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Date : 20190430


Dossiers : T-1453-16

T-745-16

Référence : 2019 CF 552

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador), le 30 avril 2019

En présence de madame la juge Heneghan

Action réelle et personnelle en matière d’amirauté

ENTRE :

L’ADMINISTRATEUR DE LA CAISSE D’INDEMNISATION DES DOMMAGES DUS À LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES CAUSÉE PAR LES NAVIRES

demandeur

ET

LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE CORMORANT, THE PORT OF BRIDGEWATER INCORPORATED, PERSONNE MORALE, 3092714 NOVA SCOTIA LIMITED, PERSONNE MORALE, CORMORANT MARINE SERVICES CORPORATION, PERSONNE MORALE,

et NEIL S. HJELLE

défendeurs

ET ENTRE :

PORT OF BRIDGEWATER

demanderesse

et

 

CORMORANT MARINE SERVICES CORPORATION et LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE CORMORANT ET LEDIT CORMORANT

 

défendeurs reconventionnels

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. INTRODUCTION

[1] Par avis de requête déposé le 5 mars 2018, la société Port of Bridgewater a demandé la tenue d’un procès sommaire sous le régime des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), afin d’obtenir les mesures de réparation suivantes :

[traduction]

a) un jugement sommaire, prononcé contre le navire Cormorant et toutes les personnes ayant un droit sur le navire Cormorant, pour la somme de 258 000 $ au titre de droits d’amarrage impayés;

b) l’ajournement, de façon générale, de la demande des défendeurs reconventionnels touchant les dommages causés au quai, les dépenses engagées par le Costal Action Network, les frais de présence auprès de la Garde côtière canadienne et les obligations, quelles qu’elles soient, envers l’administrateur de la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires;

c) les dépens contre le navire Cormorant.

[2] Par avis de requête déposé le 26 avril 2018, l’administrateur de la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires (l’administrateur) a demandé que soit prononcé un jugement sommaire statuant sur la propriété du navire Cormorant (le navire défendeur) entre le 18 mars et le 26 mai 2015.

[3] Par avis de requête déposé le 26 avril 2018, la société Cormorant Marine Services Corporation (CMS) et M. Neil S. Hjelle ont demandé qu’un jugement sommaire soit rendu accordant les mesures de réparation suivantes :

[traduction]

i) le rejet des demandes présentées par le demandeur, l’administrateur de la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires, contre les défendeurs CMS et M. Hjelle dans le dossier T‑1453‑16;

ii) le rejet des demandes reconventionnelles présentées par la défenderesse/demanderesse reconventionnelle The Port of Bridgewater Incorporated (Port of Bridgewater), contre les défendeurs CMS et M. Hjelle dans le dossier T‑1453‑16;

iii) le rejet des demandes présentées par la demanderesse/défenderesse reconventionnelle, Port of Bridgewater, contre les défendeurs CMS et M. Hjelle dans le dossier T‑745‑16;

iv) les dépens à l’égard de la présente requête et des actions.

II. LE CONTEXTE

[4] Les actions visées en l’espèce découlent de la présence du navire défendeur au port de Bridgewater, en Nouvelle‑Écosse.

[5] Selon les actes de procédure et les affidavits qui ont été déposés, le navire défendeur a été vendu par vente judiciaire dans le cadre du dossier T‑1324‑07, conformément à une ordonnance rendue le 20 octobre 2009, et un acte de vente désignant Cormorant comme propriétaire a été signé.

[6] Vers le mois de mars ou d’avril 2015, le navire défendeur a gîté alors qu’il se trouvait au quai à Bridgewater. Peu après, des signes indiquant la présence d’huile hydraulique ont été vus aux alentours. La Garde côtière canadienne a été appelée en renfort.

[7] Le 20 mars 2015 ou vers cette date, le navire défendeur a coulé dans le bassin de Bridgewater. Les efforts déployés pour le renflouer ont été fructueux.

[8] La Garde côtière canadienne a fait enquête et, en dernière analyse, une réclamation visant notamment les frais de nettoyage liés au chavirement du navire défendeur et les frais de dépollution environnementale a été présentée à l’administrateur sous le régime de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, LC 2001, c 6 (la Loi).

[9] L’administrateur jouit d’un droit de subrogation en ce qui concerne sa réclamation et une action à cet égard a été introduite dans le dossier T‑1453‑16.

[10] Port of Bridgewater a intenté une action dans le dossier T‑745‑16 afin de recouvrer les droits d’amarrage.

[11] L’administrateur peut présenter une réclamation contre le propriétaire du navire défendeur, conformément à la Loi, ou contre un propriétaire du navire au sens de la Convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute, annexe 8 de la Loi (la Convention sur les hydrocarbures de soute).

[12] Les requêtes ont été entendues à Halifax, en Nouvelle‑Écosse, les 26 et 27 juin 2018, et des observations supplémentaires ont été entendues au même endroit le 5 mars 2019.

III. LE CONTEXTE PROCÉDURAL

[13] Par une déclaration déposée le 9 mai 2016 dans le dossier T‑745‑16, Port of Bridgewater a introduit une action personnelle et réelle contre CMS, les propriétaires et toutes les autres personnes ayant un droit sur le navire Cormorant et ledit Cormorant, à titre de défendeurs.

[14] Port of Bridgewater cherche à obtenir les mesures de réparation suivantes :

[traduction]

1. des dommages‑intérêts au titre des frais d’amarrage;

2. des dommages‑intérêts au titre des frais de sauvetage;

3. des intérêts antérieurs au jugement aux taux prévus par le droit maritime canadien;

4. un jugement déclaratoire portant que les actes des défendeurs donnent lieu à un privilège maritime en faveur du demandeur;

5. la confiscation du navire défendeur Cormorant;

6. une injonction interlocutoire provisoire;

7. les dépens;

8. toute autre réparation que la Cour estime juste.

[15] Le 29 juillet 2016, CMS a produit une défense et demande reconventionnelle dans le dossier T‑745‑16. Dans sa défense, CMS nie être propriétaire du Cormorant et présente une partie de l’historique des ventes et acquisitions dont le navire a fait l’objet. CMS nie toute responsabilité envers Port of Bridgewater.

[16] Dans sa demande reconventionnelle contre Port of Bridgewater, CMS demande les mesures de réparation suivantes :

[traduction]

a) un jugement déclaratoire portant que NSL [Nova Scotia Limited] est propriétaire du Cormorant;

b) un jugement déclaratoire portant que la vente du Cormorant par CMS à NSL a eu pour effet d’annuler toute responsabilité de CMS à l’égard de tous les droits d’amarrage;

c) un jugement déclaratoire portant que NSL est responsable de tous les droits d’amarrage engagés par le Cormorant;

d) un jugement déclaratoire portant que NSL est responsable de tous les frais de sauvetage supportés par le Cormorant;

e) les dépens engagés par CMS pour se défendre dans le cadre de l’action principale et calculés selon un barème d’indemnisation substantielle;

f) les dépens de CMS liés à la présente demande entre défendeurs.

[17] Le 5 août 2016, Port of Bridgewater a produit une réponse et défense reconventionnelle. Dans cet acte de procédure, Port of Bridgewater nie les allégations formulées contre elle et elle admet certains faits en réponse à la défense présentée par CMS. Port of Bridgewater nie la plupart des allégations énoncées dans la demande reconventionnelle produite pour le compte de CMS.

[18] Par une déclaration déposée le 1er septembre 2016 dans le dossier T‑1453‑16, l’administrateur a introduit une action personnelle et réelle contre les propriétaires et toutes les personnes ayant un droit sur le navire défendeur, Port of Bridgewater, 3092714 Nova Scotia Limited [NSL], CMS et M. Hjelle. L’administrateur cherche à obtenir les mesures de réparation suivantes :

[traduction]

Le demandeur réclame aux défendeurs, solidairement, les réparations suivantes :

a) un jugement pour la somme de CINQ CENT TRENTE‑QUATRE MILLE TROIS CENT QUARANTE DOLLARS ET SOIXANTE‑SEIZE CENTS (534 340,76 $), en monnaie canadienne;

b) les intérêts en matière d’amirauté sur la somme mentionnée ci‑dessus, à partir de la date et au taux que la Cour estimera justes;

c) une ordonnance portant évaluation et vente du navire défendeur;

d) les dépens liés à la présente action, y compris une ordonnance voulant que les dépens des défendeurs ayant obtenu gain de cause soient payés par les défendeurs déboutés;

e) les autres mesures de réparation que la Cour estimera opportun d’accorder compte tenu de la nature de l’affaire.

[19] Comme il ressort de l’affidavit souscrit le 12 septembre 2016 par Richard Samsford, shérif adjoint, un mandat de saisie visant le navire Cormorant et une copie de la déclaration ont été signifiés au navire défendeur à cette même date.

[20] Le 10 octobre 2016, Port of Bridgewater a produit une défense et demande reconventionnelle pour son propre compte et pour celui de NSL contre M. Hjelle et CMS. Dans cette demande reconventionnelle, Port of Bridgewater et NSL nient être propriétaires du Cormorant et elles attribuent à M. Hjelle et CMS la responsabilité des frais occasionnés par le naufrage et le renflouement du navire, le déversement d’hydrocarbures et le nettoyage subséquent. Port of Bridgewater demande les mesures de réparation suivantes dans sa demande reconventionnelle :

[traduction]

a) un jugement pour la somme de 1 083 658,76 $ (UN MILLION QUATRE‑VINGT‑TROIS MILLE SIX CENT CINQUANTE‑HUIT DOLLARS ET SOIXANTE‑SEIZE CENTS);

b) à titre subsidiaire, une ordonnance enjoignant aux défendeurs d’indemniser Port of Bridgewater de toute réclamation de l’administrateur de la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires;

c) les intérêts en matière d’amirauté sur ladite somme, à compter de la date et au taux que la Cour estimera équitables;

d) une ordonnance portant évaluation et vente du navire défendeur;

e) les dépens de la présente action;

f) une autre ordonnance portant réparation que la Cour estimera opportun de rendre compte tenu de la nature de l’affaire.

[21] Dans la défense qu’il a produite le 21 octobre 2016 en réponse à la demande de l’administrateur, Port of Bridgewater nie notamment être propriétaire du navire défendeur et avoir l’obligation d’indemniser l’administrateur.

[22] CMS et M. Hjelle ont déposé une défense et demande reconventionnelle dans le dossier T‑1453‑16. Ils nient être propriétaires du navire défendeur et avoir une quelconque responsabilité à l’égard des réclamations faites contre eux. Dans leur demande reconventionnelle contre l’administrateur, ils ont demandé les mêmes mesures de réparation que celles énoncées dans leur demande reconventionnelle contre Port of Bridgewater dans le dossier T‑745‑16.

[23] Par une ordonnance rendue le 2 décembre 2016, les deux actions ont été réunies en vertu de l’alinéa 105a) des Règles, et le dossier T‑1453‑16 a été désigné comme action type.

IV. LA PREUVE

A. T‑1453‑16

[24] Dans le dossier T‑1453‑16, l’administrateur a déposé trois affidavits à l’appui de sa requête en jugement sommaire, soit l’affidavit souscrit par Mme Legars le 13 avril 2016, l’affidavit souscrit par M. Michael Fegan le 19 avril 2016 et l’affidavit souscrit par Me Kurt R. Bonds le 23 avril 2016.

[25] Madame Legars occupe le poste d’administrateur. Elle a renvoyé dans son affidavit à un affidavit souscrit par M. Welsford dans le dossier T‑586‑15, qui porte sur une action intentée par Port of Bridgewater contre M. Hjelle, CMS et le navire défendeur.

[26] L’affidavit souscrit le 5 mai 2015 par M. Welsford a été établi en vue de l’obtention d’un mandat visant la saisie du navire défendeur. Dans cet affidavit, M. Welsford a affirmé qu’il détenait un droit de propriété sur le navire défendeur pour le compte du Port.

[27] Madame Legars a également renvoyé à un document relatif à la vente du navire défendeur effectuée en octobre 2009 conformément à une ordonnance de la Cour. Ce document, produit comme pièce B, comporte un acte de vente dans lequel CMS est désignée à titre d’acquéreure.

[28] Madame Legars a traité des travaux de décontamination exécutés entre le 27 février et le 4 juin 2015 par la Garde côtière canadienne relativement au navire défendeur. Elle a renvoyé à cet égard à un [traduction] « rapport détaillé » dressé par la Garde côtière canadienne. Ce document est joint à son affidavit en tant que pièce C.

[29] Monsieur Michael Fegan est évaluateur. Dans l’affidavit qu’il a souscrit le 19 avril 2018, il a fait état de sa présence sur les lieux entre le 11 mai et le 3 juin 2015, après l’inclinaison et le naufrage du navire défendeur et la présentation des comptes rendus relatifs à l’événement.

[30] Maître Kurt Bonds est un avocat américain qui exerce le droit dans l’État du Nevada. Il a fourni un avis juridique en réponse à certaines questions posées par l’avocat de l’administrateur au sujet de la qualité pour agir de la société CMS, de sa capacité à transférer des biens et de la date de n’importe quelle extinction ou restriction dont cette société aurait fait l’objet.

[31] Sont joints comme pièces à l’affidavit de Me Bonds divers documents, dont son avis juridique daté du 20 avril 2018. Dans cet avis, il affirme que la personnalité juridique de CMS a été dissoute de manière permanente à compter du « 10/01/16 ».

[32] Maître Bonds a en outre émis l’avis que le transfert du navire défendeur par CMS en faveur [traduction] « de l’entité de la Nouvelle‑Écosse était bon et valable ».

[33] Maître Bonds a en outre établi une distinction entre la [traduction] « révocation » de la charte de CMS le « 10/01/2011 » et sa révocation permanente le « 10/01/2016 ». À cette date, le droit de CMS de faire des affaires s’est éteint.

[34] Enfin, selon Me Bonds, le transfert par CMS en faveur [traduction] « de l’entité de la Nouvelle‑Écosse était bon et valable ».

[35] Cormorant a produit l’affidavit de M. Neil S. Hjelle à l’appui de sa requête. Dans cet affidavit souscrit le 25 avril 2016, M. Hjelle a témoigné au sujet de l’historique de ses liens avec le navire défendeur depuis 2009, lorsque CMS est devenue propriétaire de celui‑ci.

[36] Monsieur Hjelle a expliqué comment il avait participé avec M. Welsford à la vente du navire défendeur à NSL en 2013. Il s’est également penché sur la réclamation au titre des droits d’amarrage présentée par Port of Bridgewater et il a affirmé qu’une entente avait été conclue pour la régler.

B. T‑745‑16

[37] Au soutien de sa requête, Port of Bridgewater a déposé deux affidavits souscrits par M. Richard Welsford.

[38] Dans l’affidavit qu’il a souscrit le 3 mars 2018 à l’appui de la requête en jugement sommaire présentée par Port of Bridgewater, M. Welsford a abordé la question de la propriété du navire défendeur. Il a énoncé en outre le fondement de la réclamation relative aux droits d’amarrage s’élevant à 258 000 $ présentée par Port of Bridgewater.

[39] Monsieur Welsford a également témoigné au sujet des circonstances du naufrage du navire défendeur et il a affirmé que le naufrage avait été causé par les actes d’un tiers inconnu.

[40] Selon lui, CMS avait [traduction] « apparemment cessé d’exister avant n’importe quel transfert allégué » du navire défendeur.

[41] Dans son affidavit souscrit le 12 mai 2018, M. Welsford a déclaré être le président de la société Port of Bridewater. À son avis, la réclamation de Port of Bridgewater contre le navire défendeur constitue une demande réelle en ce qui concerne les frais liés à l’amarrage, à la dépollution environnementale et au sauvetage, ainsi que les dommages causés au quai du Port.

[42] Dans le mémoire des faits et du droit qu’elle a déposé le 18 mai 2018 en réponse à la requête présentée par l’administrateur, CMS et M. Hjelle, Port of Bridgewater a produit un second affidavit de M. Welsford.

[43] Dans l’affidavit qu’il a souscrit le 12 mai 2018, M. Welsford a soutenu qu’il voulait [traduction] « clarifier » le droit de propriété que Port of Bridgewater faisait valoir à l’égard du navire défendeur. Il a aussi donné un aperçu des efforts déployés par NSL pour vendre le navire défendeur.

[44] Monsieur Welsford a renvoyé à d’autres instances introduites devant la Cour, plus précisément le dossier T‑586‑18, et il a fait valoir à l’égard du navire défendeur un droit de propriété ayant priorité sur celui des autres demandeurs, au motif qu’il est propriétaire du quai où le navire défendeur était amarré depuis 2009.

[45] Monsieur Welsford a déclaré avoir constitué NSL en société [traduction] « quelques années auparavant » pour que le titre du navire défendeur puisse être enregistré et ainsi permettre une vente [traduction] « dans le respect des normes commerciales ».

[46] Monsieur Welsford a mentionné une [traduction] « entente » conclue avec M. Hjelle selon laquelle les droits d’amarrage impayés seraient prélevés sur le produit de la vente.

[47] Enfin, M. Welsford a ajouté que, selon sa [traduction] « compréhension », il avait été [traduction] « impossible » d’exécuter l’entente visant l’acquisition du navire défendeur, car, après la dissolution de CMS, le titre était passé au [traduction] « gouvernement ».

[48] L’administrateur a déposé l’affidavit de Mme Ann Legars en opposition à la requête présentée par Port of Bridgewater. Dans son affidavit souscrit le 8 mars 2016, Mme Legars a renvoyé à certains documents, joints comme pièces à son affidavit, qui concernent les communications entre M. Welsford et M. Hjelle en septembre et octobre 2013 au sujet de la vente proposée du navire défendeur à NSL.

[49] Une copie de l’acte de vente de CMS à NSL signé au Texas en octobre 2013 est jointe à l’affidavit de Mme Legars comme pièce B.

[50] La pièce C jointe à cet affidavit consiste en une copie d’une lettre datée du 27 février 2018 que l’avocat de l’administrateur a envoyée à l’avocat de CMS relativement à certaines dispositions de la loi du Nevada.

[51] Par une lettre en date du 14 mai 2016, l’administrateur a fait savoir qu’il ne répondrait pas à la requête déposée pour le compte de Cormorant et de M. Hjelle.

[52] Par un dossier de requête produit le 14 mai 2014, Cormorant a répondu à l’avis de requête déposé par Port of Bridgewater le 5 mars 2018.

[53] Monsieur Hjelle, Mme Legars et Me Bonds ont été contre‑interrogés relativement à leurs affidavits et la transcription de ces contre‑interrogatoires a été déposée le 6 juin 2018.

V. LES REQUÊTES

A. T‑1453‑16

[54] Dans sa requête, l’administrateur demande à la Cour de statuer sur la question de savoir qui était propriétaire du navire défendeur entre le 18 mars et le 27 mai 2015. Cette question tranchée, l’administrateur pourra alors recouvrer, en qualité de demandeur subrogé, les sommes payées à la Garde côtière canadienne par suite du naufrage du navire défendeur à Bridgewater, en Nouvelle‑Écosse, et du déversement subséquent d’hydrocarbures polluants.

[55] Port of Bridgewater demande à la Cour de rendre un jugement en matière réelle contre le navire défendeur pour une somme de 258 000 $, plus des intérêts après jugement au taux de 3 p. 100 par année jusqu’à la date du paiement.

[56] CMS et M. Hjelle demandent le rejet de toutes les demandes faites contre eux, soit celles visées par le dossier T‑1453‑16 introduit par l’administrateur de même que les demandes et demandes reconventionnelles présentées par Port of Bridgewater dans le dossier T‑745‑16.

[57] L’administrateur soutient que la Cour est saisie de tous les éléments de preuve nécessaires pour justifier la conclusion selon laquelle soit Port of Bridgewater, soit NSL est « propriétaire du navire » pour l’application de la Convention sur les hydrocarbures de soute et était un propriétaire au sens de la section 2 de la partie 6 de la Loi.

[58] Port of Bridgewater fait valoir que CMS n’avait pas la capacité juridique de transférer le navire défendeur en octobre 2013. Il soutient en outre que le gouvernement du Canada a omis d’enregistrer le navire défendeur à l’époque où il s’agissait d’un navire de guerre lui appartenant.

[59] Port of Bridgewater avance que, par suite de la dissolution de CMS dans son ressort d’origine, à savoir l’État du Nevada, aux États‑Unis d’Amérique, le droit de propriété de cette société à l’égard du navire défendeur a été dévolu à la Couronne du chef de la Nouvelle‑Écosse en application des principes de déshérence et des dispositions de la loi intitulée Corporations Miscellaneous Provisions Act, RSNS 1989, c 100.

[60] Port of Bridgewater prétend que l’omission, par le gouvernement du Canada, d’enregistrer le transfert de propriété, comme l’exige le paragraphe 46(3) de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, LC 2001, c 26, signifie que le droit de propriété n’a pas été valablement transféré.

[61] Selon Port of Bridgewater, la prétendue vente du navire défendeur à NSL ou à toute autre partie était inopérante en raison du défaut de CMS de produire ses déclarations jusqu’en octobre 2013.

[62] Port of Bridgewater soutient de plus que, comme CMS était une société dissoute, elle n’avait pas la capacité de vendre le navire défendeur et que, suivant les dispositions de la loi intitulée Corporations Miscellaneous Provisions Act, précitée, le droit de CMS a échu par déshérence à la Couronne du chef de la Nouvelle‑Écosse.

[63] CMS et M. Hjelle nient être propriétaires du navire défendeur et affirment que l’administrateur n’allègue pas non plus qu’ils le sont.

[64] Ils ajoutent que, selon l’administrateur, la question du droit de propriété est la question déterminante en l’espèce et ils reconnaissent simultanément qu’ils ne sont pas « propriétaires ». Le dossier T‑1453‑16 ne soulèverait donc contre eux aucune question véritablement litigieuse.

B. T-745-16

[65] Port of Bridgewater estime que la preuve relative à sa réclamation liée aux droits d’amarrage impayés s’élevant à 258 000 $ n’est pas contredite et qu’elle est étayée par l’affidavit de M. Welsford.

[66] L’administrateur est d’avis que l’inscription d’un jugement en matière réelle, à ce moment‑ci, est prématurée et préjudiciable aux droits d’autres demandeurs éventuels.

[67] De plus, selon l’administrateur, l’inscription d’un jugement en matière réelle [traduction] « ne peut être accordée tant que la Cour n’a pas tranché la question de la propriété ».

[68] CMS et M. Hjelle allèguent que les faits nécessaires pour établir le transfert du navire défendeur à NSL ont été mis en preuve et que NSL, Port of Bridgewater et M. Welsford ont reconnu l’existence de ce transfert.

[69] CMS et M. Hjelle font valoir que NSL, en contrepartie du transfert, a été dégagée de ses obligations au titre de la réclamation présentée par Port of Bridgewater à l’égard des droits d’amarrage. Ils affirment que le transfert de propriété a eu lieu en octobre 2013, soit bien avant le naufrage et les dommages à l’environnement dus à la pollution qui en ont résultés, et bien après le transfert de propriété.

VI. ANALYSE

[70] L’administrateur, CMS et M. Hjelle demandent le prononcé d’un jugement sommaire. Port of Bridgewater demande la tenue d’un procès sommaire et l’inscription d’un jugement contre le navire défendeur.

[71] Aux termes de l’article 215 des Règles, la Cour peut statuer sur une action de façon sommaire s’il « n’existe pas de véritable question litigieuse ».

[72] Dans la présente affaire, il s’agit de savoir s’il existe une véritable question litigieuse liée à la question de la propriété du navire défendeur.

[73] Les articles 213 à 218 des Règles régissent les requêtes en jugement sommaire soumises à la Cour fédérale. L’article 215 permet l’inscription d’un jugement sommaire et prévoit ce qui suit :

Absence de véritable question litigieuse

If no genuine issue for trial

215 (1) Si, par suite d’une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense, elle rend un jugement sommaire en conséquence.

215 (1) If on a motion for summary judgment the Court is satisfied that there is no genuine issue for trial with respect to a claim or defence, the Court shall grant summary judgment accordingly.

Somme d’argent ou point de droit

Genuine issue of amount or question of law

(2) Si la Cour est convaincue que la seule véritable question litigieuse est :

(2) If the Court is satisfied that the only genuine issue is

a) la somme à laquelle le requérant a droit, elle peut ordonner l’instruction de cette question ou rendre un jugement sommaire assorti d’un renvoi pour détermination de la somme conformément à la règle 153;

(a) the amount to which the moving party is entitled, the Court may order a trial of that issue or grant summary judgment with a reference under rule 153 to determine the amount; or

b) un point de droit, elle peut statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

(b) a question of law, the Court may determine the question and grant summary judgment accordingly.

Pouvoirs de la Cour

Powers of Court

(3) Si la Cour est convaincue qu’il existe une véritable question de fait ou de droit litigieuse à l’égard d’une déclaration ou d’une défense, elle peut :

(3) If the Court is satisfied that there is a genuine issue of fact or law for trial with respect to a claim or a defence, the Court may

a) néanmoins trancher cette question par voie de procès sommaire et rendre toute ordonnance nécessaire pour le déroulement de ce procès;

(a) nevertheless determine that issue by way of summary trial and make any order necessary for the conduct of the summary trial; or

b) rejeter la requête en tout ou en partie et ordonner que l’action ou toute question litigieuse non tranchée par jugement sommaire soit instruite ou que l’action se poursuive à titre d’instance à gestion spéciale.

(b) dismiss the motion in whole or in part and order that the action, or the issues in the action not disposed of by summary judgment, proceed to trial or that the action be conducted as a specially managed proceeding.

[74] L’article 216 des Règles régit les requêtes en procès sommaire. Les paragraphes 216(1) et 216(5) sont pertinents au regard de la requête présentée par Port of Bridgewater. Voici le texte de ces dispositions :

Procès sommaire

Summary Trial

Dossier de requête en procès sommaire

Motion record for summary trial

216 (1) Le dossier de requête en procès sommaire contient la totalité des éléments de preuve sur lesquels une partie compte se fonder, notamment :

216 (1) The motion record for a summary trial shall contain all of the evidence on which a party seeks to rely, including

a) les affidavits;

(a) affidavits;

b) les aveux visés à la règle 256;

(b) admissions under rule 256;

c) les affidavits et les déclarations des témoins experts établis conformément au paragraphe 258(5);

(c) affidavits or statements of an expert witness prepared in accordance with subsection 258(5); and

d) les éléments de preuve admissibles en vertu des règles 288 et 289.

(d) any part of the evidence that would be admissible under rules 288 and 289.

Rejet de la requête

Dismissal of motion

(5) La Cour rejette la requête si, selon le cas :

(5) The Court shall dismiss the motion if

a) les questions soulevées ne se prêtent pas à la tenue d’un procès sommaire;

(a) the issues raised are not suitable for summary trial; or

b) un procès sommaire n’est pas susceptible de contribuer efficacement au règlement de l’action.

(b) a summary trial would not assist in the efficient resolution of the action.

[75] Bien que l’administrateur, CMS et M. Hjelle demandent le prononcé d’un jugement sommaire sur le fondement des affidavits et des éléments de preuve déposés, et que Port of Bridgewater demande le prononcé d’un jugement après la tenue d’un procès sommaire, les mêmes principes généraux s’appliquent en l’espèce.

[76] La décision Moroccanoil Israel Ltd. c Lipton, 2013 CF 667, porte que, dans le cadre d’une requête en jugement sommaire, chaque partie a l’obligation de « présenter ses meilleurs arguments ».

[77] Les parties requérantes doivent établir qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse; voir Granville Shipping Co. c Pegasus Lines Ltd. S.A., [1996] 2 CF 853.

[78] L’administrateur doit donc établir qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse en ce qui touche la propriété du navire défendeur.

[79] CMS et M. Hjelle, pour leur part, doivent établir qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse en ce qui touche la question de leur droit de propriété à l’égard du navire défendeur.

[80] Port of Bridgewater doit établir qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse en ce qui touche son droit d’obtenir jugement au titre des droits d’amarrage contre le navire défendeur.

[81] L’article 75 de la Loi définit ainsi le terme « propriétaire » :

propriétaire S’entend de la personne qui a, au moment considéré, en vertu de la loi ou d’un contrat, les droits du propriétaire du navire en ce qui a trait à la possession et à l’usage de celui-ci. (owner)

owner means the person who has for the time being, either by law or by contract, the rights of the owner of the ship with respect to its possession and use. (propriétaire)

[82] L’article 1 de la Convention sur les hydrocarbures de soute prévoit ce qui suit :

3 Propriétaire du navire signifie le propriétaire, y compris le propriétaire inscrit, l’affréteur coque nue, l’armateur gérant et l’exploitant du navire.

3 Shipowner means the owner, including the registered owner, bareboat charterer, manager and operator of the ship.

[83] La Caisse d’indemnisation a été créée en vertu de la partie 7 de la Loi. La Loi autorise la Garde côtière canadienne à intervenir en cas d’incidents de pollution réels ou imminents et à présenter à la Caisse d’indemnisation une demande de remboursement des frais ainsi supportés.

[84] Les alinéas 77(1)a) et b) et le paragraphe 77(2) de la Loi énoncent le fondement législatif de la responsabilité qu’assument les propriétaires. Ces dispositions sont ainsi rédigées :

Responsabilité en matière de pollution et frais connexes

Liability for pollution and related costs

77 (1) Le propriétaire d’un navire est responsable :

77 (1) The owner of a ship is liable

a) des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par le navire;

(a) for oil pollution damage from the ship;

b) des frais supportés par le ministre des Pêches et des Océans, un organisme d’intervention au sens de l’article 165 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada ou toute autre personne au Canada pour la prise de mesures visant à prévenir, contrer, réparer ou réduire au minimum les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par le navire, y compris des mesures en prévision de rejets d’hydrocarbures causés par le navire, pour autant que ces frais et ces mesures soient raisonnables, de même que des pertes ou dommages causés par ces mesures;

(b) for the costs and expenses incurred by the Minister of Fisheries and Oceans, a response organization within the meaning of section 165 of the Canada Shipping Act, 2001 or any other person in Canada in respect of measures taken to prevent, repair, remedy or minimize oil pollution damage from the ship, including measures taken in anticipation of a discharge of oil from it, to the extent that the measures taken and the costs and expenses are reasonable, and for any loss or damage caused by those measures; and

Responsabilité : dommage à l’environnement

Liability for environmental damage

(2) Lorsque des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par un navire ont des conséquences néfastes pour l’environnement, le propriétaire du navire est responsable des frais occasionnés par les mesures raisonnables de remise en état qui sont prises ou qui le seront.

(2) If oil pollution damage from a ship results in impairment to the environment, the owner of the ship is liable for the costs of reasonable measures of reinstatement undertaken or to be undertaken.

[85] Les alinéas 71(1)a) et 71(1)b) de la Loi, dont le texte est reproduit ci‑dessous, sont également pertinents en l’espèce :

Responsabilité en matière de pollution et frais connexes

Liability for pollution and related costs

71 (1) La responsabilité du propriétaire d’un navire à l’égard des mesures de sauvegarde prévue par la Convention sur les hydrocarbures de soute vise également :

71 (1) The liability of the owner of a ship in relation to preventive measures, for the purposes of the Bunkers Convention, also includes

a) les frais supportés par le ministre des Pêches et des Océans, un organisme d’intervention au sens de l’article 165 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, toute autre personne au Canada ou toute personne d’un État étranger partie à cette convention pour la prise de mesures visant à prévenir, contrer, réparer ou réduire au minimum les dommages dus à la pollution causée par le navire, y compris les mesures en prévision de rejets d’hydrocarbures de soute causés par le navire, pour autant que ces frais et ces mesures soient raisonnables, de même que les pertes ou dommages causés par ces mesures;

(a) the costs and expenses incurred by the Minister of Fisheries and Oceans, a response organization within the meaning of section 165 of the Canada Shipping Act, 2001, any other person in Canada or any person in a state, other than Canada, that is a party to that Convention in respect of measures taken to prevent, repair, remedy or minimize pollution damage from the ship, including measures taken in anticipation of a discharge of bunker oil from it, to the extent that the measures taken and the costs and expenses are reasonable, and for any loss or damage caused by those measures; and

b) s’agissant des hydrocarbures de soute, les frais supportés par le ministre des Pêches et des Océans à l’égard des mesures visées à l’alinéa 180(1)a) de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, de la surveillance prévue à l’alinéa 180(1)b) de cette loi ou des ordres visés à l’alinéa 180(1)c) de la même loi et les frais supportés par toute autre personne à l’égard des mesures qu’il lui a été ordonné ou interdit de prendre aux termes de ce même alinéa, pour autant que ces frais et ces mesures soient raisonnables, de même que les pertes ou dommages causés par ces mesures.

(b) in relation to bunker oil, the costs and expenses incurred by

[...]

(i) the Minister of Fisheries and Oceans in respect of measures taken under paragraph 180(1)(a) of the Canada Shipping Act, 2001, in respect of any monitoring under paragraph 180(1)(b) of that Act or in relation to any direction given under paragraph 180(1)(c) of that Act to the extent that the measures taken and the costs and expenses are reasonable, and for any loss or damage caused by those measures, or

[86] Chaque partie requérante a l’obligation d’établir, selon la norme de preuve applicable en matière civile, qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse en l’espèce.

[87] La Cour doit en premier lieu trancher la question de savoir si l’administrateur a établi, à la lumière de la preuve produite, si Port of Bridgewater ou NSL est propriétaire du navire défendeur.

[88] Je ne suis pas convaincue par les arguments du Port selon lesquels l’omission du gouvernement canadien d’enregistrer la disposition d’un ancien navire gouvernemental, comme l’exige la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, précitée, est pertinente en l’espèce pour trancher la question de la propriété.

[89] CMS est devenue propriétaire du navire défendeur conformément à un acte de vente signé le 26 octobre 2009.

[90] CMS est constituée en société sous le régime des lois du Nevada. L’administrateur a obtenu une opinion d’expert de Me Kurt Bonds, avocat autorisé à exercer le droit dans l’État du Nevada. Dans son avis juridique, Me Bonds a exposé les conséquences, le cas échéant, de la [traduction] « dissolution » d’une société du Nevada sur sa capacité juridique.

[91] D’après l’avis juridique de Me Bonds, que j’accepte comme preuve d’expert, la capacité juridique de CMS de transférer le titre de propriété du navire défendeur par la signature de l’acte de vente pertinent en octobre 2013 était demeurée intacte. Me Bonds a affirmé dans son affidavit souscrit le 23 avril 2018 que la vente à NSL avait force exécutoire.

[92] Le droit du Nevada est un droit étranger, lequel doit être mis en preuve. Les seuls éléments de preuve concernant le droit des sociétés en vigueur au Nevada et les lois constitutives de CMS dans ce ressort ont été déposés par l’administrateur.

[93] Aucune preuve à l’effet contraire n’a été soumise par Port of Bridgewater ou par une autre partie.

[94] Je ne suis pas convaincue par l’argument du Port selon lequel l’omission de CMS de s’enregistrer à titre de société en Nouvelle‑Écosse a une incidence sur sa capacité juridique de signer un acte de vente à l’extérieur de cette province.

[95] Port of Bridgewater et NSL ont formulé des observations au sujet de l’absence de capacité juridique de NSL d’acquérir le titre de propriété du navire défendeur parce qu’elle avait été [traduction] « dissoute » en vertu des lois applicables de la Nouvelle‑Écosse.

[96] La loi intitulée Corporations Registration Act, RSNS 1989, c 101, prévoit les conséquences liées au défaut de payer les frais annuels, soit une sanction pécuniaire. Je souscris aux prétentions de l’administrateur voulant que cette loi n’envisage pas la dissolution d’une société comme conséquence du non‑paiement des frais annuels.

[97] À mon avis, il s’ensuit qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse quant à la capacité juridique de NSL de devenir propriétaire du navire défendeur.

[98] Selon moi, il n’existe pas non plus de véritable question litigieuse relativement à la capacité juridique de CMS de transférer le titre.

[99] Par ailleurs, je ne suis pas convaincue que l’administrateur s’est acquitté de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la vente du navire défendeur à NSL a été touchée.

[100] Les témoignages de M. Hjelle et de M. Welsford se contredisent. M. Welsford a témoigné par voie d’affidavit pour le compte de Port of Bridgewater.

[101] Dans le [traduction] « rapport détaillé » joint comme pièce C à l’affidavit souscrit par Mme Legars le 13 avril 2018, le nom de M. Welsford est mentionné à titre de [traduction] « propriétaire » du navire défendeur. Je renvoie à la page 22 du dossier de requête déposé par l’administrateur le 26 avril 2018.

[102] L’administrateur prétend que les règles régissant les jugements sommaires autorisent la Cour à statuer sur un point de droit : voir l’alinéa 215(2)b) des Règles.

[103] J’ai tranché deux points de droit concernant la capacité juridique de CMS à signer, en octobre 2013, un acte de vente en faveur de NSL.

[104] J’ai en outre tranché un point de droit au sujet de la capacité juridique de NSL d’accepter et de détenir des biens en octobre 2013.

[105] La question de la propriété du navire défendeur au moment pertinent ne constitue pas une « pure » question de droit. Il s’agit d’une question mixte de fait et de droit. Je ne suis pas convaincue, à la lumière de la preuve présentée, que cette question peut être tranchée de façon sommaire.

[106] Dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que me confèrent les articles 215 et 216 des Règles, je refuse d’accorder la réparation demandée par l’administrateur, CMS et M. Hjelle dans leurs requêtes respectives, et les requêtes seront rejetées.

[107] J’examinerai maintenant la requête en jugement sommaire présentée par Port of Bridgewater relativement à sa réclamation au titre des droits d’amarrage.

[108] Selon l’administrateur, CMS et M. Hjelle, il ne peut y avoir inscription d’un jugement en faveur du Port avant que la question de la propriété ne soit tranchée. Ils soutiennent que la responsabilité personnelle doit d’abord être établie.

[109] Soit dit en tout respect, je ne partage pas cet avis.

[110] En vertu de l’alinéa 22(2)s) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, la Cour a compétence maritime à l’égard des droits de bassin :

Compétence maritime

Maritime jurisdiction

22(2) Il demeure entendu que, sans préjudice de la portée générale du paragraphe (1), elle a compétence dans les cas suivants :

22(2) Without limiting the generality of subsection (1), for greater certainty, the Federal Court has jurisdiction with respect to all of the following:

s) une demande de remboursement des droits de bassin, de port ou de canaux, notamment des droits perçus pour l’utilisation des installations fournies à cet égard.

(s) any claim for dock charges, harbour dues or canal tolls including, without restricting the generality of the foregoing, charges for the use of facilities supplied in connection therewith.

[111] Suivant le paragraphe 43(3) de la Loi sur les Cours fédérales, précitée, le bien‑fondé d’une réclamation de cette nature peut être établi en l’absence de responsabilité personnelle. Cette disposition est ainsi rédigée :

Exception

Exception

43 (3) Malgré le paragraphe (2), elle ne peut exercer la compétence en matière réelle prévue à l’article 22, dans le cas des demandes visées aux alinéas 22(2) e), f), g), h), i), k), m), n), p) ou r), que si, au moment où l’action est intentée, le véritable propriétaire du navire, de l’aéronef ou des autres biens en cause est le même qu’au moment du fait générateur.

43(3) Despite subsection (2), the jurisdiction conferred on the Federal Court by section 22 shall not be exercised in rem with respect to a claim mentioned in paragraph 22(2)(e), (f), (g), (h), (i), (k), (m), (n), (p) or (r) unless, at the time of the commencement of the action, the ship, aircraft or other property that is the subject of the action is beneficially owned by the person who was the beneficial owner at the time when the cause of action arose.

[112] À mon avis, il était loisible à Port of Bridgewater de demander l’inscription d’un jugement avant qu’une décision relative à la propriété du navire défendeur soit rendue.

[113] Toutefois, la question de la suffisance de la preuve se pose encore une fois.

[114] Je souscris aux arguments formulés par l’administrateur, CMS et M. Hjelle selon lesquels la preuve produite par Port of Bridgewater à l’appui de sa réclamation au titre des droits d’amarrage est insuffisante. Ils signalent qu’aucune facture n’étaye la réclamation présentée par Port of Bridgewater. Cette réclamation tient de la nature de « dommages‑intérêts particuliers » et, à ce titre, elle doit faire l’objet d’une preuve précise.

[115] À ce stade-ci, le témoignage présenté dans l’affidavit souscrit le 3 mars 2018 par M. Welsford est insuffisant. La requête de Port of Bridgewater sera rejetée.

[116] Si les parties ne peuvent s’entendre sur la question des dépens, de brèves observations pourront être formulées. Une directive sera donnée pour fixer les délais à cet égard.

 


ORDONNANCE dans les dossiers T-1453-16 et T-745-16

LA COUR ORDONNE :

  • 1) La requête déposée par l’administrateur de la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires est rejetée, sous réserve. Si les parties ne peuvent s’entendre sur la question des dépens, de brèves observations pourront être présentées conformément à la directive qui sera donnée à cet égard.

  • 2) La requête déposée par Cormorant Marine Services Corporation et Neil S. Hjelle est rejetée, sous réserve. Si les parties ne peuvent s’entendre sur la question des dépens, de brèves observations pourront être présentées conformément à la directive qui sera donnée à cet égard.

  • 3) La requête déposée par Port of Bridgewater afin d’obtenir un jugement sommaire est rejetée, sous réserve. Si les parties ne peuvent s’entendre sur la question des dépens, de brèves observations pourront être présentées conformément à la directive qui sera donnée à cet égard.

« E. Heneghan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

T-1453-16

T-745-16

INTITULÉ :

PORT OF BRIDGEWATER c CORMORANT MARINE SERVICES CORPORATION et LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE CORMORANT ET LEDIT CORMORANT

LIEU DE L’AUDIENCE :

halifax (noUVELLE‑ÉCOSSE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LES 26 ET 27 juIn 2018

LE 5 MARS 2019

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :

lE 30 AVRIL 2019

COMPARUTIONS :

A. William Moreira

POUR Le demandeur

Daniel Watt

POUR LES DÉFENDEURS

NEIL S. HJELLE ET CORMORANT MARINE SERVICES CORPORATION

Jay Straith

POUR LES DÉFEndERESSES

PORT OF BRIDGEWOOD ET 3092714 NOVA SCOTIA LTD.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart McKelvey

Halifax (Nouvelle‑Écosse)

POUR Le demandeur

McInnes Cooper

Halifax (Nouvelle‑Écosse)

POUR LES DÉFENDEURS

McConnan Bion O’Connor & Perterson

Straith Law Corporation

Avocats

Nanaimo (Colombie‑Britannique)

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

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