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     Date: 20000609

     Dossier : IMM-3865-99


Ottawa, Ontario, ce 9e jour de juin 2000

En présence de M. le juge Pelletier


ENTRE :

     MAREENA RAJENDIRAM

     Demanderesse

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     Défendeur



     MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE



[1]      La Section du statut de réfugié de la Commission de l"Immigration et du statut de réfugié a tranché la revendication de la demanderesse, une Tamoule originaire du nord du Sri Lanka, en se penchant sur la persécution qu"elle aurait subie aux mains des Tigres. Cependant, plutôt que de fonder sa revendication sur la persécution de la part des Tigres, la demanderesse semble l"avoir fondée sur la crainte qu"elle avait de la police de Negombo, ville située au sud du pays. La lecture des motifs de la Section du statut laisse voir que l"exposé concernant la crainte qu"avait la demanderesse de la police est suivi de près par la conclusion que Negombo lui offrait la possibilité de refuge interne. Cette juxtaposition semble curieuse.

[2]      En bref, les faits sont les suivants. La revendicatrice et sa famille sont des Tamouls du nord du Sri Lanka. Au cours de la guerre, leur village a été bombardé. En plus, ils ont été victimes d"extorsion de la part des Tigres. Plus précisément, les Tigres leur demandaient de l"argent afin de pouvoir subventionner leurs militaires. Également, les Tigres ont obligé la revendicatrice et sa famille à faire des travaux forcés. Au mois de février 1994, afin de mettre fin à cette persécution, la famille s"est rendue à Negombo, ville située dans les environs de Colombo, où demeuraient la soeur de la revendicatrice, Premee, et son mari. Au mois de juillet 1994, la mère de la revendicatrice a quitté le Sri Lanka en destination du Canada, laissant son mari, la revendicatrice et ses deux soeurs chez Premee. La mère a fait le nécessaire pour arranger les mariages des deux soeurs de la revendicatrice, leur permettant ainsi de la rejoindre au Canada. Le père de la revendicatrice est décédé à Negombo en 1995. Quant à la revendicatrice, elle attendait toujours que sa mère lui trouve un mari pour qu"elle puisse également rejoindre sa famille au Canada.

[3]      Les choses se sont déroulées ainsi jusqu"à la fin de 1996, soit jusqu"à ce que la maison de Premee soit fouillée par la police à deux reprises. Personne n"a été maltraité au cours de ces fouilles et la police ne semblait pas s"inquiéter de la présence de la revendicatrice au sein de la famille de sa soeur. Le 17 mars 1997, la police s"est rendue chez Premee et a arrêté la revendicatrice et l"a amenée au poste de police où elle a dû subir une interrogation qui a duré la journée entière. La police l"a accusée d"avoir passé de l"information aux Tigres. Même si l"interrogation s"est déroulée sans que la revendicatrice soit maltraitée d"aucune façon quelconque, elle était dans un état de terreur. Il n"y a pas eu d"agression physique ou sexuelle. La revendicatrice a été mise en liberté le même jour après que son beau-frère a payé un pot-de-vin à la police. Craignant de subir d"autres interrogations de ce genre ou encore plus sinistres, la revendicatrice, avec l"aide de son beau-frère, s"est trouvée un passeur qui l"a conduite au Canada où elle a revendiqué le statut de réfugiée.

[4]      Il y aurait, semble-t-il, deux façons d"aborder la revendication de la demanderesse. L"analyse entreprise par la Section du statut est la suivante. La demanderesse était victime de persécution de la part des Tigres. Elle a échappé à cette persécution en se déplaçant à Negombo, endroit de refuge interne pour la demanderesse. La police s"intéressait à la demanderesse, mais ne la persécutait pas. Donc, Negombo était toujours une place de refuge interne pour la demanderesse.

[5]      Par contre, la Section du statut aurait pu commencer l"analyse en constatant que la demanderesse était en toute sécurité à Negombo. Suite à son arrestation, soit au mois de mars 1997, elle avait une crainte subjective de persécution de la part de la police. Cependant, la police ne la persécutait pas. Ainsi, il n"y avait pas de fondement objectif pour justifier la crainte subjective de persécution qu"éprouvait la demanderesse. Or, la définition de réfugié au sens de la convention exige qu"une personne réclamant le statut de réfugiée ait une crainte objective et un fondement objectif pour justifier cette crainte subjective. En l"espèce, la demanderesse ne se conforme pas à la définition de réfugié au sens de la convention et ainsi, sa réclamation doit être rejetée.

[6]      En ce qui concerne la demande de contrôle judiciaire, la demanderesse prétend que la Section du statut était obligée de la mettre en garde que la question de possibilité de refuge interne ("PRI") serait soulevée afin qu"elle puisse organiser sa preuve en conséquence. La défenderesse argumente que la question a été traitée de vive voix devant la Section du statut. Selon la défenderesse, ceci répond à la nécessité d"un préavis. La défenderesse précise que ce genre de préavis est suffisant selon les arrêts Balachandran v. Canada (Minister of Employment and Immigration), [1993] F.C.J. No. 365 et Jakariya v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [1999] F.C.J. No. 1119. Je suis d"accord avec la défenderesse.

[7]      La source de confusion sur ce point est le fait que tandis que la demanderesse traitait Negombo comme le lieu de persécution, la défenderesse traitait cette ville comme lieu de sécurité. Malgré ceci, la question de refuge interne à un autre endroit qu"à Negombo a été soulevée au cours de l"audition de la revendication de la demanderesse. En plus, l"avocat de la demanderesse a adressé la parole à la Section du statut sur la question de la possibilité de refuge interne. Il faut donc dire que la demanderesse était consciente du fait que la possibilité de refuge interne était en question, et si elle ne l"était pas, elle aurait dû l"être. Donc, elle a eu l"opportunité de s"exprimer sur cette question de refuge interne à la Section du statut. En plus, l"approche que la demanderesse semble avoir adoptée par rapport à sa revendication a soulevé la même question, c"est-à-dire est-ce que la demanderesse était en sécurité à Negombo. La Section du statut a tranché cette question en disant qu"elle l"était, ce qui signifiait que Negombo était un lieu de refuge interne ou qu"il n"y avait aucun fondement objectif justifiant la crainte subjective de la demanderesse. Dans un cas comme dans l"autre, ceci mettait fin à la revendication de la demanderesse. Pour ces raisons, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.






ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section du Statut de réfugié de la Commission de l"Immigration et du statut de réfugié datée du du 27 juillet 1999, dont les motifs sont datés du 15 juillet 1999 est rejetée.

     "J.D. Denis Pelletier"

     Juge

    

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