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     Date: 19980121

     No du greffe: IMM-4895-96

ENTRE

     HADJ MOHAMMED-BELARBI,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]      La demande est accueillie.

         P. Rouleau

        

         JUGE

OTTAWA (Ontario),

le 21 janvier 1998.

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

     Date: 19980121

     No du greffe: IMM-4895-96

ENTRE

     HADJ MOHAMMED-BELARBI,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]      Il s'agit d'une demande présentée conformément au paragraphe 82.1(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, en vue de l'obtention d'une ordonnance annulant la décision par laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Le 2 novembre 1985, M. Mohammed-Belarbi, qui était un citoyen algérien, a revendiqué le statut de réfugié du fait de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social. Par une décision datée du 28 novembre 1996, la section du statut de réfugié a conclu que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention, en énonçant comme suit ses motifs, à la page 10 :

     Compte tenu des motifs énoncés ci-dessus, et après un examen attentif de la preuve, nous concluons qu'il n'existe pas suffisamment de preuve crédible ou digne de foi en ce qui a trait aux éléments centraux de la revendication. Le seul fait d'avoir été membre du F.I.S. jusqu'à ce que le parti ait été interdit n'établit pas l'existence d'une possibilité sérieuse que le revendicateur soit persécuté en raison de ses opinions politiques imputées. Il est clair que, suite à l'interdiction du parti, le revendicateur a cessé ses activités au sein du parti. Il a maintenu son emploi comme professeur au lycée. Selon la preuve documentaire, des milliers d'Algériens supportaient le parti F.I.S. durant les élections. Selon la documentation, les forces de sécurité persécutent plusieurs Algériens soupçonnés d'être des éléments extrémistes-terroristes du F.I.S. La preuve documentaire ne supporte pas la conclusion selon laquelle tous les Algériens qui supportaient le parti F.I.S. durant les élections seraient présentement, cibles par le régime. Le fait que le demandeur fut relâché le 1er août 1994 confirme qu'il n'était pas voulu par les autorités. Eu égard à la croissance des actes de terrorisme au moment donné, il est raisonnable de croire qu'aucune intervention par le colonel, oncle de son ami Yebbal Rachid, aurait procuré la libération d'un collaborateur des extrémistes en août 1994.         

[3]      Le requérant demande maintenant que cette décision soit infirmée pour le motif que la Commission a commis une erreur de droit en omettant de tenir compte d'éléments de preuve dont elle disposait à juste titre et en omettant de tenir compte d'un certain nombre de facteurs cruciaux sur lesquels la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention était fondée.

[4]      Il est vrai que l'omission de la Commission de résumer tous les éléments de preuve dont elle disposait ou de s'y reporter dans sa décision écrite ne constitue pas en soi une erreur susceptible de révision justifiant l'annulation de la décision. Comme l'a dit la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Hassan v. M.E.I. (1992), 147 N.R. 317, à la page 318 : "[l]e fait que la Commission n'a pas mentionné dans ses motifs une partie quelconque de la preuve documentaire n'entache pas sa décision de nullité."

[5]      Toutefois, en l'espèce, la Commission ne fait aucunement mention de la preuve documentaire abondante dont elle disposait relativement à la crainte qu'avait le requérant d'être persécuté par les autorités algériennes parce qu'il était soupçonné d'être membre d'un mouvement islamique extrémiste ou d'être sympathisant ainsi qu'à la crainte qu'il avait d'être persécuté par les extrémistes islamiques en sa qualité d'enseignant. Le fait que la Commission a omis de faire des remarques à ce sujet m'amène à inférer qu'elle a rendu sa décision sans tenir compte de la preuve dont elle disposait. Comme l'a dit cette cour dans le jugement Bains v. Minister of Employment and Immigration (1993), 20 Imm. L.R. (2d) 296, à la page 300 :

     Je reconnais que c'est aux membres du tribunal qu'il appartient de prendre connaissance des documents et d'admettre ou de rejeter les informations qu'ils contiennent, mais il n'est pas loisible à la Section du statut de simplement ne pas tenir compte des informations fournies [...] J'estime que la Section du statut est, à tout le moins, tenue de faire état des renseignements qui lui sont fournis. Que la documentation déposée soit admise ou rejetée, le requérant doit s'en voir exposer les raisons, surtout lorsqu'il s'agit de documents qui confirment ce qu'il a avancé.         

[6]      En outre, la décision de la Commission laisse planer un doute important au sujet de la question de savoir si elle a apprécié certains aspects fondamentaux et vitaux de la revendication du requérant ou si elle en a même tenu compte. Ainsi, dans sa décision, la Commission ne fait pas mention du fait que le requérant a été arrêté et emprisonné pour une période de 49 jours, et qu'il a alors été torturé et à maintes reprises interrogé au sujet des attaques extrémistes islamiques contre les bases militaires algériennes. Dans la décision, il n'est pas non plus fait mention du fait que le requérant avait par la suite été arrêté le 18 juillet 1994 et détenu pendant 14 jours parce qu'on croyait qu'il voulait louer un appartement à des extrémistes islamiques. Enfin, dans sa décision, la Commission ne fait pas mention du fait que les extrémistes islamiques s'en prennent aux enseignants parce que ces derniers travaillent pour l'État.

[7]      Ces facteurs ont une importance cruciale en ce qui concerne l'allégation selon laquelle le requérant craint d'être persécuté par les autorités parce qu'il est soupçonné d'être membre d'un mouvement extrémiste islamique ou d'être sympathisant ainsi que l'allégation selon laquelle le requérant craint d'être persécuté par les extrémistes islamiques parce qu'il est soupçonné de s'opposer à leur cause et d'appuyer le gouvernement algérien du fait qu'il est un enseignant employé par l'État. Étant donné l'importance cruciale de cet élément de preuve, il incombait à la Commission d'énoncer clairement ses conclusions à l'égard de la crédibilité de cette preuve. Telle a été l'approche que la Cour d'appel fédérale a adoptée dans l'arrêt Ababio v. Canada (Minister of Employment & Immigration) (1988), 5 Imm. L.R. (2d) 174, à la page 176 :

     Le procureur des intimés a centré sa défense de la décision de la Commission sur l'apparente "fabrication" de certaines des affirmations du requérant et elle a tenté de nous convaincre que, si la Commission n'avait pas contesté ouvertement la véracité de son témoignage, elle n'avait pas moins fait voir à mots couverts son incrédulité. Nous ne sommes pas convaincus. À notre avis, si la Commission a cru la version des faits telle que rapportée par le requérant, elle n'a pas donné de raison suffisante pour rejeter sa réclamation, et si elle ne l'a pas cru et que là se trouve le fondement de sa conclusion, elle aurait dû le dire .         
                         [Je souligne].         

[8]      Par conséquent, je suis convaincu qu'il convient d'infirmer la décision de la Commission et de renvoyer l'affaire à un tribunal composé de membres différents pour nouvelle audience et nouvelle décision.

[9]      Pour ces motifs, la demande est accueillie.

                                 P. Rouleau

                                

                                 JUGE

OTTAWA (Ontario),

le 21 janvier 1998.

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :      IMM-4895-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      HADJ MOHAMMED-BELARBI c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 17 novembre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE      du juge Rouleau

en date du      21 janvier 1998

ONT COMPARU :

Peter Reiner      POUR LE REQUÉRANT

David Tyndale      POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Peter J. Reiner      POUR LE REQUÉRANT

Toronto (Ontario)

George Thomson      POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général

du Canada

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