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Date : 20210212


Dossier : IMM‑5330‑19

Référence : 2021 CF 149

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 12 février 2021

En présence de monsieur le juge A.D. Little

ENTRE :

ROSE NUBOKEH AYAMBA OWONA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS DU JUGEMENT

[1] Dans la présente demande de contrôle judiciaire, la demanderesse demande à la Cour d’annuler une décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada datée du 12 août 2019. Dans sa décision, la SPR a conclu que la demande d’asile de la demanderesse présentée au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), était manifestement infondée. La SPR a conclu que la demanderesse n’avait pas établi son identité et que la demande d’asile était clairement frauduleuse.

[2] Selon moi, la décision de la SPR ne contient aucune erreur susceptible de contrôle. Comme il est expliqué ci‑dessous, la demande est rejetée.

I. Les incidents à l’origine de la présente demande

[3] La demanderesse affirme être Rose Nubokeh Ayamba Owona, une citoyenne du Cameroun, née le 21 juillet 1968. Elle est entrée au Canada en utilisant un passeport camerounais émis au nom de Neba Bih, née le 10 juin 1949. D’après le formulaire Fondement de la demande d’asile et un exposé circonstancié reçus le 10 juillet 2018, elle a demandé l’asile sous le nom de Rose Nubokeh Ayamba Owona.

[4] La demande d’asile est fondée sur le fait que, en octobre 2016, la demanderesse a été arrêtée et torturée par la police ou d’autres autorités en raison de son affiliation et de ses activités politiques et en tant que membre d’un groupe de défense des droits de la personne œuvrant dans le sud du Cameroun. Il est allégué dans la demande d’asile que la demanderesse se trouvait dans son restaurant et distribuait des dépliants sur un rassemblement prévu quand des gendarmes ont fait irruption dans le restaurant et ont arrêté tout le monde. La demanderesse a été détenue au poste de police pendant trois jours, durant lesquels elle a été maltraitée et agressée sexuellement. Elle a été forcée de signer une déclaration et a été menacée par la police avant sa libération. Après sa libération, la demanderesse a été admise à l’hôpital et a été soignée pendant plusieurs jours. La demanderesse a ensuite continué de distribuer des tracts politiques. En mai 2017, la police a de nouveau tenté d’arrêter la demanderesse à son restaurant. La demanderesse s’est enfuie par la porte arrière et est allée se cacher chez une amie. Les gendarmes sont allés la rechercher chez elle et ont battu ses deux fils. La demanderesse est restée cachée jusqu’à ce qu’elle ait trouvé un agent, qui l’a aidée à fuir le pays en août 2017.

[5] La demanderesse a quitté le Cameroun pour Calgary (Alberta) via la France. À son arrivée, elle a présenté une demande d’asile. Elle s’est présentée pour fournir ses empreintes digitales, mais ne s’est pas présentée comme prévu à l’entrevue visant à déterminer la recevabilité de sa demande d’asile.

[6] La SPR a fixé au 29 mai 2019 la tenue de l’audience relative à la demande d’asile. Le ministre est intervenu le 14 mai 2019. Le ministre était d’avis que la demanderesse n’était pas la personne qu’elle prétendait être et qu’il n’y avait aucun document indiquant qu’une personne du nom de Rose Nubokeh Ayamba Owona était entrée au Canada entre 2016 et 2018. Le ministre a fourni la fiche des données biométriques de Neba Bih, qui comprend des photos et une signature de la demanderesse. Selon le ministre, ces éléments de la fiche des données biométriques appuyaient la conclusion selon laquelle la demanderesse est, en fait, Neba Bih.

[7] Dans ce qui semble être en réponse à l’intervention du ministre, la demanderesse a communiqué deux versions modifiées ou supplémentaires de l’exposé circonstancié à l’appui de sa demande d’asile. Dans ces versions modifiées des exposés circonstanciés, certains faits rapportés dans son exposé circonstancié original ont été passablement remaniés. La demanderesse a déclaré que tous les événements au Cameroun étaient survenus en 2015‑2016, chacun ayant eu lieu exactement un an avant la date initialement déclarée. La demanderesse a également déclaré qu’elle était entrée au Canada un an plus tôt que ce qu’elle avait dit au départ, à l’aide d’un passeport camerounais frauduleux au nom de Neba Bih et en utilisant un visa canadien de visiteur au nom de Neba Bih. Dans cette nouvelle chronologie, la demanderesse avait repoussé la présentation de sa demande d’asile d’août 2016 à juillet 2018.

[8] Une chronologie nous aidera à comprendre les événements survenus ensuite en mai 2019, y compris le dépôt des versions nouvelles ou supplémentaires de l’exposé circonstancié :

  • Le 23 mai : la demanderesse a déposé une version supplémentaire de l’exposé circonstancié et a modifié les dates de certains événements sur lesquels s’appuyait sa demande d’asile. Cependant, la demanderesse a inclus des documents à l’appui qui confirmaient des dates clés mentionnées dans son exposé circonstancié original;

  • Le 24 mai : par une lettre de son conseil, la demanderesse a demandé que l’audience de la SPR soit reportée, en invoquant l’intervention du ministre et la nécessité d’obtenir des documents supplémentaires, d’organiser le témoignage des témoins et de se préparer elle‑même en vue de l’audience. La demanderesse a également présenté une déclaration signée de Vianney Muma Neba, une membre de sa famille avec qui elle vivait depuis son arrivée au Canada, et elle a fait savoir qu’elle souhaitait convoquer deux témoins supplémentaires qui témoigneraient par téléphone à l’audience;

  • Le 25 mai : la demanderesse a informé la SPR que, ce jour‑là, son fils et son père avaient été violemment tués au Cameroun;

  • Le 27 mai : la demanderesse a présenté la seconde version de l’exposé circonstancié, qui décrivait les décès de son père et de son fils. La demanderesse a demandé à la SPR l’autorisation d’appeler à l’audience prévue le 29 mai cinq témoins qui témoigneraient par téléphone depuis le Cameroun;

  • Le 29 mai : l’audience de la SPR a été tenue. À la fin de l’audience, la demanderesse s’est effondrée. La demanderesse a été transportée à l’hôpital par ambulance. Elle a quitté l’hôpital plus tard ce jour‑là.

[9] Après l’audience, le ministre a communiqué à la SPR ses observations écrites en date du 7 juin 2019. Le conseil de la demanderesse a fourni des observations dans une lettre datée du 17 juin 2019.

[10] Dans une lettre datée du 18 juillet 2019, le conseil de la demanderesse a fourni à la SPR une note du Dr Odufuwa indiquant que la demanderesse, que le médecin connaissait bien, était atteinte d’un [traduction] « TSPT possible : trouble de stress post‑traumatique, anxiété et dépression. »

[11] La SPR a rendu sa décision le 15 août 2019.

II. La décision de la Section de la protection des réfugiés

[12] La SPR a jugé que les questions d’identité et de crédibilité étaient déterminantes.

[13] La SPR a reconnu que, en ce qui concerne la crédibilité, quand un demandeur jure que certaines allégations sont vraies, cela crée une présomption qu’elles le sont, à moins qu’il n’existe des raisons d’en douter. Le ministre a souligné que la véritable identité de la demanderesse était Neba Bih, et que Rose Nubokeh Ayamba Owona était une fausse identité utilisée par la demanderesse.

[14] La SPR a conclu que la demanderesse n’était pas un témoin crédible et que la présomption selon laquelle son témoignage était véridique avait été réfutée. La SPR a en outre conclu que la demanderesse n’avait pas établi son identité en tant que Rose Nubokeh Ayamba Owona. La SPR n’est pas allée jusqu’à conclure que la demanderesse est, en fait, Neba Bih.

[15] La SPR a conclu que la demanderesse avait tenté de tromper la Commission sur sa véritable identité et sur d’autres allégations au cœur de sa demande. La SPR a jugé que la demanderesse n’avait aucune explication raisonnable concernant la présentation d’une fausse chronologie des événements survenus au Cameroun et d’autres faits, et n’a pas non plus expliqué de manière adéquate pourquoi elle n’avait pas rapidement demandé l’asile après son arrivée au Canada en 2016.

[16] La SPR a tiré un certain nombre de conclusions liées à la fiabilité et à la crédibilité de la demanderesse et des éléments de preuve qu’elle avait présentés à l’appui de sa demande d’asile, et a conclu dans plusieurs cas que les explications ou les éléments de preuve de la demanderesse ne pouvaient pas être admis. Je classe les conclusions de la SPR de la façon suivante :

  • les conclusions concernant l’entrée de la demanderesse au Canada avec de faux documents;

  • les conclusions concernant la modification des dates dans ses exposés circonstanciés, qui étaient incohérentes avec les documents déposés à l’appui. La demanderesse a expliqué que l’agent qui l’avait aidée lors de sa fuite du Cameroun avait falsifié les documents originaux présentés à l’appui pour les faire coïncider avec la (fausse) chronologie, et que les documents originaux appuyaient la version modifiée de son exposé circonstancié. Cependant, elle n’a pas pu se procurer les documents originaux pour les montrer à la SPR;

  • les incohérences entre les exposés circonstanciés de la demanderesse et ses documents;

  • les contradictions dans le témoignage de la demanderesse et son incapacité à répondre à des questions de base sur sa propre famille. La SPR a conclu que, lorsque la demanderesse avait tenté d’aborder ces contradictions au sujet de la composition de sa famille et des liens familiaux, ses explications « n’étaient pas transparentes et [étaient] devenues de plus en plus alambiquées et incohérentes. La demandeure d’asile semblait déconcertée ou incertaine quant aux détails de base relatifs à sa famille » (motifs de la SPR, au para 40). Par exemple, la demanderesse a fourni un témoignage incohérent concernant le nombre d’enfants que ses parents avaient eus et ne connaissait pas la différence d’âge entre elle et ses frères et sœurs. À un certain moment, elle a expliqué qu’elle s’était trompée entre elle et Neba Bih, une explication que la SPR n’a pas admise (paragraphes 42‑43);

  • les incohérences entre le témoignage de la demanderesse et ses documents d’identité. La SPR a examiné le contenu de la prétendue carte d’identité nationale du Cameroun de la demanderesse, de son certificat de naissance et de son passeport frauduleux, en plus des éléments de preuve obtenus lorsque la demanderesse a présenté ses demandes d’asile (empreintes digitales et signatures). La SPR a jugé que les éléments de preuve n’appuyaient pas une conclusion selon laquelle la demanderesse était celle qu’elle prétendait être.

[17] La SPR, en se fondant sur la preuve dans son ensemble, a conclu que la demanderesse n’avait pas établi le bien‑fondé de la demande d’asile qu’elle avait présentée au titre de l’article 96 ou du paragraphe 97(1) de la LIPR. La SPR a jugé que sa demande d’asile était « clairement frauduleuse » (au para 75), et donc qu’elle était manifestement infondée au titre de l’article 107.1 de la LIPR.

[18] Dans un avis de décision en date du 13 août 2019, la SPR a par conséquent rejeté la demande d’asile de la demanderesse.

III. Questions soulevées par la demanderesse

[19] La demanderesse a prétendu que les conclusions de la SPR concernant trois questions étaient déraisonnables, d’après les principes énoncés dans les arrêts Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 et Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190. Ces questions étaient les suivantes : i) la preuve d’identité, ii) la question de savoir si la demande d’asile de la demanderesse était manifestement infondée, iii) l’incidence des éléments de preuve médicale, déposés après l’audience, sur le témoignage de la demanderesse et sur les conclusions de la SPR quant à la crédibilité.

IV. La norme de contrôle

[20] Les deux parties ont formulé des observations selon lesquelles la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable, comme le décrit l’arrêt Vavilov. Je suis du même avis.

[21] L’examen du caractère raisonnable est axé sur la décision prise par le décideur, y compris le processus de raisonnement (c.‑à‑d. la justification) qui a mené à la décision et l’issue elle‑même : Vavilov aux para 83 et 86; Delta Air Lines Inc c Lukács, 2018 CSC 2, [2018] 1 RCS 6 au para 12.

[22] Les motifs fournis par le décideur constituent le point de départ : Vavilov au para 84. La cour de révision doit interpréter les motifs de façon globale et contextuelle, et parallèlement au dossier dont disposait le décideur : Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 au para 31; Vavilov aux para 91‑96, 97 et 103.

[23] Au moment d’examiner le caractère raisonnable de la décision, la cour doit se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable (c.‑à‑d. la justification, la transparence et l’intelligibilité) et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celles‑ci : Vavilov au para 99.

[24] Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême a souligné que, pour qu’elle intervienne, la cour de révision doit être convaincue que la décision « souffre de lacunes graves » à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence. Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision, ou constituer une « erreur mineure ». Le problème doit être suffisamment capital ou important pour rendre la décision déraisonnable : Vavilov au para 100.

[25] La cour de révision ne doit pas déterminer comment elle aurait tranché une question en s’appuyant sur la preuve, ni réévaluer et apprécier de nouveau la preuve sur le fond : Vavilov aux para 75, 83 et 125‑126; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339 aux para 59, 61 et 64.

[26] C’est au demandeur qu’il incombe de démontrer que la décision est déraisonnable : Vavilov aux para 75 et 100.

V. Analyse

[27] J’examinerai tour à tour chacune des trois principales observations présentées par la demanderesse.

A. Preuve d’identité

[28] Le paragraphe 100(4) de la LIPR prévoit qu’une personne se trouvant au Canada, qui demande l’asile à un point d’entrée et dont la demande est déférée à la SPR est tenue de lui fournir, dans les délais prévus par règlement, « les renseignements et documents — y compris ceux qui sont relatifs au fondement de la demande — exigés par ces règles ».

[29] L’article 11 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012‑256, prévoit que le demandeur d’asile transmet « des documents acceptables qui permettent d’établir son identité et les autres éléments de sa demande d’asile ». S’il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour se procurer de tels documents.

[30] L’article 106 de la LIPR impose une obligation similaire à un demandeur :

106 La Section de la protection des réfugiés prend en compte, s’agissant de crédibilité, le fait que, n’étant pas muni de papiers d’identité acceptables, le demandeur ne peut raisonnablement en justifier la raison et n’a pas pris les mesures voulues pour s’en procurer.

[31] La demanderesse a formulé plusieurs observations concernant l’analyse que la SPR avait effectuée au sujet de sa preuve d’identité. La première observation de la demanderesse concernait ses documents, y compris un certificat de naissance et une carte d’identité nationale du Cameroun ainsi que le passeport établi au nom de Neba Bih, qui comprenait la photo de la demanderesse elle‑même, un certificat de mariage, les passeports de ses enfants et un certificat de décès de son époux.

[32] Les deux principaux documents sur lesquels s’est appuyée la SPR à des fins d’identification étaient le certificat de naissance et la carte d’identité nationale de la demanderesse. La demanderesse a fait valoir que la SPR avait conclu à tort que son certificat de naissance était frauduleux. Le certificat de naissance indiquait que le père de la demanderesse était décédé (par l’usage de la mention [traduction] « feu »), alors que la demanderesse a déclaré que son père était décédé quelques jours avant l’audience, lors d’une attaque de son village au Cameroun. Elle a déclaré que le certificat de naissance contenait une erreur de transcription commise par l’autorité de délivrance. La SPR n’a pas admis cette explication. La demanderesse a avancé, en s’appuyant sur la conclusion selon laquelle le certificat de naissance était frauduleux, que la SPR avait déraisonnablement conclu que tous les documents de la demanderesse étaient frauduleux, y compris sa carte d’identité nationale. La demanderesse a soutenu qu’une conclusion selon laquelle un ou plusieurs documents sont frauduleux ne signifie pas nécessairement que tous les documents sont frauduleux : Lin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 84 au para 12.

[33] Le deuxième argument de la demanderesse était que la SPR n’a pas expliqué pourquoi elle avait accordé peu de poids aux certificats de naissance des enfants de la demanderesse, à son certificat de mariage et au certificat de décès de son époux. Selon l’observation de la demanderesse, la SPR n’a pas indiqué si elle jugeait que ces documents étaient authentiques ou faux; elle leur a simplement accordé peu de poids.

[34] Le troisième argument de la demanderesse est que la SPR s’est appuyée à tort sur une conclusion d’invraisemblance, à savoir qu’il était invraisemblable que la demanderesse usurpe l’identité de Neba Bih afin de fuir rapidement le Cameroun et qu’elle attende ensuite deux ans après son arrivée au Canada pour présenter une demande d’asile.

[35] Je ne souscris pas aux observations de la demanderesse concernant les conclusions de la SPR sur l’identité.

[36] Premièrement, la conclusion de la SPR sur l’identité s’appuyait d’abord sur une analyse générale des éléments de preuve, y compris les documents et le témoignage fournis par la demanderesse. Au paragraphe 52 de sa décision, la SPR a déclaré ce qui suit :

La demandeure d’asile a fourni des copies de deux pièces d’identité prétendument officielles, à savoir sa carte d’identité nationale (CIN) du Cameroun et son certificat de naissance, qui, selon elle, sont authentiques et ont été obtenus en bonne et due forme et de façon légale. Toutefois, il y a des divergences entre son témoignage et certains renseignements clés figurant sur son certificat de naissance. Après avoir examiné les éléments de preuve objectifs accessibles concernant les pièces d’identité au Cameroun, et compte tenu d’autres problèmes de crédibilité graves que soulève la présente demande d’asile, expliqués ci‑dessus et ci‑dessous, je juge que ces documents ne suffisent pas pour établir l’identité de la demandeure d’asile.

[37] Les divergences entre le certificat de naissance et le témoignage de la demanderesse concernaient son père. Comme il a été noté plus haut, son père était inscrit sur le certificat de naissance comme étant décédé, mais la demanderesse a déclaré qu’il était décédé quatre jours avant l’audience. La demanderesse a supposé qu’il s’agissait d’une erreur de transcription dans le document. La SPR a jugé que la demanderesse n’a pas pu fournir une explication raisonnable de la divergence.

[38] Les [traduction] « éléments de preuve objectifs » mentionnés par la SPR ont trait au [traduction] « problème grave » de fraude de CIN, qui, en raison de la corruption et de la fabrication de faux par des personnes habiles, était monnaie courante au Cameroun, selon la conclusion de la SPR. La SPR a tiré cette conclusion en s’appuyant sur les sources d’un document sur les conditions dans le pays. La demanderesse n’a pas contesté ces conclusions dans le contexte de la présente demande.

[39] Les « autres problèmes de crédibilité graves » que la SPR a relevés comprenaient les diverses conclusions liées à la fiabilité et à la crédibilité de la demanderesse, conclusions décrites au paragraphe 16 des présents motifs. Ces problèmes ont été relevés dans les éléments de preuve documentaire et la preuve testimoniale.

[40] Comme l’a récemment noté le juge Ahmed dans la décision Asmelash c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1038 au para 18, la Cour doit, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, faire preuve d’une grande retenue à l’égard des conclusions relatives à la crédibilité. Comme il l’a confirmé, de telles conclusions constituent « l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits […] et elles ne sauraient être infirmées à moins qu’elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve : Yan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 146 au para 18, citant Siad c Canada (Secrétaire d’État), 1996 CanLII 4099 (CAF), [1996] ACF no 1575, [1997] 1 CF 608 (CA) au para 24 ».

[41] Dans ce contexte, je ne souscris pas à la prémisse du premier argument de la demanderesse selon lequel une conclusion erronée concernant le certificat de naissance a amené la SPR à conclure déraisonnablement que tous les documents de la demanderesse étaient frauduleux, y compris sa carte d’identité nationale. La décision de la SPR en l’espèce est plus largement fondée que ce que sous‑entend l’argument de la demanderesse. Je remarque que, dans l’affaire Lin, la SPR devait examiner l’ensemble des éléments de preuve dont elle disposait (aux paras 11 et 14) et que la Cour y a conclu que la SPR ne l’avait pas fait; dans ses motifs, elle n’avait pas tenu compte de la preuve « assez abondante » que Mme Lin avait fournie à l’audience : voir au para 14. La décision de la SPR en l’espèce a été attentive aux éléments de preuve et en a tenu compte, comme l’exige la décision Lin.

[42] De manière similaire, je ne souscris pas à l’observation de la demanderesse selon laquelle la SPR s’est appuyée à tort sur une conclusion d’invraisemblance concernant le dépôt tardif de la demande d’asile. De nombreux autres facteurs ont amené à la conclusion de la SPR selon laquelle la demande d’asile de la demanderesse n’était pas crédible. Même si la demanderesse avait raison, une telle erreur ne remettrait pas en question la logique de l’analyse de la SPR ni ne créerait une lacune dans celle‑ci, et elle n’affecterait pas l’issue.

[43] Deuxièmement, les observations de la demanderesse reposent sur une prétendue erreur commise par la SPR dans le processus de détermination des faits, en particulier en n’admettant pas que le témoignage de la demanderesse, qui disait croire que l’autorité de délivrance au Cameroun avait commis une erreur dans son certificat de naissance. Cependant, il était loisible à la SPR de ne pas admettre le témoignage de la demanderesse dans les circonstances. Le rôle de la cour de révision n’est pas de se faire le juge des faits, de tirer ses propres conclusions et d’apprécier de nouveau les éléments de preuve à la place de la SPR.

[44] Troisièmement, la SPR a admis l’analyse juridique appropriée, présentée par la demanderesse. La SPR a souligné que, lorsqu’elle est « convaincue qu’une ou plusieurs des pièces d’identité d’un demandeur d’asile ont été obtenues frauduleusement ou sont par ailleurs [non] authentiques, la présomption selon laquelle les autres pièces d’identité du demandeur d’asile sont valides ne s’applique plus ». En appliquant cette norme, la SPR a fait référence au témoignage de la demanderesse selon lequel elle avait obtenu un passeport frauduleux établi au nom d’une autre personne pour venir au Canada; elle n’a pas révélé l’identité sous laquelle elle était venue au Canada jusqu’à ce que le ministre présente une copie de la page du passeport contenant les données biométriques. Priée d’expliquer cela, la demanderesse a déclaré que son agent avait falsifié la plupart de ses documents à l’appui pour dissimuler sa véritable date d’entrée au Canada et que son certificat de naissance contient des renseignements inexacts qu’elle ne pouvait pas raisonnablement expliquer. En s’appuyant sur ce témoignage, la SPR a conclu que la présomption selon laquelle les documents d’identité de la demanderesse étaient valides ne pouvait plus s’appliquer et a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour rétablir son identité en tant que Rose Nubokeh Ayamba Owona, selon la prépondérance des probabilités.

[45] La SPR a également explicitement admis que, dans ces circonstances, elle est « tout de même tenue d’examiner et d’apprécier à tout le moins l’authenticité et la valeur probante de chacune de ces pièces, de même pour tout autre document à l’appui produit par le demandeur d’asile » : au para 58. La dernière déclaration était cohérente avec le raisonnement de madame la juge Layden‑Stevenson exposé au paragraphe 12 de la décision Lin. Au paragraphe 61 de sa décision, la SPR a expliqué pourquoi elle avait accordé peu de poids au certificat de mariage de la demanderesse, au certificat de décès de son époux et aux certificats de naissance de ses enfants. La SPR a jugé qu’il ne s’agissait pas des principales pièces d’identité de la demanderesse. Même si ces documents étaient authentiques, ils corroboraient simplement les relations familiales d’une personne portant le nom prétendu de la demanderesse. La SPR a conclu qu’ils ne permettaient pas d’établir que la demanderesse était en fait Rose Nubokeh Ayamba Owona.

[46] Il pourrait être soutenu que la SPR aurait pu évaluer différemment les éléments de preuve concernant l’identité de la demanderesse. Cependant, il ne s’agit pas du critère applicable lors du contrôle judiciaire : Lin au para 11; Vavilov au para 125‑126. Selon moi, compte tenu de toutes ses autres conclusions concernant les éléments de preuve, y compris le certificat de naissance et la CIN, des nombreuses divergences entre les documents et le témoignage de la demanderesse et dans les réponses qu’elle a fournies à l’audience et du fait que la SPR n’a pas jugé que les documents restants étaient des documents d’identité principaux en l’espèce, la SPR n’a pas agi de manière déraisonnable en ne se prononçant pas quant à la question de savoir si les documents supplémentaires étaient authentiques ou faux. Pour en arriver à sa conclusion, la SPR a reconnu et suffisamment examiné les éléments de preuve dont elle disposait.

[47] Dans l’ensemble, la SPR a fourni des motifs suffisants pour conclure que la demanderesse n’avait pas établi son identité en tant que Rose Nubokeh Ayamba Owona. La demanderesse n’a pas démontré que la SPR avait commis une erreur susceptible de révision. La décision de la SPR concernant l’identité était raisonnable, selon les principes énoncés dans l’arrêt Vavilov.

B. La demande d’asile est manifestement infondée au titre de l’article 107.1 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

[48] L’article 107.1 de la LIPR prévoit ce qui suit :

107.1 La Section de la protection des réfugiés doit faire état dans sa décision du fait que la demande est manifestement infondée si elle est d’avis que celle‑ci est clairement frauduleuse.

[49] Si la SPR conclut qu’une demande d’asile est manifestement infondée, la décision de la SPR n’est pas susceptible d’appel devant la Section d’appel des réfugiés : LIPR, art 110(2)c). L’absence d’un processus d’appel explique probablement pourquoi la demanderesse a présenté la présente demande de contrôle judiciaire.

[50] Dans sa décision, la SPR a noté que, lorsqu’il s’agit de conclure qu’une demande d’asile est manifestement infondée, le seuil est élevé, et qu’il doit y avoir des éléments de preuve montrant que la demande d’asile est clairement frauduleuse (aux para 68 et 75). La SPR a conclu que le seuil élevé a été atteint en ce qui concerne les faits en l’espèce, car la demanderesse avait fait des allégations et avait communiqué des documents qu’« elle savait être faux dans l’intention de tromper la SPR quant à des faits importants ». Après avoir noté certains de ces faits importants, la SPR a souligné que « les […] déclarations fausses ou trompeuses contenues dans la présente demande d’asile sont omniprésentes et concernent non seulement l’identité de la demande d’asile, mais aussi ses allégations de persécution au Cameroun ».

[51] Selon moi, les conclusions de la SPR respectent les exigences juridiques nécessaires pour tirer une conclusion au titre de l’article 107.1 de la LIPR, exigences énoncées dans la décision Warsame c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 596 aux para 23‑31 et Fatoye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 456 aux para 45‑48. De plus, vu le reste de ses motifs, il était loisible à la SPR de tirer ces conclusions concernant les éléments de preuve.

[52] La demanderesse soutient que la SPR a commis une erreur en rejetant sa demande et ne lui permettant pas d’appeler cinq témoins à l’audience et en n’accordant aucun poids aux autres documents présentés à l’appui par la demanderesse. Elle affirme que, si la SPR n’avait pas commis ces deux erreurs et que les témoins avaient été entendus, il n’y aurait aucun fondement à une conclusion selon laquelle sa demande d’asile était manifestement infondée aux termes de l’article 107.1 de la LIPR.

[53] Selon moi, la demanderesse n’a pas montré que ces conclusions étaient déraisonnables. J’ai déjà examiné la conclusion de la SPR à propos des autres documents présentés à l’appui. En ce qui concerne les cinq témoins que la demanderesse a proposé d’appeler par téléphone pendant l’audience, les observations de la demanderesse étaient de nature hypothétique. Elle n’a pas présenté de déclarations ou de déclarations sous serment pour aucun des témoins. Une lettre de son conseil décrivait chacune des personnes et, dans une explication tenant en une phrase au plus, les sujets sur lesquels chacune des personnes fournirait un témoignage. À la lecture de cette lettre, j’estime possible que certains de ces témoins, mais pas tous, aient pu fournir un témoignage pour aider la SPR à identifier la demanderesse. Cependant, le dossier est loin d’indiquer clairement que cette possibilité se serait concrétisée. La SPR aurait eu à conclure que ces témoignages possibles non précisés feraient plus que corroborer son témoignage; les témoignages auraient eu à établir pleinement l’identité de la demanderesse en tant que Rose Nubokeh Ayamba Owona, et le faire malgré les autres préoccupations au sujet de la CIN frauduleuse et les diverses divergences dans le témoignage de la demanderesse et entre son témoignage et les documents.

[54] En des termes propres à l’examen d’une possible erreur susceptible de contrôle, le dossier ne permet pas de soutenir l’argument selon lequel ces témoignages proposés, dont nous ne connaissons pas le contenu précis, auraient été une contrainte factuelle au regard de la décision de la SPR concernant l’identité de la demanderesse : voir l’arrêt Vavilov, aux para 90, 99 et 105.

[55] Par conséquent, je ne souscris pas aux observations de la demanderesse selon lesquelles la conclusion de la SPR, au titre de l’article 107.1 de la LIPR, était déraisonnable.

[56] Lors de l’audience relative à la présente demande, l’avocate de la demanderesse a également soutenu que l’évaluation erronée des éléments de preuve relatifs à l’identité faite par la SPR, associée au fait qu’elle n’avait pas tenu compte des éléments de preuve ou qu’elle n’avait pas fourni les motifs de son refus d’entendre les cinq témoins supplémentaires, a rendu la décision déraisonnable (citant l’arrêt Vavilov, au para 126) ou a donné lieu à un manquement à l’équité procédurale (citant l’arrêt Vavilov, aux para 77 et 133‑135).

[57] J’ai déjà expliqué pourquoi aucune de ces deux observations, prises individuellement, n’était déraisonnable. Il n’y a aucun motif de ne pas arriver à la même conclusion quand les deux arguments sont réunis; évidemment, les observations de la demanderesse ne renfermaient pas de tel motif.

[58] Je ne relève également aucune préoccupation importante quant à un possible manquement à l’équité procédurale pour le motif allégué. La SPR a motivé sa décision de ne pas entendre les cinq témoins supplémentaires (transcription de l’audience, p. 5‑6; dossier certifié du tribunal, p. 258‑259). La demanderesse n’a pas formulé d’observations précises concernant le caractère déraisonnable de ces motifs fondés sur leur insuffisance. Je note que, dans les motifs, le commissaire de la SPR a conclu que, même si l’identité était une question à trancher dans la procédure, il n’a pas été expliqué clairement pourquoi les témoignages proposés auraient eu [traduction] « une grande pertinence ou valeur probante » au moment de trancher cette question.

C. Éléments de preuve médicale

[59] Dans ses observations écrites, la demanderesse a exprimé des réserves concernant la conclusion de la SPR selon laquelle elle accorderait peu de poids aux éléments de preuve psychiatriques qui montrent que la demanderesse souffre d’un [traduction] « possible TSPT ». La SPR a vu la demanderesse s’effondrer à la fin de l’audience; la demanderesse fait valoir qu’il était déraisonnable de la part de la SPR de conclure que le diagnostic n’était pas définitif et d’y accorder par conséquent peu de poids. La demanderesse a affirmé qu’une conclusion devrait être tirée de la note du médecin et du moment auquel est survenu son problème urgent de santé l’ayant empêché de livrer son témoignage officiel.

[60] Je ne suis pas convaincu que la SPR a commis une erreur susceptible de révision en ce qui concerne les éléments de preuve médicale. Le billet du médecin, qui ne comportait qu’un paragraphe, mentionnait que la demanderesse souffre d’un [traduction] « possible » TSPT, d’anxiété et de dépression. Il n’était pas déraisonnable de la part de la SPR de conclure que le diagnostic n’était pas définitif. Encore plus important, dans ses observations produites après l’audience, et donc après la note du médecin, la demanderesse ne disait pas que son problème de santé avait eu ou pouvait avoir eu une incidence sur son témoignage à l’audience devant la SPR. Ces observations indiquaient que la demanderesse était [traduction] « émotive » pendant l’audience, mais n’indiquaient pas que la demanderesse ne pouvait pas fournir un témoignage fiable au sujet de questions factuelles comme ses relations familiales.

[61] Enfin, dans l’affidavit déposé par la demanderesse à l’appui de sa demande d’autorisation de présenter à la Cour une demande de contrôle judiciaire, il n’y avait pas d’éléments de preuve montrant qu’elle a été hospitalisée en septembre et en octobre 2019 et que le Dr Maxwell lui a diagnostiqué un grave TSPT. La demanderesse n’a pas cherché à verser cet élément de preuve dans sa demande et n’a fait aucune observation concernant la façon dont cet élément de preuve pourrait, sur le fond, affecter la décision de la Cour concernant la présente demande. La demanderesse a plutôt soulevé que, si la SPR n’avait pas conclu que la demande d’asile était manifestement infondée au titre de l’article 107.1, rien ne l’aurait alors empêché d’interjeter appel à la Section d’appel des réfugiés, et elle aurait pu présenter une demande pour faire admettre les nouveaux éléments de preuve médicale en appel.

[62] Même si je ne minimise pas la gravité du problème de santé de la demanderesse ayant fait l’objet du diagnostic, je relève que la lettre du Dr Maxwell envoyée au conseil en date du 29 octobre 2019 n’indique pas non plus que l’état de la demanderesse avait une incidence sur sa capacité à livrer un témoignage devant la SPR. Le Dr Maxwell a déclaré que le trouble de stress post‑traumatique grave peut être associé à un trouble dissociatif et qu’il était possible que la demanderesse ait été dans cet état pendant l’audience. Cependant, le Dr Maxwell a noté que beaucoup plus d’informations seraient nécessaires pour effectuer cette évaluation de manière rétrospective. Aucun élément de preuve n’indique que le Dr Maxwell, ou quiconque, a effectué une telle évaluation.

VI. Conclusion

[63] Pour les motifs susmentionnés, je conclus que la SPR n’a commis aucune erreur susceptible de révision dans sa décision quant à la demande d’asile de la demanderesse. Après avoir appliqué les principes établis par la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov, je conclus que la décision de la SPR était raisonnable.

[64] Par conséquent, la demande doit être rejetée. Ni l’une ni l’autre partie n’a proposé de question à certifier, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune. Il n’y a pas lieu d’adjuger de dépens.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM‑5330‑19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée au titre de l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Andrew D. Little »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5330‑19

 

INTITULÉ :

ROSE NUBOKEH AYAMBA OWONA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 16 novembre 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

le juge A.D. LITTLE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 12 février 2021

 

COMPARUTIONS :

Rachael J. Anderson

 

pour la demanderesse

 

Meenu Alhuwalia

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rachael J. Anderson

RJA Law

Edmonton (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Meenu Alhuwalia

Procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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