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     Date : 19981106

     Dossier : T-2836-94

Ottawa (Ontario), le 6 novembre 1998

En présence de Monsieur le juge Muldoon

Entre

     KEN STEPHAN WILLIAM FEGOL,

     demandeur,

     - et

     SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

     REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

     défenderesse

     ORDONNANCE

    

     AYANT ENTENDU en son audience du 3 novembre 1998 à Winnipeg, en présence du demandeur comparaissant par lui-même et des avocats représentant la défenderesse, la requête du premier en révision des frais et dépens de 4 004,48 $ taxés et accordés par l'officier taxateur Charles E. Stinson,

     LA COUR DÉBOUTE le demandeur de sa demande de réexamen et confirme l'allocation des frais et dépens tels qu'ils ont été taxés, et

     LA COUR ORDONNE au demandeur de payer à la défenderesse la somme forfaitaire de 900,00 $ représentant les frais de cette procédure de réexamen, débours y compris, lesquels frais, ajoutés à la somme forfaitaire de 800,00 $ allouée à la défenderesse dans la procédure en outrage à la justice, peuvent être simplement défalqués de la somme de 4 004,48 $ que la défenderesse lui doit, ce qui fait qu'il reste 2 304,48 $ à verser par la défenderesse au demandeur.

     Signé : F.C. Muldoon

     ________________________________

     Juge

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     Date : 19981106

     Dossier : T-2836-94

Entre

     KEN STEPHAN WILLIAM FEGOL,

     demandeur,

     - et

     SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

     REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

     défenderesse

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge MULDOON

[1]      Il y a requête du demandeur en révision de la taxation des frais et dépens faite le 19 octobre 1998 par un agent taxateur dans cette affaire. Il avait présenté un mémoire de frais pour la somme de 47 714,29 $ mais, après taxation, l'officier taxateur a fixé les frais et dépens à 4 004,48 $.

[2]      Les faits à l'origine de l'instance sont rapportés de façon complète et exacte dans les passages suivants des motifs pris par l'officier taxateur :

     [1] Le ministre du Revenu national (le ministre) a, dans le dossier GST-127-94, certifié, en vertu de l'article 316 de la Loi sur la taxe d'accise, que le demandeur devait la somme de 8 014,03 $, plus intérêts. Le ministre a obtenu un bref d'exécution à l'intention du shérif du district judiciaire de Winnipeg, au Manitoba. Le demandeur, qui était alors représenté par un avocat, a réclamé [TRADUCTION] " la restitution de ses biens meubles que la défenderesse a illicitement saisis " et, à titre subsidiaire, une indemnité. Le ministre a ensuite demandé un sursis d'instance et, à titre subsidiaire, la permission d'envoyer un avis de mise en cause au shérif. Aux termes d'une ordonnance datée du 1er novembre 1994, le juge Cullen a suspendu la requête du demandeur et a mis en cause le shérif adjoint James Douglas, sous réserve du droit de M. Fegol [TRADUCTION] " d'introduire une action et d'y désigner nommément le mis en cause en question ".         
     [2] M. Fegol, toujours représenté par un avocat, a déposé dans le présent dossier une déclaration dans laquelle il désignait le shérif adjoint en question comme mis en cause, en plus d'y désigner Sa Majesté la Reine (Sa Majesté) comme défenderesse. Sa Majesté et le shérif adjoint ont tous les deux présenté une requête en comparution conditionnelle pour décliner la compétence de la Cour. Par ordonnance en date du 25 avril 1995, le protonotaire John A. Hargrave a rejeté la requête de Sa Majesté et statué que les dépens suivraient le sort de la cause. Il a toutefois accueilli la requête du shérif adjoint et a mis celui-ci hors de cause pour incompétence et lui a adjugé les dépens de la requête. Le 13 septembre 1996, le demandeur a déposé un avis de son intention d'agir en son propre nom. Aux termes de l'ordonnance rendue le 15 novembre 1996, et à la suite de l'avis de requête envoyé par l'avocat du demandeur, le protonotaire a permis à l'avocat de cesser d'occuper à la condition qu'il produise une preuve de la signification de l'avis de l'ordonnance. Cet avis a été donné le 2 décembre 1996. Aux termes d'un jugement en date du 31 mars 1998, le juge Campbell a condamné Sa Majesté à rembourser sans délai au demandeur la somme de 8 014,03 $, ainsi que les dépens de l'action sous le régime de la colonne V du tarif B. Dans les motifs qu'il a rédigés le même jour, le juge Campbell précise que la principale question qui était en litige au procès était celle de savoir si le demandeur pouvait se prévaloir de l'exonération dont bénéficie l'" équipement agricole " pour obtenir la mainlevée d'une saisie visant à compenser une dette fiscale impayée.         
     [3] Dans le dossier T-2836-94, le demandeur a déposé un mémoire de dépens qui couvre les incidents survenus dans le dossier GST-127-94. En établissant la date de la taxation, j'ai fixé les échéances pour l'échange de documents. Le demandeur a produit des pièces à l'appui, mais pas sous la forme d'un affidavit. Il a en effet produit un document modifiant la rubrique " débours " de son mémoire des dépens. Il a produit de la correspondance portant sur les pourparlers entamés en vue d'un règlement. Il a produit également une cession d'une créance d'environ 10 000 $ qu'il a consentie à son avocat en règlement de ses honoraires professionnels. Finalement, il a produit le compte du 21 février 1995 de son avocat, ainsi que quelques reçus.         

[3]      L'officier taxateur a judicieusement pris en considération les conclusions de l'une et l'autre parties ainsi que la jurisprudence pertinente, dont certaines décisions seront évoquées infra.

[4]      Un principe fondamental en la matière pose qu'il ne faut pas toucher à la taxation ou à l'exercice de l'officier taxateur de son pouvoir discrétionnaire (v. Diversified Products c. Tye-Sil Corp. (1991), 41 F.T.R. 227 en page 229 (C.F. 1re inst.)), à moins qu'il n'y ait eu erreur de droit ou que l'allocation ne soit disproportionnée ou déraisonnable au point de porter à croire qu'il y a eu erreur de principe. Ce dernier principe est parfaitement illustré par le passage suivant de l'arrêt IBM Canada Ltée c. Xerox of Canada Ltd., [1977] 1 C.F. 181, pages 184 et 185 (C.A.F.) :

     La théorie du droit sur la question de la révision de l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'un fonctionnaire taxateur pour allouer des montants spécifiques révèle clairement qu'un tribunal ne devrait intervenir que lorsque les montants accordés sont inappropriés ou que la décision est déraisonnable au point de sembler résulter d'une erreur de principe (Voir : Rickwood c. Aylmer, [1954] O.W.N. 858; Kaufman c. New York Underwriters Insurance Co., [1955] O.W.N. 496).         

[5]      Ce principe fait qu'il est assez difficile pour un juge d'infirmer la décision d'un fonctionnaire du greffe, versé en taxation des frais et dépens. C'est ce qu'a rappelé la Cour d'appel dans McCain Foods Ltd. c. C.M. McLean Ltd., [1981] 1 C.F. 534, en page 537, par cette référence à un passage souvent cité de Re Solicitors (1921), 20 O.W.N. 84, page 84 :

     Dans tous ces cas, il est extrêmement difficile pour un juge d'intervenir, lors d'un appel, à propos du montant alloué par un taxateur expérimenté. Néanmoins, il est important de comprendre que la règle, énoncée dans plusieurs affaires, selon laquelle il n'y a pas lieu de réviser, à l'occasion d'un appel, le montant d'honoraires, ce dernier étant à la discrétion du taxateur, n'est pas absolue. Dans nombre de cas, il est impossible de substituer le pouvoir discrétionnaire de la cour d'appel à celui de l'officier taxateur en étant certain que l'un est préférable à l'autre. Il est des cas où la somme allouée est si excessive qu'il faut la modifier. Il faut aussi se rappeler que la loi accorde un droit d'appel qui permet au juge d'apprécier.         

[6]      Il y a encore une autre restriction observée par la Cour, savoir que le rôle de l'autorité chargée de revoir la décision de l'officier taxateur consiste seulement à contrôler, et non à reprendre la question depuis le début ou à la lumière de preuves nouvelles; voir par exemple La Reine c. Capitol Life Insurance Co. (1988), 87 N.R. 153, en page 161 (C.A.F.) :

     Le rôle du juge consistait à contrôler la décision de l'officier taxateur, et non pas à reprendre la question depuis le début.         

[7]      Il y a encore un autre principe à rappeler utilement en l'espèce, savoir que l'officier taxateur doit avoir la preuve que l'article ou le débours réclamé était essentiel pour la conduite de l'action; voir par exemple Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corporation Ltd., op. cit., page 233, paragraphe 32.

[8]      C'est au regard de tous les principes susmentionnés qu'il faut examiner la taxation en cause. Au paragraphe 15, l'agent taxateur a exclu à juste titre de sa taxation les frais et dépens relatifs à une instance antérieure, GST-127-94. La référence au raisonnement qu'il avait tenu dans Buyers Transport Ltd. signifie que si cette affaire était un prolongement de l'instance GST, il appliquerait Buyers Transport, en d'autres termes que puisque le juge Cullen n'avait pas alloué de frais et dépens dans l'instance GST, l'officier taxateur n'avait pas le pouvoir de les allouer à sa place.

[9]      Au paragraphe 17, il a évoqué Laufer v. Bucklaschuk, décision en date du 9 juin 1998 de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, qui illustre le principe que les dommages-intérêts n'ont rien à voir avec les frais et dépens. Bien que M. Fegol ait pu accuser un certain manque à gagner en occupant pour lui-même dans l'instance, il est de règle qu'il ne peut réclamer des frais à ce titre. L'officier taxateur a marqué la distinction avec le " cas singulier " qu'est la cause McBeth v. Dalhousie (1986), 26 D.L.R. (4th) 320 (C.A.N.-É.) et correctement exposé les règles applicables en notre Cour.

[10]      La taxation était ordonnée au regard de la colonne V. Le paragraphe 18 porte sur le nombre d'unités à accorder pour la préparation et le dépôt de la déclaration. La colonne V prévoit pour ce service 7 à 13 unités. L'officier taxateur a motivé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire pour ramener les 13 unités réclamées à 10 unités, lesquelles s'expliquent par le fait que M. Fegol était alors représenté par avocat.

[11]      L'article suivant au paragraphe 18 consiste en 10 unités allouées pour la préparation de la réponse à la requête du 25 avril 1995 de la défenderesse. La colonne V prévoit pour ce service une fourchette de 5 à 11 unités. Dix unités représentent certainement un exercice généreux du pouvoir discrétionnaire en la matière.

[12]      L'officier taxateur a rejeté toutes les unités réclamées au titre de la préparation d'une requête de mise en cause, puisque la partie mise en cause s'était vu allouer les dépens de la requête.

[13]      L'officier taxateur semble excessivement généreux en accordant 5 unités pour la présence de l'avocat de M. Fegol à l'audition de la requête du 25 avril 1995. Cette allocation représente 500 $/heure. Je ne suis pas sûr que j'aurais accordé une seule unité car, la partie mise en cause s'étant vu allouer les dépens de la requête, M. Fegol ne peut guère réclamer les honoraires de son avocat à la Couronne.

[14]      L'article 13 du mémoire de frais (G27) comprend non seulement l'avis de changement d'avocat déposé le 13 septembre 1996 par le demandeur, mais aussi la requête de son avocat en autorisation de cessation d'occuper en novembre 1996. L'ordonnance du protonotaire du 15 novembre 1996 est muette au sujet des frais, puisque une partie occupant pour elle-même n'a pas droit aux frais, seulement aux débours. Le protonotaire avait parfaitement raison à cet égard, de même que l'officier taxateur.

[15]      La préparation de l'interrogatoire préalable a été autorisée au paragraphe 19 à raison de 8 unités. Cela semble un exercice raisonnable du pouvoir discrétionnaire puisque la colonne V prévoit 7 à 11 unités.

[16]      Au paragraphe 20 des motifs de taxation, le rejet de certains débours semble tenir à ce que ces derniers n'étaient pas essentiels pour la conduite de l'action.

[17]      Peut-être l'analyse de l'officier taxateur, ou sa " Décision " comme il l'appelle, en pages 12 à 15, est-elle un peu brève. Cependant, il montre, en rappelant en détail les arguments proposés par l'une et l'autre parties, qu'il a attentivement examiné toute la question.

[18]      Dans Rubin c. Canada (Procureur général), [1990] 3 C.F. 642, le juge Strayer, qui siégeait à l'époque à la Section de première instance, fait ressortir le principe en ces termes :

     Le demandeur, qui se qualifie lui-même de " personne qui fait de la recherche dans l'intérêt du public ", a plaidé lui-même sa cause depuis le début. Au moment de la taxation des dépens, il a réclamé dans son mémoire de frais un montant de 1 025 $ en honoraires d'avocat en vertu du paragraphe 1(1) du tarif B [Règles de la Cour fédérale , C.R.C., chap. 663 (mod. par DORS/87-221, art. 8)]. Les officiers taxateurs concernés étaient J. F. Cousineau et Raymond P. Guenette et, dans les motifs datés du 13 juillet 1989, celui-ci a refusé d'accorder au demandeur les honoraires d'avocat qu'il réclamait. Il est constant qu'en agissant ainsi, il s'en tenait à la lettre du tarif B, qui ne vise que " les services des avocats ", et à l'interprétation bien établie des Règles de notre Cour suivant laquelle les honoraires d'avocat ne sont pas taxés en faveur des plaideurs qui agissent pour leur propre compte. Voir, par ex., Davidson c. Canada (Solliciteur général) , [1989] 2 C.F. 341 (C.A.).         

                                                 (pages 644 et 645)

[19]      Le juge Strayer a encore souligné ce principe dans le passage suivant :

     Il est de jurisprudence constante que les Règles et le tarif B, tels qu'ils ont été interprétés par notre Cour, établissent une distinction entre les plaideurs qui agissent pour leur propre compte et ceux qui sont représentés par un avocat. Cela a été affirmé dans les termes les plus nets dans l'arrêt Davidson, dans lequel un avocat qui agissait pour lui-même s'est vu refuser la taxation d'honoraires d'avocat. Il me semble toutefois que pour obtenir gain de cause dans son action, le demandeur doit démontrer que cette distinction défavorable, dont il fait l'objet au même titre que tous les autres plaideurs qui plaident eux-mêmes leur cause, équivaut à une discrimination au sens du paragraphe 15(1) de la Charte. À cet égard, le juge McIntyre, qui s'exprimait au nom de la majorité de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Andrews c. Law Society of British Columbia ([1989] 1 R.C.S. 143, aux p. 181 et 182) a jugé qu'une simple distinction défavorable créée par la loi ne contrevenait pas automatiquement au paragraphe 15(1). Cette distinction doit constituer une discrimination.         

                                                 (page 647)

Le juge Strayer ne voyait aucune discrimination dans le refus d'allouer les honoraires d'avocat aux plaideurs qui occupent pour eux-mêmes.

[20]      En juin 1998 encore, la Cour d'appel fédérale a explicitement adopté le principe invoqué dams Rubin c. Canada (Procureur général), op. cit. La décision prononcée par le juge Marceau au nom de la Cour, Lavigne c. Ministère du Développement des ressources humaines et al., A-104-97 (8 juin 1998), est suffisamment brève pour être reproduite dans son intégralité :

         La Cour conclut à l'unanimité qu'elle ne peut infirmer la décision dont est appel. Le juge des requêtes n'avait d'autre choix que de confirmer que les plaideurs qui ne sont pas avocats inscrits au Barreau n'ont pas droit aux honoraires d'avocat prévus aux Règles de la Cour fédérale, après avoir occupé avec succès pour eux-mêmes en justice. Dans le cadre du tarif B de ces Règles, un plaideur ne peut pas assurer un service à lui-même. Il n'est pas loisible à l'autorité judiciaire, qu'il s'agisse de la Section de première instance ou de la Cour d'appel, de déroger à un texte réglementaire.         
         La Cour reconnaît que l'appelant n'a pas tort de dire qu'il serait inique de dénier aux plaideurs qui ne sont pas avocats et qui n'ont pas les moyens de retenir les services d'un avocat, certains frais et dépens qui pourraient les dédommager du temps qu'ils ont dû consacrer à l'affaire et de la " connaissance du droit " qu'ils ont dû déployer pour se conformer aux Règles afin de saisir le tribunal de leurs prétentions. Nous ne sommes pas sûrs que la règle 400(4) actuelle (la règle 344(4) ancienne) ne puisse s'appliquer dans une certaine mesure pour faire, dans des cas exceptionnels, ce que l'équité pourrait dicter à cet égard. Il est cependant indéniable qu'une modification de la Loi ou des Règles serait nécessaire pour reconnaître expressément aux plaideurs qui ne sont pas avocats, le droit à tout ou partie des honoraires qui ont été jusqu'ici formellement réservés aux avocats.         
         Pour ce qui est de savoir si la règle, telle qu'elle est actuellement applicable en la matière, porte atteinte aux droits protégés par la Charte, en particulier à ceux qui sont visés aux articles 7 et 15, ainsi que le soutient l'appelant, nous concluons qu'il n'en est rien, ainsi qu'en a décidé d'ailleurs la Cour dans Rubin c. Canada (P.G.), [1990] 3 C.F. 642.         
         L'appel doit être rejeté avec dépens, si l'intimé en fait la demande.         

[21]      L'argument du demandeur n'est nullement fondé, et il l'avilit encore par un semblant d'astuce. À l'audience, il fait valoir avec force que dans la cause Lavigne susmentionnée, la Cour d'appel a jugé que le plaideur occupant pour lui-même avait droit aux honoraires d'avocat dans les cas exceptionnels. Prié de dire où se trouve cette conclusion, il a cité la phrase du passage ci-dessus, qui commence par les mots " Nous ne sommes pas sûrs ", lesquels constituent eux-mêmes une expression d'incertitude dans un énoncé vague. Lorsque la Cour a attiré son attention sur la phrase suivante qui commence par les mots " Il est cependant indéniable ", lesquels sont une expression de certitude marquant un principe opposé à sa prétention, il a dit qu'il préférait la phrase commençant par " Nous ne sommes pas sûrs ", comme s'il s'agissait d'un jeu.

[22]      La Cour ne saurait dire que l'officier taxateur a mal appliqué les règles en vigueur, en particulier en ce qui concerne la question de savoir si les frais et dépens peuvent être alloués au plaideur qui occupe pour lui-même. Il reste donc à examiner si les réductions qu'il a faites sont disproportionnées ou excessives au point de porter à conclure à l'erreur de principe. Mais une lecture des motifs de la taxation, et je les ai lus et relus car certains passages ne s'enchaînent pas et obligent le lecteur à revenir en arrière, ne fait ressortir aucune véritable faiblesse qui justifierait un contrôle remettant sérieusement en question la manière dont il a exercé son pouvoir discrétionnaire. En effet, étant donné que le litige dans son ensemble n'était pas particulièrement complexe et ne s'est soldé que par un jugement portant recouvrement de 8 014,03 $, il appert que l'officier taxateur s'est montré bien généreux.

[23]      Que des plaideurs puissent occuper pour eux-mêmes et se passer des services d'un avocat est clairement et indéniablement l'effet incident d'une société libre et démocratique. Certains doivent peut-être renoncer à leurs droits contentieux, réels ou imaginaires, parce qu'il leur est impossible d'y consacrer le temps nécessaire tout en vaquant à leur " occupation quotidienne ". Cette difficulté réduit à néant le droit qu'il pourraient faire valoir. Les législateurs et les autorités de réglementation ne sont certainement pas dépourvus d'imagination au point de ne pouvoir trouver le moyen d'indemniser les plaideurs qui gagnent leur cause sans l'assistance d'un avocat, de leur temps et de leur effort, sans pour autant ouvrir les vannes.

[24]      En l'espèce, M. Fegol avait engagé cette procédure les yeux grand ouverts. Il promet qu'elle ira au moins jusqu'en Cour suprême du Canada. La défenderesse ne contestait pas la taxation des frais, il aurait donc pu prendre les 4 004,48 $ en toute quiétude; mais comme il a dérangé en vain la défenderesse à deux reprises, il doit en payer le prix.

[25]      La Cour fixe les frais et dépens de cette futile contestation de la taxation des frais à la somme forfaitaire de 900,00 $. Ainsi que l'a ordonné la Cour la semaine dernière à l'issue de l'instance en outrage à la justice, introduite en vain par le demandeur contre le ministre et d'autres fonctionnaires pour ne pas avoir payé sur-le-champ les 4 004,48 $ taxés le 19 octobre 1998, les frais et dépens de cette dernière instance, fixés à 800,00 $, peuvent être défalqués de la somme de 4 004,48 $ que lui doit la défenderesse. Il en est de même des frais de 900,00 $ susmentionnés.

[26]      Les frais et dépens combinés de 1 700,00 $, auxquels est condamné M. Fegol, peuvent être défalqués de la somme de 4 004,48 $ que la défenderesse lui doit, ce qui fait qu'il reste 2 304,48 $ qu'elle doit lui verser dès que les formalités nécessaires pour l'émission d'un chèque sont remplies.

     Signé : F.C. Muldoon

     ________________________________

     Juge

Ottawa (Ontario),

le 6 novembre 1998

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER No :              T-2836-94
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Ken Stephan Fegol c. Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre du Revenu national

LIEU DE L'AUDIENCE :          Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :      3 novembre 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE MULDOON

LE :                      6 novembre 1998

ONT COMPARU :

Ken Fegol                      occupant pour lui-même

Duncan Fraser                  pour la défenderesse

Perry Derksen

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ken Fegol                      occupant pour lui-même

M. Morris Rosenberg              pour la défenderesse

Sous-procureur général du Canada

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