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Date : 20060324

Dossier : IMM-1509-06

Référence : 2006 CF 376

Ottawa (Ontario), le 24 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

ENTRE :

MARY REGINA JESUDHAS MANOHARARAJ

MARY JEYANTHINI JESUDHAS MANOHARARAJ

demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]                Les demanderesses n'ont pas tenu compte d'une ordonnance par laquelle la Cour a rejeté une requête en sursis antérieure. Elles ont présenté plusieurs demandes afin de régulariser leur statut, mais sans succès. Il n'y a aucune raison de retarder encore leur renvoi.

LE CONTEXTE

[2]                Les demanderesses sont arrivées au Canada en 1997 et elles ont présenté une demande d'asile, qui a été rejetée en septembre 1998. La cour a refusé l'autorisation de contrôle de cette décision en janvier 1999.

[3]                Les demanderesses ont antérieurement présenté une demande de résidence permanente fondée sur des raisons d'ordre humanitaire (une demande CH), qui a été rejetée. Les demanderesses ont présenté une demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR), qui a été rejetée. La Cour a rejeté les demandes d'autorisation concernent ces décisions.

[4]                Le renvoi des demanderesses a été fixé à avril 2004. Elles ont présenté une requête en sursis de leur renvoi. Cette requête a été rejetée.

[5]                Lorsque la Cour a rejeté la requête en sursis, elle n'a rien trouvé à redire à l'évaluation de risque faite par l'agent d'ERAR (Jesudhasmanohararaj c. Canada (Solliciteur général), 2004 C.F. 596, [2004] A.C.F. no 727 (QL).

[6]                Les demanderesses ne se sont pas présentées pour leur renvoi et un mandat d'arrestation a été lancé contre elles.

[7]                Les demanderesses ont été arrêtées en mars 2006 et la date de renvoi a été fixée.

[8]                Les demanderesses allèguent que leur « domicile » dans Chempianpattu (Sri Lanka) a été détruit par le tsunami qui a frappé le 26 décembre 2004.

[9]                Dans le formulaire de renseignements personnels qu'elle a déposé relativement à sa demande d'asile, la demanderesse adulte a allégué qu'elle ne savait pas où se trouvait son mari.

[10]            Devant la Section de la protection des réfugiés, les demanderesses ont reconnu que cela était faux et qu'elles voulaient s'attirer la sympathie des autorités.

[11]            Les demanderesses ont témoigné devant la Section de la protection des réfugiés que le mari de la demanderesse adulte vivait à Mannar, et qu'il avait travaillé au service d'un organisme gouvernemental sri-lankais depuis 1985.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[12]            Les demanderesses n'ont pas rempli le critère d'octroi du sursis à l'exécution de la mesure de renvoi, qui comporte trois volets : (1) elles n'ont pas soulevé de question sérieuse, (2) il y a absence de preuve manifeste d'un préjudice irréparable, (3) la prépondérance des inconvénients favorise le ministre.

*     *    *

Considérations préalables à l'application du critère à trois volets

[13]            Il est important de signaler que les demanderesses ont délibérément choisi de désobéir à une ordonnance d'expulsion valide, et qu'un mandat d'arrestation a été lancé contre elles. Elles étaient représentées par un avocat à l'époque. Ce n'est qu'après leur arrestation qu'elles se sont adressées à la Cour.

[14]            La Cour a statué que le sursis peut être refusé à ceux qui n'ont pas les mains propres, notamment ceux qui désobéissent délibérément aux ordonnances d'expulsion valides. (Araujo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (le 27 août 1997), IMM-3660-97 (C.F. 1re inst.) Ilyas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1er décembre 2000), IMM-6126-00 (C.F. 1re inst.)).

[15]            En l'espèce, les demanderesses ont fait fi d'une ordonnance d'expulsion valide. Elles ont donc à dessein enfreint les lois d'immigration canadiennes et elles ont sapé l'intégrité du système. Le défendeur soutient que ce seul motif justifie le rejet de la présente demande. (Homex Reality and Development Co. c. Wyoming (Village), [1980] 2 R.C.S. 1011; voir aussi Basu c. Canada, [1992] 2 C.F. 38 (C.F. 1re inst.).

*     *     *

LA QUESTION SÉRIEUSE

[16]            Si la Cour accueillait la présente requête, à toutes fins pratiques, elle accorderait aux demanderesses la mesure qu'elles ont demandé dans le cadre de la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire (c'est-à-dire le report du renvoi). La Cour doit donc se livrer à un examen plus poussé du fond de la présente demande :

50.        Une fois convaincu qu'une réclamation n'est ni futile ni vexatoire, le juge de la requête devrait examiner les deuxième et troisième critères, même s'il est d'avis que le demandeur sera probablement débouté au procès. Il n'est en général ni nécessaire ni souhaitable de faire un examen prolongé du fond de l'affaire.

51.        Il existe deux exceptions à la règle générale selon laquelle un juge ne devrait pas procéder à un examen approfondi sur le fond. La première est le cas où le résultat de la demande interlocutoire équivaudra en fait au règlement final de l'action. Ce sera le cas, d'une part, si le droit que le requérant cherche à protéger est un droit qui ne peut être exercé qu'immédiatement ou pas du tout, ou, d'autre part, si le résultat de la demande aura pour effet d'imposer à une partie un tel préjudice qu'il n'existe plus d'avantage possible à tirer d'un procès. En fait, dans l'arrêt N.W.L. Ltd. c. Woods, [1979] 1 W.L.R. 1294, à la p. 1307, lord Diplock a modifié le principe formulé dans l'arrêt American Cyanamid :

[TRADUCTION]    Toutefois, lorsque l'octroi ou le refus d'une injonction interlocutoire aura comme répercussion pratique de mettre fin à l'action parce que le préjudice déjà subi par la partie perdante est complet et du type qui ne peut donner lieu à un dédommagement, la probabilité que le demandeur réussirait à établir son droit à une injonction, si l'affaire s'était rendue à procès, constitue un facteur dont le juge doit tenir compte lorsqu'il fait l'appréciation des risques d'injustice possibles selon qu'il tranche d'une façon plutôt que de l'autre.

Cette exception pourrait bien englober les cas où un requérant cherche à faire interdire le piquetage. Plusieurs décisions indiquent que cette exception est déjà appliquée dans une certaine mesure au Canada.

...

54.        Les circonstances justifiant l'application de cette exception sont rares. Lorsqu'elle s'applique, le tribunal doit procéder à un examen plus approfondi du fond de l'affaire. Puis, au moment de l'application des deuxième et troisième étapes de l'analyse, il doit tenir compte des résultats prévus quant au fond.

RJR- MacDonald Inc. c. Canada (Attorney General), [1994] 1 R.C.S. 311;

voir aussi: Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2001) 204 F.T.R. 5, 13 Imm. L.R. (3d) 289.

[17]            Dans la décision Sklarzyk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 336, [2001] A.C.F. no 579 (QL), le juge Edmond Blanchard a abondé dans le même sens et a ainsi statué :

Accueillir la présente requête reviendrait en fait à accorder la réparation demandée dans la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire sous-jacente des demandeurs (i.e. le sursis du renvoi). Dans de tels cas, j'accepte que la Cour doit procéder à un examen plus approfondi du fond de l'affaire. Puis, au moment de l'application des deuxième et troisième étapes de l'analyse, il faut tenir compte des résultats prévus quant au fond (non souligné dans l'original).

Dans l'affaire Moray c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (le 30 avril 2002), IMM-1751-02 (C.F. 1re inst.), la Cour a fait les observations suivantes :

[TRADUCTION] [...] La question en jeu dans la demande de contrôle judiciaire sous-jacente est constituée par la décision de l'agent chargé du renvoi de ne pas différer le renvoi, de sorte que la Cour doit se demander non seulement si une question sérieuse a été soulevée, mais aussi examiner de manière plus approfondie la demande au fond et les chances de succès du demandeur : Wang c. Canada (M.C.I.), [2001] C.F. 682 (1re inst.).

[18]            La validité de l'ordonnance de renvoi n'est pas en doute.

[19]            Le pouvoir discrétionnaire dont dispose l'agent chargé du renvoi est très limité et, de toute manière, il se restreint au choix de la date d'exécution de la mesure de renvoi. Lorsque l'agent chargé du renvoi décide si « les circonstances [...] permettent » d'exécuter l'ordonnance de renvoi, il peut prendre en compte plusieurs facteurs, comme la maladie, les autres obstacles aux développements, et les demandes CH pendantes qui ont été présentées dans les délais mais qui sont toujours en souffrance en raison des arriérés dans le système. (Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 187 F.T.R. 219, 7 Imm. L.R. (3d) 141; Paterson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 4 Imm. L.R. (3d) 65 (C.F. 1re inst.); Jmakina c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 3 Imm. L.R. (3d) 198 (C.F. 1re inst.); Poyanipur c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] 116 F.T.R. 4 (C.F. 1re inst.); Wang, précité; Pavalaki c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (10 mars 1998), IMM-914-98 (C.F. 1re inst.), [1998] A.C.F. no 338 (QL); Olcese c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (15 avril 2002), IMM-1650-02 (C.F. 1re inst.).

[20]            L'agent chargé du renvoi n'est pas tenu d'effectuer l'examen d'une mini-demande CH lorsque les dispositions de renvoi ont été prises et lorsque le renvoi de la demanderesse est imminent. Voir Simoes, précité.

[21]            Les demanderesses n'ont pas fait valoir d'argument sérieux à l'appui de leur prétendu droit légal que soit rendue une décision concernant leur demande CH avant leur renvoi.

[22]            Le défendeur n'est pas légalement tenu de différer le renvoi dans l'attente de la décision relative à la demande CH. La Cour a formulé le principe pertinent en ces termes :

Accorder le sursis en vertu de l'article 18.2 de la Loi sur la Cour fédérale s'avère particulièrement peu indiqué lorsque la décision dont le contrôle est encore en cours est de celles que vise le paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration. Les demandes de sursis ne sont assujetties à absolument aucune restriction : elles peuvent être présentées n'importe quand et sans limite quant au nombre de fois. On connaît trop bien le scénario, dont les événements en l'espèce ne sont qu'un seul exemple : une mesure d'expulsion est prise et soit qu'elle n'est pas contestée en cette Cour, soit que la contestation est rejetée. Des mois ou des années s'écoulent, sans que la mesure ne soit exécutée. Pendant ce temps une demande fondée sur le paragraphe 114(2) a peut-être été présentée et rejetée; ou peut-être encore qu'aucune n'a été présentée. Finalement, on fait savoir à la personne visée par la mesure d'expulsion qu'elle sera renvoyée du pays à telle date. La personne en question fait par la suite une demande fondée sur le paragraphe 114(2). Ou bien celle-ci est rejetée juste avant la date fixée pour le départ, ou bien aucune décision n'a encore été rendue. Une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire est alors présentée à l'égard de la décision prise en vertu du paragraphe 114(2) et le sursis au renvoi est sollicité. C'est probablement parce que l'expulsion ne tient Pas légalement à ce qu'il soit dûment statué sur de telles demandes que la Loi ne prescrit aucune restriction quant au moment et à la fréquence de la présentation de celles-ci. Malgré l'obligation d'agir équitablement à l'égard des demandes fondées sur le paragraphe 114(2), la décision est discrétionnaire, étant de celles que le ministre peut prendre avant ou après le renvoi d'une personne qui n'a, du point de vue légal, aucun droit d'être au Canada. Pourvu qu'il exerce son pouvoir discrétionnaire pour des motifs d'ordre humanitaire, le ministre peut à tout moment recommander qu'une personne soit soustraite à l'application d'un règlement ou faciliter de toute autre manière l'admission de cette personne. Voilà donc un pouvoir de vaste portée qui existe tout à fait indépendamment du processus d'expulsion, l'un n'étant pas tributaire de l'autre. Certes, sur le plan pratique, si quelqu'un demande en temps voulu d'être exempté de l'obligation de présenter à l'extérieur du Canada sa demande de résidence permanente, et s'il arrive que le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire en accédant à cette demande avant que le demandeur ne soit expulsé en exécution d'une mesure d'expulsion valide, ce demandeur ne sera pas tenu de quitter le Canada. Mais cela ne justifie nullement l'intervention de la Cour si, en fait, aucune décision n'a été rendue relativement à la demande fondée sur le paragraphe 114(2) avant le départ légalement ordonné du demandeur.

(Shchelkanov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1994), 76 F.T.R. 151; voir aussi Okoawoh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 24 (QL); Stampp c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 261 (QL); Matadeen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (22 juin 2000), IMM-3164-00 (1re inst.); Simoes, précité; Csanyic. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 758 (QL); Herrera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 660 (QL)).

[23]            Si les demanderesses voulaient faire en sorte que leur demande présentée en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration soit entendue avant leur renvoi, c'est à elles qu'il revenait de la présenter plus tôt (Francis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 31 (QL)).

[24]            Les demanderesses allèguent qu'il y a des circonstances exceptionnelles qui leur permettent de rester au Canada : le tsunami qui a fait rage en décembre 2004. À supposer que ces allégations soient vraies, les demanderesses n'ont fait valoir aucun motif pour lequel elles ont attendu jusqu'en mai 2005 pour présenter leur demande CH.

[25]            La présente requête constitue un exemple d'application du principe énoncé dans Shchelkanov, précité. Les demanderesses, qui ont vu rejetée une demande CH, en ont présenté une autre et ils demandent maintenant à la Cour de différer leur renvoi pour ce motif.

[26]            L'agent chargé du renvoi n'est même pas tenu de tenir une enquête semblable à une « pré-demande CH » . L'agent n'est pas non plus tenu de prendre connaissance des observations de la demanderesse; cependant, la Cour signale que, en l'espèce, l'agent d'immigration a fait des efforts pour examiner les observations et la situation des demanderesses. L'argument principal qu'elles font valoir afin de faire différer leur renvoi est qu'il y a une demande CH pendante. (Simoes, précité; Rettegi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 153, [2002] A.C.F. no 194 (QL); Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2002 CFPI 853, [2002] A.C.F. no 1133 (QL)).

[27]            L'agente chargée du renvoi a pris en compte le pouvoir discrétionnaire extraordinaire évoqué dans les décisions Simoes et Wang.

[28]            L'agent chargé du renvoi ne constitue pas un tribunal de la dernière chance chargé d'examiner tous les facteurs qui sont étudiés à d'autres stades du processus. Il s'ensuit donc que l'on ne peut pas conclure que l'agente chargée du renvoi a commis une erreur parce qu'elle n'a pas agi comme un tribunal CH de la dernière chance. (Davis and Taylor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (21 juillet 2000), IMM-3813-00 (C.F. 1re inst.); Smith c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 388, [2001] A.C.F. no 632 (QL); Mariona c. Canada (M.C.I.) (19 septembre 2000), IMM-4829-00)).


LA QUESTION DU PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

[29]            Le préjudice irréparable ne doit pas reposer sur des conjectures et il ne peut pas être fondé sur une série de possibilités. La Cour doit être convaincue que ce préjudice se produira si la mesure sollicitée n'est pas accordée :

Le demandeur, sans explication, n'a pas soumis son propre affidavit au soutien de la présente requête, ce qui m'empêche de conclure qu'il subira un préjudice irréparable en raison de son retour au Pakistan.

Mohammad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1327, [2001] A.C.F. no 1842; voir aussi Syntex Inc. c. Novopharm Ltd. (1991), 36 C.P.R. (3d) 129 (C.A.F.); Atakora c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 826 (C.F. 1re inst.); Younge c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 4 (QL); Alonzo c. Canada (M.C.I.), [1998] A.C.F. no 1794 (QL)).

[30]            Les demanderesses soutiennent que « leur domicile » à Chempianpattu a été détruit par un tsunami. Les demanderesses n'habitent pas au Sri Lanka depuis plus de 9 ans. Lorsqu'elles ont quitté leur pays, elles ne vivaient pas à Chempianpattu.

[31]            Les demanderesses ont fait des déclarations contradictoires devant la Section de la protection des réfugiés au sujet du lieu de résidence du mari de la demanderesse, afin de s'attirer la sympathie des autorités : elles ont témoigné qu'il vivait à Mannar.

[32]            Dans les circonstances, les demanderesses ne subiront pas de préjudice, comme elles l'allèguent.

[33]            Quoiqu'il en soit, la Section de la protection des réfugiés a signalé que les demanderesses ont beaucoup de liens familiaux à Colombo, qui n'a pas été touché par le tsunami.

[34]            Le préjudice irréparable invoqué par les demanderesses est constitué par les conséquences de l'expulsion. Ce n'est pas le genre de préjudice visé par le critère à trois volets. Le juge Denis Pelletier s'est exprimé en ces termes :

[...] pour que l'expression « préjudice irréparable » conserve un peu de sens, elle doit correspondre à un préjudice au-delà de ce qui est inhérent à la notion même d'expulsion. Être expulsé veut dire perdre son emploi, être séparé des gens et des endroits connus. L'expulsion s'accompagne de séparations forcées et de coeurs brisés.

Melo c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 403, aux paragraphes 20 et 21 (C.F. 1re inst.).

[35]            Lorsque l'agent d'exécution fixe la date du renvoi, son rôle n'est pas d'effectuer une évaluation de risque de « dernière minute » . Comme la Cour l'a explicité, « l'agent de renvoi ne peut examiner cette demande [d'évaluation des risques] que lorsque le risque allégué est évident et très grave et qu'il était impossible de l'invoquer précédemment » (Jamal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 494, [2001] A.C.F. no 766).

[36]            La Section de la protection des réfugiés et un agent se sont prononcés sur le risque que la demanderesse a invoqué et leur conclusion a été défavorable. La Cour a rejeté les demandes de contrôle judiciaire de ces décisions. Les demanderesses ne peuvent donc pas s'appuyer sur les mêmes allégations de risque afin de prétendre qu'elles subiraient un préjudice irréparable.


LA QUESTION DE LA PRÉPONDÉRANCE DES INCONVÉNIENTS

[37]            Les demanderesses n'ont pas rempli le troisième et dernier volet du critère; en effet, la prépondérance des inconvénients favorise le ministre et non pas la demanderesse (RJR-MacDonald, précité).

[38]            Les inconvénients que les demanderesses pourraient subir par suite de leur renvoi du Canada ne l'emportent pas sur l'intérêt public, qui exige que soit respecté l'article 48 de Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2002, ch. 27, et sur lequel le défendeur insiste.

CONCLUSION

[39]            Les demanderesses ont pu exercer plusieurs recours afin de faire régulariser leur statut au Canada. À ce stade, le renvoi des demanderesses n'est ni illicite ni injuste (Diaz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 135 F.T.R. 235), [1997] A.C.F. no 1102 (QL).

[40]            La requête est donc rejetée.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la requête soit rejetée.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-1509-06

INTITULÉ :                                        MARY REGINA JESUDHAS MANOHARARAJ

                                                            MARY JEYANTHINI JESUDHAS MANOHARARAJ

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE

LA PROTECTION CIVILE DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 23 MARS 2006 (PAR TÉLÉCONFÉRENCE)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE: LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :                       LE 24 MARS 2006

COMPARUTIONS :

Jeinis S. Patel

POUR LES DEMANDERESSES

David Tyndale

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Jeinis S. Patel

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

John H. SIMS, c.r.

Sour-ministre de la Justice et

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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