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Date : 20001106

Dossier : IMM-5482-99

ENTRE :

                                 SRIAHILANDTHARANATHAN MOHANARAJAN,

                                                                                                                                         demandeur,

                                                                             et

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                          défendeur.

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

MADAME LE JUGE SIMPSON

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'égard d'une décision que la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la « Commission » ) a rendue le 14 octobre 1999. Le demandeur, Sriahilandtharanathan Mohanarajan (le « demandeur » ), a revendiqué le statut de réfugié au motif qu'il est un jeune Tamoul provenant de la zone névralgique de Jaffna, au Sri Lanka. Il soutient avoir été persécuté par les Tigres libérateurs de l'EELAM TAMOUL (les « TLET » ) ainsi que par la police et l'armée srilankaises. Invoquant l'absence de crédibilité, la Commission a rejeté la revendication du demandeur. Elle a également mis en doute l'exactitude des documents d'identification et a conclu à l'insuffisance d'éléments de preuve fiables indiquant que le demandeur provenait de la région de Jaffna, au Sri Lanka.


Les faits

[2]         Le demandeur est un jeune Tamoul du Sri Lanka âgé de 37 ans. Il est célibataire et n'a pas d'enfant. Sur son Formulaire de renseignements personnels (FRP), le demandeur a déclaré qu'il est né à Kalluvam, un village situé sur la péninsule de Jaffna, mais qu'il a été élevé et a fait ses études à Vavuniya, où son père possédait une ferme. Le demandeur a décrit les événements suivants sur son FRP.

[3]         En 1984, après l'assassinat d'un surintendant local de la police, les membres de l'armée et de la police ont tué d'innocents civils tamouls. À cette époque, le demandeur et son père ont été sauvagement battus par la police.

[4]         Deux ans plus tard, en 1986, les TLET ont kidnappé et probablement assassiné le frère du demandeur, parce qu'il avait été un ami intime d'un membre d'une organisation militante rivale.

[5]         Le demandeur s'est trouvé un emploi en juin 1989 comme chauffeur-mécanicien pour la Northern Regional Transport Board (la « NRTB » ), qu'il a décrite comme une organisation quasi gouvernementale. Le demandeur a déclaré que certains employés de la NRTB étaient harcelés par les TLET.

[6]         En 1990, la guerre civile s'est intensifiée. Le père du demandeur a envoyé ses filles et un fils plus jeune à Madras, en Inde, pour des raisons de sécurité. En septembre 1990, les TLET ont lancé un ordre de grève générale, mais le demandeur a été sommé de continuer à assurer le service de transport public. Son autobus a été intercepté par les TLET et brûlé. N'ayant pu identifier les assaillants, il a été interrogé et [TRADUCTION] « harcelé physiquement » par la police.

[7]         En 1992, des membres des TLET se sont rendus à la résidence familiale du demandeur et, revolver en main, [TRADUCTION] « se sont emparé de la quantité totale de riz brut que nous avions en stock à l'époque » . Un an plus tard, l'armée a arrêté l'autobus du demandeur et l'a amené avec ses passagers vers un hôpital situé tout près, où ils ont été forcés de donner du sang.

[8]         En avril 1994, l'armée s'est servi de l'autobus du demandeur pour transporter une cache d'armes des TLET qu'elle avait trouvée près de la ferme du demandeur. Les TLET ont reproché à celui-ci d'avoir révélé l'emplacement de leur réserve. Après avoir été détenu et torturé par les TLET pendant onze jours, le demandeur a finalement été relâché lorsque son père a payé une rançon élevée. Les TLET ont ordonné au demandeur de quitter son travail à la NRTB et de rester à Vavuniya. Craintif, le demandeur a obéi. Six mois plus tard, en octobre 1994, le père du demandeur s'est opposé à ce que les TLET se servent de ses terres pour y installer un camp. Par suite de cette opposition, le père a été sauvagement battu et, peu après, il est mort d'une crise cardiaque.

[9]         Le demandeur est retourné à Kalluvam en 1995 pour s'occuper de son grand-père malade ainsi que de la ferme familiale. Il a été harcelé par les membres de la TLET, qui l'ont forcé à leur fournir de l'argent et de la main-d'oeuvre. Ils l'ont également menacé de l'enrôler dans leurs rangs et le demandeur n'a été épargné que grâce à un pot-de-vin que son grand-père a payé. Cependant, il a dit qu'il a travaillé pour les TLET [TRADUCTION] « comme un esclave » .


[10]       En mai 1996, les forces du gouvernement se sont emparé du contrôle de la région située autour de Kalluvam. Étant donné qu'il s'agissait auparavant d'une forteresse des TLET, l'armée s'est montrée hostile à l'endroit des personnes qui y résidaient. Le demandeur a déclaré qu'il a été contraint de travailler sur les véhicules de l'armée qui a été mise au courant, [TRADUCTION] « d'une façon ou d'une autre » des compétences qu'il possédait comme mécanicien.

[11]       Au cours d'une nuit de février 1998, des membres des TLET se sont introduits dans la maison du demandeur et l'ont battu en lui donnant des coups de pied aux testicules. Ils ont également menacé de le tuer s'il ne cessait pas de travailler pour l'armée. Le demandeur a tenté d'éviter de travailler pour l'armée mais, en avril 1998, il a été arrêté par celle-ci et [TRADUCTION] « fait l'objet d'attaques physiques visant à le harceler » . Ses grands-parents ont communiqué avec un ami de la famille, qui était membre de l'armée, et lui ont demandé d'intervenir. Par suite de cette intervention, le demandeur a été relâché après avoir été détenu pendant neuf jours. En mai 1998, les TLET ont assassiné l'officier qui avait aidé le demandeur. Le demandeur a été entendu alors qu'il formulait des remarques dures à l'endroit des TLET, qui se sont alors rendus à cette maison pour le tuer. Cependant, il ne se trouvait pas à la maison à ce moment-là et, par la suite, il a commencé à se cacher.

[12]       Le demandeur a dit qu'entre mai et juillet 1998, il s'est rendu à Pavatkulam pour rester chez un des amis de son père. Alors qu'il se trouvait là-bas, il a retenu les services d'un agent et lui a demandé de l'amener à Colombo, puis de le faire sortir du pays. L'agent l'a accompagné jusqu'à Colombo, où le demandeur n'est resté qu'une journée. Il s'est ensuite rendu à l'aéroport, où un agent de sécurité l'a interrogé. Cependant, il a pu prendre l'avion qui devait l'amener à Singapour après que l'agent a donné un pot-de-vin aux agents de sécurité.

[13]       Le demandeur a quitté le Sri Lanka le 26 juillet 1998 et s'est envolé vers les États-Unis en passant par le Singapour, la Malaisie, la Chine et le Japon. Il a franchi la frontière de Lacolle (Québec) le 1er août 1998 et a présenté sa revendication du statut de réfugié le même jour.


Les questions en litige

Question un :    la crédibilité du demandeur

[14]       La Commission a invoqué les motifs suivants pour conclure que le témoignage du demandeur n'était pas digne de foi :

[TRADUCTION]

a)    l'explication que le demandeur a donnée à l'audience au sujet de la façon dont l'armée a appris qu'il était mécanicien était différente des renseignements qu'il avait fournis sur son FRP;

b)    les descriptions que le demandeur a données au cours de l'audience au sujet de sa détention et des différentes attaques dont il a fait l'objet de la part des TLET et de l'armée comportaient une [TRADUCTION] « similitude inquiétante » qui a incité la Commission à conclure qu'aucun de ces événements ne s'était produit;

c)    il était peu probable que le demandeur soit resté six semaines chez un ami de son père, à Pavatkulam, pendant sa fuite vers Colombo;

d)    le demandeur a dit au cours de l'audience que son agent avait pris des dispositions pour lui permettre de se rendre de Pavatkulam à Colombo à bord d'un véhicule de l'armée. Cependant, il a aussi déclaré à l'audience qu'il avait emprunté le train pour se rendre à Colombo. Étant donné qu'il a également mentionné qu'il avait défié les ordres de l'armée lorsque celle-ci lui a demandé de retourner travailler sur ses véhicules et qu'il avait quitté sa région de résidence désignée malgré les ordres contraires de l'armée, la Commission a conclu que le témoignage du demandeur était contradictoire et que la version selon laquelle il a utilisé un véhicule de l'armée pour se rendre à Colombo n'était pas plausible;

e)    le demandeur a déclaré au cours de l'audience qu'il avait été interrogé et qu'un pot-de-vin avait été payé à l'aéroport de Colombo, mais il a omis d'inclure une description complète des événements en question sur son FRP.

Commentaires concernant la crédibilité

[15]       Dans l'arrêt Pushpanathan c. Canada (M.C.I.), [1998] 1 R.C.S. 982, la Cour a statué qu'une conclusion défavorable de la Commission au sujet de la crédibilité ne devrait être infirmée que si elle était « manifestement déraisonnable » . J'examinerai chaque conclusion à tour de rôle.

[16]       En ce qui concerne le travail de mécanicien du demandeur, la Commission s'est exprimée comme suit :

[TRADUCTION] Le revendicateur a mentionné au cours de son témoignage que l'armée l'a forcé à réparer ses véhicules. En réponse à la question de savoir comment l'armée a su qu'il était mécanicien, il a dit que l'armée avait l'habitude d'amener des véhicules au garage pour les faire réparer lorsqu'il a travaillé pour la Northern Regional Transport Board (NRTB) de 1989 à 1994; c'est dans ces circonstances qu'elle a fait la connaissance du revendicateur. Cette version va à l'encontre de la partie narrative de son FRP, où il a déclaré que [TRADUCTION] « d'une façon ou d'une autre, le personnel de l'armée a fini par savoir que j'étais mécanicien et chauffeur pour la NRTB » . Le tribunal a tiré une conclusion négative de cette contradiction. À notre avis, les mots « a fini par savoir » ne signifient pas qu'il s'agissait de renseignements de première main, comme le revendicateur l'a indiqué au cours de son témoignage.

[17]       Le demandeur avait formulé les commentaires suivants sur son FRP :

[TRADUCTION] En mai 1996, les forces de sécurité se sont emparé du contrôle de la division administrative de Vadamarachchy, qui comprend Karaveddi et Kalluvam. Étant donné que ces régions avaient été une forteresse [sic] des TLET au départ, les hommes de l'armée ont adopté une attitude cruelle à l'endroit des personnes qui s'y trouvaient. J'ai dû répondre à des questions à trois reprises au camp de l'armée situé tout près de là et j'ai subi des préjudices à l'occasion. D'une façon ou d'une autre, le personnel de l'armée a fini par savoir que j'étais mécanicien et chauffeur pour la NRTB. Elle m'a forcé à réparer [sic] ses véhicules à l'occasion.

[18]       À mon avis, la conclusion que la Commission a tirée au sujet de cette question n'était pas manifestement déraisonnable, compte tenu des divergences entre le FRP du demandeur et son témoignage. De plus, cette conclusion m'apparaît importante, puisqu'elle portait sur les liens entre le demandeur et l'un de ses agents de persécution.


[19]       En ce qui a trait aux agressions physiques, le demandeur a reconnu que son témoignage était incompatible avec son FRP. Au cours de son témoignage, il a décrit deux agressions presque identiques (au cours desquelles il a reçu des coups de pied aux testicules) qui seraient survenues à différents moments et auraient été commises par deux agents de persécution différents. Cependant, sur son FRP, il a donné des comptes rendus différents au sujet de mauvais traitements que lui ont infligés les TLET et l'armée. Le demandeur soutient toutefois que cette contradiction n'est pas importante et que sa confusion au sujet du moment auquel une des attaques est survenue et auquel il a été relâché par l'armée était une question mineure.

[20]       À mon avis, la Commission avait le droit de conclure que les descriptions différentes des deux attaques constituaient une incohérence importante donnant à penser que la version du demandeur a été fabriquée. Les deux attaques avaient une importance vitale pour la revendication du demandeur et l'ont incité à s'enfuir. Il n'était pas déraisonnable de s'attendre à ce que le demandeur décrive les événements et les agents de persécution d'une manière uniforme.

[21]       En ce qui concerne le séjour du demandeur chez l'ami de son père, la Commission a jugé peu probable qu'au cours de sa fuite vers Colombo, le demandeur soit resté six semaines à Pavatkulam. Elle n'a pas accepté l'explication qu'il a donnée et a été troublée par le fait que le séjour a été décrit comme un séjour [TRADUCTION] « de courte durée » sur le FRP. Je n'ai trouvé aucun élément me permettant de dire que les conclusions de la Commission à ce sujet étaient manifestement déraisonnables.

[22]       Quant au mode de transport que le demandeur a utilisé pour se rendre à Colombo, une lecture de la transcription indique une nette divergence. À un certain moment, le demandeur a dit qu'il avait voyagé par camionnette alors qu'à un autre, il a mentionné qu'il avait emprunté le train.

[23]       Cependant, même si la conclusion de la Commission au sujet des descriptions incohérentes du demandeur en ce qui concerne son mode de transport ne m'apparaît pas erronée, je conviens avec lui que la preuve ne permet pas de dire qu'il s'est rendu à Colombo [TRADUCTION] « avec une escorte militaire spéciale » , contrairement à la conclusion de la Commission. Le témoignage du demandeur permet, tout au plus, de dire qu'il a voyagé avec une personne qui faisait partie de l'armée.


[24]       Enfin, en ce qui a trait aux événements survenus à l'aéroport, le demandeur a fourni les renseignements suivants sur son FRP :

[TRADUCTION]Jesuis resté à Colombo une journée seulement et sans inscrire mon nom auprès de la police. En demandant l'aide d'un policier à la retraite, mon agent a pu m'amener à l'aéroport international de Colombo. À cet endroit, les agents de sécurité m'ont fait subir un interrogatoire serré. Mon agent a pu leur donner un pot-de-vin et les empêcher de m'amener au poste de police de Negombo pour un autre interrogatoire, ce qui m'a permis de quitter le Sri Lanka le 26 juillet 1998 en prenant le vol prévu.

[25]       La Commission s'est exprimée comme suit sur ce point :

[TRADUCTION]Lorsqu'il a témoigné au sujet de son départ du Sri Lanka, le revendicateur a mentionné au tribunal qu'à l'aéroport de Colombo, alors qu'il s'apprêtait à monter à bord de l'avion, il a remarqué deux personnes vêtues en gris qui vérifiaient ses bagages. Il a soutenu que ces personnes croyaient qu'il était un Tigre et lui ont demandé pourquoi il se rendait à Singapour. Le revendicateur a dit au cours de son témoignage qu'il a répondu à ces deux personnes qu'il se rendait là-bas pour faire des achats. Toujours selon le revendicateur, les deux personnes ont constaté qu'il avait sur lui une somme de 1 000 $ US. Elles lui auraient dit que la somme de 1 000 $ US n'était pas (texte manquant) la raison pour laquelle cet événement survenu à l'aéroport n'a pas été mentionné dans la partie narrative de son FRP. Le revendicateur a répondu qu'il avait relaté sa version sous forme abrégée avec l'intention de donner des explications plus détaillées au cours de l'audience. Au cours de son argumentation, l'avocat a souligné que le revendicateur devait consigner par écrit uniquement les événements importants qui l'ont incité à décider de quitter le Sri Lanka. Néanmoins, le tribunal estime que, si cet incident s'est réellement produit, il était suffisamment important pour être relaté dans la partie narrative du FRP et que, étant donné que le revendicateur a décrit des événements moins importants, il aurait dû faire mention de celui-ci sur le formulaire en question. Le demandeur n'est ni crédible ni digne de confiance.

[26]       À mon avis, la Commission avait de bonnes raisons de conclure que le demandeur aurait dû décrire sur son FRP une confrontation qui est survenue à l'aéroport alors qu'il s'apprêtait à quitter le pays et au cours de laquelle il a été accusé de faire partie des TLET.

Question deux : L'identité du demandeur


[27]       Afin d'établir son identité à titre de jeune Tamoul de la région de Jaffna, le demandeur a présenté une carte d'identité nationale et deux autres cartes qui, selon lui, correspondaient au recto et au verso de ce qui avait été une seule carte d'identité délivrée par la NRTB. La Commission a renvoyé les documents à la GRC pour une expertise judiciaire, qui a donné des résultats [TRADUCTION] « non concluants » . Cependant, la Commission s'est fondée sur le rapport d'expertise judiciaire de la GRC et sur d'autres éléments de preuve pour mettre en doute la crédibilité des documents. Elle a conclu qu'elle n'était pas convaincue que les documents prouvaient que le demandeur était un Tamoul de la région de Jaffna, au Sri Lanka.

Examen de l'identité

[28]       Les trois documents suivants ont été portés à l'attention de la Commission :

Q-1:      Une carte d'identité nationale du Sri Lanka ( « CIN » ) portant le numéro 672491789V et la date du 89-91-10.

Q-2:      Un côté d'une carte d'identité de la NRTB portant le numéro 001459 et la date du 89/12/18 ainsi qu'une photographie.

Q-3:      Un côté d'une carte d'identité de la NRTB portant le numéro 001459 et la date du 05-08-93, qui avait été écrite à la main.

[29]       Dans son rapport d'expertise judiciaire, la GRC a formulé les observations suivantes au sujet de chaque document :

Q-1:      La carte d'identité a été jugée authentique. La GRC s'est exprimée comme suit :

[TRADUCTION] Elle a été comparée avec des cartes d'identité du Sri Lanka du même genre et a été jugée compatible en ce qui concerne les procédés d'impression et de production utilisés ainsi que les éléments de sécurité qu'elle comportait, comme des lignes en microcaractères, un numéro de contrôle imprimé par procédé typographique, des caractéristiques de fluorescence-ultraviolet et un dessin de sécurité sur la pellicule de plastique.

Toutefois, la GRC a également souligné ce qui suit :

[TRADUCTION] Un examen de la pièce Q-1 indique que la pellicule de plastique originale a été endommagée, de même que les renseignements écrits à la main sur la couche de papier. De plus, la carte a été manipulée, c'est-à-dire que la pellicule de plastique initiale a été découpée le long des quatre côtés du papier et qu'une deuxième pellicule de plastique a été apposée sur la carte.


Q-2:      La GRC n'a pu dire non plus si ce document était authentique. Voici comment elle s'est exprimée :

[TRADUCTION] En raison de l'impossibilité d'obtenir des renseignements au sujet de la production et de la délivrance de ce type de document, les mots « non concluant » ont été écrits en réponse à la question de savoir si le document Q-2 était authentique.

L'analyse microscopique de la pièce Q-2 a révélé qu'il s'agit d'un document imprimé au moyen d'un procédé de typographie. En ce qui concerne le numéro 622491780, il semble que le deuxième caractère, soit le chiffre « 2 » , a été recouvert et remplacé par le chiffre « 7 » ; l'importance de ce changement est inconnue. La carte a été revêtue d'une deuxième pellicule de plastique; de plus, une incision a été pratiquée sur le recto de la carte (le côté de la photographie) au moyen d'un instrument pointu et le recto a été séparé de sa couche dorsale, ce qui a donné lieu à la carte partielle constituant la pièce Q-2.

Q-3:      La GRC n'a pu dire si ce document était authentique. Elle a formulé les remarques suivantes :

[TRADUCTION] En raison de l'impossibilité d'obtenir des renseignements au sujet de la production et de la délivrance de ce type de document, les mots « non concluant » ont été écrits en réponse à la question de savoir si le document Q-2 était authentique.

L'analyse de la pièce Q-3 a révélé qu'une incision a été pratiquée sur la pellicule de plastique d'un côté de la carte au moyen d'un instrument pointu et que la carte a été séparée, ce qui a donné lieu à la carte partielle constituant la pièce Q-3.

Lorsque les parties dorsales (côtés non revêtus d'une pellicule de plastique) des pièces Q-2 et Q-3 sont superposées, elles ne concordent pas. La couche de papier du verso de la photo figurant sur la pièce Q-2 ne concorde avec aucune partie manquante du verso de la pièce Q-3 et les filigranes apparaissant sur les deux documents ne concordent pas lorsqu'ils sont superposés, bien que le dessin soit semblable.

[30]       Dans sa décision, la Commission a formulé les remarques et conclusions suivantes au sujet des documents :


[TRADUCTION] La pièce C-2a), la copie de la CIN du revendicateur, est désignée sous la cote Q-1 dans le rapport de la GRC. Dans sa réponse au rapport de la GRC, l'avocat souligne qu'il n'est pas rare que des documents soient revêtus d'une autre pellicule de plastique et que le découpage du plastique superflu est fait uniquement pour des raisons esthétiques. Cet argument n'explique pas l'absence de certaines caractéristiques de sécurité qui devraient figurer sur la CIN. Il appert d'éléments de preuve documentaires déjà mentionnés que dès 1989, certains codes numériques ont été ajoutés aux CIN afin qu'il soit possible d'identifier la région du pays d'où provient le titulaire de la carte. Ainsi, lorsque le titulaire provient de la province du nord, le chiffre 4 figurerait à l'angle supérieur droit du recto (côté de la photographie de la CIN). Au verso, le numéro 11, indiquant que le titulaire provient de Vavuniya, devrait figurer au bas de la carte. Aucun de ces chiffres ne figure sur la CIN que le revendicateur a présentée et qui aurait été délivrée en 1989. Cependant, étant donné que la carte présentée en preuve a été délivrée le 10 janvier 1989, la nouvelle règle n'était peut-être pas encore en vigueur.

Le document que la GRC a désigné sous la cote Q-2 est une carte d'identité que la NRTB aurait délivrée le 18 décembre 1989, soit la même année au cours de laquelle la CIN a été établie. Le numéro de la CIN du revendicateur est le 672491789V. Bien que ce numéro semble être le même que celui qui figure sur la carte délivrée par la NRTB, le deuxième chiffre du numéro inscrit sur celle-ci, soit 622491789V, a été recouvert et le chiffre « 2 » a été remplacé par un « 7 » . Ce changement est souligné dans le rapport d'expertise judiciaire, où il est mentionné que l'importance de ce changement n'est pas connue. Encore là, un examen attentif des documents déjà mentionnés indique que les deux premiers chiffres du numéro de la CIN correspondent à l'année de naissance du titulaire. Étant donné qu'il y a eu altération de la pellicule originale de cette carte et que tous les autres documents d'identification indiquent que le revendicateur est né en 1967, le tribunal conclut que la modification apportée au deuxième chiffre (2) figurant sur cette carte de façon à le remplacer par le « 7 » visait à falsifier un document afin que le numéro corresponde à celui de la CIN.

Le document que la GRC a désigné sous la cote Q-3 aurait également été établi par la NRTB et serait une partie de la pièce Q-2.

. . .

Le tribunal en arrive à la conclusion que le document Q-3 n'a jamais fait partie du document Q-2, contrairement à ce que le revendicateur soutient. Même un examen sommaire des deux documents indique que le document Q-2 est imprimé par procédé typographique, alors que la plupart des renseignements figurant sur le document Q-3 sont écrits à la main. Les logos ne sont pas identiques, alors qu'ils le seraient s'ils étaient tous deux imprimés comme éléments d'un même document. De plus, il est illogique de penser que la partie Q-3 serait un renouvellement de la carte d'identité de la NRTB. Le revendicateur soutient que la carte d'identité était valable pour une période de six ans. La carte originale a été établie en 1989. Comment aurait-il pu faire renouveler sa carte d'identité à la NRTB en 1995 alors que, selon son témoignage, il a cessé de travailler pour cette organisation en 1994 en raison des menaces dont il faisait l'objet de la part des TLET? De plus, même s'il se peut que l'année 1995 corresponde à la fin de la période de validité de la carte établie en 1989, pourquoi la date 05/08/93 figure-t-elle au bas de la pièce Q-3 plutôt qu'une date d'établissement dont l'année serait 1989? Le tribunal en arrive à la conclusion que l'authenticité de ces documents est très douteuse et que ceux-ci ne permettent pas d'établir l'identité du revendicateur, notamment en ce qui concerne sa présence dans le nord aux dates pertinentes dont il est fait mention dans la revendication.


[31]       En ce qui concerne le document Q-2, l'avocat du demandeur a soutenu que la conclusion de la Commission selon laquelle le deuxième chiffre, le « 2 » , a été remplacé par un « 7 » afin que le numéro soit conforme à celui du document Q-1 n'était pas logique, parce qu'il est peu probable que le demandeur (s'il était un faussaire) aurait trouvé une carte comportant tous les chiffres dont il avait besoin (sauf un) et correspondant au document Q-1. Je suis d'accord avec cet argument, mais cela ne signifie pas nécessairement que le document est authentique. Tout ce que cela signifie, c'est que la personne qui a préparé le document (que ce soit un employé de la NRTB ou un faussaire) a commis une erreur qui a été corrigée lorsque le numéro a été inscrit sur la carte.

[32]       Compte tenu de tous les problèmes qui ont été relevés au sujet des documents, j'estime que la Commission pouvait à bon droit conclure comme elle l'a fait. En raison de ses compétences spécialisées, la Commission a le droit d'en arriver à ses propres conclusions au sujet de la fiabilité d'un document, même si la GRC ne s'est pas prononcée sur l'authenticité du document en question.

Conclusion

[33]       Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

(S.) « Sandra J. Simpson »

Juge

Vancouver (C.-B.)

6 novembre 2000

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         SRIAHILANDTHARANATHAN MOHANARAJAN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

No DU GREFFE :                                           IMM-5482-99

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            4 octobre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE SIMPSON

EN DATE DU :                                               6 novembre 2000

ONT COMPARU :

Me John M. Guoba                                                                    pour le demandeur

Me Neeta Logsetty                                                                    pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Me John M. Guoba                                                                    pour le demandeur

Toronto (Ontario)

Me Morris Rosenberg                                                                pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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