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                                                                                                                                 Date : 20010514

                                                                                                                    Dossier : IMM-4483-00

                                                                                                   Référence neutre : 2001 CFPI 471

Ottawa (Ontario), le 14ième jour de mai 2001

EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE EDMOND P. BLANCHARD

ENTRE :

                                                              THI CHAC PHAM

                                                                             

                                                                                                                         Partie demanderesse

                                                                          - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                           Partie défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Dans cette affaire, la Cour est appelée à décider, en vertu d'une demande de contrôle judiciaire tel que stipulé par l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, c. F-7, telle qu'amendée, si la décision de la déléguée du ministre de la citoyenneté et de l'immigration (ci-après, la déléguée), rendue le 21 juillet 2000 selon laquelle Thi Chac Pham, ci-après la demanderesse, n'est pas dispensée de présenter sa demande de visa de l'extérieur du Canada pour des motifs d'ordre humanitaire en vertu du paragraphe 114(2) de la de la Loi sur l'immigration[1], est bien fondée.


EXPOSÉ DES FAITS

[2]                La demanderesse est citoyenne du Vietnam et est entrée au Canada en qualité de visiteur le 12 février 1998. Lorsqu'elle a séjournéau-delà de la période autorisée, une prorogation lui a été accordée. Elle a, par la suite, fait la demande pour obtenir une deuxième prorogation de son visa, demande qui a été refusée par le ministère. Depuis octobre 1999, la demanderesse est donc en sol canadien sans visa valable.

[3]                Le 27 novembre 1999, la fille de la demanderesse, citoyenne canadienne, a parrainé sa mère. Toutefois, suite à une évaluation de la situation financière la déléguée a conclu que la demande n'était pas valide étant donné que la fille de la demanderesse n'atteignait pas le montant du seuil de faible revenu exigé pour le parrainage.

[4]                Concomitante à la demande de parrainage, la demanderesse a demandé une dispense, en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration pour être dispensée, pour des raisons humanitaires, de faire sa demande de résidence permanente de l'extérieur du pays. La défenderesse expose les raisons de sa demande comme suit :


In February 1998, my initial purpose to visit Canada was to visit my granddaughter [who] was about 3 months old at a [sic] time. I arrived in Toronto, Ont. [a] few months later, my daughter, Thi Thu Mai Phan became very ill and had a major operation at the Toronto hospital in the fall 1999. During this period, I was taking care of my daughter and grand daughter. My daughter is [sic] recovered from her illness and started working in Nov. 1999. It is very difficult to leave her and my granddaughter at this time because they do not have anyone to take care. For this reason, I would like to remain in Canada while my application for permanent residence is in process. Due to my daughter's illness, I have to extend my stay in Canada until my daughter is completely recovered. My ex­-husband. met another woman. He is divorce [sic] me. He is remarried and presently living with his wife in Vietnam. If I returned to Vietnam, I have no place to live. I have to seek for shelter, employment and new life with a new community. I will be suffered [sic] with this new adventure. In Toronto, I have at least a daughter. my granddaughter who love me and need my support. I would like to stay in Canada because I have a bond with my family here.[2]

[5]                La demanderesse est mère de quatre enfants d'âge adulte, dont trois résident au Vietnam.

[6]                Le 21 juillet 2000, la déléguée a examiné la demande présentée par la demanderesse. Après avoir considéré la preuve devant elle, la déléguée n'étant pas satisfaite qu'il existait des motifs suffisants pour accorder une dispense de l'application du paragraphe 9(l) de la Loi sur l'immigration, a rejeté la demande.

QUESTION EN LITIGE

[7]                Est-ce que 1a décision contestée est entachée d'une erreur qui exige l'annulation de la décision attaquée?

NORME DE CONTRÔLE

[8]                La Cour suprême, sous la plume du juge Claire L'Heureux-Dubé, a clairement établi dans l'arrêt Baker que la norme de contrôle appropriée en ce qui concerne les décisions d'ordre humanitaire est celle du caractère raisonnable simpliciter :


Je conclus qu'on devrait faire preuve d'une retenue considérable envers les décisions d'agents d'immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l'analyse, de son rôle d'exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi. Toutefois, l'absence de clause privative, la possibilité expressément prévue d'un contrôle judiciaire par la Cour fédérale, Section de première instance, et la Cour d'appel fédérale dans certaines circonstances, ainsi que la nature individuelle plutôt que polycentrique de la décision, tendent aussi à indiquer que la norme applicable ne devrait pas en être une d'aussi grande retenue que celle du caractère « manifestement déraisonnable » . Je conclus, après avoir évalué tous ces facteurs, que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable simpliciter.[3]

ANALYSE

[9]                Tel qu'établi par l'arrêt Baker, le pouvoir discrétionnaire de la déléguée du ministre est vaste, il doit cependant se conformer aux exigences d'équité procédurale. En l'espèce, cette obligation nécessite, au préalable, un examen complet et équitable de la preuve pertinente présentée par le demandeur.

[10]            Pour octroyer la dispense recherchée par la demanderesse, la déléguée doit conclure qu'il existe des considérations humanitaires, notamment si le dossier démontre que des difficultés inhabituelles, injustes ou indues seraient causées à la personne sollicitant une dispense de l'application du paragraphe 9(1) de la Loi sur l 'immigration qui exige qu'une demande de résidence permanente soit normalement faite à l'extérieur du Canada.


[11]            De plus, il est important de souligner que l'arrêt Baker affirme que le fait de ne pas accorder une entrevue ou de donner un avis à une personne sollicitant une dispense de la loi pour des raisons humanitaires ne constitue pas une violation de l'équité procédurale. En effet, la disposition législative donne une grande latitude au Ministre de la citoyenneté et de l'immigration pour décider la procédure appropriée, y compris la décision de convoquer la demanderesse à une audition orale. En pratique, comme la Cour suprême du Canada l'a affirmé, les agents d'immigration ne procèdent pas à des entrevues dans tous les cas, et ceci respecte les critères relatifs à l'obligation d'équité procédurale.

[12]            En somme, dans le présent cas, il s'agit d'analyser la décision de la déléguée conformément aux critères énoncés dans l'arrêt Baker. Il faut donc évaluer la décision de la déléguée et établir si sa décision est fondée sur une analyse complète de toute la documentation produite par la demanderesse.

[13]            À cet égard, les notes de la déléguée démontrent, à mon avis, qu'elle a considéré tous les aspects soulevés par la demanderesse, tels que les soins et les services de garde qu'elle procure à sa fille et à sa petite-fille, sa situation matrimoniale, son niveau d'établissement au Canada et son retour au Vietnam et ses possibilités d'y vivre avec ses trois enfants qui résident toujours au Vietnam :

Applicant states that her daughter and granddaughter need her to take care of them. However, there is insufficient evidence to support this statement. On the contrary, applicant states that she is financially supported by her daughter's family. Also, the child care that the applicant may be providing for her granddaughter is widely available commercially. Applicant states that returning to Vietnam would cause her hardship because her husband has divorced her since she left Vietnam and she no longer has a place to live or means to support herself. Indeed, there may be some hardship associated with being compelled to apply for an immigrant visa from outside the country. However, the applicant does have two daughters and one son in Vietnam who may support her there.

Applicant has provided insufficient evidence that she has established herself to such a degree that she would face unusual, undeserved, or disproportionate hardship if compelled to apply for an immigrant visa from outside Canada.[4]


[14]            Par ailleurs, il n'est pas inutile de rappeler que dans le présent litige, nous exerçons le rôle d'une cour de révision qui doit trancher si la décision de la déléguée est déraisonnable. En d'autres termes, il ne s'agit pas d'un appel, mais bien d'un contrôle judiciaire. Je ne peux examiner la preuve et substituer mon opinion à celle de la déléguée.

[15]            Bref, la base de l'analyse relativement à une demande de dispense est de savoir si "des difficultés inhabituelles, injustes ou indues seraient causées à la personne sollicitant l'examen de son cas si celle-ci devait quitter le Canada."(9.07(2)a) des directives ministérielles).

[16]            De plus, il est important de souligner que la décision de la déléguée ne doit pas être interprétée comme un rejet de la demande de résidence permanente. Il s'agit plutôt d'une décision discrétionnaire de ne pas vous accorder une dispense de l'application du paragraphe 9(l) de la Loi sur l'immigration. La déléguée n'ayant pas trouvé que le départ de la demanderesse causerait des difficultés inhabituelles, injustes ou indues à cette dernière.

[17]            Enfin, tel qu'établi dans l'arrêt Baker, ces types de décisions dépendent du pouvoir discrétionnaire des agents d'immigration et, à moins que la Cour ne soit convaincue qu'il y a eu un manque d'équité ou que la décision était déraisonnable compte tenu de la preuve dont disposait le préposé à l'entrevue, il en résulte que le fardeau de la preuve incombe à la demanderesse.

[18]            Après avoir analysé l'ensemble du dossier et entendu les parties, j'en viens à la conclusion que la décision de la déléguée est raisonnable, il n'est donc pas nécessaire d'intervenir. La demande de contrôle judiciaire est rejeté.


[19]            Aucune question sérieuse m'a été soumise pour certification.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.         La demande de contrôle judiciaire, à l'encontre d'une décision de la section de la déléguée du ministre de la citoyenneté et de l'immigration, rendue le 21 juillet 2000 selon laquelle Thi Chac Pham, la demanderesse, n'est pas dispensée de présenter sa demande de visa de l'extérieur du Canada pour des motifs d'ordre humanitaire en vertu du paragraphe 114(2) de la de la Loi sur l'immigration, est rejetée.

                                                                                                                        "Edmond P. Blanchard"          

                                                                                                                                                     Juge              



[1]            Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, c. I-2.        

[2]               Dossier de requête à la page 16.

[3]               Baker c. M.C.I., [1999] 2 R.C.S. 817 au paragraphe 62.

[4]            Dossier de requête à la page 1.

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