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Date : 20050610

Dossier : T-1822-03

Référence : 2005 CF 823

Ottawa (Ontario), le 10 juin 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

LA PREMIÈRE NATION DES CHIPPEWAS

DE KETTLE ET DE STONY POINT

demanderesse

- et -

KA KWI ROK THA SHERRY SHAWKENCE

défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE SNIDER

[1]         La défenderesse, Mme Ka Kwi Rok Sherry Shawkence (Mme Shawkence ou la plaignante) était une employée de la demanderesse, la Première nation de Kettle et de Stony Point (la Première nation de KSP ou l'employeur). Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 25 août 2003 par laquelle l'arbitre Ian Hunter (l'arbitre) a conclu que la demanderesse avait été congédiée injustement.

Contexte

[2]         Les faits les plus pertinents à l'origine du litige dont l'arbitre a été saisi sont exposés ci-dessous.

[3]         Mme Shawkence a été embauchée comme agente de police spéciale par la Première nation de KSP le 6 septembre 1994. Elle s'est absentée du travail pendant de longues périodes au cours des 26 mois suivants pour des raisons de santé et pour un voyage de noces de deux semaines à la Jamaïque.

[4]         Dans une lettre datée du 6 décembre 1996, la Première nation de KSP a avisé la défenderesse qu'elle la congédiait [Traduction] « à cause de l'abandon du poste [qu'elle] occup[ait] » .

[5]         Le 10 décembre 1996, Mme Shawkence a déposé une plainte pour congédiement injuste en vertu du Code canadien du travail (le Code), L.R., ch. L-1. Comme l'exige l'article 241 du Code, l'avocate qui représentait alors la Première nation a indiqué dans une lettre datée du 19 février 1997 que les motifs de congédiement étaient les suivants :

o     Abandon de poste.

o     Impossibilité d'exécuter le contrat de travail.

o     Découverte après la cessation d'emploi de congés de maladie et de jours de congé non conformes à la politique.

Historique de la procédure

[6]         L'arbitre a été nommé le 12 septembre 1997 pour entendre la plainte dans laquelle Mme Shawkence alléguait avoir été congédiée injustement par la Première nation de KSP de son poste d'agente de police. L'arbitre a rendu sa décision finale, qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire, le 26 août 2003, soit près de six ans après sa nomination. L'affaire a nécessité 24 jours d'audience sur une période de quatre ans, à partir de la première journée d'audience jusqu'au dépôt des observations finales. De nombreux problèmes se sont posés tout au long de l'affaire, du changement d'avocat aux retards attribuables, à diverses occasions, aux deux parties au litige.

[7]         Pendant la procédure, l'arbitre a rendu trois décisions intérimaires par écrit. La première de ces décisions, en date du 20 décembre 1998, n'est pas pertinente pour la présente demande. Dans sa deuxième décision intérimaire datée du 3 décembre 1999, l'arbitre a statué que la Première nation de KSP devait seulement justifier sa décision de congédier Mme Shawkence en se fondant sur les allégations d'irrégularités qu'aurait commises celle-ci en ce qui a trait aux « congés de maladie et jours de congé » .

[8]         Dans une troisième décision intérimaire datée du 7 juin 2002, l'arbitre a décidé que la Première nation de KSP ne pouvait pas appeler d'autres témoins en contre-preuve - Michelle Vassen (qui avait déjà témoigné) et le chef Tom Bressette - ni verser 14 documents additionnels au dossier.

[9]       Dans sa décision finale, l'arbitre a statué, après avoir examiné la preuve en détail, que la Première nation de KSP [Traduction] « n'a pas démontré selon la prépondérance de la preuve, comme il lui incombait, qu'elle avait un motif valable de congédier Shawkence. Shawkence a été congédiée injustement » . Les conclusions et constatations de l'arbitre à l'origine de sa conclusion générale sont décrites dans l'analyse des questions soulevées par la présente demande.

Questions

[10]       La demanderesse soulève six questions :

1.          Quelle est la norme de contrôle applicable?

2.          L'arbitre devait-il examiner si la Police provinciale de l'Ontario (PPO) plutôt que la Première nation de KSP était le véritable employeur?

3.          Le refus de l'arbitre d'admettre certains éléments de preuve produits à l'étape de la réponse a-t-il entraîné un déni du droit de la Première nation de KSP à une audience équitable, violant ainsi les règles de justice naturelle?

4.          En ne tirant pas une déduction défavorable de l'omission de Mme Shawkence de témoigner, l'arbitre a-t-il commis une erreur de droit manifestement déraisonnable ou outrepassé sa compétence?

5.          En décidant de limiter les motifs du congédiement, l'arbitre a-t-il commis une erreur de droit ou outrepassé sa compétence?

6.          La décision de l'arbitre selon laquelle Mme Shawkence a été congédiée injustement était-elle manifestement déraisonnable en raison d'erreurs dans les conclusions suivantes qu'il a tirées :

a)          Mme Shawkence n'a pas falsifié les fiches de présence.

b)          Mme Shawkence n'a pas pris abusivement des congés.

c)          Les absences de Mme Shawkence étaient justifiées par des certificats médicaux.

[11]       Mme Shawkence a soulevé une question préliminaire relativement à l'affidavit du chef Tom Bressette qui a été déposé dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire. L'affidavit du chef comportait 151 paragraphes et plus de 400 pages de pièces. Mme Shawkence a présenté une requête en radiation de l'affidavit. Cette requête a été entendue dans le cadre du contrôle judiciaire. J'aurais pu radier plusieurs paragraphes de l'affidavit pour divers motifs, mais je refuse de le faire. En pratique, comme j'ai rejeté la présente demande, il n'est nécessaire de répondre à cette requête.

Question #1 : Norme de contrôle

[12]       Les parties s'entendaient pour dire que les décisions rendues par l'arbitre en vertu du Code du travail font partie de celles qui commandent la plus grande retenue. En présence de la clause privative sans équivoque énoncée à l'article 243 du Code du travail et vu l'expertise des arbitres choisis pour s'acquitter de ce travail hautement spécialisé, fondé sur l'analyse des faits, les tribunaux ont constamment statué que la norme de contrôle applicable aux conclusions de fait est celle de la décision manifestement déraisonnable. Selon cette norme, je ne peux modifier la décision que si celle-ci, considérée dans son ensemble, n'est aucunement appuyée par la preuve. En ce qui concerne les questions mixtes de fait et de droit, la Cour d'appel fédérale a dit dans l'arrêt Mihalicz c. Banque royale du Canada, [2000] A.C.F. no 781, au paragraphe 3, qu'une question mixte de fait et de droit peut ne pas être susceptible de contrôle mais que, si elle l'est, la norme de contrôle applicable « ne peut pas être plus exigeante que celle du caractère déraisonnable » .

[13]       Malgré cette norme élevée, les tribunaux ne peuvent pas faire abstraction des violations claires de la justice naturelle (Université du Québec à Trois-Rivières c. Larocque, [1993] 1 R.S.C. 471, paragraphes 40-47 (Larocque)).

[14]       La Première nation de KSP soutient que, lorsque l'erreur alléguée concerne la compétence de l'arbitre, la norme pertinente est celle de la décision correcte. Je ne partage pas entièrement ce point de vue; je crois qu'il peut y avoir des cas où la décision relative à la compétence repose sur un contexte factuel particulier et, dans ce cas, la norme applicable ne peut pas être plus élevée que celle de la décision raisonnable simpliciter.

Question #2 : La PPO comme employeur

[15]       Pendant toute l'affaire, les deux parties, s'appuyant la preuve documentaire déposée, ont considéré que la Première nation de KSP était l'employeur. Le 28 mai 2002, la Première nation de KSP a demandé, par l'intermédiaire de sa nouvelle avocate, que l'arbitre l'autorise à débattre de la question de savoir si c'était la Première nation plutôt que la PPO qui était le véritable employeur. Dans une décision rendue de vive voix le 28 mai 2002, l'arbitre a refusé d'autoriser la Première nation de KSP à présenter des éléments de preuve sur cette question, statuant qu'elle ne pouvait pas le faire en raison d'une fin de non-recevoir. La Première nation de KSP soutient que l'arbitre, une fois la question soulevée, était tenu d'examiner les limites de sa compétence (Bande indienne de Norway House c. Canada (Arbitre, Code du travail), [1994] 3 C.F. 376; (1994), 75 F.T.R. 246 (Norway House). Son omission d'examiner les limites de sa compétence constituait une erreur susceptible de contrôle.

[16]       Il est important de souligner que la Première nation de KSP ne soutient pas devant moi que l'arbitre n'avait pas compétence pour examiner la plainte de Mme Shawkence. Elle prétend seulement que l'arbitre a commis une erreur en refusant d'exercer son pouvoir discrétionnaire pour entendre la preuve et déterminer qui de la PPO ou de la Première nation de KSP était le véritable employeur. La situation en l'espèce est différente de celle dont le juge Muldoon avait été saisi dans l'affaire Norway House. Dans cette affaire, la question de savoir si la Première nation de Norway House était une « entreprise fédérale » au sens du Code a été soulevée pour la première fois dans la demande de contrôle judiciaire. Le juge Muldoon a statué qu'il n'était pas interdit aux parties en vertu d'une fin de non-recevoir de soulever la question à cette étape, même si elles ne l'avaient pas fait pendant l'arbitrage. Il a dit au paragraphe 8 :

Si l'arbitre n'avait pas compétence, comme la requérante l'affirme maintenant, il n'a jamais eu compétence et le consentement [préalable implicite des parties à la procédure pour le motif que l'arbitre avait compétence] ne serait pas pertinent [...] [non souligné dans l'original]

[17]       Dans cette affaire, la question a été pleinement débattue et tranchée, le juge Muldoon ayant statué que la bande indienne était une « entreprise fédérale » . Comme je l'ai souligné, la Première nation de KSP ne prétend pas en l'espèce que l'arbitre n'avait pas compétence.

[18]       La Première nation de KSP soutient que la décision de l'arbitre constitue un refus d'examiner les limites de sa compétence, mais je ne suis pas d'accord. À mon avis, l'arbitre a statué que la Première nation de KSP n'était pas autorisée à présenter des éléments de preuve sur une question soulevée à la dernière minute. L'objet de la question était peut-être la compétence, mais la question soumise à l'arbitre était celle de l'admissibilité d'une preuve documentaire additionnelle.

[19]       D'après le dossier dont j'ai été saisie, la Première nation de KSP ne peut pas soutenir que la demande présentée à l'arbitre concernait la question fondamentale de la compétence. Comme il n'y a pas de transcription de l'instance, on ne sait pas vraiment ce qui s'est passé pendant la présentation de cette demande à l'arbitre. Je souligne que le dossier dont j'ai été saisie ne contient aucune demande écrite de la Première nation de KSP. L'arbitre n'a rédigé aucune décision intérimaire distincte, comme il l'avait déjà fait à trois reprises. En outre, l'arbitre n'a jamais abordé cette question dans sa décision finale. Si la question avait vraiment été déterminante, elle aurait certainement été soumise à l'arbitre qui l'aurait examinée de manière beaucoup plus formelle. En raison de l'absence d'éléments portant sur cette question, je peux raisonnablement conclure que la demande concernait l'admission d'éléments de preuve et non la détermination de la compétence.

[20]       Vu cette interprétation de l'affaire, je devrais me garder de modifier la décision de l'arbitre concernant l'admission de cette preuve documentaire à l'étape de la réponse. Cependant, il y a d'autres circonstances en l'espèce qui jouent encore plus au détriment de la Première nation de KSP. Pendant l'audience, la question de la production de documents a été soulevée à plusieurs reprises. L'arbitre avait rendu deux ordonnances de production dont il n'a nullement été tenu compte. Étant donné ces circonstances, la décision de l'arbitre de ne pas admettre les documents à cette étape de l'instance n'était pas déraisonnable.

[21]       Même si j'acceptais (ce que je ne fais pas) qu'on avait demandé à l'arbitre de déterminer si c'était la PPO et non la Première nation de KSP qui était l'employeur, je ne considérerais pas qu'il est nécessaire d'annuler la décision. En effet, l'arbitre ne disposait pas à mon avis d'assez d'éléments de preuve pour conclure que la PPO était l'employeur.

[22]       On peut simplement partir du fait que Mme Shawkence a été embauchée par la Première nation de KSP en vertu d'une résolution de la bande. En plus d'être nommée comme « agente de police de la bande » , elle a été nommée agente des premières nations à la PPO, conformément à l'article 54 de la Loi sur les services policiers, L.R.O. 1990, ch. P-15. En fait, elle cumulait deux fonctions. Après son congédiement par la Première nation de KSP, une procédure distincte de cessation d'emploi a été engagée par la PPO. Dans une lettre datée du 5 mars 1997, le commissaire de la PPO a informé la défenderesse que [Traduction] « étant donné que vous ne travaillez plus comme agente pour une première nation, je ne vois aucun motif de maintenir votre emploi comme agente des premières nations » . Il a été mis fin, conformément à l'article 54 de la Loi sur les services policiers, à son mandat d'agente des premières nations le 10 mars 1997. Ainsi, même si elle était peut-être une agente des premières nations dans la PPO, elle était avant tout une employée de la Première nation de KSP jusqu'à son congédiement par la Première nation.

[23]       La Première nation de KSP renvoie à l'Entente sur les services de police des Premières nations de l'Ontario, 1991-1996, en date du 30 mars 1992. Il s'agit d'une entente multilatérale sur les services de police, conclue avec plusieurs Premières nations, la Couronne fédérale et la Couronne provinciale, qui prévoit, notamment, la nomination d'agents des premières nations, tels que définis dans l'entente. En vertu de l'entente, des personnes choisies par les collectivités des Premières nations, soit par l'autorité de police pertinente, soit conformément à la procédure établie par le conseil d'une bande indienne, sont nommées agents des premières nations par le commissaire de la PPO. Les parties reconnaissent explicitement que l'entente ne modifie pas le partage des pouvoirs constitutionnels, de la responsabilité, de la compétence ou des droits des parties. Pour souscrire aux arguments de la Première nation de KSP, je devrais considérer que l'entente signifie que la Première nation a perdu, en vertu des modalités de l'entente, sa capacité d'embaucher ses propres agents de police. Rien dans cette entente n'empêche selon moi une bande d'embaucher ses propres agents de police. C'est plutôt l'intention contraire qui semble inscrite dans les modalités de l'entente; les personnes choisies pour des postes de policiers par une collectivité locale sont nommées agents de police de la première nation ainsi qu' « agents des premières nations » en vertu de l'entente.

[24]       La Première nation de KSP mentionne également la décision Canadian First Nations Police Association et Mohawks of the (Bay of Quinte)Tyendinaga Mohawk Territory, [2000] CCRI no 64 (Bay of Quinte), dans laquelle le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) a examiné une demande d'accréditation de la Canadian First Nations Police Association. Dans cette affaire, le CCRI a dit que « dans la pratique, c'est la Police provinciale plutôt que la bande qui doit être considérée comme l'employeur » . Cette décision est différente de la présente espèce pour deux raisons importantes. Premièrement, la demande soumise au CCRI concernait l'accréditation d'une unité de négociation, ce qui, à mon avis, est totalement différent de l'examen d'un congédiement injuste. Par exemple, bien que l'entente prévoie à la fois des agents de police communautaires et des agents des premières nations, elle ne prévoit qu'un seul régime de rémunération, administré par la PPO. Cela pourrait justifier la conclusion du CCRI que, « dans la pratique » à des fins d'accréditation, la PPO était la partie concernée. Deuxièmement, le CCRI examinait le poste d'agent des premières nations, tel qu'il est défini dans l'entente susmentionnée, et non celui des agents qui sont d'abord des employés des collectivités elles-mêmes. En l'espèce, le dossier, qui, je présume, énonce une pratique courante, fait une distinction claire entre la nomination d'un agent de police par une première nation et la nomination ultérieure par le commissaire de la PPO de la même personne comme agent des premières nations.

[25]       En résumé, Mme Shawkence a été embauchée et congédiée par la Première nation de KSP. C'est contre la Première nation de KSP qu'elle doit exercer son recours pour congédiement injuste. Elle aurait pu prendre une mesure distincte relativement à son congédiement par le commissaire de la PPO, mais cette question n'a pas été soumise à l'arbitre. Aussi, même s'il a commis une erreur en n'admettant pas des faits et des arguments concernant la question de savoir qui était le « véritable employeur » , l'arbitre avait à mon avis compétence pour entendre la plainte.

Question #3 : Le refus d'admettre la contre-preuve

[26]       Le 13 mars 2002, après 18 jours d'audience, une fois terminée la preuve principale de la Première nation de KSP et la preuve de Mme Shawkence étant terminée en grande partie, l'avocate de la Première nation de KSP a été remplacée. Une fois la preuve de Mme Shawkence terminée, la Première nation de KSP a demandé l'autorisation d'appeler de nouveaux témoins en contre-preuve - Michelle Vassen (qui avait déjà témoigné) et le chef Tom Bressette - et de verser 14 documents additionnels au dossier. Mme Shawkence s'est opposée à cette contre-preuve. Dans une décision datée du 7 juin 2002 (la décision intérimaire du 7 juin), l'arbitre a statué ce qui suit :

·         En ce qui concerne les documents additionnels, il a dit :

[Traduction] L'admission de ces documents, à un stade aussi avancé et au mépris flagrant de deux (2) ordonnances de production antérieures, porterait gravement atteinte à la preuve de la plaignante. Avant le 28 mai 2002, l'avocate de la plaignante n'avait pas vu ces documents. Beaucoup concernent des témoins qui ont déjà fait leur déposition. Le préjudice est évident.

                   [...]

Je suis convaincu que permettre l'introduction de ces nouveaux documents en contre-preuve causerait un préjudice à la plaignante et que ce préjudice est si grand qu'il ne serait pas possible d'y remédier par un ajournement.

·         L'arbitre a rejeté la demande de nouvelle comparution de Mme Vassen, parce que, lors de sa première comparution, [Traduction] « son témoignage a porté sur la plupart, sinon sur tous les points auxquels elle devrait répondre en contre-preuve » et « un témoin appelé en contre-preuve ne peut pas étayer ou reformuler des éléments de preuve qui ont déjà été présentés à titre de preuve principale » .

·         Le chef Bressette a été autorisé à témoigner en contre-preuve, mais son témoignage devait se limiter au fait que le conseil de bande aurait « toléré » que Mme Shawkence prenne d'avance des congés auxquels elle n'avait pas encore droit.

[27]       La Première nation de KSP prétend que l'arbitre a commis une erreur en refusant de permettre que soient admis en contre-preuve les témoignages et les documents proposés.

[28]       Le paragraphe 242(2) du Code définit les pouvoirs de l'arbitre :

(2) Pour l'examen du cas dont il est saisi, l'arbitre :

[...]

b) fixe lui-même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie toute possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations, d'une part, et de tenir compte de l'information contenue dans le dossier, d'autre part;

[29]       La Première nation de KSP insiste sur le caractère obligatoire du mot « fixe » (en anglais, « shall » employé dans cette disposition et prétend que, en ne permettant pas la présentation de ces éléments de preuve et de ces témoignages additionnels pertinents, l'arbitre a violé son obligation de lui donner toute possibilité de présenter sa preuve et a ainsi violé les règles de la justice naturelle (Larocque, au paragraphe 59). Pour l'essentiel, la Première nation de KSP affirme que, une fois qu'il est établi que la preuve est pertinente, le caractère obligatoire du libellé du paragraphe 242(2) exige qu'elle soit admise. À mon avis, cela constitue une interprétation trop large de l'obligation de l'arbitre.

[30]       Pour commencer, l'arrêt Larocque ne va pas aussi loin que le croit la Première nation de KSP. Comme l'a dit le juge en chef Lamer, au paragraphe 46 :

               Pour ma part, je ne suis pas prêt à affirmer que le rejet d'une preuve pertinente constitue automatiquement une violation de la justice naturelle. L'arbitre de griefs est dans une situation privilégiée pour évaluer la pertinence des preuves qui lui sont soumises et je ne crois pas qu'il soit souhaitable que les tribunaux supérieurs, sous prétexte d'assurer le droit des parties d'être entendues, substituent à cet égard leur appréciation à celle de l'arbitre de griefs. Il pourra toutefois arriver que le rejet d'une preuve pertinente ait un impact tel sur l'équité du processus, que l'on ne pourra que conclure à une violation de la justice naturelle. 

[31]       La question sous-jacente à laquelle il faut répondre est celle de savoir si le refus d'admettre cette preuve constituait une violation de la justice naturelle. Pour reprendre les termes du paragraphe 242(2) du Code, l'arbitre a-t-il omis de donner à la Première nation de KSP toute possibilité de présenter des éléments de preuve? À mon avis, la réponse à cette question est négative.

[32]       La demande visant à obtenir l'admission d'autres éléments de preuve et témoignages a été présentée le 28 mai 2002, soit environ quatre ans après le début des audiences. Au moment du dépôt de cette demande, la Première nation de KSP et Mme Shawkence avaient terminé leur preuve. Aucune explication raisonnable n'a été donnée au défaut de produire plus tôt ces éléments de preuve, pertinents ou non. Hormis le fait qu'une nouvelle avocate représentait la Première nation de KSP, il semble qu'aucune autre raison n'a été donnée afin d'expliquer pourquoi les documents que la Première nation de KSP voulait présenter n'ont pas été soumis.

[33]       J'ai été saisie de l'affidavit du chef Tom Bressette, dans lequel ce dernier a tenté de fournir des raisons additionnelles qui, pour la plupart, se rapportaient aux mesures prises par l'ancienne avocate. Ces observations ne sont pas opportunes. Elles n'ont pas été soumises à l'arbitre. De plus, en l'absence d'observations directes de l'ancienne avocate ou d'éléments de preuve plus sérieux établissant qu'elle a commis des actes répréhensibles, je ne suis pas disposée à conclure que cela justifie l'annulation de la décision de l'arbitre.

[34]       En l'absence d'autres éléments de preuve, j'hésite à modifier la décision de l'arbitre concernant l'admission de la preuve documentaire à l'étape de la réponse. Cependant, il y a d'autres faits qui, en l'espèce, jouent au détriment de la Première nation de KSP. Comme je l'ai expliqué plus haut, la question de la production des documents a été soulevée à plusieurs occasions pendant l'audience. Compte tenu de ces circonstances, la décision de l'arbitre de ne pas accepter les documents à cette étape de l'audience n'était pas déraisonnable. Et, étant donné que la Première nation de KSP a eu toute possibilité de présenter ces éléments de preuve plus tôt, il n'y a eu, à mon avis, aucune violation de la justice naturelle.

[35]       J'ai tiré une conclusion semblable au sujet de la demande visant à obtenir que le chef Tom Bressette témoigne pour la première fois et que Mme Vassen comparaisse une nouvelle fois. Dans ces circonstances, la décision de l'arbitre n'était pas déraisonnable. Il n'y a pas eu, à mon avis, violation de la justice naturelle.

[36]       La Première nation de KSP soutient que l'arbitre aurait dû tenir compte du contexte législatif, du risque de préjudice pour le demandeur, des raisons du défaut de se conformer et de la question de savoir si l'exclusion de la preuve était la seule solution possible (Rogers Radio (CJMX-FM) et Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, [2003] CCRI no 246, au paragraphe 18). En ce qui concerne cet argument, il ressort des motifs énoncés dans la décision intérimaire que l'arbitre a tenu compte de tous ces éléments. La manière dont il a pondéré ces facteurs n'est pas sujette à contrôle.

[37]       Enfin, je souligne que la Cour a récemment examiné cette question, statuant que l'admission d'une contre-preuve est discrétionnaire (Vincent c. Première nation de Waterhen Lake, 2004 CF 831, au paragraphe 66). Dans cette affaire, la Cour a confirmé la décision par laquelle un arbitre a rejeté la demande d'une partie visant à obtenir l'autorisation d'appeler un témoin en contre-preuve après que celui-ci eut témoigné en interrogatoire principal.

Question #4 : Omission de tirer une déduction défavorable

[38]       Mme Shawkence n'a pas témoigné à l'audience. En conséquence, la Première nation de KSP ne l'a évidemment pas contre-interrogée. La Première nation de KSP prétend qu'il y avait des éléments cruciaux au sujet desquels l'arbitre a tiré [Traduction] « des conclusions erronées et douteuses » en l'absence du témoignage de la plaignante. D'après la Première nation, la preuve [Traduction] « nécessitait absolument le témoignage de la plaignante et la possibilité pour l'employeur de la contre-interroger » . La Première nation de KSP affirme que l'arbitre a commis une erreur en ne tirant pas une conclusion défavorable de cette omission de témoigner.

[39]       À cet égard, la Première nation de KSP reprend les propos du juge Muldoon dans la décision Norway House, aux paragraphes 53 et 61, où il dit :

             À moins qu'elle ne soit citée comme témoin au moyen d'un subpoena, rien en droit ne contraint la plaignante à témoigner, mais elle doit alors faire face aux conséquences. Il s'agit des déductions défavorables que l'arbitre fait. Or, l'arbitre n'a fait aucune déduction défavorable au sujet de la plaignante, mais uniquement au sujet de l'employeur (le chef et les conseillers), qui a en faittémoigné [...] Étant donné que cette dernière a refusé de témoigner sur des questions de fond, l'arbitre aurait dû faire toutes les déductions défavorables qu'il pouvait faire, et cela aurait bien pu entraîner le rejet de la plainte. L'omission de l'arbitre à cet égard donne l'apparence de partialité.

                        Sans avoir donné d'avertissement à la plaignante au sujet de son omission de témoigner, sans avoir appliqué la conséquence découlant du risque qu'elle prenait, l'arbitre a apparemment accepté le fait que l'employeur n'avait pas eu la possibilité de contre-interroger celle-ci. L'omission de l'arbitre d'avertir la plaignante, son omission de tenir compte de la notion juridique des déductions défavorables dans le cas de la plaignante, son indifférence en ce qui concerne la perte de possibilité de l'employeur de contre-interroger la plaignante [...] sa partialité apparente lorsqu'il a fait toutes, ou presque toutes, les déductions défavorables à l'employeur, montrent d'une façon manifeste qu'il a conduit l'enquête d'une façon déraisonnable.

[40]       À mon avis, cet argument ne peut pas être retenu pour au moins deux motifs.

[41]       Premièrement, la Première nation de KSP reconnaît qu'elle n'a pas essayé d'assigner Mme Shawkence comme témoin, comme c'était possible de le faire en vertu des dispositions du Code (Code, article 242, article 16). Même si Mme Shawkence n'était pas prête à témoigner volontairement, rien n'empêchait la Première nation de KSP, si elle considérait que le contre-interrogatoire était essentiel pour sa preuve, de la contraindre à témoigner. Même si je devais reconnaître que la loi est bien telle que l'a décrite la Première nation de KSP, j'estime qu'une partie ne peut pas, après une décision négative, soulever la question de la non-comparution du plaignant, à moins qu'elle n'ait fait tout son possible pendant l'audience pour faire comparaître le plaignant.

[42]       Deuxièmement, la Première nation de KSP semble considérer que la décision Norway House impose à l'arbitre l'obligation légale de tirer une déduction défavorable. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un énoncé correct du droit. Comme l'ont dit Sopinka et Lederman dans The Law of Evidence in Civil Cases (Sopinka, J. et S.N. Lederman, The Law of Evidence in Civil Cases, (Toronto: Butterworths, 1974), à la page 537):

[Traduction] Un défendeur qui ne témoigne pas ou qui ne cite pas de témoin après que le demandeur a présenté une preuve suffisante à première vue contre lui, risque de faire l'objet d'une conclusion défavorable. Bien que cette absence de témoignage ne puisse, en elle-même, combler les lacunes de la preuve de la partie à laquelle le fardeau incombe, lorsque cette partie a présenté une preuve suffisante pour créer un fardeau de présentation pour la partie adverse, cette dernière consolide la preuve produite contre elle si elle ne témoigne pas ou si elle n'appelle pas de témoins.

[43]       Ce passage soulève plusieurs facteurs qui sont pertinents à l'affaire dont je suis saisie et dont je dois tenir compte :

·         Le décideur n'a aucune obligation de tirer une déduction défavorable de l'omission de témoigner.

·         Une déduction défavorable ne devrait être tirée que lorsqu'une preuve suffisante à première vue a été présentée contre le défendeur.

·         L'omission de témoigner ne peut combler les lacunes de la preuve de la partie à laquelle le fardeau de la preuve incombe.

·         Le décideur doit non seulement examiner si le défendeur n'a pas témoigné, mais s'il n'a pas appelé de témoins.

[44]       Compte tenu de tous ces facteurs, je ne suis pas convaincue que l'arbitre avait l'obligation en l'espèce de tirer une déduction défavorable. La décision montre que la Première nation de KSP n'a pas présenté une preuve suffisante à première vue ou n'a pas produit suffisamment d'éléments de preuve pour se décharger du fardeau de la preuve. Ce n'est que dans ce cas qu'il serait approprié de tirer une déduction défavorable de l'omission de témoigner. En outre, même alors, il n'y aurait pas lieu de tirer une déduction défavorable en l'espèce parce que Mme Shawkence a fait comparaître un témoin qui a parlé de la question fondamentale des « congés de maladie et jours de congé » . Miles Bressette a témoigné au nom de Mme Shawkence et a été contre-interrogé.

[45]       Enfin, je ne sais pas vraiment quelles déductions défavorables l'arbitre aurait été tenu de tirer. Devait-il déplacer le fardeau de la preuve? En ce cas, ce fardeau accessoire a déjà été satisfait par le témoignage du témoin de Mme Shawkence, Miles Bressette. L'arbitre devait-il présumer que toutes les allégations avancées la Première nation de KSP à l'encontre de Mme Shawkence étaient fondées? Une telle déduction défavorable aurait pour effet en l'espèce de libérer la Première nation de KSP de toute obligation d'établir le bien-fondé de sa cause selon la prépondérance de la preuve.

[46]       Vu les faits de l'affaire, je ne suis pas convaincue que l'omission de l'arbitre de tirer une déduction défavorable du fait que Mme Shawkence n'a pas témoigné constituait une erreur.

Question #5 : Limitation de la portée des motifs de congédiement

[47]       Dans sa deuxième décision intérimaire datée du 3 décembre 1999, l'arbitre a statué que la Première nation de KSP devait seulement justifier sa décision de congédier Mme Shawkence en se fondant sur les allégations d'irrégularités commises en ce qui a trait aux « congés de maladie et jours de congé » . Plus spécifiquement, l'arbitre a conclu que la preuve de la Première nation de la KSP devait se limiter à ce motif et non à [Traduction] « l'interaction générale, plus confuse, avec d'autres agents et employés et aux circonstances concernant la fiche de travail de l'agente Shawkence » .

[48]       Dans ses motifs, l'arbitre a jugé que la falsification du carnet de police de Mme Shawkence n'était pas [Traduction] « un motif qu'avait invoqué la défenderesse dans la lettre qu'elle a envoyée en vertu de l'article 241; il n'en est pas non plus question dans la décision intérimaire du 3 décembre 1999 » . La Première nation de KSP soutient que l'arbitre a fait une erreur en n'examinant pas si Mme Shawkence avait falsifié son carnet de police. D'après la Première nation, Mme Shawkence aurait falsifié son carnet pour justifier des jours de congé, ce qui faisait donc partie des éléments à examiner. S'il y a un lien entre la question dont l'arbitre a été saisi et le carnet de police de la plaignante, je ne le vois pas. L'arbitre ne l'a pas vu non plus. Il n'y a pas d'erreur.

Question #6 : Erreurs alléguées dans les conclusions

[49]       Dans l'ensemble, l'arbitre a conclu que la Première nation de KSP n'avait pas prouvé selon la prépondérance de la preuve, comme il lui incombait, qu'elle avait un motif valable de congédier Mme Shawkence. Le seul motif qu'a invoqué la Première nation de KSP devant l'arbitre était les irrégularités que Mme Shawkence aurait commises en ce qui a trait aux « congés maladie et jours de congé » . À la fin des audiences, la Première nation de KSP n'avait pas réussi à convaincre l'arbitre de l'existence de telles irrégularités.

[50]       La Première nation de KSP prétend que l'arbitre a tiré plusieurs conclusions de fait qui ne peuvent pas être étayées par les éléments de preuve dont il a été saisi. Elle insiste particulièrement sur trois conclusions :

·         Mme Shawkence n'a falsifiié les fiches de présence.

·         Mme Shawkence n'a pas pris abusivement un congé pour voyage de noces.

·         Les absences de Mme Shawkence étaient justifiées par des certificats médicaux.

[51]       Ces conclusions de fait ne peuvent être révisées que selon la norme de contrôle la plus exigeante. S'il y a des éléments preuve qui corroborent ces conclusions, la Cour ne devrait pas intervenir.

a) La falsification des fiches de présence

[52]      L'arbitre a conclu que la Première nation de KSP [Traduction] « n'a pas prouvé la falsification des fiches de présence » . La Première nation de KSP prétend que Mme Shawkence [Traduction] « a délibérément rempli et signé de fausses fiches d'activités qui attestaient sa présence au travail. Il n'est pas contesté qu'elle a signé ces fiches. À première vue, la plaignante était coupable. La conclusion selon laquelle il n'y avait aucune preuve de la culpabilité de la plaignante est abusive » .

[53]       Je ne suis pas d'accord. Ayant lu la décision, il me semble qu'il y avait au dossier des preuves que les irrégularités dans les fiches de présence auraient pu être commises à d'autres niveaux. Comme l'a souligné l'arbitre, [Traduction] « la confusion était générale en ce qui a trait à la question des congés de maladie au sein du service de police de la bande » . L'arbitre a conclu :

[Traduction] S'il y a eu des irrégularités ou des incohérences dans la consignation des congés de maladie ou des vacances de Mme Shawkence, je conclus qu'elles étaient la conséquence a) de la confusion générale qui règne au sein de la bande de Kettle et de Stony Point en ce qui a trait aux politiques applicables, et b) de l'incompétence de la gestion. Le sergent Prosser [un témoin qui a effectué une vérification au service de police de la Première nation de KSP] n'a trouvé aucune preuve établissant que Mme Shawkence est l'auteur de ces irrégularités.

[54]      Il y avait à cet égard au dossier des éléments de preuve qui permettaient à l'arbitre de tirer une telle conclusion. L'arbitre n'a pas omis de tenir compte du fait que des fausses fiches de présence ont été signées, mais il a conclu qu'en raison de la « confusion générale » et « l'incompétence de la gestion » , la culpabilité n'a pas été établie. Cette conclusion n'est pas erronée.

b) L'absence pour cause de voyage de noces

[55]       L'une des principales conclusions de l'arbitre était que [Traduction] « l'employeur n'a pas prouvé que Sherry Shawkence a commis une irrégularité en ce qui concerne son absence pour cause de voyage de noces en décembre 1995 » . La preuve sur cette question provient des déclarations faites par les témoins des deux parties. L'arbitre a écarté la déposition d'un témoin de la Première nation de KSP dont, à son avis, [Traduction] « la valeur avait été considérablement remise en cause lors du contre-interrogatoire sur la question de savoir si le Comité de police avait peut-être approuvé l'absence de Mme Shawkence pour cause de voyage de noces » . Par contre, il a statué que le témoignage de Miles Bressette (témoin de Mme Shawkence) [Traduction] « n'avait pas été ébranlé en contre-interrogatoire » . En ce qui concerne l'incident du voyage de noces :

[Traduction] Miles Bressette a déclaré que l'absence de Mme Shawkence pour cause de voyage de noces avait été explicitement approuvée par lui-même (en qualité de chef de la police et de supérieur de la plaignante) et par le Comité de police de la bande.

[56]       Pour arriver à sa décision, l'arbitre a examiné le témoignage du chef Tom Bressette sur la question précise de la « tolérance » dont a fait preuve le conseil de bande et a conclu que ce témoignage était loin d'établir que le conseil de bande n'était pas au courant des actes de Miles Bressette et du Comité de police.

[57]       La Première nation de KSP prétend que l'arbitre n'a pas tenu compte d'éléments de preuve qui, d'après elle, auraient mené à une conclusion contraire relativement à l'absence pour cause de voyage de noces; elle estime aussi que la conclusion de l'arbitre sur cette question [Traduction] « défie la logique et le bon sens » .

[58]       La Première nation de KSP m'a soumis plusieurs documents joints à l'affidavit du chef Tom Bressette pour démontrer l'erreur que l'arbitre aurait commise dans sa conclusion. Cependant, ces éléments de preuve n'ont pas été présentés à l'arbitre et ne peuvent pas servir à étayer la position de la Première nation de KSP devant moi. Cette preuve, comme je l'ai dit dans la section intitulée Question #3, aurait pu être soumise à l'arbitre mais ne l'a pas été.

[59]       Il ressort clairement de la décision de l'arbitre qu'il a écouté attentivement la totalité des témoignages. L'arbitre a préféré le témoignage de Miles Bressette, qui a déclaré que l'absence avait été approuvée. Il a en outre estimé que la valeur de l'opinion contraire exprimée par l'un des témoins de la Première nation de KSP avait été [Traduction] « remise en cause lors du contre-interrogatoire » . Dans son opinion finale sur ce point, il n'affirme pas que Mme Shawkence a obtenu une autorisation pour son absence, mais que [Traduction] « l'employeur n'a pas prouvé que Sherry Shawkence a commis une irrégularité en ce qui concerne son absence pour cause de voyage de noces en décembre 1995 » . Compte tenu du doute soulevé par le témoignage de Miles Bressette, la conclusion selon laquelle l'employeur n'avait pas réussi à se décharger du fardeau de la preuve sur ce point n'était pas déraisonnable.

c) Certificats médicaux justifiant les absences

[60]       L'arbitre a conclu que [Traduction] « Mme Shawkence avait fourni tous les certificats médicaux nécessaires et requis pour justifier ses absences fréquentes » . La Première nation de KSP allègue des erreurs dans cette conclusion, en faisant remarquer, par exemple, qu'une période de trois semaines n'était visée par aucun certificat.

[61]      L'omission de l'arbitre de mentionner l'absence d'un certificat visant une période de trois semaines (ou tout autre incident) constitue pas, à mon avis, une erreur. Il convient particulièrement de noter l'analyse faite par l'arbitre de la tenue des dossiers par la Première nation de KSP. Il conclut qu'on ne peut [Traduction] « absolument pas se fier à l'administration et/ou à la tenue des dossiers du service de police de la Première nation de KSP » . Il s'ensuit donc que la présence ou l'absence d'un certificat médical n'est pas pertinente. Le seul témoignage que l'arbitre a considéré comme fiable sur ce point était celui de Miles Bressette qui a juré que [Traduction] « Mme Shawkence a fourni un certificat médical acceptable pour chacune de ses absences de plus de trois (3) jours » .

[62]       En ce qui concerne chacune de ces trois conclusions qui seraient erronées, la Première nation de KSP attire l'attention sur des éléments de preuve qui auraient pu mener à des conclusions différentes. Cependant, il ne s'agit pas du critère de contrôle applicable à la décision de l'arbitre. En fait, il serait inopportun pour moi d'analyser la preuve pour arriver à une conclusion différente. Ayant examiné le dossier et la décision de l'arbitre, je suis convaincue qu'il y a des éléments de preuve qui étayent les motifs de la décision et, en particulier, les trois conclusions susmentionnées. Il n'y a aucune erreur susceptible de contrôle.

Conclusion

[63]       En conclusion, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[64]       J'ai demandé aux parties de me soumettre des observations écrites sur la question des dépens. Mme Shawkence demande, si elle obtient gain de cause, que les dépens du contrôle judiciaire soient taxés conformément à la colonne IV du tarif B des Règles de la Cour fédérale. Elle demande en outre, relativement à la requête en radiation de l'affidavit du chef Tom Bressette, une ordonnance distincte sur les dépens, qui seraient taxés sur la base avocat-client. D'après Mme Shawkence, des dépens devraient être adjugés sur cette base parce que l'affidavit contenait des renseignements scandaleux et non pertinents ainsi que de nombreux paragraphes dont le seul objectif semblait être de présenter des arguments contredisant les conclusions de fait de l'arbitre.

[65]     La Première nation de KSP demande que les dépens soient adjugés conformément à la colonne III du tarif B.

[66]      Exerçant mon pouvoir discrétionnaire conformément à l'article 400 des Règles, j'ai pris en considération les facteurs énoncés dans cet article. En particulier, je note ce qui suit :

1.                   Mme Shawkence est la partie qui a obtenu gain de cause dans la présente demande.

2.                   Il n'y a lieu d'adjuger des dépens sur la base avocat-client que s'il y a eu un abus flagrant de la procédure. Il se peut que l'affidavit du chef Tom Bressette contienne des déclarations non appropriées mais, à mon avis, le dépôt de ce document ne prouve pas qu'il y a eu conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante de la part de la Première nation de KSP ou de son avocate.

3.                   Même si aucune décision précise n'était nécessaire en l'espèce relativement à la requête en radiation et même s'il ne convient pas d'adjuger des dépens sur la base avocat-client, des dépens devraient être adjugés pour la requête en radiation dans le cadre de la taxation des dépens.

4.                   La Première nation de KSP a soulevé sept questions qui ont nécessité beaucoup de travail de la part des deux parties. Comme il est possible de le constater à la lecture des présents motifs, certaines de ces questions ont nécessité une analyse juridique et une réflexion approfondies. À mon avis, il est donc justifié de s'écarter légèrement des sommes normalement accordées conformément à la colonne III du tarif B pour adjuger les dépens conformément au minimum prévu à la colonne IV du tarif B.

[67]       En conclusion, les dépens dans toutes les cours devraient suivre l'issue de l'affaire et être payés par la Première nation de KSP, conformément au minimum prévu à la colonne IV du tarif B.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.                   La demande est rejetée.

2.                   La défenderesse, Mme Shawkence, a droit à ses dépens devant toutes cours, les dépens devant être taxés par un officier taxateur conformément au minimum prévu à la colonne IV du tarif B.

« Judith A. Snider »

                                                                                                      Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                     T-1822-03

INTITULÉ :                                                                    LA PREMIÈRE NATION DES CHIPPEWAS DE KETTLE ET DE STONY POINT c. KA KWI ROK THA SHERRY SHAWKENCE

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                            LE 16 MAI 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                   LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                                                  LE 10 JUIN 2005

COMPARUTIONS:

Carol Godby                                                                     POUR LA DEMANDERESSE

Stuart R. Mackay                                                              POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Harrison Pensa                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

London (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                              POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

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