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Date : 20210211


Dossier : IMM‑7048‑19

Référence : 2021 CF 143

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 11 février 2021

En présence de monsieur le juge Mosley

ENTRE :

PROJECT HABIMANA

JACQUELINE KIYANA

JESSICA UWIMBABAZI

KEVINE MUKARWEMA

LILIANE UWASE

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 29 octobre 2019 par la Section d’appel des réfugiés [SAR], qui a confirmé qu’ils ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. La question centrale en l’espèce consiste à savoir si la SAR a commis une erreur en confirmant la conclusion de la Section de la protection des réfugiés [SPR] selon laquelle les demandeurs n’avaient pas établi leur identité.

[2] Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

II. Contexte

[3] Les demandeurs sont un couple marié, Project Habimana et JacquelineKiyana, ainsi que leurs trois enfants, qui se disent citoyens du Rwanda. Le demandeur principal, M. Project Habimana, craint la persécution au Rwanda en raison de conflits avec le gouvernement. Il était un homme d’affaires ayant des intérêts au Rwanda et en République démocratique du Congo [RDC]. En raison d’une incapacité l’empêchant de communiquer efficacement, son épouse et leur fille Jessica ont témoigné à l’audience de la SPR.

[4] La question sur laquelle a porté la discussion à l’audience est celle de l’identité nationale des demandeurs. La SPR a conclu que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés ou des personnes à protéger parce qu’ils n’avaient pas établi leur identité ni démontré qu’ils étaient exposés à un risque sérieux de persécution. Le Tribunal a relevé des divergences dans le dossier documentaire quant aux dates et aux lieux de naissance ainsi qu’à la citoyenneté des demandeurs. La SPR a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, les parents étaient citoyens de la RDC et non du Rwanda. Or, les demandeurs n’ont pas demandé l’asile à l’égard de la RDC. De plus, ces derniers ont été jugés non crédibles.

[5] Les demandeurs ont interjeté appel auprès de la SAR de la décision rendue par la SPR, soutenant notamment que le commissaire de la SPR avait suscité une crainte raisonnable de partialité. Avant que la SAR puisse se pencher sur la question, l’avocat des demandeurs a été suspendu du barreau pour des motifs non liés à l’affaire. Leur nouvel avocat a demandé et obtenu l’autorisation de présenter d’autres observations dans le cadre de l’appel.

[6] La SAR a conclu que le commissaire de la SPR ne semble pas avoir eu de parti pris, que les demandeurs n’ont pas établi leur identité et qu’ils n’étaient pas crédibles.

III. Questions

[7] Les deux questions suivantes sont soulevées en l’espèce :

  • (a) La décision de la SAR est‑elle raisonnable?

  • (b) La SAR a‑t‑elle appliqué le bon critère relativement à la crainte raisonnable de partialité?

IV. Dispositions législatives pertinentes

[8] Les dispositions suivantes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 s’appliquent à la présente demande de contrôle judiciaire :

Définition de réfugié

Convention refugee

96 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96 A Convention refugee is a person who, by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themselves of the protection of each of those countries; or

[…]

[…]

Personne à protéger

Person in need of protection

97 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

[…]

[…]

Crédibilité

Credibility

106 La Section de la protection des réfugiés prend en compte, s’agissant de crédibilité, le fait que, n’étant pas muni de papiers d’identité acceptables, le demandeur ne peut raisonnablement en justifier la raison et n’a pas pris les mesures voulues pour s’en procurer.

106 The Refugee Protection Division must take into account, with respect to the credibility of a claimant, whether the claimant possesses acceptable documentation establishing identity, and if not, whether they have provided a reasonable explanation for the lack of documentation or have taken reasonable steps to obtain the documentation.

[9] La disposition suivante des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012‑256, est pertinente au regard de la présente demande de contrôle judiciaire :

Documents

Documents

11 Le demandeur d’asile transmet des documents acceptables qui permettent d’établir son identité et les autres éléments de sa demande d’asile. S’il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour se procurer de tels documents.

11 The claimant must provide acceptable documents establishing their identity and other elements of the claim. A claimant who does not provide acceptable documents must explain why they did not provide the documents and what steps they took to obtain them.

V. Norme de contrôle

[10] Comme l’a jugé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 30, la norme de la décision raisonnable est présumée s’appliquer à la plupart des catégories de questions qui se posent dans le cadre d’un contrôle judiciaire, et cette présomption évite toute immixtion injustifiée dans l’exercice par le décideur administratif de ses fonctions. Bien que la présomption puisse être écartée dans certaines circonstances, comme il en est question dans l’arrêt Vavilov, aucune exception ne s’applique en l’espèce.

[11] La Cour suprême s’est penchée sur la nature du contrôle selon la norme de la décision raisonnable aux paragraphes 83‑87 de l’arrêt Vavilov. En pareil cas, le rôle des cours de justice consiste à réviser et non à trancher elles‑mêmes la question en litige. La cour de révision n’est appelée qu’à décider du caractère raisonnable de la décision rendue par le décideur administratif. Les motifs écrits fournis par le décideur servent à communiquer la justification de sa décision et ils doivent être examinés en premier :

[86] L’attention accordée aux motifs formulés par le décideur est une manifestation de l’attitude de respect dont font preuve les cours de justice envers le processus décisionnel : voir Dunsmuir, par.47‑49. Il ressort explicitement de l’arrêt Dunsmuir que la cour de justice qui procède à un contrôle selon la norme de la décision raisonnable « se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité » : par. 47. Selon l’arrêt Dunsmuir, le caractère raisonnable « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : ibid. En somme, il ne suffit pas que la décision soit justifiable. Dans les cas où des motifs s’imposent, le décideur doit également, au moyen de ceux‑ci, justifier sa décision auprès des personnes auxquelles elle s’applique. Si certains résultats peuvent se détacher du contexte juridique et factuel au point de ne jamais s’appuyer sur un raisonnement intelligible et rationnel, un résultat par ailleurs raisonnable ne saurait être non plus tenu pour valide s’il repose sur un fondement erroné.

[87] La jurisprudence de notre Cour depuis l’arrêt Dunsmuir ne doit pas être interprétée comme ayant délaissé le point de mire du contrôle selon la norme de la décision raisonnable axé sur le raisonnement pour dorénavant s’attarder presque exclusivement au résultat de la décision administrative sous examen. D’ailleurs, le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable tient dûment compte à la fois du résultat de la décision et du raisonnement à l’origine de ce résultat, comme la Cour l’a récemment rappelé dans l’arrêt Delta Air Lines Inc. c. Lukács, 2018CSC2, [2018]1R.C.S.6, par. 12. Dans cette affaire, même si le résultat de la décision n’était peut‑être pas déraisonnable eu égard aux circonstances, la décision a été infirmée parce que l’analyse ayant débouché sur ce résultat était déraisonnable. Cette façon de voir s’inscrit dans la foulée de la directive de l’arrêt Dunsmuir voulant que le contrôle judiciaire porte à la fois sur le résultat et sur le processus. Une approche différente compromettrait le rôle institutionnel du décideur administratif plutôt que de le respecter.

VI. Analyse

A. La décision de la SAR était‑elle raisonnable?

[12] La question de l’identité est au cœur de chaque demande d’asile, et il incombe au demandeur d’établir, selon la prépondérance des probabilités, son identité au moyen de documents acceptables : Zheng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 877 au para 14; Qiu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 259 au para 6. L’omission de s’acquitter de cette obligation entraîne d’emblée le rejet de la demande : Naeem c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1134 au para 5.

[13] Une partie du débat devant la SPR et la SAR a porté sur les efforts que les demandeurs ont déployés pour rectifier les incohérences du dossier documentaire en présentant une deuxième série d’attestations de naissance – contenant des dates corrigées – en vue d’établir la nationalité rwandaise des enfants. Les demandeurs soutiennent que la SAR n’a pas tenu compte des observations additionnelles présentées par leur nouvel avocat en ce qui a trait aux incohérences relevées dans les attestations.

[14] Comme il est énoncé dans la documentation de la CISR sur le Rwanda, les attestations de naissance ne sont pas des certificats de naissance. Elles sont simplement des déclarations et elles ne sont pas vérifiées avant d’être délivrées. Seul le certificat de naissance a force de loi. Les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle a omis d’examiner la documentation sur le pays ainsi que leurs observations sur cette question : Saalim c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 841 au para 26 [Saalim]; Myle c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1073 au para 20.

[15] La raison pour laquelle les demandeurs ont choisi, pour établir la nationalité des enfants, de fournir de nouvelles attestations plutôt que des certificats de naissance officiels n’est pas claire. À mon avis, il était raisonnable que la SAR remette en question l’argument des demandeurs selon lequel seule la deuxième série d’attestations devait avoir une valeur probante. Toutefois, cela ne suffisait pas en soi pour écarter leur prétention à l’égard de la nationalité rwandaise.

[16] Mme Kiyana est née en RDC de parents Rwandais qui avaient trouvé refuge dans ce pays. Elle a expliqué qu’en tant qu’enfant d’expatriés, elle était inadmissible à la citoyenneté congolaise conformément à l’article 8 de la Loi No 04/024 du 12 Novembre 2004 relative à la nationalité Congolaise de la RDC [loi de la RDC]. Selon cet article, les enfants nés en RDC d’un parent étranger n’ont pas la nationalité congolaise s’ils ont, conformément à la loi nationale de son parent, la nationalité de celui‑ci. En tant qu’enfant de parents Rwandais, Mme Kiyana était admissible à la citoyenneté rwandaise et possédait la documentation à cet effet.

[17] Selon les articles 1 et 26 de cette même loi de la RDC, le fait que les demandeurs étaient titulaires d’un passeport rwandais les excluait de la citoyenneté congolaise. Ce fait a été porté à l’attention de la SAR dans les documents additionnels fournis par le nouvel avocat, mais la SAR ne semble pas y avoir donné suite.

[18] De plus, les demandeurs avancent que, selon le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié (1979) des Nations Unies, la nationalité peut être prouvée par la possession d’un passeport national. La possession d’un tel passeport crée une présomption que son titulaire a la nationalité du pays de délivrance, à moins que le passeport lui‑même contienne une indication contraire. Les demandeurs sont titulaires de passeports rwandais.

[19] Ces éléments importants ont été mal analysés et soupesés par la SAR.

[20] Le demandeur principal a fourni trois pièces d’identité du gouvernement comportant une photo et des caractéristiques de sécurité, sur lesquelles figure la bonne date de naissance. Toutefois, lorsqu’il a présenté des demandes de visas canadiens pour sa famille en 2015, en prévision d’une visite à son fils adulte qui étudiait dans une université de la Colombie‑Britannique, il avait faussement déclaré être citoyen de la RDC dans un document qui, apparemment, était nécessaire pour pouvoir posséder un bien dans ce pays. Le document indiquait par ailleurs qu’il avait 14 ans de moins que son âge réel.

[21] Il semble qu’en présentant un faux document de la RDC dans la demande de visa, les membres de la famille n’avaient pas pour objectif de prouver leur nationalité congolaise, mais plutôt de démontrer qu’ils avaient une raison de retourner chez eux après leur visite en Colombie‑Britannique. Cette intention ne justifiait pas que la SAR ignore les problèmes évidents liés à ce document ni qu’elle s’appuie sur ce dernier pour remettre en question la nationalité du demandeur principal. Les conclusions de la SAR sur cette question sont confuses et inintelligibles. Selon moi, il était déraisonnable d’accorder de la valeur à ce document et d’écarter le passeport du demandeur principal.

[22] D’autres questions soulevées par les demandeurs, comme la façon de considérer la confusion de Mme Kiyana à propos de la date de son mariage, font douter des conclusions sur la crédibilité tirées par la SPR et la SAR mais ne justifieraient pas l’intervention de la Cour.

B. La SAR a‑t‑elle appliqué le bon critère relativement à la crainte raisonnable de partialité?

[23] Le critère applicable à la crainte raisonnable de partialité est établi dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369 [Committee for Justice and Liberty], où le juge de Grandpré a déclaré ce qui suit dans son opinion dissidente :

La Cour d'appel a défini avec justesse le critère applicable dans une affaire de ce genre. Selon le passage précité, la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d'appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

[24] Les demandeurs renvoient à certains passages de la transcription de l’audience tenue par la SPR où le commissaire a, de toute évidence, perdu patience et haussé le ton. Tout en reconnaissant que des incohérences dans les éléments de preuve durant une audience peuvent provoquer de la frustration, ils sont d’avis qu’en l’espèce, une personne raisonnable conclurait, au vu des commentaires du commissaire, que celui‑ci avait déjà tranché l’affaire de manière prématurée.

[25] En l’espèce, la transcription contient souvent le segment suivant : « [l]e commissaire élève la voix ». Les demandeurs soulignent notamment l’échange suivant, après une énième fois où le commissaire a haussé le ton :

Membre Présidant : (Le commissaire élève la voix.) Madame, qu’est‑ce que vous faites là, me sortir là à mi‑chemin de la deuxième session. Qu’est‑ce que c’est ça? Vous trouvez ça drôle?

Mme Kiyana (Interprétée) : Désolée!

Membre Présidant : Bien, désolée, c’est pas suffisant, Madame. Vous prenez ça au sérieux ou non.

[…]

Mme Kiyana (Interprétée): Je suis 100 fois sérieuse (ph).

Membre Présidant : Mais, il me semble qu’une personne sérieuse aurait pensé à nous donner des documents à l’avance et non pas après qu’on a demandé si les documents existent.

J’ai de la difficulté à croire qu’il y a vraiment une crainte subjective ici.

[…]

[26] Il est évident que le commissaire était frustré par la manière dont Mme Kiyana livrait son témoignage. Toutefois, l’ensemble du dossier ne montre pas clairement que le commissaire avait perdu toute objectivité et partialité et qu’il avait préjugé l’issue de l’affaire avant d’avoir entendu l’ensemble de la preuve.

[27] Le commissaire de la SAR a mentionné avoir écouté attentivement l’enregistrement de l’audience de la SPR et n’a pas jugé qu’elle s’était déroulée de manière inéquitable. Toutefois, en appliquant le critère établi dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty, cité à juste titre par la SAR, le commissaire ne s’est pas demandé à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée, qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, mais plutôt comment réagirait une personne placée dans la situation du commissaire de la SPR. La SAR a commis une erreur en évaluant la crainte de partialité à travers la lentille du commissaire plutôt que celle d’un observateur raisonnablement bien renseigné.

VII. Conclusion

[28] La décision de la SAR ne satisfait pas à la norme de la décision raisonnable énoncée dans l’arrêt Vavilov. Il y avait certes d’importantes incohérences dans le témoignage des demandeurs qui devaient être prises en considération, mais la SAR n’a pas abordé adéquatement certains éléments de preuve clés qui leur étaient favorables, notamment leur statut de citoyens du Rwanda.

[29] La SAR a arrêté le bon critère pour déterminer s’il existait une crainte raisonnable de partialité de la part de la SPR, mais elle a commis une erreur dans l’application de ce critère.

[30] Pour ces motifs, la décision sera annulée et l’affaire, renvoyée à un tribunal différemment constitué en vue d’un nouvel examen.

[31] Aucune question grave de portée générale n’a été proposée et aucune ne sera certifiée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑7048‑19

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à la Section d’appel des réfugiés en vue d’un nouvel examen par un tribunal différemment constitué conformément aux présents motifs;

  2. Aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.

« Richard G. Mosley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑7048‑19

INTITULÉ :

PROJECT HABIMANA ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À OTTAWA (LA COUR) ET À TORONTO (LES PARTIES)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 JANVIER 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :

LE 11 FÉVRIER 2021

COMPARUTIONS :

Raoul Boulakia

POUR LES DEMANDEURS

Stephen Jarvis

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raoul Boulakia

Avocat

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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