C. (1985), ch. C-5.

     [77].       R. c. Kuldip, [1990] 3 R.C.S. 618.

     [78].       R. c. S.(R.J.), [1995] 1 R.C.S. 451

     [79].       Ibidem.

     [80].       Pour des exemples récents, voir le Rapport de la commission d'enquête sur certains événements survenus à la prison des femmes de Kingsto (1995), l'honorable Louise Arbour, commissaire; et La Commission d'enquête sur l'écrasement d'un avion d'Air Ontario à Dryden, Ontario (1992), l'honorable Virgil P. Mohansky, commissaire.

 

     [81].       Landreville c. la Reine (No 2), [1977] 2 C.F. 726 (C.F. 1re inst.); Richards v. Miller (21 mai 1996), F/M/36/95; [1996] N.B.J. No  272 (C.B.R.N.-B.)

     [82].       Transcriptions, M. Lamek, p. 1135.

     [83].       Ibidem, p. 1123.

     [84].       Nelles and Grange (1984), 46 O.R. (2d) 210 (C.A. Ont.).

     [85].       Starr c. Houlden, [1990] 1 R.C.S. 1366.

     [86].       Selon l'interprétation donnée dans Ibidem, juge Lamer à la p. 1399.

     [87].       Ibidem., pp. 1407-1409.

     [88].       O'Hara c. Colombie-Britannique, [1987] 2 R.C.S. 591.

     [89].       Philips c. Nouvelle-Écosse (Commission d'enquête sur la tragédie de la mine Westray), [1995] 2 R.C.S. 97.

     [90].       Philips v. Nova Scotia (Commission of Inquiry into the Westray Mine Tragedy) (1993), 117 N.S.R. (2d) 218 (C.A.).

     [91].       Starr c. Houlden, précité, p. 1409.

     [92].       Richards v. Miller (21 mai 1996), F/M/36/95; [1996] N.B.J. n° 272 (C.B.R.N.-B.).

     [93].       Landreville c. La Reine (N° 2), [1977] 2 C.F. 726 (C.F. 1re inst.).

     [94].       Transcriptions, M. Rennie, p. 1817.

     [95].       Affidavit de Marlys Edwardh, par. 31, Dossier de la demande de l'intimé, vol. V, onglet 7, pp. 1302-1303.

     [96].       Affidavit de Marlys Edwardh, par. 37 et 38, Dossier de la demande de l'intimé, Vol. V, onglet 7, p. 1305.

 

     [97].       Affidavit de Marlys Edwardh, par. 31 et 40 et pièces 19 et 23, Dossier de la demande de l'intimé, Vol. V, onglet 7, p. 1302-1303 et 1305 et Vol. VI, onglet 7(19), p. 1661 et onglet 7(23), p. 1686.

     [98].       Affidavit de Maryls Edwardh, par. 39, Dossier de la demande de l'intimé, Vol. V, onglet 7, p. 1305; Mémoire Armour, par. 6, Dossier Armour, onglet 5; Affidavit de John Parks, par. 4, Dossier Baxter, onglet C, p. 13.

 

     [99].       Affidavit de Marlys Edwardh, par. 41, dossier de la demande de l'intimé, vol. V, onglet 7, p. 1306.

     [100].     Affidavit de Marlys Edwardh, par. 41 à 67, 69 à 72, et pièces 24 à 38, dossier de la demande de l'intimé, vol. V, onglet 7, pp. 1306 à 1316 et vol. VI, onglet 7 (24 à 38), pp. 1689 à 1764.

     [101].     Affidavit de Marlys Edwardh, par. 48 à 57, 61 à 63 et 169 et pièce 38, dossier de la demande de l'intimé, vol. V, onglet 7, pp. 1308 à 1313 et vol. VI, onglet 7(38), p. 1760.

     [102].           Affidavit de Marlys Edwardh, par. 72, dossier de la demande de l'intimé, vol. V, onglet 7, p. 1316.

     [103].     Affidavit de Marlys Edwardh, pièce 38, dossier de la demande de l'intimé, vol. VI, onglet 7(38), pp. 1760 à 1764.

     [104].     Affidavit de Marlys Edwardh, par. 116 et pièce 49, dossier de la demande de l'intimé, vol. V, onglet 7, p. 1335, et vol. VIII, onglet 7(49), pp. 2463 à 2465.

     [105].     Affidavit de Marlys Edwardh, par. 122 et pièce 53, dossier de la demande de l'intimé, vol. V, onglet 7, p. 1337, et vol. VIII, onglet 7(53), p. 2512.

     [106].     Affidavit de Marlys Edwardh, par. 117, 121 et 123 et pièce 54, dossier de la demande de l'intimé, vol. V, onglet 7, pp. 1335 à 1337, et vol. VIII, onglet 7(54), p. 2523.

     [107].     Le juge La Forest dans R. c. Beare, [1988] 2 R.C.S. 387, p. 401.

     [108].     Irvine c. Canada (P.R.C.), [1987] 1 R.C.S. 181, p. 231.

     [109].     Commission de réforme du droit du Canada, Document de travail 17, les commissions d'enquête : une nouvelle Loi (1977).

     [110].     Re The Ontario Crime Commission, ex parte Feeley and McDermott (1962), 34 D.L.R. (2d) 451 (C.A.) p. 475; Re The Children's Aid Society of the County of York, [1934] O.W.N. 418 (C.A.), p. 421.

     [111].     Re Public Inquiries Act and Shulman, [1967] 2 O.R. 375 (C.A.), aux pp. 378 et 379.

     [112].     Fraternité Inter-Provinciale des Ouvriers en Électricité c. Office de la Construction du Québec (1983), 148 D.L.R. (3d) 626 (C.A. Québec), p. 642.

 

     [113].Ibidem, aussi l'article 13, Loi sur les enquêtes.

     [114].     La règle 12 est ainsi rédigée :

 

[TRADUCTION] La Commission peut recevoir des éléments de preuve qui pourraient autrement être irrecevables devant une cour de justice.  La recevabilité de la preuve ne sera pas établie par application stricte des règles de preuve.  Toutefois, le commissaire tiendra compte des risques que pose la preuve irrecevable devant une cour de justice et de son effet possible sur la réputation d'une personne.

 

 

     [115].     Mahon v. Air New Zealand and Others, [1984] 3 All E.R. 201 (P.C.).

     [116].     Voir la partie 3 «Le contexte de la demande en instance».

     [117].Affidavit de Marlys Edwardh, par. 216 et 217, et pièces 101 à 103.  Dossier de la demande de l'intimé, vol. V, onglet 7, p. 1368 et vol. X, onglet 7 (101 à 103), pp. 2962 à 2970.

     [118].Affidavit de Marlys Edwardh, par. 218 et 219, Dossier de demande de l'intimé, vol. V, onglet 7, pp. 1368 et 1369.

     [119].     Affidavit de Marlys Edwardh, par. 222 et pièce 105, Dossier de la demande de l'intimé, vol. V, onglet 7, p. 1370 et 1371 et vol. X, onglet 7(105), p. 2977.

     [120].     Affidavit de Marlys Edwardh, par. 224 et 225, Dossier de la demande de l'intimé, vol. V, onglet 7, pp. 1370 et 1371, contre-interrogatoire de Marlys Edwardh, pp. 199 à 201, pp. 764 à 773, dossier de demande de l'intimé, vol. XIII, onglet 9, pp. 4037 à 4039.

     [121].     La demande de ces documents a été retirée à l'audition du 2 février 1996, ainsi qu'il a été noté dans mes Motifs de l'ordonnance en date du 12 mars 1996, pp. 4 et 5.

     [122].(1988), 116 N.R. 44. (C.A.F.).

     [123].[1985] 2 R.C.S. 643.

     [124].     L'honorable Charles L. Dubin, commissaire.  Rapport de la Commission d'enquête sur le recours aux drogues et aux pratiques interdites pour améliorer la performance athlétique (1990)

 

     [125].     L'honorable Louise Arbour, commissaire.  Rapport de la Commission d'enquête sur certains événements survenus à la prison des femmes de Kingston. (1995).

     [126].     Contre interrogatoire du Dr. J. MacKay (le 13 mars 1996), p. 50, question 209 et pièce 5 (soit une lettre en date du 27 décembre 1995, adressée par Connie Berry au Dr. MacKay), dossier de la demande de la SCCR, vol. 7, onglet 10(A), p. 1358 et onglets 10(B)(5).

 

     [127].     Transcriptions, M. Chermiak, pp. 447 à 455.

     [128].     Affidavit de Connie Berry, par. 184 à 191, Dossier de la demande de la SCCR, vol. 1, onglet 2, pp. 96 à 101.

     [129].     Déclaration du commissaire en date du 24 novembre 1995; transcription de la Commission d'enquête, p. 45713; transcription du Dossier des pièces de la SCCR, onglet 66; affidavit de Connie Berry, par. 27, Dossier de la demande de la SCCR, vol. 1, onglet 2, p. 26.

 

     [130].     Voir appendice II.

     [131].Le docteur Stout a offert de témoigner, mais il n'a pas pu le faire en raison de sa santé.

 

     [132].     Par exemple, voir le Rapport sur la Commission d'enquête sur certains événements survenus à la prison des femmes de Kingston (1995), l'honorable Louise Arbour, commissaire, dans lequel les préavis fondés sur l'article 13 sont libellés comme suit:

 

[TRADUCTION] Vous n'avez pas été cité à comparaître et il n'y aura aucun rapport défavorable explicite ni aucune autre conclusion de faute vous nommant dans le rapport de cette Commission.  Toutefois, conformément à l'article 13 de la Loi sur les enquêtes, nous vous avisons que des allégations pourront être faites qui, si elles sont accueillies, pourront donner lieu à un rapport défavorable à l'égard de questions auxquelles vous êtes mêlés, rapport qui, par conséquent, pourra vous porter atteinte.  (p. 305)

 

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