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Date : 20210216


Dossier : T-857-20

Référence : 2021 CF 150

Ottawa (Ontario), le 16 février 2021

En présence de l'honorable juge Shore

ENTRE :

GABRIELLE MARTINEAU

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue le 6 juillet 2020 par la Commission de l’assurance-emploi dans laquelle elle n’a pas accueilli la demande de défalcation concernant un trop payé de prestations d’assurance-emploi.

[2] La demanderesse est prestataire d’assurance-emploi pour cause de maladie depuis l’automne 2018. En 2019, suite à sa nouvelle demande de prestation, elle a soupçonné qu’une erreur a été commise et a entrepris des démarches de suivis auprès de la Commission. Il s’est avéré qu’un relevé d’emploi a été appliqué en septembre 2019 à son dossier par erreur, ayant des impacts dans le calcul de son taux de prestations pour les périodes de 2018, de façon rétroactive, et de 2019.

[3] Entre janvier et février 2020, la Commission a avisé la demanderesse que le taux de prestation devait effectivement être moindre et que les sommes versées en trop devront être remboursées. Elle a par la suite refusé la demande de défalquer le trop payé pour motifs que les montants ont été reçus dans les derniers douze mois. Le mois suivant, la Commission a informé la demanderesse qu’elle ne disposait pas des pouvoirs nécessaires pour se prononcer sur le refus de défalquer le trop payé.

[4] Le 16 juillet 2020, la Commission a élaboré en transmettant un avis de décision qu’aux termes du Règlement sur l’assurance-emploi, DORS/96-332 [Règlement], art 56(1)(e), 56(2), elle ne pouvait défalquer la somme due puisque, même si le trop payé est dû à un retard ou une erreur de leur part, la demanderesse a été avisée du versement excédentaire en dedans de douze mois.

[5] Le présent contrôle judiciaire porte sur la raisonnabilité des conclusions de la Commission. Une « décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 85).

[6] La demanderesse demande à cette Cour d’ordonner à la Commission de lui faire une lettre d’excuse et de défalquer le trop payé, parce qu’elle soutient ne pas être responsable de l’erreur, qu’elle a tout fait pour en informer les autorités concernées et que la Commission a tardé à agir pour corriger cette erreur. Aucune erreur de droit ni manquement à un principe de justice naturelle n’ont été soulevés.

[7] La Loi sur l’assurance-emploi, LC 1996, c 23, stipule que des prestations auxquelles le débiteur n’avait pas droit constituent une créance de Sa Majesté et doivent être remboursées.

[8] Toutefois, l’article 56(1)(e) du Règlement prévoit que la Commission peut défalquer une somme due si le versement excédentaire ne résulte pas d’une erreur du débiteur, mais découle d’une décision rétrospective de la Commission portant sur la non-assurabilité d’un emploi ou sur des prestations reçues à titre de participant à un programme de création d’emploi. La somme peut également être défalquée, selon le paragraphe 2, si elle se rapporte à des prestations reçues il y a plus de douze mois avant que le débiteur en soit avisé.

[9] La formule de l’article précité requiert donc que certaines conditions préalables soient rencontrées afin que la Commission puisse exercer son pouvoir discrétionnaire.

[10] En l’espèce, la demanderesse a constaté qu’elle n’avait pas droit à la somme excédentaire qui découle d’une décision rétrospective sur des prestations spéciales de maladie. Elle a également été avisée du surplus et de l’obligation de rembourser ce montant dans les douze mois.

[11] Les circonstances ne permettaient pas, dans ce cas, l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission pour défalquer le trop payé, et ce, malgré que la demanderesse soit de bonne foi (voir Girard c Canada (Procureur général), 2004 CF 882 aux para 24–26).

[12] Alors qu’il est regrettable que cette situation ait été angoissante, la Cour ne peut intervenir dans la décision de la Commission, celle-ci étant justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques.

[13] Pour les motifs ci-haut, la Cour rejette la demande de contrôle judiciaire, sans dépens compte tenu de la chronologie factuelle, malgré la bonne foi de la demanderesse.


JUGEMENT au dossier T-857-20

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée, le tout sans dépens.

Obiter

La Cour suggère, considérant les erreurs faites par inadvertance, que la demanderesse ait la possibilité de rembourser la somme en question par tranches selon des modalités acceptables par les deux parties.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-857-20

 

INTITULÉ :

GABRIELLE MARTINEAU c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AFFAIRE ENTENDUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 JANVIER 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 16 FÉVRIER 2021

COMPARUTIONS :

Gabrielle Martineau

 

Pour la demanderesse

(SE REPRÉSENTANT ELLE-MÊME)

Chantal Labonté

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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