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Date : 20001213

Dossier : T-66-86A

ENTRE :

BERTHA L'HIRONDELLE, en son nom

et au nom de tous les autres membres de la bande indienne de Sawridge

                                                                      demandeurs (défendeurs)

                                                     et

                                SA MAJESTÉ LA REINE

                                                               défenderesse (demanderesse)

                                                     et

LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA,

LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA (ALBERTA),

    NON-STATUS INDIAN ASSOCIATION OF ALBERTA et

          NATIVE WOMEN'S ASSOCIATION OF CANADA

                                                                                          intervenants

                                                                              Dossier T-66-86B

ENTRE :

                         BRUCE STARLIGHT, en son nom

et au nom de tous les autres membres de la bande indienne de Sarcee

                                                                      demandeurs (défendeurs)

                                                     et

                                SA MAJESTÉ LA REINE

                                                               défenderesse (demanderesse)


                                                     et

LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA,

LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA (ALBERTA),

    NON-STATUS INDIAN ASSOCIATION OF ALBERTA et

          NATIVE WOMEN'S ASSOCIATION OF CANADA

                                                                                          intervenants

                                                     

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                 (Prononcés à l'audience à Calgary (Alberta),

                                     le 7 décembre 2000)

LE JUGE HUGESSEN

[1]    La présente requête de la Couronne sollicite des directives suite à mon ordonnance en l'espèce, rendue le 23 septembre 1998. Cette ordonnance autorisait les demandeurs à modifier leurs déclarations, sous certaines conditions. La partie pertinente est rédigée comme suit :

Les avocats des demandeurs devront, au plus tard le 15 novembre 1998, soumettre par écrit aux avocats de la défenderesse et de chaque intervenant une liste détaillée de toutes les parties de la transcription des témoignages offerts lors du premier procès, y compris de toute intervention du juge de première instance, dont on ne veut pas qu'elles soient présentées en preuve au nouveau procès, ainsi que les motifs de ces objections. Les avocats de la défenderesse et ceux des intervenants devront y répondre par écrit au plus tard le 30 décembre 1998, après quoi chaque partie ou intervenant pourra demander à soumettre tout litige relatif à l'admissibilité de la preuve au juge responsable de la gestion de l'instance.


[2]                Les demandeurs ont interjeté appel de cette ordonnance. Toutefois, à ce jour, soit plus de deux ans plus tard, ils n'ont pas mené cet appel jusqu'à l'audience et il est toujours pendant. En novembre 1998, les demandeurs, prétendant se conformer à l'ordonnance précitée, ont expédié une lettre présentant globalement leurs objections à l'utilisation de la preuve présentée au premier procès. Ils s'objectent notamment à l'utilisation d'une certaine preuve présentée par les intervenants, ainsi que de certains témoignages d'experts. La Couronne et les intervenants ont réagi à ce texte en affirmant qu'à leur point de vue, toute la preuve présentée au premier procès pouvait être utilisée au second procès, sauf les commentaires et les interventions du juge du procès. Aucune des parties n'a présenté de requête pour obtenir des directives ou fait quoi que ce soit pendant presque deux ans afin de régler cette impasse, jusqu'à tout récemment où la présente requête a été déposée. Dans leurs prétentions, les parties reprennent, avec des variantes mineures, les positions qu'ils avaient adoptées à la fin de 1998.

[3]                Je vais d'abord traiter des objections présentées par les demandeurs et par la Couronne quant à l'admissibilité de certaines parties de la preuve présentée au premier procès. Selon moi, aucune de ces objections n'est justifiée. En fait, aucun des avocats n'en a traité à l'audience de la requête. Par conséquent, je considère qu'ils sont tous d'accord que si l'une quelconque partie de la preuve du premier procès est admissible, toute la preuve du premier procès peut être utilisée au second procès.


[4]                La présente requête porte donc sur la question de savoir si une partie de la preuve ou de la transcription de cette preuve peut être déposée à l'occasion du nouveau procès. Il est clair qu'une réponse affirmative à cette question était implicite dans mon ordonnance de septembre 1998. Comme j'ai rendu cette ordonnance et qu'elle est toujours en appel, il m'est difficile, et il est peut-être incorrect de ma part, de commenter cet argument. Je dirai donc seulement que selon moi l'ordonnance se situait tout à fait dans le cadre de mes responsabilités en tant que juge responsable de la gestion de l'instance, notamment telles qu'elles sont précisées à l'article 385 des Règles, et qu'elles ne contrevenaient pas à l'ordonnance de la Cour d'appel visant la tenue d'un nouveau procès au motif de l'existence d'une crainte raisonnable de partialité du juge du premier procès.

[5]                Selon moi, la jurisprudence citée par les demandeurs ne pose pas comme principe que lorsqu'un procès est annulé par suite d'un manquement à la justice naturelle, tout ce qui s'est produit dans ce procès doit être considéré comme n'ayant jamais existé. Selon moi, ce point de vue est absurde et il ne correspond certainement pas au droit qu'on trouve dans la jurisprudence citée. Bien sûr, dans certaines circonstances il se peut que ce qui s'est produit au premier procès soit tellement vicié qu'on ne peut rien en utiliser. Ce n'est toutefois pas le cas en l'espèce.

[6]                La Cour d'appel a fait bien attention de limiter sa critique du juge du premier procès, ne la faisant porter que sur certains commentaires spécifiques qu'il a faits au sujet des droits des Autochtones, qu'il considérait avoir un fondement raciste. Elle a insisté pour dire que sa conduite générale du procès était sans reproche.

[7]                Par conséquent, à condition que les commentaires et l'intervention du juge du premier procès soient exclus dans le cadre du second procès, je ne vois pas de quelle façon l'ordonnance de la Cour d'appel viendrait empêcher l'utilisation de la transcription du premier procès lors du second procès.


[8]                Ceci m'amène à la deuxième question soulevée par les demandeurs. Je crois comprendre que celle-ci porte sur le fait que traditionnellement et en common law, au vu de la justice naturelle, les avocats doivent avoir le contrôle du procès et être autorisés à présenter toute la preuve qu'ils veulent présenter et, ce qui est encore plus important, de la façon qui leur convient.

[9]                Je ne suis pas de cet avis. Le premier procès a duré 79 jours. Il représente une dépense extraordinaire de temps et d'argent, tant du secteur privé que du secteur public. Les questions à trancher au second procès sont sur le fond les mêmes que celles qui devaient être tranchées au premier procès. Les changements au droit sur lesquels les demandeurs s'appuient, tels qu'ils ont été identifiés par la Cour suprême du Canada dans sa jurisprudence récente, ne viennent changer en rien la matrice des faits sur laquelle l'affaire doit être tranchée. Les parties n'ont pas changé. La disparition d'un demandeur et l'addition d'un intervenant ne viennent rien changer de fondamental.

[10]            De plus, un certain nombre de témoins qui ont témoigné au premier procès, y compris certains de ceux qui avaient été convoqués par les demandeurs, sont maintenant décédés. Leur preuve doit-elle être perdue pour toujours? Je ne le crois pas.


[11]            De plus, il n'y a rien de radical ou d'inhabituel, nonobstant ce que les demandeurs semblent croire, dans le fait que la Cour ordonne qu'une partie de la preuve au procès provienne d'une autre source que les témoignages donnés de vive voix à l'audience. Les articles 285 et 286, ainsi que le paragraphe 373(4) des Règles, illustrent bien ceci. Il en va de même de la pratique courante qui consiste à utiliser des témoignages devant une commission rogatoire à l'étranger, ou celui de bene esse d'un témoin qui est malade ou sur le point de mourir.

[12]            Bien sûr, les demandeurs ont raison de dire que le choix de la preuve qu'ils veulent présenter appartient aux avocats et qu'il serait erroné de délivrer sans consentement une ordonnance portant que tout le dossier du premier procès soit tout simplement déposé devant le juge du second procès pour qu'il prenne sa décision au vu du dossier. Toutefois, il serait également erroné d'autoriser les avocats à convoquer une kyrielle de témoins qui ont déjà témoigné en l'instance au sujet des questions soulevées et qui ne feraient rien d'autre que répéter l'essentiel du témoignage qu'ils ont déjà donné, dans les mêmes mots ou des mots assimilables. Ceci ne constituerait pas la façon la plus équitable, expéditive et économique de traiter la question. Or, ce sont là les directives qui s'imposent à moi en tant que juge de la gestion de l'instance.

[13]            Comme les questions de pertinence et de reconnaissance des experts sont, comme toujours, soumises à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge du procès, je propose que les parties soulèvent ces questions devant le juge du procès si elles le désirent. Autrement, je me propose de délivrer une ordonnance portant que toute la preuve admise au premier procès peut être présentée en preuve au second procès, ainsi que certaines ordonnances en découlant qui auront pour objet d'éviter une répétition inutile des témoignages et une perte de temps.


[14]            Voici l'ordonnance que j'ai l'intention de rendre :

1.              La transcription de toute la preuve déposée au premier procès (sauf les arguments, commentaires et interventions du juge du procès) peut, sous réserve de toute décision du juge du procès quant à sa pertinence et du droit d'une personne de présenter des témoignages d'opinion, lorsque c'est le cas, être déposée en preuve au nouveau procès. Les témoins dont les témoignages sont ainsi déposés en preuve ne seront pas interrogés ou contre-interrogés au nouveau procès, sauf autorisation du juge du procès.

2.              Les personnes qui ont témoigné au premier procès ne seront pas convoquées à témoigner au nouveau procès, sauf si la partie qui veut les convoquer arrive à convaincre le juge du procès que les personnes en cause sont susceptibles de présenter une preuve qu'elles n'avaient pas présentée lors du premier procès.

[15]       Je vais maintenant écouter vos prétentions au sujet des dépens.

Plus tard

[16]       Le Conseil national des autochtones du Canada (Alberta) et la Non-status Indian Association of Alberta ont droit aux dépens, au montant de 750 $ payable sans délai et sans égard à l'issue de l'instance.

                                                                      JAMES K. HUGESSEN           

                                                                                                     Juge                            

Ottawa (Ontario)

Le 13 décembre 2000

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Nos DU GREFFE :                               T-66-86A et T-66-86B

INTITULÉ DE LA CAUSE :                BERTHA L'HIRONDELLE et autres c. SA MAJESTÉ LA REINE et autres

BRUCE STARLIGHT et autres c. SA MAJESTÉ LA REINE et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :                     CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                   le 7 décembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE HUGESSEN

EN DATE DU :                                     13 décembre 2000

ONT COMPARU

Mme Catherine Twinn                                                     POUR LES DEMANDEURS

M. Martin Henderson

M. Philip Healey

Mme Kathleen Kohlman                                                 POUR LES DÉFENDEURS

Mme Maria Mendola Dow

M. Michael J. Donaldson                                               POUR L'INTERVENANT, NON-STATUS INDIANS OF ALBERTA

M. Jon Faulds                                                               POUR L'INTERVENANT, CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES (ALBERTA)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Mme Catherine Twinn                                                     POUR LES DEMANDEURS

Slave Lake (Alberta)

Aird & Berlis

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                                    POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada

Burnet, Duckworth & Palmer                             POUR L'INTERVENANT, NON-Calgary (Alberta)                                                    STATUS INDIANS OF ALBERTA

Field Atkinson Perraton                                                 POUR L'INTERVENANT, CONSEIL

Edmonton (Alberta)                                                       NATIONAL DES AUTOCHTONES                                                                          (ALBERTA)

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