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Date : 20040204

Dossier : IMM-4786-03

Référence : 2004 CF 189

Ottawa (Ontario), le 4 février 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MICHAEL L. PHELAN     

ENTRE :

                                                     HUBDAR HUSSAIN MALIK

SALMAN HAIDER MALIK

et ARSHIA BATOOL

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                          - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la CISR) a décidé, le 13 mai 2003, qu'Hubdar Hussain Malik (le demandeur), Salman Haider Malik et Arshia Batool n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.


Contexte

[2]                Les demandeurs sont des citoyens du Pakistan de religion chiite. M. Malik prétend qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa religion. Salman Haider Malik et Arshia Batool sont son fils et sa fille (les demandeurs mineurs).

[3]                Le demandeur soutenait que lui et son épouse étaient des membres actifs de la communauté chiite.

[4]                Le demandeur a commencé à recevoir des appels de menaces du Sipah-e-Sahaba Pakistan (le SSP) avant 1999. Sa femme a été tuée dans leur résidence par des personnes ayant apparemment des liens avec le SSP en février 1999. Ce meurtre n'a jamais été résolu.

[5]                Le demandeur a été battu par des membres du SSP en mai 2000 et, à nouveau, au mois d'octobre suivant.

[6]                En janvier 2001, la demanderesse mineure a été harcelée par des membres du SSP.

[7]                En avril 2001, des individus sont entrés de force chez le demandeur et l'ont battu. Au mois d'août suivant, la maison du demandeur a été vandalisée une deuxième fois. Aucune arrestation n'a été effectuée relativement à ces incidents.


[8]                Après être passé par les États-Unis, le demandeur est arrivé au Canada et a revendiqué le statut de réfugié le 18 août 2001.

[9]                Le demandeur était le seul chiite occupant un poste de cadre supérieur dans la banque où il travaillait. Ce statut lui aurait permis de recueillir plus facilement des fonds pour la mosquée, ce qui aurait fait de lui une personne aisément reconnaissable par le SSP.

[10]            Il a été admis que le demandeur a attendu quatre ans après la mort de son épouse pour venir au Canada. Il est arrivé au Canada quatre mois après avoir pris sa retraite de la banque, pour laquelle il a eu droit à une indemnité et il reçoit une pension.

[11]            La CISR a rejeté les revendications des demandeurs pour les motifs suivants :

a)          les actes du demandeur n'étaient pas ceux d'une personne ayant une crainte subjective concernant sa propre vie et celle de ses enfants;

b)          il n'y avait pas de crainte objective vu l'existence de la protection de l'État;

c)          les demandeurs avaient une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Islamabad.


Questions en litige

[12]            Les demandeurs prétendent :

a)          que la CISR a commis une erreur lorsqu'elle a décidé que le témoignage du demandeur n'était pas crédible ou vraisemblable en raison de l'absence de crainte subjective;

b)          que la conclusion de fait tirée par la CISR selon laquelle le demandeur n'a pas une crainte objective ou fondée de persécution au Pakistan en raison de la protection de l'État offerte dans ce pays était arbitraire et ne reposait pas sur la preuve.

[13]            Les demandeurs soulèvent les questions suivantes :

a)          Le demandeur avait-il une crainte subjective de persécution?

b)          Les demandeurs pouvaient-ils bénéficier de la protection de l'État compte tenu de l'attitude de la police et du climat politique existant au Pakistan?

c)          Les demandeurs avaient-ils une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Islamabad, compte tenu de l'influence du SSP et du fait que le demandeur est un chiite?


Motifs

[14]            Le rôle qui incombe à la CISR dans ce type d'affaire repose sur son expertise, son évaluation de la preuve et ses conclusions relatives à la crédibilité. Par conséquent, une grande retenue doit être démontrée à son endroit et la norme de contrôle qui s'applique est celle de la décision manifestement déraisonnable.

[15]            En ce qui concerne la question de la crainte subjective, le demandeur a donné de nombreuses raisons expliquant pourquoi il n'a pas quitté Karachi après le meurtre de son épouse et les agressions, l'introduction par effraction et le harcèlement qui ont suivi. Il a notamment fait valoir qu'il avait un bon emploi, que ses enfants étaient en bas âge et avaient une vie décente et qu'il croyait que les choses s'amélioreraient.

[16]            Le conseil des demandeurs a aussi fait valoir devant la CISR qu'après le meurtre de son épouse le demandeur croyait qu'ils avaient besoin du soutien des membres de la famille élargie et qu'il serait inutile de déménager à Islamabad puisque le SSP les retrouverait peu importe où ils iraient au Pakistan.


[17]            Que ces explications lui aient été soumises au moyen d'éléments de preuve ou de vive voix par le conseil, la CISR n'a pas considéré qu'elles éclaircissaient la contradiction existant entre les actes du demandeur, qui est resté à la maison avec ses enfants, et ceux d'un père qui croit que son épouse a été tuée par le SSP en raison de ses croyances religieuses et que le SSP a ciblé sa famille, en particulier ses deux enfants.

[18]            Après avoir examiné le dossier, je ne peux conclure que la CISR n'a pas tenu compte de la preuve ni que ses conclusions sur cette question sont manifestement déraisonnables (voir Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 1512 (1re inst.)).

[19]            En ce qui concerne la crainte objective justifiée par l'absence de protection de l'État, les demandeurs prétendent que la CISR n'a pas tenu compte de tous les éléments de preuve et qu'elle a tiré des conclusions déraisonnables. Il n'est pas absolument nécessaire que la Cour s'étende sur cette question vu sa conclusion sur la question de la crainte subjective. Je ferai cependant certains commentaires pour compléter le dossier.

[20]            Le demandeur dit que le défaut de la police d'enquêter comme elle l'aurait dû sur les agressions commises contre lui montre l'absence de protection de l'État. La police a expliqué qu'elle mettait fin à son enquête en raison de l'absence de témoins pouvant l'aider. Or, ce n'est pas parce que la police d'un pays ne répond pas aux normes élevées auxquelles la police doit satisfaire au Canada que l'on peut conclure à l'absence de protection de l'État (voir Smirnov c. Canada (Secrétaire d'État), [1995] 1 C.F. 780 (1re inst.)).

[21]            La preuve indiquait que la police avait entrepris des démarches afin d'enquêter sur le meurtre de l'épouse du demandeur, qu'elle avait consigné les agressions dans le registre quotidien de ses activités et qu'elle avait mené une enquête sur les agressions et les vols.

[22]            Les conclusions de la CISR sur la question de la protection de l'État ne peuvent être considérées comme étant manifestement déraisonnables. Ces conclusions concordent avec celles qui ont été tirées récemment par mon collègue le juge Russell dans Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 334 (1re inst.).

[23]            La prétention des demandeurs selon laquelle la CISR s'est montrée très sélective dans son examen des éléments de preuve dont elle disposait et a négligé une preuve contraire importante n'a aucun fondement.

[24]            Il ressort de sa décision que la CISR a évalué tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés et qu'elle a relevé ceux qui semblaient indiquer une absence de protection de l'État comme ceux qui confirmaient l'existence de la protection de l'État. La CISR devait soupeser des éléments de preuve contradictoires, et elle s'est fondée en grande partie sur les commentaires positifs contenus dans le rapport de 2002 du Département d'État américain.

[25]            Dans ces circonstances, je ne peux conclure que la CISR a tiré des conclusions manifestement déraisonnables ou a agi de manière arbitraire. Par conséquent, je suis d'avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire.

[26]            Les parties ont reconnu qu'aucune question ne devait être certifiée.

                                                                ORDONNANCE

[27]            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'a été proposée à des fins de certification.

                                                                                                                           « Michael L. Phelan »           

    Juge

Ottawa (Ontario)

Le 4 février 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                             IMM-4786-03

INTITULÉ :                                                            HUBDAR HUSSAIN MALIK,

SALMAN HAIDER MALIK et

ARSHIA BATOOL

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                   LE VENDREDI 9 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                           LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                                           LE MERCREDI 4 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

Lani Gozlan                                                               POUR LES DEMANDEURS

Jamie Todd                                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Max Berger & Associates                                          POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg, c.r.                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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