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Date : 20201222


Dossier : IMM-6559-19

Référence : 2020 CF 1179

Ottawa (Ontario), le 22 décembre 2020

En présence de l'honorable monsieur le juge Shore

ENTRE :

NELSON OGE AKUNWA

NWABEKE NKECHI AKUNWA

PRINCESS NELLY CHIDIMMA AKUNWA

GREAT CHIDERA NELSON AKUNWA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue le 9 octobre 2019 par la Section d’appel des réfugiés [SAR] dans laquelle la SAR a confirmé le rejet de la demande d’asile des demandeurs en raison d’une possibilité de refuge intérieur [PRI].

[2]  Le demandeur principal, sa femme et leurs enfants mineurs sont citoyens du Nigéria et demandent le statut de réfugié en raison de menaces de mutilation génitale féminine par des villageois dans la région de Delta. Les demandeurs ont quitté le Nigéria en août 2017 et sont arrivés au Canada le mois suivant en passant par les États-Unis. Ils ont un enfant mineur citoyen canadien qui ne fait pas partie de la demande d’asile des demandeurs.

[3]  La Section de la protection des réfugiés [SPR] a rejeté la demande d’asile des demandeurs aux motifs qu’ils ont manqué de crédibilité et que, dans l’alternative, ils n’ont pas démontré que la PRI à Benin City, à Ibadan ou à Port Harcourt au Nigéria était déraisonnable. La SAR a confirmé cette décision en s’attardant à l’existence d’une PRI.

[4]  Le concept d’une PRI est inhérent au concept de réfugié; elle est déterminante et suffit à faire rejeter la demande d’asile des demandeurs. Afin de déterminer l’existence d’une PRI, la SAR doit être satisfaite que les demandeurs ne risquent pas sérieusement d’être persécutés dans la PRI proposée et que les conditions sont telles qu’il ne serait pas objectivement déraisonnable, considérant toutes les circonstances, que les demandeurs y trouvent refuge (Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 aux pages 593, 597 (CAF)).

[5]  Le test pour l’établissement d’une PRI est disjonctif, et il appartient au demandeur d’asile de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il risque sérieusement d’être persécuté dans tout le pays. Ce standard est d’autant plus élevé au deuxième volet de l’analyse qui ne requiert « rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d’un revendicateur tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr » (Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 164 au para 15).

[6]  Le présent contrôle judiciaire porte sur la raisonnabilité des conclusions de la SAR au deuxième volet de l’analyse de l’existence d’une PRI au Nigéria. Une décision raisonnable nécessite une analyse intrinsèquement cohérente, rationnelle et justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]).

[7]  Les demandeurs soulèvent qu’à l’évidence des erreurs soulevées par la SAR de la décision de la SPR, il était déraisonnable de conclure qu’il existait une PRI. L’une des erreurs porte sur l’expérience de travail de la femme du demandeur principal, soit comme associée aux ventes plutôt que gestionnaire. La seconde porte sur la généralisation des craintes des demandeurs quant aux tensions religieuses dans la PRI.

[8]  Les demandeurs soumettent également que la PRI n’est pas raisonnable pour leur relocalisation compte tenu des risques à la sécurité des ressortissants étrangers et des expatriés – dont les risques par association à l’enfant canadien – et de la discrimination fondée sur le statut de non-indigène. Il est d’autant plus déraisonnable, selon les demandeurs, à Benin City et à Ibadan quant à la présence du trafic humain. Dans le cas de Port Harcourt, les demandeurs arguent que les difficultés liées au marché du travail et le coût de la vie, affectant l’éducation et l’accès à un logement, sont également déraisonnables pour y trouver refuge.

[9]  De façon similaire, la SAR a remarqué que les conditions du pays quant à la discrimination non-indigène et les risques à la sécurité de groupes ciblés ne rendent pas la PRI déraisonnable. La SAR a soulevé en particulier, pour le premier, que la discrimination non-indigène n’était pas un obstacle à la capacité des demandeurs de trouver un emploi compte tenu de leurs circonstances particulières — niveau d’instruction, expérience de travail, capacité linguistique. De plus, la discrimination non-indigène est d’ailleurs moins présente dans les grandes villes et dans certains secteurs économiques.

[10]  Quant aux risques à la sécurité, la SAR a trouvé que les demandeurs n’ont pas établi qu’ils soient fréquents de sorte à rendre la PRI déraisonnable; d’autant plus que la preuve suggère que les demandeurs ne font pas partie des groupes ciblés qui comprennent les figures politiques, les riches et les étrangers. Alors que les enfants, dont l’enfant canadien, ne sont pas explicitement mentionnés à cette étape, la SAR était au courant de ce fait.

[11]  La SAR a ainsi conclu que la PRI était raisonnable et que les demandeurs n’ont pas rencontré le fardeau élevé requis pour que les circonstances soient telles qu’elle soit déraisonnable.

[12]  Les demandeurs n’expliquent pas plus en contrôle judiciaire en quoi leurs circonstances particulières rendent la PRI déraisonnable et ne rencontrent donc pas le seuil requis par la jurisprudence. L’argumentaire des demandeurs fait également défaut à l’étude du dossier de la SAR où les dangers et les circonstances défavorables à Port Harcourt, Benin City et Ibadan ne semblent pas avoir été soulevés. D’ailleurs, les conditions générales d’une région d’une PRI ou du pays ne rendent pas en soi une PRI déraisonnable (Arabambi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 98 aux para 38, 40-42).

[13]  La SAR est, de plus, présumée avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve, à moins que le contraire ne soit établi. Elle n’est pas requise de faire mention de l’ensemble de la preuve, comme semble le prétendre les demandeurs (Amadi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1166 aux para 50, 52). En définitive, la Cour se voit demander de se livrer à un exercice de soupeser à nouveau la preuve, ce qu’elle ne peut faire (Vavilov, ci-dessus, au para 83).

[14]  En l’espèce, la décision de la SAR repose sur des motifs raisonnables.

[15]  Pour les motifs mentionnés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 


JUGEMENT au dossier IMM-6559-19

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6559-19

 

INTITULÉ :

NELSON OGE AKUNWA ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AFFAIRE ENTENDUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 décembre 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 22 décembre 2020

 

COMPARUTIONS :

Maude Gagnon-Boisvert

 

Pour les demandeurs

 

Simone Truong

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hasa Avocats

Montréal (Québec)

 

Pour les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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