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Date : 19991117


T-126-99

E n t r e :


     APOTEX INC.,

appelante,



- et -



BORDEN & ELLIOT,


intimée.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE TEITELBAUM


[1]      La Cour est saisie d'un appel interjeté en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, modifiée (la Loi) d'une décision en date du 30 novembre 1998 par laquelle le registraire des marques de commerce a ordonné la radiation de l'enregistrement no 360 106. L'appelante (la demanderesse) conclut au prononcé d'une ordonnance infirmant cette décision et confirmant l'enregistrement de la marque de commerce en question sous ce numéro d'enregistrement et au nom d'Apotex Inc.


LES FAITS

[2]      La marque de commerce DINO-VITES a été enregistrée sous le numéro 360 106 le 8 septembre 1989 au nom de Randle Laboratories Inc. (Randle) en vue d'être utilisée en liaison avec des vitamines pour enfants.

[3]      En 1990, l'appelante Apotex Inc. a acheté la majorité des actions de Randle. Le 1er septembre 1992, elle a acquis Randle, y compris tous ses éléments d'actif et son inventaire, aux termes d'un acte de vente.

[4]      Le 2 novembre 1992, Randle a cédé la marque de commerce DINO-VITES à Apotex. Cette cession a été enregistrée au Bureau des marques de commerce le 29 octobre 1993.

[5]      Le 9 avril 1997, le registraire a fait parvenir l'avis prévu à l'article 45 de la Loi à Apotex, la propriétaire inscrite de la marque de commerce enregistrée sous le numéro LMC 360 106 relativement à la marque DINO-VITES, employée en liaison avec un complexe vitaminé à croquer pour enfants.

[6]      Le titulaire de l'enregistrement a déposé l'affidavit souscrit le 9 juillet 1997 par Mme Barbara E. Shifman, la directrice du service des ventes d'Apotex Private Label, comme preuve de l'utilisation de la marque de commerce DINO-VITES par son titulaire au cours de la période en cause, en l'occurrence entre le 9 avril 1994 et le 9 avril 1997.

[7]      Dans une décision datée du 30 novembre 1998, l'agent principal d'audience Savard a ordonné la radiation de l'enregistrement no 360 106 pour les motifs suivants :

         1) On ne sait pas avec certitude si Apotex Private Label (APL) est une division de la compagnie titulaire de l'enregistrement ou si elle est une entité juridique distincte et, partant, si APL a utilisé la marque de commerce à titre de compagnie titulaire de l'enregistrement ou d'entité juridique distincte ;
         2) L'emballage illustré à l'annexe C de l'affidavit porte le nom de " Randle Laboratories Inc. ". L'agent d'audience a déclaré : [TRADUCTION] " Il se peut que les " emballages " soient de la " vieille marchandise ", c'est-à-dire des paquets que le titulaire de l'enregistrement avait en main par suite de son acquisition de la marque de commerce, le 2 novembre 1992. L'affidavit ne renferme toutefois aucune explication à ce sujet et je ne suis pas disposé à tirer une telle inférence [...] " (Page 2.)
         3) [TRADUCTION] " La notice explicative jointe à l'annexe D soulève également la question de savoir si la marque DINO-VITES est employée par le titulaire de l'enregistrement, étant donné que, dans la notice explicative, Apotex Inc. est désignée comme une compagnie qui crée des marques maison. " (Page 2.)

[8]      L'agent supérieur d'audience a conclu que la preuve était trop ambiguë pour permettre de conclure que la marque de commerce avait été utilisée par le titulaire enregistré et il a par conséquent radié la marque de commerce no 360 106.

LA DÉCISION DE L'AGENT SUPÉRIEUR D'AUDIENCE

[9]      L'essentiel de la décision de l'agent supérieure d'audience se trouve dans les paragraphes suivants :

[TRADUCTION] Dans son affidavit, Mme Shifman affirme qu'APL est le levier marketing du titulaire de l'enregistrement en ce qui concerne les produits grand public et qu'en conséquence, le titulaire de l'enregistrement fabrique les produits grand public pour le compte d'APL, qui commercialise ces produits. Au paragraphe 3 de son affidavit, Mme Shifman précise que, dans le cadre de ses fonctions, elle s'occupe de la vente et de la commercialisation pour APL, ce qui comporte la présentation de la gamme de produits aux clients et la coordination de la fabrication des produits, étant donné qu'APL fabrique des produits sur commande. Elle étudie également le marché pour observer les nouveaux produits, elle propose des prix pour des produits et établit des prévisions de vente pour APL.
Ces affirmations ne permettent pas de savoir avec certitude si APL est une entité juridique distincte ou une simple division de la compagnie titulaire de l'enregistrement. Je trouve par ailleurs quelque peu ambiguë l'affirmation que le titulaire de l'enregistrement fabrique les produits en question pour le compte d'APL.
[...] La notice explicative jointe à l'annexe D soulève également la question de savoir si la marque DINO-VITES est employée par le titulaire de l'enregistrement, étant donné que, dans la notice explicative, Apotex Inc. [le titulaire de l'enregistrement] est désignée comme une compagnie qui crée des marques maison, ce qui semble appuyer ma conclusion que la marque de commerce n'est pas employée par le titulaire de l'enregistrement.
[...] Compte tenu des lacunes (ambiguïtés) que comportent l'affidavit et les documents soumis, il m'est impossible de conclure que la preuve est digne de foi et qu'elle démontre à l'évidence que la marque de commerce a été utilisée au Canada par son propriétaire inscrit.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13

Appeal

56. (1) An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registrar under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registrar or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months.

Additional evidence

56(5) On an appeal under subsection (1), evidence in addition to that adduced before the Registrar may be adduced and the Federal Court may exercise any discretion vested in the Registrar.

Appel

56. (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l'avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l'expiration des deux mois.

Preuve additionnelle

56(5) Lors de l'appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion don"t le registraire est investi.

45. (1) The Registrar may at any time and, at the written request made after three years from the date of the registration of a trade-mark by any person who pays the prescribed fee shall, unless the Registrar sees good reason to the contrary, give notice to the registered owner of the trade-mark requiring the registered owner to furnish within three months an affidavit or a statutory declaration showing, with respect to each of the wares or services specified in the registration, whether the trade-mark was in use in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and, if not, the date when it was last so in use and the reason for the absence of such use since that date.

45(2) Form of evidence

(2) The Registrar shall not receive any evidence other than the affidavit or statutory declaration, but may hear representations made by or on behalf of the registered owner of the trade-mark or by or on behalf of the person at whose request the notice was given.

45(3) Effect of non-use

(3) Where, by reason of the evidence furnished to the Registrar or the failure to furnish any evidence, it appears to the Registrar that a trade-mark, either with respect to all of the wares or services specified in the registration or with respect to any of those wares or services, was not used in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and that the absence of use has not been due to special circumstances that excuse the absence of use, the registration of the trade-mark is liable to be expunged or amended accordingly.





45(4) Notice to owner

(4) When the Registrar reaches a decision whether or not the registration of a trade-mark ought to be expunged or amended, he shall give notice of his decision with the reasons therefor to the registered owner of the trade-mark and to the person at whose request the notice referred to in subsection (1) was given.

45(5) Action by Registrar

(5) The Registrar shall act in accordance with his decision if no appeal therefrom is taken within the time limited by this Act or, if an appeal is taken, shall act in accordance with the final judgment given in the appeal.

45. (1) Le registraire peut, et doit sur demande écrite présentée après trois années à compter de la date de l'enregistrement d'une marque de commerce, par une personne qui verse les droits prescrits, à moins qu'il ne voie une raison valable à l'effet contraire, donner au propriétaire inscrit un avis lui enjoignant de fournir, dans les trois mois, un affidavit ou une déclaration solennelle indiquant, à l'égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l'enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date.

45(2) Forme de la preuve

(2) Le registraire ne peut recevoir aucune preuve autre que cet affidavit ou cette déclaration solennelle, mais il peut entendre des représentations faites par le propriétaire inscrit de la marque de commerce ou pour celui-ci ou par la personne à la demande de qui l'avis a été donné ou pour celle-ci.

45(3) Effet du non-usage

(3) Lorsqu'il apparaît au registraire, en raison de la preuve qui lui est fournie ou du défaut de fournir une telle preuve, que la marque de commerce, soit à l'égard de la totalité des marchandises ou services spécifiés dans l'enregistrement, soit à l'égard de l'une de ces marchandises ou de l'un de ces services, n'a été employée au Canada à aucun moment au cours des trois ans précédant la date de l'avis et que le défaut d'emploi n'a pas été attribuable à des circonstances spéciales qui

des trois ans précédant la date de l'avis et que le défaut d'emploi n'a pas été attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient, l'enregistrement de cette marque de commerce est susceptible de radiation ou de modification en conséquence.

45(4) Avis au propriétaire

(4) Lorsque le registraire décide ou non de radier ou de modifier l'enregistrement de la marque de commerce, il notifie sa décision, avec les motifs pertinents, au propriétaire inscrit de la marque de commerce et à la personne à la demande de qui l'avis visé au paragraphe (1) a été donné.

45(5) Mesures à prendre par le registraire

(5) Le registraire agit en conformité avec sa décision si aucun appel n'en est interjeté dans le délai prévu par la présente loi ou, si un appel est interjeté, il agit en conformité avec le jugement définitif rendu dans cet appel

QUESTIONS EN LITIGE

[10]      La présente demande soulève la question suivante :

L'appelante a-t-telle démontré que la marque de commerce DINO-VITES a été employée au Canada par son propriétaire inscrit au cours des trois années précédant l'avis envoyé en vertu de l'article 45 ?

THÈSE DES PARTIES

Thèse de l'appelante

[11]      L'appelante affirme qu'il ressort de la preuve qu'Apotex Inc. a démontré qu'elle avait employé la marque de commerce dans le cours normal du commerce au cours des trois années en question.

[12]      En second lieu, l'appelante soutient qu'un appel interjeté en vertu de l'article 56 implique la tenue d'un nouveau procès dans le cadre duquel sont présentés des éléments de preuve qui n'avaient pas été portés à la connaissance du registraire. Citant le jugement Keepsake Inc. c. Prestons Ltd., (1983), 69 C.P.R. (2d) 50 (C.F. 1re inst.), l'appelante soutient que l'article 56 fournit l'occasion de corriger les lacunes de la preuve soumise au registraire.

Thèse de l'intimée

[13]      L'intimée affirme que les conclusions de l'agent principal d'audience sont bien fondées, eu égard aux éléments de preuve qui lui étaient soumis. L'intimée soutient en outre que l'affidavit supplémentaire souscrit par Mme Barbara A. Shifman à la suite de la decision du registraire ne renferme aucun élément de preuve supplémentaire significatif qui appuie la thèse de l'appelante.

[14]      L'intimée affirme que la décision de l'agent principal d'audience devrait être confirmée, étant donné qu'il n'y a aucun élément de preuve qui démontre que les chiffres de ventes qui ont été présentés en preuve au moment de la décision constituent une preuve de l'emploi de la marque de commerce DINO-VITES par le propriétaire inscrit ou établissent qu'elle a été utilisée dans le cours normal du commerce.

ANALYSE

Norme de contrôle

[15]      Bien que l'appel interjeté devant notre Cour en vertu de l'article 56 de la Loi ait été assimilé à un nouveau procès en raison du droit du propriétaire inscrit de soumettre de nouveaux éléments de preuve, comme l'appelante l'a fait en l'espèce, il ressort de la jurisprudence qu'on fait preuve de beaucoup de retenue à l'égard des décisions du registraire.

[16]      Ainsi, dans le jugement Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. et al., (1987), 15 C.P.R. (3d) 133 (C.F. 1re inst.), notre Cour s'est penchée sur les circonstances dans lesquelles la décision du registraire peut être modifiée. Le juge Strayer a déclaré, à la page 135 :

[...] l"appelante a insisté pour que je considère l"affaire comme étant complètement de novo sans tenir compte de la décision du président. Certes, je reconnais que ces appels donnent lieu à des conclusions de fait que je peux tirer tout comme le registraire ; j"estime cependant que la Cour devrait hésiter à infirmer la décision du registraire ou du président à moins qu"elle ne soit clairement convaincue qu"il a tiré une conclusion erronée sur les faits ou à moins qu"on ne produise devant la Cour des éléments de preuve nouveaux et importants dont le registraire n"a pas été saisi.

[17]      Ce point de vue a été confirmé par le juge Denault dans le jugement Mitac Inc. c. Mita Industrial Co., (1992), 40 C.P.R. (3d) 387, dans lequel le juge déclare, à la page 391 :

[TRADUCTION] [...] en pareil cas, le fardeau qui est imposé à l"appelant comporte deux volets. En premier lieu, l"appelant doit démontrer que l"agent d"audience a commis une erreur dans son interprétation du droit. Il est de jurisprudence constante que ce type de décision a beaucoup de poids et qu"on ne doit pas la modifier à la légère.

[18]      Si l'on applique cette norme au cas qui nous occupe, l'appelante doit prouver soit que le registraire a commis une erreur en concluant que la preuve était trop ambiguë pour satisfaire aux critères applicables dans le cas d'un contrôle régi par l'article 45, soit que les nouveaux éléments de preuve qui ont été présentés par le biais de l'affidavit supplémentaire de Mme Barbara E. Shifman démontrent que l'appelante a employé la marque de commerce dans le cours normal du commerce entre avril 1994 et avril 1997.

Les éléments de preuve soumis au registraire

[19]      Aux termes de l'article 45 de la Loi, le propriétaire inscrit d'une marque de commerce qui est en avisé est tenu de démontrer si la marque de commerce a été employée ou non au Canada au cours des trois ans précédant la date de l'avis. En l'espèce, le registraire a envoyé un avis à l'appelante le 9 avril 1997 et la période en cause est donc comprise entre avril 1994 et avril 1997.

[20]      L'article 2 de la Loi donne la définition suivante des mots " emploi " et " usage "

         " emploi " ou " usage " "use"
         À l'égard d'une marque de commerce, tout emploi qui, selon l'article 4 est réputé un emploi en liaison avec des marchandises ou services.             

[21]      En réponse à la présente instance, l'appelante a produit l'affidavit souscrit par Mme Barbara E. Shifman, directrice du service des ventes des produits grands publics d'Apotex Private Label (APL). Les parties n'ont pas présenté d'observations écrites et aucune audience n'a été tenue. Cet affidavit a donc joué un rôle déterminant dans la décision du registraire.

[22]      Le registraire a conclu que l'affidavit ne démontrait pas que la marque avait été employée par le propriétaire inscrit. Sur la question de l'emploi par le propriétaire, il est de jurisprudence constante qu'au Canada, l'emploi exigé par l'article 45 est l'emploi de la marque au Canada par le propriétaire inscrit (Marcus & Marcus c. The Quaker Oats Company of Canada Ltd., (1989), 20 C.P.R. (3d) 46 (C.A.F.)).

[23]      Il est également de jurisprudence constante qu'un affidavit ne suffit pas pour établir que la marque de commerce a été employée par le propriétaire inscrit si cet affidavit n'est constitué que d'une simple affirmation sans preuve à l'appui. Dans l'affaire Plough Canada Ltd. c. Aerosol Filters Inc., (1980), 53 C.P.R. (2d) 62, le juge en chef Thurlow a examiné cette question et a déclaré ce qui suit à la page 66 :

Le paragraphe 44(1) [maintenant le paragraphe 45(1)] exige qu"il soit fourni au registraire un affidavit ou une déclaration statutaire [sic] " indiquant ", et non simplement énonçant, si la marque de commerce est employée, c"est-à-dire décrivant l"emploi de la marque de commerce au sens de la définition de l"expression " marque de commerce " à l"article 2 et de l"expression " emploi " à l"article 4. Cela ressort clairement des termes du paragraphe en question puisqu"il exige que le propriétaire inscrit fournisse un affidavit ou une déclaration statutaire indiquant, à l"égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l"enregistrement, si la marque de commerce est employée au Canada et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d"emploi depuis cette date. Cela a pour but non seulement d"indiquer au registraire que le propriétaire inscrit ne veut pas renoncer à l"enregistrement, mais aussi de l"informer quant à l"emploi de la marque de commerce afin que lui et la Cour, s"il y a appel, puissent être en mesure d"apprécier la situation et d"appliquer, le cas échéant, la règle de fond énoncée au paragraphe 44(3) [actuellement le paragraphe 45(3)].

Il a ensuite ajouté :

Il n"est pas permis à un propriétaire inscrit de garder sa marque s"il ne l"emploie pas, c"est-à-dire s"il ne l"emploie pas du tout ou s"il ne l"emploie pas à l"égard de certaines des marchandises pour lesquelles cette marque a été enregistrée.

[24]      Il est tout aussi important pour l'appelant de démontrer que la marque a été employée dans le cours normal du commerce. Le juge Reed s'est penchée sur cette question dans l'affaire Coscelebre Inc. c. Canada (registraire des marques de commerce), (1991), 35 C.P.R. (3d) 74, où elle a déclaré, à la page 82 de ses motifs :

La preuve de l"emploi au Canada qu"exige l"article 44 [désormais, l"article 45] peut être faite sans établir l"existence d"une mise en marché sérieuse, à la condition que l"emploi s"effectue dans le cadre d"une opération commerciale normale ou des activités commerciales habituelles.

Le juge Reed a ajouté ce qui suit :

Suivant mon interprétation de la jurisprudence, il n"est pas nécessaire de convaincre la Cour ou le registraire de l"existence d"un minimum d"activités commerciales pour prouver l"emploi de la marque de commerce. En l"occurrence, la vente isolée n"a pas été invoquée, parmi de nombreuses autres, à titre d"exemple, comme cela semble avoir été le cas dans l"affaire Phillip Morris . Toutefois, cette vente n"est pas totalement dissociée du contexte comme c"était le cas dans l"affaire Sim & McBurney v. Majdell Manufacturing Co. (1986), 11 C.P.R. (3d) 306, 9 C.I.P.R. 105, 1 A.C.W.S. (3D) 226.

[25]      En l'espèce, le registraire a conclu que le propriétaire inscrit n'avait pas réussi à établir que la marque de commerce avait été employée à l'époque en cause par le propriétaire inscrit ou que son usage pouvait être imputé à ce dernier. Plus précisément, le registraire a déclaré à la page 2 de sa décision, qu'elle trouvait l'affidavit de Barbara Shifman ambigu au sujet du rôle joué par APL en ce qui concerne les marchandises et la marque de commerce.

Nouveaux éléments de preuve présentés à la Cour

[26]      Pour ce qui est des éléments de preuve qui ont été présentés à la Cour au moyen de l'affidavit supplémentaire de Barbara Shifman, signalons que celle-ci affirme catégoriquement au paragraphe 2 que toutes les ventes de DINO-VITES ont été effectuées directement par le propriétaire inscrit. À l'appui de cette affirmation, Mme Shifman ajoute qu'au cours de la période en cause comprise entre avril 1994 et avril 1997, APL exerçait ses activités dans les locaux d'Apotex Inc.

[27]      Pour démontrer l'emploi de la marque au Canada par le propriétaire inscrit entre 1994 et 1997, Mme Shifman déclare, au paragraphe 3 de son affidavit, que les factures qui ont été déposées sous la cote E devant le registraire, démontrent que les DINO-VITES ont été vendues par Apotex Inc.

[28]      L'affidavit supplémentaire lève par ailleurs l'ambiguïté signalée par le registraire au sujet des paquets déposés sous la cote C sur lesquels était apposée l'étiquette de Randle Laboratories Inc. Mme Shifman explique que, lorsque Apotex Inc. a repris Randle Laboratories Inc. en septembre 1992, elle en a acquis tous les éléments d'actif et tout le stock. Bien qu'elle ait vendu avant le 9 avril 1994 une partie des produits sur lesquels était apposée l'étiquette de Randle, les paquets déposés sous la cote C sont des exemples d'une partie du stock qu'Apotex avait toujours en mains mais qu'elle a continué à vendre directement à des acheteurs.

[29]      Le registraire a déclaré dans sa décision qu'il était possible que ce soit effectivement le cas, mais qu'il n'était pas disposé à tirer cette inférence, compte tenu du fait que l'affidavit ne renfermait aucun élément en ce sens. Le registraire a en outre conclu que la notice explicative déposée sous la cote D soulevait également des doutes quant à la question de savoir si la marque avait été effectivement employée par le propriétaire inscrit, étant donné qu'Apotex Inc. y était désignée comme une compagnie qui fabrique des produits grand public pour autrui.

[30]      Cette ambiguïté a également été abordée dans l'affidavit supplémentaire et je suis convaincu que le propriétaire titulaire de l'enregistrement est à la fois un fabricant de produits pharmaceutiques grand public pour autrui et un distributeur de sa propre marque, en l'occurrence la marque Apotex Private Label, pour des produits tels que DINO-VITES.

[31]      J'avoue que j'ai du mal à comprendre pourquoi l'appelante n'a pas soumis au registraire les meilleurs éléments de preuve possibles au sujet de l'emploi de cette marque de commerce au Canada. La preuve comportait plusieurs ambiguïtés importantes qui ont amené le registraire à conclure que le titulaire de l'enregistrement n'avait pas démontré qu'il avait employé la marque de commerce au cours de la période en cause. En toute déférence, j'estime que cette situation aurait facilement pu être évitée si l'appelante avait expliqué plus en détail son emploi de la marque, si elle avait reconnu les contradictions apparentes de la preuve et si elle les avait expliquées.

Dispositif

[32]      Voici ce que le juge Strayer a déclaré dans le jugement 88766 Canada Inc. c. George Weston Ltd., (1987) 15 C.P.R. (3d) 260, à la page 267, au sujet de l'examen de nouveaux éléments de preuve :

Il n"appartient pas à la Cour, lorsqu"elle est saisie d"un appel formé contre une décision du registraire, d"annuler celle-ci parce que la Cour peut arriver à une conclusion différente de celle du registraire.
Ce n"est que lorsque l"appelante peut démontrer, il lui incombe de le faire par ailleurs, que le registraire n"a pas interprété de façon appropriée les faits dont il est saisi ou n"a pas examiné ceux-ci qu"il y a lieu pour la Cour de modifier la décision du registraire.
La Cour peut modifier la décision du registraire si de nouveaux éléments de preuve de fond, sous forme d"affidavit ou de déclaration statutaire, lui sont présentés pour montrer qu"étant donné la preuve, le registraire est arrivé à une conclusion erronée.

[33]      Bien que je sois conscient de la nécessité pour la Cour de faire preuve de circonspection avant de modifier une décision du registraire, j'estime que l'affidavit supplémentaire qui a été déposé en l'espèce comporte d'importants nouveaux éléments de preuve qui démontrent que le registraire n'était pas au courant de tous les faits pertinents lorsqu'il a rendu sa décision. Grâce à cet affidavit, l'appelant a réussi à dissiper les ambiguïtés qui expliquent la décision rendue par le registraire.

[34]      Compte tenu des motifs qui précèdent, je conclus que l'appelante a démontré de façon suffisante son emploi de la marque de commerce DINO-VITES au Canada au cours de la période en cause. J'estime que le registraire n'a pas commis d'erreur en tirant les conclusions auxquelles il en est arrivé sur le fondement des éléments de preuve qui lui avaient été présentés. J'estime plutôt que c'est l'importance cruciale des nouveaux éléments de preuve présentés par le biais de l'affidavit supplémentaire qui dissipe effectivement l'incertitude qui existait jusque là en ce qui concerne la nature de l'emploi de la marque de commerce par le titulaire de l'enregistrement.

[35]      Pour ces motifs, l'appel est accueilli. La décision du registraire est infirmée en ce qui concerne la marque de commerce DINO-VITES enregistrée sous le numéro 360 106.

[36]      Je suis convaincu qu'il n'y a pas lieu de condamner l'intimée aux dépens. Les éléments de preuve qui ont été portés à ma connaissance au cours de la présente audience auraient dû être soumis au registraire, auquel cas la décision de ce dernier aurait peut-être été différente.

                                 " Max M. Teitelbaum "

     J.C.F.C.

TORONTO (ONTARIO)

Le 17 novembre 1999


Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :                      T-126-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :              APOTEX INC.
                             - et -
                             BORDEN & ELLIOT
DATE DE L'AUDIENCE :                  LE MARDI 16 NOVEMBRE 1999
LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE TEITELBAUM EN DATE DU 17 NOVEMBRE 1999


ONT COMPARU :                      Me Edward Horne
                             M e Roger Bauman
                                     pour l'appelante
                             M e Gordon Zimmerman
                                     pour l'intimée

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

                             Hazzard & Hore
                             Avocats et procureurs
                             141, rue Adelaide Ouest, bureau 1002
                             Toronto (Ontario)
                             M5H 3L5
                                     pour l'appelante
                             Borden & Elliot
                             Avocats et procureurs
                             Scotia Plaza
                             40, rue King Ouest
                             Toronto (Ontario)
                             M5H 3Y4
                                     pour l'intimée
                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                 Date : 19991117

                        

         T-126-99


                         E n t r e :

                         APOTEX INC.,


appelante,

- et -



                         BORDEN & ELLIOT,

intimée.


                        

            

                                                                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                            

                        






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