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Date: 20040304

Dossier: T-913-03

Référence: 2004 CF 319

Ottawa (Ontario), le 4 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY                          

ENTRE:

                                                    CORPORATION DES PILOTES

DU BAS SAINT-LAURENT, s.e.n.c.

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   

et

                                                                 JEAN BOUCHARD

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                     défendeurs

et

LA COMMISSION CANADIENNE DES

DROITS DE LA PERSONNE

intervenante

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                 Le demandeur, par requête en vertu du paragraphe 18(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 et l'article 369 des Règles de la Cour fédérale requiert que la Cour ordonne que la Commission canadienne des droits de la personne (Commission) suspende son enquête relativement à une plainte déposée par le défendeur Jean Bouchard tant et aussi longtemps qu'un jugement final n'aura pas été rendu par cette Cour quant à la demande de contrôle judiciaire déposée par le demandeur contestant la juridiction de la Commission d'instruire la plainte du défendeur.

[2]                 Pour réussir, le demandeur doit démontrer qu'il rencontre les trois critères énoncés dans l'arrêt Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110 :

Le premier critère revêt la forme d'une évaluation préliminaire et provisoire du fond du litige. La manière traditionnelle consiste à se demander si la partie qui demande l'injonction interlocutoire est en mesure d'établir une apparence de droit suffisante. Selon une formulation plus récente, il suffit de convaincre la cour de l'existence d'une question sérieuse à juger, par opposition à une réclamation futile ou vexatoire. Le critère de la "question sérieuse" suffit dans une affaire soulevant la constitutionnalité d'une loi quand l'intérêt public est pris en considération dans la détermination de la prépondérance des inconvénients. Le deuxième critère se penche sur la question du préjudice irréparable. Le troisième critère, celui de la prépondérance des inconvénients, consiste à déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l'on accorde ou refuse une injonction interlocutoire en attendant une décision sur le fond.

L'APPARENCE DE DROIT SUFFISANTE

[3]                 En présumant, mais sans en décider, je constate que des questions sérieuses devront être tranchées par la Cour. Le demandeur rencontre donc ce premier critère.

LE PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

[4]                 La plainte du défendeur est basée sur la discrimination envers lui et les pilotes âgés de 60 ans et plus dans leur emploi, en raison de leur âge.


[5]                 Le demandeur soutient que la restriction pour les pilotes de ne plus agir à titre de pilotes-lamaneurs pour le Port de Québec à compter de leur 60e anniversaire de naissance est reliée à la sécurité des opérations maritimes. Le demandeur ajoute qu'il est dans l'intérêt public qu'il ne soit pas mis dans la situation de devoir mettre de côté même temporairement les règles de sécurité qu'il juge raisonnable.

[6]                 Selon le demandeur la plainte risque de s'avérer académique et totalement inutile dans le cas d'un jugement de cette Cour le favorisant. Des efforts et des sommes investies dans le cadre de l'instruction de la plainte seraient perdues déconsidérant ainsi l'administration de la justice.

[7]                 En plus de la question de sécurité, tout le mécanisme d'administration et d'affectation des pilotes devrait être revue advenant une décision de la Commission favorable au défendeur causant un préjudice irréparable au demandeur. D'autres pilotes actuellement en fonction ou à la retraite voudraient aussi tirer avantage de la décision de la Commission.

[8]                 Il n'y a aucune preuve au dossier d'un expert maritime soutenant l'allégation de danger pour la sécurité de la navigation.


[9]                 Ici ce n'est pas la constitutionnalité de la Commission des droits de la personne qui est en cause mais sa juridiction pour faire enquête suite à la plainte déposée par le défendeur. Les principes de l'arrêt Southam Inc. c. Canada (Procureur général), [1991] 2 C.F. 292 (1re inst.) ne s'appliquent pas.

[10]            Quant à l'éventualité de recours multiples par d'autres pilotes soit en fonction ou à la retraite, ceci est tout à fait hypothétique.

[11]            Enfin je suis d'accord avec le paragraphe 23 du dossier de réponse du défendeur où est cité l'arrêt La Commission canadienne des droits de la personne c. Canada 3000 Airlines Limited, (10 mai 1999) T-795-99 (C.F. 1re inst.) :

Quant à la deuxième étape du critère pour l'obtention d'une suspension des procédures, je ne vois pas quel serait le préjudice irréparable si la suspension n'est pas accordée. Si on laisse le Tribunal terminer son travail, sa décision peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire. La Commission et M. Nijjar ont des recours en cas de toute erreur qui aurait pu être commise par le Tribunal dans son traitement du document en cause.

[12]            Le demandeur ne m'ayant pas satisfait qu'un préjudice irréparable lui serait causé, je n'ai pas l'intention d'analyser le troisième élément, c'est-à-dire la balance des inconvénients.

[13]            La requête du demandeur en suspension d'instance est rejetée. Le défendeur aura droit à ses frais.


                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la requête du demandeur en suspension d'instance soit rejetée et que le défendeur ait droit à ses frais.

________________________________

Juge


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

DOSSIER :                                                               T-913-03

INTITULÉ :                                                             CORPORATION DES PILOTES DU

BAS SAINT-LAURENT, s.e.n.c.

et

JEAN BOUCHARD ET LE

PROCUREUR GÉNÉRAL DU

CANADA

et

LA COMMISSION

CANADIENNE DES DROITS DE LA

PERSONNE

REQUÊTE PAR ÉCRIT SANS LA COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE


ET ORDONNANCE :                                             L'honorable juge Michel Beaudry

DATE DES MOTIFS :                                            le 4 mars 2004

PRÉTENTIONS ÉCRITES PAR:

Pierre Cimon                                                               POUR LE DEMANDEUR

Charles Taschereau

Yann Duguay                                                               POUR LE DÉFENDEUR

(Jean Bouchard)

Johanne Boudreau                                                     POUR LE DÉFENDEUR

(Procureur général du Canada)       

Andréa Wright                                                             POUR L'INTERVENANTE          


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

OGILVY RENAULT                                                 POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

ÉTUDE LÉGALE GUY VAILLANCOURT           POUR LE DÉFENDEUR

Québec (Québec)                                                        (Jean Bouchard)

MORRIS ROSENBERG                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                           (Procureur général du Canada)

Montréal (Québec)

ANDRÉA WRIGHT                                                  POUR L'INTERVENANTE

Ottawa (Ontario)


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