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Date : 20210127


Dossier : IMM‑5219‑19

Référence : 2021 CF 91

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 janvier 2021

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

MD AWAL HOSSEIN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du 30 juillet 2019, par laquelle un agent principal (l’agent) d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a rejeté la demande de résidence permanente au Canada du demandeur, au motif d’une interdiction de territoire pour raison de sécurité au titre de l’article 34 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[2] Le demandeur et sa famille avaient obtenu l’asile au Canada en octobre 2014, car ils étaient exposés à un risque de mort ou de préjudice grave découlant de leur crainte à l’égard d’un membre influent de la Ligue Awami et de la participation aux activités du Parti national du Bangladesh (le PNB). Le demandeur avait été membre de l’aile jeunesse du PNB en 2000 pendant environ deux ans. Il avait ensuite réduit son niveau de participation aux activités du PNB, après quoi il était redevenu un partisan actif de 2011 à 2014.

[3] Lorsque la demande la résidence permanente a été présentée, l’agent a constaté que le demandeur était interdit de territoire, parce qu’il était membre du PNB, une organisation dont il y avait des motifs raisonnables de croire qu’elle s’était livrée à des actes visant le renversement d’un gouvernement par la force et au terrorisme.

[4] Le présent contrôle judiciaire concerne le caractère raisonnable de la conclusion de l’agent, selon laquelle le PNB est une organisation telle qu’elle est décrite ci‑dessus. Une décision raisonnable est intrinsèquement cohérente, rationnelle et justifiée à la lumière des contraintes juridiques et factuelles (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65).

[5] L’article 34 de la LIPR prévoit qu’un résident permanent est interdit de territoire pour le fait d’être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’actes désignés, tels le renversement d’un gouvernement par la force ou le terrorisme. La norme des « motifs raisonnables [de penser] » exige davantage qu’un simple soupçon, mais reste moins stricte que la prépondérance des probabilités (Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40 au para 114).

[6] Le demandeur ne conteste pas son adhésion au PNB, mais soutient plutôt que la preuve n’établit pas l’intention du PNB de renverser un gouvernement par la force ou de se livrer à des actes de terrorisme, c’est‑à‑dire de causer la mort ou des blessures graves au sens de la jurisprudence ou de la LIPR. Il soutient que la preuve tend plutôt à démontrer les conséquences malheureuses qui sont courantes dans des cas de désobéissance civile. Il a également souligné que l’intention ne peut être imputée à partir d’une connaissance ou d’un aveuglement volontaire de telles conséquences.

[7] En l’espèce, l’agent a conclu que la preuve était suffisante pour conclure que le PNB s’était livré à des actes visant le renversement d’un gouvernement par la force et au terrorisme, étant donné : la magnitude des grèves et de la violence dans les rues avant les élections de 2013 — qui avaient été les plus violentes de l’histoire du pays et qui sont bien documentées comme émanant du PNB ainsi que d’autres partis — l’intention et l’effet des hartal du PNB sur l’économie du pays ainsi que l’ampleur très bien établie du nombre de civils tués et blessés.

[8] Le cadre législatif et la jurisprudence ont été pris en compte, ainsi que des sources variées sur le PNB. Dans son analyse, l’agent a accordé un poids important à des rapports d’organisations non gouvernementales et d’organes des droits de la personne portant sur les activités violentes du PNB en 2013 et 2014.

[9] Il était loisible à l’agent d’apprécier les éléments de preuve et de privilégier ceux qui démontraient que le PNB avait eu l’intention de renverser le gouvernement ou de tuer ou blesser gravement des civils. L’agent a rendu une décision explicite quant à l’intention qui ne dépendait pas de la conscience, de la connaissance ou de l’aveuglement volontaire du PNB, contrairement à ce qu’affirme le demandeur.

[10] De plus, l’agent n’a pas confondu la désobéissance civile avec le renversement d’un gouvernement ou le terrorisme. Il a notamment retenu que l’appel au hartal par le PNB n’avait pas été un simple appel à la grève générale, mais plutôt un appel à des actes violents, comme il est expliqué en détail dans la décision SA c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 494.

[11] Bien que l’analyse concernant l’interdiction de territoire soit fondée sur des conclusions données et sur le dossier de preuve, il convient de répéter que, selon un certain nombre de décisions antérieures de la Cour, il était raisonnable de conclure que le PNB est une organisation dont les activités — en particulier celles menées pendant la période désignée en l’espèce — sont considérées comme étant liées à des actes visant le renversement d’un gouvernement et au terrorisme aux termes de la LIPR (voir Rahaman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 947; Khan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 899).

[12] Compte tenu de la définition large de la subversion et du terrorisme dans le droit canadien ainsi que du critère exigé par la LIPR afin d’établir l’interdiction de territoire pour raison de sécurité, l’agent a agi raisonnablement lorsqu’il a apprécié les faits et la preuve pour rendre sa décision.

[13] Pour les motifs susmentionnés, le contrôle judiciaire sera rejeté.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑5219‑19

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5219‑19

 

INTITULÉ :

MD AWAL HOSSEIN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 janvier 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 27 JANVIER 2021

 

COMPARUTIONS :

Viken G. Artinian

 

Pour le demandeur

 

Daniel Latulippe

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Allen & Associés

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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