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Date : 19980821


T-1727-97

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 21 AOÛT 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE GIBSON

     AFFAIRE INTÉRESSANT une demande d'ordonnance présentée en vertu du

     paragraphe 55.2(4) de la Loi sur les brevets et de l'article 6 du

     Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)

    

E n t r e :

     MERCK & CO., INC. et

     MERCK FROSST CANADA INC.,

                                     demanderesses,

     et

     NOVOPHARM LIMITED et

     MINISTRE DE LA SANTÉ,     

                                     défendeurs.

     ORDONNANCE

     STATUANT SUR la demande présentée au nom des demanderesses en vue d'obtenir :

     A.      Une ordonnance interdisant au ministre de la Santé (le ministre), en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (le Règlement), de délivrer à l'intimée Novopharm Limited (Novopharm) un ou des avis de conformité en vertu de l'article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues relativement à des comprimés contenant comme substance active un composé pharmaceutique désigné sous le nom de maléate d'énalapril, tant que les lettres patentes canadiennes 1 275 349 (le brevet 349) ne seront pas expirées, le 16 octobre 2007;
     B.      Une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité relativement aux comprimés de 5, de 10 ou de 20 mg de maléate d'énalapril qui sont visés à l'avis d'allégation en date du 25 juin 1997 qui sont ci-après définis et au sujet desquels Novopharm revendique la protection prévue à l'article 56 de la Loi sur les brevets;
     C.      À titre subsidiaire, une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité relativement à tout comprimé de maléate d'énalapril autre que des comprimés contenant comme substance active du maléate d'énalapril protégé par l'article 56 de la Loi sur les brevets;
     D.      À titre subsidiaire, une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité relativement à tout comprimé de maléate d'énalapril autre que des comprimés fabriqués à partir de matières premières en vrac protégées par l'article 56 de la Loi sur les brevets;
     E.      À titre plus subsidiaire, une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité relativement à tout comprimé de maléate d'énalapril contenant comme substance active du maléate d'énalapril fabriqué à partir de maléate d'énalapril qui a été soumis à un processus chimique de nouvelle purification après le 17 octobre 1990, date de délivrance du brevet 349;
     F.      À titre plus subsidiaire encore, une ordonnance enjoignant au ministre de suspendre, tant que le brevet 349 ne sera pas expiré, tout avis de conformité délivré à Novopharm une fois que celle-ci aura épuisé son stock de matières premières en vrac protégées par l'article 56 de la Loi sur les brevets;
     G.      Une ordonnance annulant l'avis d'allégation de Novopharm en date du 25 juin 1997;
     H.      Toute autre ordonnance que la Cour jugera à propos de rendre;
     I.      Les dépens de la présente instance;
     LA COUR :
         REJETTE la demande;

         CONDAMNE les demanderesses à payer à la défenderesse Novopharm Limited les dépens de la présente demande;

         DÉCLARE que, sur réception des observations écrites que les parties pourront lui soumettre en conformité avec les motifs de la présente ordonnance, la Cour examinera l'opportunité de donner des directives à l'officier taxateur qui sera appelé à liquider les dépens;

         N'ADJUGE aucuns dépens en ce qui concerne le ministre de la Santé défendeur.

     FREDERICK E. GIBSON

                             Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


Date : 19980821


T-1727-97

     AFFAIRE INTÉRESSANT une demande d'ordonnance présentée en vertu du

     paragraphe 55.2(4) de la Loi sur les brevets et de l'article 6 du

     Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)

    

E n t r e :

     MERCK & CO., INC. et

     MERCK FROSST CANADA INC.,

                                     demanderesses,

     et

     NOVOPHARM LIMITED et

     MINISTRE DE LA SANTÉ,     

                                     défendeurs.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

GENÈSE DE L'INSTANCE

[1]      Les présents motifs font suite à la demande présentée par Merck & Co., Inc. et Merck Frosst Canada (Merck) en vue d'obtenir une ordonnance fondée sur l'article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)1 (le Règlement). Merck sollicite notamment une ordonnance interdisant au ministre de la Santé (le ministre) de délivrer un ou des avis de conformité en vertu de l'article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues2 à la défenderesse Novopharm Limited (Novopharm) relativement aux comprimés de 5 mg, de 10 mg et 20 mg d'un médicament désigné sous le nom de maléate d'énalapril, tant que le brevet canadien 1 275 349 (le brevet) ne sera pas expiré3. Merck & Co. est titulaire du brevet. Merck Frosst Canada Inc. possède la licence canadienne exclusive relativement à ce brevet.

CONTEXTE

[2]      Le 4 septembre 1990, Novopharm a envoyé à Delmar Chemicals Limited (Delmar) un bon d'achat en vue d'acheter 100 kg de maléate d'énalapril. Le bon d'achat prévoyait ce qui suit :

             [TRADUCTION]             
             Le produit doit répondre aux normes de la DGPS [Direction générale de la protection de la santé du Ministère de la Santé]. La délivrance du brevet avant la fabrication du produit entraîne la nullité absolue du présent bon d'achat et dégage les parties de toute obligation. Le fabricant peut au besoin purifier le produit au prix coûtant.             

[3]      La date de livraison prévue était le 15 octobre 1990. Le 31 août 1990, Delmar a produit un " certificat d'analyse " précisant que le maléate d'énalapril [TRADUCTION] " répond aux normes ". Il convient de souligner que le certificat d'analyse est antérieur au bon d'achat. Il n'a toutefois pas été contesté devant moi que le certificat d'analyse s'appliquait au maléate d'énalapril qui a par la suite été livré à Novopharm.

[4]      Le 1er octobre 1990, les 100 kilogrammes de maléate d'énalapril ont été livrés par Delmar à Novopharm. Il s'agissait de maléate d'énalapril en vrac qui était emballé dans quatre fûts en carton-fibre. Depuis qu'elle l'a reçu, Novopharm a entreposé le maléate d'énalapril dans des doubles sacs en polyéthylène contenant les fûts en carton-fibre à une température de -7 0C.

[5]      Le brevet a été délivré le 16 octobre 1990.

[6]      Le 5 avril 1993, Novopharm a déposé une présentation de drogue nouvelle (PDN) auprès de la Direction générale de la protection de la santé (DGPS) du Ministère de la Santé nationale et du Bien-être social (maintenant désigné sous le nom de ministère de la Santé) en vue d'obtenir un avis de conformité relativement aux comprimés de 5 mg, de 10 mg et 20 mg de maléate d'énalapril qui devaient être fabriqués à partir des 100 kg de maléate d'énalapril qu'elle possédait.

[7]      Le 19 avril 1995, la Cour d'appel a fait connaître sa décision dans l'affaire Merck & Co. c. Apotex Inc.4. Le juge MacGuigan, qui s'exprimait au nom de la Cour, a écrit, à la page 375 :Le juge de première instance a exprimé son point de vue de la manière suivante [...] :

             C'est peut-être une description valide des procédés [chimiques] suivis en l'espèce. Néanmoins, je suis convaincu que, comme le soutiennent les demanderesses, l'on ne saurait affirmer que le maléate d'énalapril livré à Apotex et contenu dans ces trois lots existait aux fins de l'immunité accordée par la Loi tant que Delmar n'avait pas estimé que c'était un produit de qualité que le fabricant pouvait expédier conformément au contrat conclu avec Apotex. Il ne pouvait être tenu pour acheté ou acquis par Apotex au sens de l'art. 56 [de la Loi sur les brevets] qu'une fois jugé conforme aux normes de qualité. Comme le fournisseur n'a estimé dans ces trois cas-là que c'était un produit de qualité qu'après la date de l'octroi du brevet à Merck au milieu d'octobre 1990, on ne peut pas affirmer que chacun de ces lots de maléate d'énalapril existait à cette date-là.             
             Comme le juge de première instance, j'estime que les trois lots de maléate d'énalapril n'avaient pas été " achetés ou acquis " par Apotex au sens de l'article 56. À mon avis, on ne peut pas affirmer que des personnes ont " acheté ou acquis " un produit tant qu'elles n'ont pas obtenu un titre sur celui-ci. Étant donné qu'on ne nous a fourni aucune preuve d'une intention contraire dans le contrat liant Apotex et Delmar, le transfert de titre à Apotex ne pouvait avoir lieu tant que le produit n'était pas livrable : voir la règle 5 de l'article 19 de la Loi sur la vente d'objets , L.R.O. 1990, ch. S-1. Dans un cas où le vendeur lui-même estimait que le produit n'était pas livrable, je ne pense pas que notre Cour devrait en arriver à une conclusion contraire.             
             Il est vrai, comme Apotex l'a avancé, que le maléate d'énalapril existait avant même que les lots ne fassent l'objet d'une nouvelle purification. De plus, comme je l'ai souligné, la forme sous laquelle se présente une invention n'est pas l'élément principal aux fins de l'article 56. Ainsi, si Apotex avait acheté ou acquis le maléate d'énalapril sous quelque forme que ce soit, qu'il s'agisse de poudre pure en vrac, de comprimés ou d'une combinaison du maléate d'énalapril et d'une autre substance, on pourrait dire qu'elle a acquis l'invention de Merck au sens de l'article 56. Cependant, en l'espèce, le produit qu'Apotex voulait acheter ou acquérir était de la poudre pure. Si le vendeur n'était pas convaincu que le produit répondait à cette description et était livrable, on ne pouvait pas dire qu'Apotex avait acquis le produit5.             

[8]      Le 25 juin 1997, Novopharm a signifié un avis d'allégation à Merck en conformité avec le Règlement au sujet de sa demande d'avis de conformité pour le maléate d'énalapril. Novopharm y affirmait qu'aucune revendication portant sur le médicament lui-même ou sur son utilisation ne serait contrefaite si elle fabriquait, produisait, utilisait ou vendait le médicament pour lequel la demande d'avis de conformité avait été présentée puisque :

             [TRADUCTION]             
             Toutes les matières premières en vrac dont Novopharm se servira pour fabriquer le médicament fini en vue de le vendre au Canada ont été achetées avant la date de délivrance du plus ancien brevet. Plus précisément, toutes les matières premières de Novopharm ont été achetées avant le 16 octobre 1990, date de délivrance du brevet canadien 1 275 349 [...]             

[9]      La présente demande fondée sur le Règlement fait suite à la signification de l'avis d'allégation.

QUESTIONS EN LITIGE

[10]      La question en litige dans la présente demande, telle que Merck l'a exposée dans son mémoire, est la suivante :
             A.      L'affirmation de Novopharm suivant laquelle elle ne contrefera pas le brevet en fabriquant, produisant, utilisant et vendant du maléate d'énalapril est-telle justifiée et, plus particulièrement :             
             i.      Novopharm a-t-elle droit à la protection de l'article 56 [de la Loi sur les brevets] en ce qui concerne la quantité limité de maléate d'énalapril qu'elle a reçue en octobre 1990?             
             ii.      La quantité limitée de maléate d'énalapril que Novopharm a reçue en octobre 1990 était-elle sous une forme permettant de fabriquer un médicament?             
             iii.      La quantité limitée de maléate d'énalapril que Novopharm a reçue se trouve-t-elle toujours sous une forme permettant de fabriquer un médicament?             
             iv.      La quantité de maléate d'énalapril en vrac que Novopharm a reçue est-elle à ce point limitée que l'allégation de non-contrefaçon du brevet n'est pas justifiée ou qu'elle n'est justifiée que pour une période limitée et uniquement en ce qui concerne les matières protégées en vertu de l'article 56 de la Loi sur les brevets?             

ANALYSE

[11]      Je reviens à l'extrait des motifs prononcés par le juge MacGuigan dans l'arrêt Merck & Co. c. Apotex Inc. que j'ai déjà cités et qui incorporent en partie les motifs rendus par le juge de première instance dans la même affaire. Tout comme dans cette affaire, il semble que le débat tourne en grande partie en l'espèce autour de la question de savoir si le maléate d'énalapril en vrac que Novopharm a reçu de Delmar le 1er octobre 1990 a été " acheté ou acquis " au sens de l'article 56 de la Loi sur les brevets , à cette date ou, en tout état de cause, avant la délivrance du brevet, le 16 octobre 1990.

[12]      Le juge MacGuigan a expliqué qu'eu égard aux faits de l'affaire dont il était saisi, on ne pouvait dire que Novopharm avait " acheté ou acquis " le maléate d'énalapril en vrac tant qu'elle n'en avait pas obtenu le titre de propriété. Il a poursuivi son analyse en concluant que, compte tenu là encore des faits de l'affaire, le titre de propriété ne pouvait être transmis à Novopharm tant que le produit n'était pas livrable. Par souci de commodité, je reproduis à nouveau ce passage :

             Dans un cas où le vendeur lui-même estimait que le produit n'était pas livrable, je ne pense pas que notre Cour devrait en arriver à une conclusion contraire.             

[13]      Vu les éléments de preuve qui ont été portés à ma connaissance, il ne fait aucun doute qu'en date du 31 août 1990, Delmar estimait que le maléate d'énalapril était " livrable ". D'ailleurs, dans le certificat d'analyse susmentionné, elle conclut que le produit [TRADUCTION] " répond aux normes ".

[14]      Il m'est impossible de conclure que l'expression " répond aux normes " renvoie à autre chose qu'à la stipulation du bon d'achat du maléate d'énalapril en vrac de Novopharm suivant laquelle le produit doit répondre aux normes de la Direction générale de la protection de la santé. Si j'ai tort à cet égard et si l'expression " répond aux normes " contenue dans le certificat d'analyse de Delmar s'entend des normes de Delmar, plutôt qu'à celle de Novopharm et, par incorporation, à celles de la Direction générale de la protection de la santé que le maléate d'énalapril doit respecter, je conclus malgré tout que cette expression démontre de façon claire et non équivoque qu'à la date du certificat, Delmar estimait que le maléate d'énalapril en vrac était " livrable ".

[15]      Je cite une fois de plus un extrait des motifs prononcés par le juge MacGuigan dans l'arrêt Merck & Co. c. Apotex Inc. :

             Dans un cas où le vendeur lui-même estimait que le produit n'était pas livrable, je ne pense pas que notre Cour devrait en arriver à une conclusion contraire.             

[16]      Je suis convaincu que l'inverse est également vrai. Lorsque le vendeur lui-même estime que le produit " répond aux normes ", je ne crois pas, du moins en l'absence de preuve contraire, que la Cour devrait en arriver à une conclusion contraire. Or, je ne vois aucune preuve contraire dans le dossier qui m'a été soumis. Il est vrai qu'il ressort de la preuve que Novopharm a elle-même effectué deux analyses à partir d'échantillons du maléate d'énalapril en vrac qu'elle avait reçu de Delmar. La première de ces analyses, qui a été effectuée peu de temps après que Novopharm eut reçu livraison du produit, pourrait servir à démontrer que le maléate d'énalapril en vrac ne respectait pas alors les normes jugées satisfaisantes par la Direction générale de la protection de la santé. Que cela soit vrai ou non, je ne dispose en tout cas d'aucun élément de preuve qui permette de croire que Novopharm a refusé la livraison du maléate d'énalapril en vrac ou qui laisse penser de quelque manière que ce soit que Delmar n'a pas rempli les conditions du bon d'achat de Novopharm.

[17]      Je suis donc convaincu que Novopharm a, au sens de l'article 56 de la Loi sur les brevets, acheté ou acquis, le 1er octobre 1990, une quantité limitée de l'invention pour laquelle Merck a par la suite obtenu un brevet. Ainsi, en vertu de cet article, Novopharm avait, avant la date des revendications contenues dans le brevet, le droit d'utiliser et de vendre à autrui, sous réserve évidemment de la délivrance d'un ou de plusieurs avis de conformité valables en vertu du Règlement, la quantité limitée de la composition spécifique de matières pour laquelle le brevet a par la suite été obtenu en vertu de la Loi sur les brevets.

[18]      Il est incontestable que le droit d'utiliser et de vendre à autrui comprend le droit de préparer sous une autre forme le maléate d'énalapril en vrac que Novopharm

a obtenu de Delmar. Ainsi, dans l'arrêt Novopharm Limited c. Eli Lilly and Company et Eli Lilly Canada Inc. et Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social5, le juge Iacobucci, qui s'exprimait au nom de la Cour, écrit :

             Il vaut mieux considérer, je le répète, que le droit de préparation sous une autre forme est basé sur le droit inhérent du propriétaire d'un bien d'en disposer à son gré. En l'absence, dans la licence obligatoire, de quelque condition expresse interdisant aux acheteurs de nizatidine en vrac de Novopharm de préparer le médicament sous forme posologique définitive, la jurisprudence penche en faveur du point de vue selon lequel Apotex, après avoir validement acquis le médicament en vrac, serait libre de le préparer sous une autre forme pour le revendre sans crainte de violer quelque droit conféré par les brevets d'Eli Lilly.             

Bien qu'il n'y ait pas de licence obligatoire en litige en l'espèce, on ne m'a en tout cas certainement présenté aucun élément de preuve permettant de conclure qu'il était interdit à Novopharm, en tant qu'acheteur du maléate d'énalapril en vrac que Delmar lu avait vendu, de préparer le maléate d'énalapril en vrac sous forme posologique définitive.

[19]      L'avocat de Merck soutient que, si je devais en arriver à la conclusion à laquelle j'en viens, je devrais quand même délivrer un bref de prohibition interdisant au ministre de délivrer à Novopharm un ou plusieurs avis en vertu de l'article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues à l'égard de comprimés de 5 mg, de 10 mg et de 20 mg de maléate d'énalapril tant que le brevet ne sera pas expiré, pour ce qui est des comprimés qui n'ont pas été fabriqués à partir des 100 kilos de maléate d'énalapril qui ont été livrés à Novopharm le 1er octobre 1990. Je ne puis accepter cet argument. On ne m'a pas soumis le moindre élément de preuve qui permette de penser que Novopharm a présenté au ministre une demande en vue d'obtenir un ou plusieurs avis relativement aux comprimés en question, qui n'ont pas été fabriqués à partir des 100 kilos de maléate d'énalapril. Je suis convaincu que la Cour aurait tort de délivrer un bref de prohibition fondé sur de pures hypothèses.

DISPOSITIF

[20]      En conséquence, la présente demande sera rejetée.

DÉPENS

[21]      J'ai eu l'avantage de lire les observations formulées par les parties au sujet de la question des dépens. Ces observations ont été reçues depuis la date d'audition de la présente affaire.

[22]      Avant l'entrée en vigueur des Règles de la Cour fédérale (1998)6, l'article 1618 des Règles de la Cour fédérale7 prévoyait qu'aucuns dépens n'étaient adjugés dans le cas d'une demande comme la présente sauf si la Cour en ordonnait autrement pour des raisons spéciales. Depuis l'entrée en vigueur des nouvelles Règles, la Cour jouit d'un pouvoir discrétionnaire absolu en ce qui concerne le montant et l'adjudication des dépens et la détermination de la personne à qui ils doivent être payés. Or, il ressort des observations des avocats que les parties s'entendent pour dire que le nouveau régime s'applique à la présente demande.

[23]      Dans le jugement AIC Ltd. c. Infinitiy Investment Counsel Ltd. el al8, le juge Rothstein écrit :

             La règle 501(1) [des nouvelles Règles] prévoit qu'à première vue les nouvelles Règles devraient s'appliquer à l'adjudication des dépens dans les instances introduites avant leur entrée en vigueur, lorsque cette adjudication a lieu après ce moment. Bien entendu, la règle 501(1) devrait être interprétée de façon à ne pas toucher les droits qui existaient ou qui sont nés lorsque les anciennes Règles de la Cour fédérale ont cessé de s'appliquer. Toutefois, aucun droit n'est né et aucune dette n'a été engagée relativement à aux dépens afférents à la requête de la demanderesse avant que les anciennes Règles cessent de s'appliquer. Ces droits et obligations ne pouvaient pas naître avant que la Cour se prononce sur la question des dépens, ce qui est survenu en l'espèce après l'entrée en vigueur des nouvelles Règles. Je suis d'avis que les nouvelles Règles s'appliquent à l'adjudication des dépens dans la présente affaire.             

Je suis convaincu que le raisonnement du juge Rothstein s'applique à la présent affaire.

[24]      En l'absence de circonstances spéciales et faute de disposition spéciale comme l'ancien article 1618, les dépens doivent suivre le sort du principal. Je suis convaincu qu'il n'existe aucune raison justifiant que l'on déroge au principe général. En conséquence, comme elle a obtenu gain de cause dans sa demande, Novopharm aura droit à ses dépens contre Merck. Il n'y aura pas d'adjudication de dépens en ce qui concerne le ministre.

[25]      Dans leurs observations écrites, les avocats de Merck et de Novopharm ont tous les deux demandé qu'on leur accorde la possibilité de présenter d'autres observations en vertu des articles 400 et suivants des Règles au sujet des directives à donner à l'officier taxateur. L'avocat de Novopharm aura quatorze (14) jours à compter de la date de mon ordonnance pour déposer et signifier des observations écrites. À la suite de la signification de ces observations, l'avocat de Merck aura lui aussi quatorze (14) jour pour déposer et signifier ses observations. À la suite de la signification des observations en question, l'avocat de Novopharm aura sept (7) jours pour déposer et signifier des observations en réponse. Par la suite, j'examinerai l'opportunité de donner ou non des directives à l'officier taxateur au sujet de la question des dépens en l'espèce.

                             _____________________________

                                  Juge

Ottawa (Ontario)

Le 21 août 1998.

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-1727-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      MERCK & CO. INC. et MERCK FROSST CANADA INC. et
                     NOVOPHARM LIMITED et MINISTRE DE LA SANTÉ
LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :      23 juillet 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Gibson le 21 août 1998

ONT COMPARU :

Me G. Alexander Macklin, c.r.                  pour les demanderesses

Me Jane E. Clark

Me Donald N. Plumley, c.r.                      pour la défenderesse
Me Mark S. Mitchell                          Novopharm Limited

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling, Strathy & Henderson                  pour les demanderesses

Ottawa (Ontario)

Lang Michener                          pour la défenderesse
Toronto (Ontario)                          Novopharm Limited
__________________

1      DORS/93-133, modifié par DORS/98-166 (12 mars 1998).

2      C.R.C. 1978, ch 870 (modifié).

3      Le brevet canadien 1 288 351 était en litige à une étape antérieure de l'instance intriduite au sujet du maléate d'énalapril. Ce brevet a toutefois expiré en 1994.

4      (1995), 60 C.P.R. (3d) 356 (C.A.F.)

     5.      Voici le texte de l'article 56 de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P.-4, modifié, qui s'applique au brevet et à l'achat ou à l'acquisition présumés dont il est question en l'espèce :

56. Every person who, before an application for a patent becomes open to the inspection of the public under section 10, has purchased, constructed or acquired the invention for which a patent is afterwards obtained under this Act, has the right to use and sell to others the specific article, machine, manufacture or composition of matter patented and so purchased, constructed or acquired without being liable to the patentee for so doing, but the patent shall not, with respect to other persons, be held invalid by reason of that purchase, construction or acquisition or use of the invention by the person first mentioned, or by those to whom that person has sold it, unless it was purchased, constructed, acquired or used before the date of filing of the application or, in the case of an application to which section 28 applies, before the priority date of the application, and in consequence whereof the invention was disclosed in such a manner that it became available to the public in Canada or elsewhere. 56. Quiconque, avant la date à laquelle une demande de brevet est devenue accessible sous le régime de l'article 10, achète, exécute ou acquiert une invention éventuellement brevetée peut utiliser et vendre l'article, la machine, l'objet manufacturé ou la composition de matières brevetés ainsi achetés, exécutés ou acquis avant cette date sans encourir de responsabilité envers le breveté ou ses représentants légaux. Toutefois, à l'égard des tiers, le brevet ne peut être considéré invalide du seul fait de cette opération, à moins qu'elle n'ait eu lieu avant la date du dépôt de la demande de brevet ou, dans le cas d'une demande à laquelle l'article 28 s'applique, avant la date de priorité de la demande de brevet si l'opération a eu pour effet de divulguer l'invention d'une manière telle qu'elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.
L.R.C., ch. 33 (3e suppl.), art. 22
Au sujet de cette disposition, voici les propos que le juge Macguigan a tenus dans l'arrêt Merck & Co. c. Apotex Inc., à la page 365:
Le juge de première instance a fait remarquer à juste titre que la modification du libellé de l'article 56 [pour le libellé cité en l'espèce] n'avait aucune importance dans les circonstances de l'espèce, parce que le brevet de Merck [le brevet en l'espèce] n'est pas devenu accessible au public avant sa délivrance. Par conséquent, j'emploie dans les présents motifs les mots " avant l'octroi du brevet ", comme l'a fait le juge de première instance, pour désigner la date pertinente aux fins de l'article 56. Je ferai de même.

5      9 juillet 1998, [1998] S.C.J. No. 59 (QL).

6      DORS/98-106.

7      C.R.C. 1978, ch. 663 (modifiées).

8      (10 juin 1998), T-1712-97 (C.F. 1re inst.).

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