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Date : 19981109


Dossier : IMM-791-98

ENTRE

MANJIT SINGH ATWAL,


demandeur,

et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

(Rendus oralement à Toronto (Ontario)

le 8 octobre 1998, dans leur forme révisée)

LE JUGE SIMPSON : (oralement, le 8 octobre 1998)

[1]      Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d"une décision de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (la Commission) datée des 10 février et 25 mars 1998 (la décision). Dans sa décision, la Commission a conclu que le demandeur s"était désisté de la demande qu"il avait présentée en vue d"obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention.

Historique

[2]      L"audience relative à la revendication devait initialement avoir lieu le 10 novembre 1997. Toutefois, les services de l"avocat du demandeur, Roger Rowe, ont été retenus après que la date de la première audience eut été fixée; or, Me Rowe ne pouvait pas se présenter le 10 novembre parce qu"il avait déjà des obligations professionnelles. Me Rowe a donc écrit à la Commission pour demander un ajournement de la date de l"audience. La demande a été rejetée. Me Rowe a demandé un ajournement dans une deuxième lettre, que le demandeur a remise en mains propres lorsqu"il a comparu devant la Commission le 10 novembre 1997. À l"audience, la Commission a accordé l"ajournement et l"audience a été reportée au 28 janvier 1998, sur une base péremptoire, parce que Me Rowe ne s"était pas présenté le 10 novembre 1997.

[3]      Pour les motifs dont nous reparlerons ci-dessous, Me Rowe et le demandeur ont quitté la salle, le 28 janvier 1998, avant la fin de l"audience. Un avis de comparution (l"avis) daté du 30 janvier 1998 a par la suite été envoyé par la poste au demandeur conformément au paragraphe 69.1(6) de la Loi sur l"immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi) et à l"article 32 des Règles de la section du statut de réfugié (les Règles). L"avis informait le demandeur qu"une audience relative au désistement de sa revendication (l"audience relative au désistement) aurait lieu le 10 février 1998. La Commission a décidé de ne pas envoyer de copie de l"avis à Me Rowe.

[4]      Me Rowe n"a pas pu se présenter à l"audience relative au désistement parce que le demandeur lui avait donné un préavis de trois jours seulement, et parce qu"il représentait un autre client devant la Commission de l"immigration ce jour-là. Étant donné qu"il n"était pas disponible, Me Rowe a retenu les services d"un autre avocat, Me Edmund Clark, pour représenter le demandeur à l"audience. Me Clark et le demandeur se sont tous les deux présentés à cette audience le 10 février 1998.

[5]      Dans les motifs qu"elle a prononcés oralement à l"audience relative au désistement et dans ses motifs écrits du 25 mars 1998, la Commission a conclu que le demandeur s"était désisté de sa revendication. Un avis de désistement daté du 27 mars 1998 a été envoyé par la poste au demandeur.

L"audience au fond du 28 janvier 1998

[6]      Cette audience a commencé à 13 h devant deux membres de la Commission. La Commission a d"abord fait savoir qu"elle considérerait le Formulaire de renseignements personnels (le FRP) du demandeur comme s"il s"agissait de sa déposition assermentée et a déclaré que les renseignements y figurant n"avaient pas à être fournis de nouveau dans le cadre d"un témoignage oral. Toutefois, la Commission a également déclaré que la crédibilité du demandeur était toujours en cause. C"est dans ces circonstances que les propos suivants ont été échangés :

         [TRADUCTION]         
         La présidente de l"audience :      Voulez-vous qu"on vous accorde du temps, Maître?         
         L"avocat (Me Rowe) :          Non merci; j"aimerais maintenant parler de la façon dont j"entends présenter la cause; j"ai examiné l"exposé figurant dans le FRP; certains détails doivent être précisés. Je me propose donc de commencer l"interrogatoire principal.         
         La présidente :              Les événements qui se sont produits avant 1995-1996 n"intéressent pas la formation. Je crois qu"il y a un paragraphe, en ce qui concerne l"année 1995 " eh bien, après le mois d"août 1995, le paragraphe 5.         
         L"avocat (Me Rowe) :          Le problème, c"est que de nombreux événements qui se sont produits avant la période mentionnée par la formation ont un rapport direct avec la revendication et permettent de comprendre, et de situer dans leur contexte, les événements qui se sont produits après la date mentionnée par la formation, de sorte que le fait que la formation dit que cela ne l"intéresse pas me préoccupe.         
         La présidente :              Je ne dis pas que ces événements ne nous intéressent pas : nous les avons à notre disposition, nous en avons pris connaissance. Leur exactitude est attestée sous serment et la formation croit qu"il n"est pas nécessaire de s"y arrêter ici, à l"audience, étant donné que la détermination du statut de réfugié met l"accent sur le présent et sur le futur immédiat plutôt que sur le passé, sur l"histoire, comme je l"appellerais, mais uniquement sur ce qui vient tout juste de se passer, sur les événements qui ont amené le demandeur à partir.         
         L"avocat (Me Rowe) :          Si la formation est prête à déclarer pour mémoire qu"elle reconnaît le fait...         
         La présidente :              Nous ne rendons pas de décision sur la crédibilité pendant l"audience.         
         L"avocat (Me Rowe) :          (Inaudible). Si la formation est prête à reconnaître pour mémoire les événements qui sont exposés jusqu"à la date limite qu"elle a fixée, je puis me concentrer sur les questions postérieures à cette date. Cependant, dans la mesure où tout est encore discutable, je suis tenu, en ma qualité d"avocat, de m"assurer que tout est bien couvert.         
         [...]         
         La présidente :              Nous ne reconnaissons aucun fait; nous ne rendons pas de décision et, à moins que l"avocat n"ait des renseignements additionnels à nous fournir en ce qui concerne les onze premiers paragraphes, je " et je demanderai à ma collègue de parler pour son propre compte " je n"ai pas d"objection à me fonder sur les renseignements de base figurant dans les onze premiers paragraphes.         
         [...]         
         L"avocat (Me Rowe) :          [...] Dans mon interrogatoire principal, j"essaierai le plus possible d"éviter de me répéter. Cependant, en ma qualité d"avocat du demandeur, je crois qu"il faut s"arrêter à certains égards aux paragraphes dans lesquels sont exposés des faits qui se sont produits avant la date que la formation a fixée.         
         La présidente :              Poursuivez, Maître. Si vous croyez que c"est très important, poursuivez. Cependant, j"aimerais qu"il soit bien compris que les faits ne seront pas textuellement récités.         

[7]      Me Rowe a ensuite effectué l"interrogatoire principal du demandeur, qui a pris fin vers 16 h 20. Pendant l"interrogatoire, la Commission a demandé à deux reprises à l"avocat du demandeur de se concentrer sur les questions qu"elle jugeait pertinentes, de sorte que l"interrogatoire principal que Me Rowe avait préparé a été interrompu, ce à quoi Me Rowe s"est opposé en se fondant sur le fait qu"en sa qualité d"avocat, c"était lui qui dirigeait la présentation de la cause. La Commission a répondu que c"était elle qui dirigeait l"audience, et non l"avocat.

[8]      Les propos qui ont suivi la seconde et dernière interruption de la Commission montrent bien l"atmosphère qui existait pendant l"interrogatoire principal :

         [TRADUCTION]         
         La présidente de l"audience :      Maître, ce genre de questions ne nous intéresse pas. Veuillez parler d"événements plus récents.         
         L"avocat (Me Rowe) :          Les questions que je pose sont, à mon avis, nécessaires si l"on veut s"assurer que tous les renseignements pertinents sont présentés en preuve.         
         La présidente :              Cela figure déjà dans le FRP. Je crois que nous allons maintenant prendre une pause de 15 minutes.         
         (Suspension de l"audience)         
         La présidente :              Nous voici de nouveau; les mêmes parties sont présentes. Maître, le témoignage que votre client a présenté au sujet des événements qui se sont produits en 1992 et en 1993 nous satisfont; pourriez-vous passer au mois d"octobre 1996?         
         L"avocat (Me Rowe) :          Non, pas encore.         
         La présidente :              Je crois qu"il y va de l"intérêt de votre client que les questions qui intéressent la formation soient traitées.         
         L"avocat (Me Rowe) :          Lors de la pause " Je terminais les observations que j"avais à faire lorsque j"ai été interrompu au moment de la pause. Juste avant la pause, la formation a fait savoir que les questions que je posais à ce moment-là ne l"intéressaient pas, que ces renseignements figuraient déjà dans le FRP. En premier lieu, les renseignements ne figurent pas dans le FRP; ils se rapportent à la crédibilité, sur le plan objectif, comme d"ailleurs presque toutes les questions que j"ai posées depuis le début. Je m"oppose encore une fois à l"interruption par la formation et je tiens à souligner l"effet perturbateur que cela a sur la présentation de cette cause. J"invite encore une fois la formation, comme elle a la compétence voulue pour le faire, à conclure qu"en fait " à tirer des conclusions de fait au sujet des événements mentionnés aux paragraphes 1 à 13 de l"exposé figurant dans le FRP. Je sais ce qui est dans l"intérêt de mon client; j"ai pleinement l"intention d"examiner à fond les questions concernant le mois d"octobre 1996 et toutes les questions que la formation a définies au début de l"audience. La formation n"est pas prête à le faire, je poursuivrai donc de la même façon; l"atmosphère de l"audience est quant à moi hostile. Voici les observations que j"ai à faire.         
         La présidente :              Vous ne tirons aucune conclusion de fait. Poursuivez, Maître.         

[9]      Les événements qui ont donné lieu à l"audience relative au désistement ont commencé lorsque Me Rowe a terminé l"interrogatoire principal, à 16 h 20, et que la Commission a proposé qu"on prenne une pause de 15 minutes. Me Rowe se rendait compte pour la première fois que la Commission avait l"intention de siéger après 16 h 30. L"avocat du défendeur a concédé devant moi que la Commission ajournait normalement l"audience à cette heure-là. Me Rowe a alors informé la Commission qu"il avait d"autres obligations et qu"il devait bientôt partir. Il a demandé que l"audience soit reportée à un autre jour et un refus lui a promptement été opposé.

[10]      La transcription montre clairement que la Commission n"était pas prête à ajourner l"audience, et ce, pour deux raisons. En premier lieu, elle estimait que Me Rowe avait manqué de politesse en ne l"avisant pas plus tôt qu"il devait partir vers 16 h 30 et, en second lieu, elle blâmait Me Rowe pour la longueur de l"audience parce qu"il n"avait pas tenu compte de la demande qu"elle lui avait faite d"abréger l"interrogatoire principal. La transcription montre également clairement que la Commission a refusé d"accorder l"ajournement sans demander à Me Rowe quelles étaient ces obligations et en outre que l"avocat n"a pas expliqué pourquoi il devait partir.

[11]      Une discussion qui s"envenimait de plus en plus, au cours de laquelle on a crié et on a menacé de signaler la conduite de Me Rowe au Barreau du Haut-Canada, n"a abouti à rien. La Commission a refusé d"ajourner l"audience, et Me Rowe a déclaré qu"il ne pouvait pas rester. En fin de compte, vers 16 h 45, voici ce que Me Rowe a dit : [TRADUCTION] " Je suis prêt à convenir d"une nouvelle date d"audience; si la formation ne peut pas le faire, je vais me retirer et je vais conseiller à mon client de me suivre. " D"où les propos suivants, entre la présidente et le demandeur :

         [TRADUCTION]         
         La présidente de l"audience :      Monsieur, je m"adresse ici au demandeur...         
         Le demandeur :              Je suis d"accord avec mon avocat.         
         La présidente :              La formation a décidé de poursuivre l"audience.         
         Le demandeur :              Tout ce que mon avocat dit...         
         La présidente :              Si vous quittez la pièce, la formation engagera des procédures de désistement.         
         L"avocat (Me Rowe) :          Merci.         
         Le demandeur :              Je suis d"accord avec mon avocat.         
         La présidente :              Je tiens à répéter que si vous quittez cette pièce, Monsieur, nous engagerons des procédures de désistement.         
         L"avocat (Me Rowe) :          Merci. D"accord, merci, Monsieur l"interprète.         
         L"interprète :              Merci.         
         La présidente :              Il est à noter pour mémoire qu"il est maintenant près de 16 h 50. Voulez-vous fermer la porte. Nous allons fixer la date de la procédure de désistement.         

[12]      La transcription révèle qu"après que Me Rowe fut parti avec le demandeur, la Commission a engagé des procédures de désistement. Elle a fixé la date d"une audience de justification ou, comme je l"ai appelée, de l"audience relative au désistement, qui devait avoir lieu 13 jours après le 10 février 1998. La Commission a également décidé que l"avis d"audience serait envoyé au demandeur, mais non à son avocat, Me Rowe, même si le paragraphe 35(2) des Règles exige qu"un avis soit signifié à l"avocat.

[13]      La Commission semble avoir agi ainsi parce qu"elle avait conclu que Me Rowe s"était " désisté " de l"affaire. Cependant, voici ce que Me Rowe avait dit : [TRADUCTION] " Je suis prêt à convenir d"une nouvelle date d"audience; si la formation ne peut pas le faire, je vais me retirer et j"amènerai mon client avec moi. " De toute évidence, en parlant de se " retirer ", Me Rowe voulait dire qu"il allait " partir ". Il voulait dire qu"il partait pour la journée. Il voulait clairement que l"audience se poursuive un autre jour et, ce qui est encore plus important, il n"a jamais déclaré qu"il avait cessé d"agir pour le demandeur. De plus, le demandeur est parti avec Me Rowe, ce qui montrait qu"il continuait à vouloir être représenté par Me Rowe et qu"il n"était pas prêt à agir sans son avocat.

[14]      L"omission d"envoyer l"avis à Me Rowe est importante parce que l"avis disait que si le désistement n"était pas ordonné le 10 février 1998, le demandeur devait être prêt à poursuivre l"audience au fond jusqu"à la fin de ce jour-là. L"avis a donc été envoyé au demandeur le 30 janvier 1998, et ce dernier l"a reçu le 5 février 1998. Par la suite, le demandeur a rencontré son avocat, Me Rowe, le 7 février 1998. Toutefois, Me Rowe ne disposait plus que de trois jours et, à cause d"un conflit d"horaire attribuable à une autre audience, il ne pouvait pas assister à l"audience. Il a donc demandé à Me Clark de le remplacer.

L"audience relative au désistement - 10 février 1998

[15]      Les choses ne sont pas bien allées pour Me Clark au début de l"audience, et ce, en partie parce qu"il n"avait pas initialement clairement fait savoir que Me Rowe lui avait demandé d"agir comme mandataire pour représenter le demandeur à l"audience relative au désistement, mais non à l"égard de l"audience qui devait être tenue au fond. En fin de compte, ces questions ont été éclaircies, mais uniquement après que la présidente eut demandé à Me Clark de faire valoir son point de vue en [TRADUCTION] " 30 mots au plus " et uniquement après qu"on ait refusé d"accorder à Me Clark, à six reprises, quelques minutes pour consulter son client.

[16]      Le demandeur a témoigné ce qui suit tant au sujet de la décision qu"il avait prise de quitter la salle d"audience avec Me Rowe, le 28 janvier 1998, qu"au sujet de ses intentions futures à l"égard de sa revendication :

         [TRADUCTION]         
         Le demandeur :              Lorsque mon avocat est parti, et je n"aurais rien pu dire sans mon avocat, je ne le voulais pas; je devais donc partir. Je voulais présenter ma cause par l"entremise de mon avocat.         
         L"avocat (Me Clark) :          Puis-je poser une question, Madame?         
         La présidente de l"audience :      Oui.         
         INTERROGATOIRE PAR L"AVOCAT (Me Clark) :         
         Q. :      À ce moment-là, Monsieur, agissiez-vous sur les conseils de votre avocat?         
         R. :      J"agissais sur les conseils de mon avocat. Je l"avais amené pour m"aider et j"avais besoin de lui.         
         Q. :      La formation parlait du 28 janvier.         
         R. :      Oui.         
         Q. :      Lorsque vous êtes parti, dans ces circonstances, agissiez-vous sur les conseils de votre avocat?         
         R. :      Non, je suis parti de mon plein gré, parce qu"une fois mon avocat parti, que devais-je faire sans lui?         
         [...]         
         L"AVOCAT (Me Clark) :         
         Q. :      Savez-vous pourquoi votre avocat est parti?         
         R. :      Non, il a fallu beaucoup de temps et, de plus, ils étaient dans tous les états, je ne sais trop pourquoi parce que je ne comprends pas l"anglais. Cependant, j"ai décidé que si mon avocat n"était pas là, qu"est-ce que je réussirais à faire, mais on a mal agi.         
         Q. :      On a mal agi envers qui?         
         R. :      C"était comme si on exerçait des pressions sur moi, on exerçait des pressions pour que je comprenne des choses. Lorsque Roger Rowe me posait des questions, les autres s"en prenaient à lui et alors je croyais comprendre que les choses n"allaient pas aussi bien que d"habitude.         
         Q. :      Lorsque vous dites que les autres s"en prenaient à lui, de qui parlez-vous?         
         R. :      Lorsque l"avocat me posait des questions, ils lui demandaient pourquoi il " l"avocat devait leur raconter toute mon histoire, mais ils n"écoutaient pas, alors que pouvait-il faire?         
         Q. :      Lorsque vous dites " ils ", de qui parlez-vous, Monsieur?         
         R. :      Je parle de la formation, elle ne comprenait pas bien mon histoire, ou elle n"écoutait pas toute l"histoire, pour savoir quel était le problème. Elle ne m"accordait pas une audience complète pour se mettre au fait de tous mes problèmes, de sorte que (inaudible), trois ou quatre heures plus tard, s"il n"arrivait rien, de toute évidence, il m"arrivait quelque chose de mal, ce n"était pas " on ne m"a pas fait justice.         
         L"ACR :      J"ai une question à lui poser à ce sujet.         
         L"avocat (Me Clark) :      D"accord.         
         L"ACR :         
         Q. :      Croyiez-vous que l"audience était terminée la dernière fois?         
         R. :      Non, non, il y avait " mon avocat avait peut-être également d"autres questions à poser, non, je ne croyais pas qu"elle était terminée.         
         Q. :      Si vous croyez que la formation ne comprenait pas votre histoire, pourquoi n"êtes-vous pas resté pour la lui expliquer tant qu"elle n"avait pas bien compris?         
         R. :      Tel était le problème ce jour-là. On ne me l"a pas demandé.         
         Q. :      Croyiez-vous, Monsieur, que votre avocat ne voulait pas rester après 16 h 20?         
         R. :      L"avocat est parti à 16 h 50. Il est parti à 16 h 50.         
         Q. :      Vous n"avez pas bien compris ma question. Si vous ne comprenez pas la question, vous devez me le dire, je trouverai une autre façon de vous la poser. À 16 h 20, le 28 janvier, croyiez-vous que votre avocat ne voulait pas poursuivre l"audience, à ce moment-là?         
         R. :      Mon avocat a bien dit que l"audience devait prendre fin à 16 h 30, que vous prolongiez la séance, et il vous l"a bien dit, qu"on agissait mal.         
         Q. :      Votre avocat a-t-il demandé un ajournement à un moment donné?         
         R. :      Je n"ai pas bien compris.         
         Q. :      Votre avocat a-t-il demandé à un moment donné que l"audience soit ajournée, ou suspendue, à ce moment-là, et qu"on revienne un autre jour pour la terminer?         
         R. :      Je ne me rappelle pas très bien s"il l"a demandé. Je ne sais pas trop s"il l"a demandé.         
         Q. :      Qu"est-ce que vous croyiez qui allait se passer une fois votre avocat parti?         
         R. :      Que l"affaire allait se poursuivre et qu"on devrait me faire justice.         
         [Je souligne.]         

[17]      En ce qui concerne ses intentions le 10 février 1998, le demandeur a témoigné qu"il était prêt à faire entendre le reste de sa revendication au fond ce jour-là. Toutefois, quatre pages plus haut, dans la transcription, il dit qu"il voulait que " les points essentiels " de sa cause soient présentés par l"entremise de Me Rowe. La lecture de la transcription dans son ensemble ne montre pas clairement si le demandeur a changé d"idée et s"il a convenu de faire entendre sa cause au fond sans son avocat le 10 février 1998, par suite des pressions qu"il croyait que la Commission exerçait sur lui, ou s"il a mal compris la question. Néanmoins, il reste qu"il a clairement été déclaré devant la Commission que le demandeur était prêt à faire entendre l"affaire au fond le 10 février 1998.

Conclusions relatives à la conduite de l"instance

[18]      Il est possible de blâmer tant Me Rowe que la Commission pour ne pas avoir discuté des motifs pour lesquels Me Rowe ne pouvait pas rester après 16 h 30, le 28 janvier 1998. Toutefois, la Commission a commis une erreur parce qu"en vertu du paragraphe 13(4) des Règles , elle est tenue de comprendre les circonstances avant de se prononcer sur l"ajournement. À mon avis, la Commission a violé cette obligation en omettant d"examiner les motifs pour lesquels Me Rowe demandait l"ajournement avant de refuser sa demande.

[19]      De plus, le refus de la Commission d"accorder l"ajournement semble avoir été une mesure de représailles destinée à punir Me Rowe pour ne pas avoir tenu compte de la directive qu"elle lui avait donnée d"abréger l"interrogatoire principal. Cette attitude était injustifiée. La Commission dirige l"audience, mais elle ne peut pas empêcher l"avocat de représenter son client à moins qu"il ne se répète indûment et d"une façon irresponsable ou que les éléments présentés ne soient pas pertinents. Or, ce n"était pas ici le cas. La crédibilité était encore en cause, et Me Rowe voulait s"assurer que la Commission n"interprète pas le FRP d"une façon erronée au détriment de son client. Son inquiétude était en partie attribuable au fait qu"il n"avait pas préparé le FRP. Il avait donc le droit d"interroger son client au sujet du FRP au complet sans subir de conséquences.

[20]      Il est clair que normalement, la Commission cesse de siéger vers 16 h 30. Dans ces conditions, à moins que la Commission ne donne un avis raisonnable de son intention de siéger tard, ou à moins, comme c"est souvent le cas, que toutes les parties n"y consentent, ou encore à moins que la Commission n"ait examiné les motifs pour lesquels Me Rowe voulait partir et qu"elle ne les ait jugés insuffisants, il n"y avait pas lieu de contraindre les parties à rester jusqu"à 18 h., compte tenu du fait, en particulier, que l"agent chargé de la revendication (l"ACR) n"avait pas encore contre-interrogé le demandeur, que la Commission ne l"avait pas encore questionné, que le réinterrogatoire n"avait pas encore eu lieu et que les observations n"avaient pas encore été présentées. Dans ces conditions, il était peu probable que l"audience se termine à 18 h de toute façon. Selon la transcription, la Commission a reconnu la chose.

[21]      La Commission a fait preuve d"un grave manque de jugement lorsqu"elle a procédé à l"audience relative au désistement à un moment où elle en voulait encore à Me Rowe. Cela peut expliquer pourquoi elle a donné un avis fort bref au demandeur et pourquoi elle n"a pas avisé Me Rowe de la tenue de l"audience. Ces mesures procédurales ont fortement nui à la capacité du demandeur de faire entendre l"affaire au fond le 10 février 1998, soit avec l"aide de Me Rowe, soit avec l"aide d"un autre avocat. Par conséquent, il était fort probable qu"à l"audience, la Commission déclare que le demandeur s"était désisté de sa revendication. La Commission a essentiellement fait en sorte que le demandeur n"ait pas gain de cause à l"audience relative au désistement.

[22]      Il est peut-être compréhensible que la Commission en ait voulu à Me Clark à l"audience relative au désistement, mais son refus continu de lui accorder quelques minutes pour éclaircir certains points avec le demandeur était arbitraire et injustifié.

[23]      Les procédures ont clairement causé un préjudice au demandeur. Le demandeur parle bien l"anglais, mais pas parfaitement; un interprète était présent aux deux audiences. Le demandeur ne comprenait pas tout, mais il était clair, à ses yeux, que le 28 janvier 1998, la Commission n"avait pas agi de la façon habituelle.

[24]      Enfin, la Commission a eu tort de considérer le 28 janvier 1998 comme une date d"audience péremptoire. À mon avis, les ordonnances péremptoires découlant de l"omission de l"avocat de se présenter à l"audience devraient être réservées aux cas dans lesquels l"avocat inscrit au dossier au moment où la date de l"audience est fixée ne se présente pas à la date prévue.

La décision de la Commission

[25]      Le paragraphe 69.1(6) de la Loi traite du désistement. Il est ainsi libellé :

                 69.1(6) La section du statut peut, après avoir donné à l"intéressé la possibilité de se faire entendre, conclure au désistement dans les cas suivants :                 
                 a) l"intéressé ne comparaît pas aux date, heure et lieu fixés pour l"audience;                 
                 b) l"intéressé omet de lui fournir les renseignements visés au paragraphe 46.03(2);                 
                 c) elle estime qu"il y a défaut par ailleurs de sa part dans la poursuite de la revendication.                 
                 Si elle conclut au désistement, la section du statut en avise par écrit l"intéressé et le ministre.                 

[26]      Au début de sa décision, la Commission a conclu que le demandeur s"était désisté de sa revendication parce qu"il n"était pas prêt à faire entendre l"affaire au fond à l"audience relative au désistement. Cette conclusion ne peut pas tenir, et ce, pour deux raisons. En premier lieu, elle comporte une erreur de fait importante. Comme je l"ai ci-dessus fait remarquer, certains éléments de preuve tendent à montrer que le demandeur était prêt à faire entendre l"affaire sans son avocat le 10 février 1998, et qu"il n"a pas été tenu compte de cet élément pertinent. De plus, j"estime que si le demandeur n"était pas prêt à poursuivre l"affaire, la Commission était responsable de l"avis inadéquat, qui avait pour effet d"entraîner presque inévitablement cette situation. Il n"était pas raisonnable de supposer qu"avec un avis de trois jours, le demandeur puisse retenir les services de Me Rowe ou d"un nouvel avocat pour agir tant à l"égard de l"audience relative au désistement qu"à une audience au fond dans le cadre de laquelle un réinterrogatoire et des observations finales devaient notamment être effectués.

[27]      Dans le reste de sa décision, la Commission critique la conduite de Me Rowe et les observations qu"il a faites. À mon avis, ces critiques n"ont rien à voir avec le demandeur et, partant, elles n"ont rien à voir avec la question du désistement.

[28]      À mon avis, le témoignage du demandeur montre clairement qu"il ne s"est pas désisté de sa revendication lorsqu"il s"est retiré le 28 janvier 1998. Son témoignage montre clairement qu"il croyait que l"affaire allait se poursuivre. À mon avis, la Commission a également commis une erreur en ne tenant pas compte de ce fait important.

[29]      Les avocats des deux parties ont déclaré que si cette demande de contrôle judiciaire est accueillie, ils ne voient pas pourquoi une nouvelle audience devrait être tenue à l"égard de la question du désistement. Je suis d"accord; l"affaire est donc renvoyée pour nouvelle audition de la revendication au fond, et ce, ab initio , devant une autre formation de la Commission et avec l"aide d"un autre ACR.

[30]      La question des dépens sera débattue dès que ces motifs seront rendus publics et elle sera traitée dans l"ordonnance que je rendrai à la fin de l"instance.

                                       " Sandra J. Simpson "

                             ________________________

                                 Juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 9 novembre 1998

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

INTITULÉ DE LA CAUSE :      MANJIT SINGH ATWAL

    

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION
    

No DU GREFFE :      IMM-791-98

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 24 septembre 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE (rendus oralement à Toronto (Ontario) le 8 octobre 1998, dans leur forme révisée) du juge Simpson en date du 9 novembre 1998

ONT COMPARU :

     Rocco Galati      pour le demandeur
     David Tyndale      pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     Rocco Galati      pour le demandeur

     Avocat

     Toronto (Ontario)

     Morris Rosenberg      pour le défendeur

     Sous-procureur général

     du Canada


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