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Date : 19990401


Dossier : T-1455-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 1ER AVRIL 1999.

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LUTFY


AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

L.R.C. (1985), ch. C-29,


ET un appel d"une décision

d"un juge de la citoyenneté,

ENTRE :


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


appelant,


et


HING KWOK YU,


intimé.


ORDONNANCE

     VU l"appel interjeté contre la décision du juge de la citoyenneté Ford datée du 22 mai 1998;

     VU l"audition de l"appel tenue le 23 février 1999, à Vancouver (C.-B.);

     LA COUR ORDONNE :

     Que l"appel soit accueilli.


" Allan Lutfy "

J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


Date : 19990401


Dossier : T-1455-98


AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

L.R.C. (1985), ch. C-29,


ET un appel d"une décision

d"un juge de la citoyenneté,

ENTRE :


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


appelant,


et


HING KWOK YU,


intimé.


MOTIFS D"ORDONNANCE

LE JUGE LUTFY

[1]      Dans sa décision datée du 22 mai 1998, le juge de la citoyenneté a conclu que l"intimé avait satisfait aux exigences en matière de résidence prévues à l"alinéa 5(1)c ) de la Loi sur la citoyenneté. L"intimé a été physiquement présent au Canada pendant 339 des 1 095 jours requis, au cours des quatre années qui ont précédé la date de sa demande de citoyenneté. Le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration interjette appel de cette décision, conformément au paragraphe 14(5) de la Loi et à la Règle 300c ) des Règles de la Cour fédérale (1998).

[2]      L"avis de demande a été signifié en personne à l"intimé. Cependant, celui-ci n"a pas pris part à la présente instance.

[3]      L"intimé, qui a 48 ans, est arrivé pour la première fois au Canada en janvier 1990. Il est né en Chine et il se considère apatride. L"intimé, son épouse et leurs quatre filles, maintenant âgées de 30, 28, 27 et 17 ans respectivement, sont devenus des résidents permanents le 20 août 1991. L"intimé et son épouse possèdent une résidence à Vancouver (C.-B.). L"épouse de l"intimé et leurs quatre enfants sont des citoyennes canadiennes. Le dossier ne mentionne pas quand ils ont obtenu la citoyenneté canadienne. L"intimé a obtenu le droit de s"établir au Canada en tant qu"immigrant entrepreneur.

[4]      Dans ses motifs, le juge de la citoyenneté dit :

         [TRADUCTION] Il a été absent du Canada pendant un plus grand nombre de journées qu"il a été présent au pays, mais il s"absentait toujours pour faire des affaires pour le compte de sa société canadienne. Son épouse et ses quatre filles sont des Canadiennes. Il a fourni des éléments de preuve établissant qu"il était un résident permanent du Canada.         
         [...]         
         Il lui manque 755 jours, qu"il a passés à faire des affaires à Hong Kong, où il vivait à l"hôtel. Il a investi au Canada, où il a fondé une société en Colombie-Britannique. Il est ingénieur-conseil dans le domaine naval et ses absences sont liées à cette entreprise. Il revient au pays en tant qu"immigrant ayant obtenu le droit d"établissement. Son épouse et ses quatre filles sont des citoyennes canadiennes.         
         Il a fourni des éléments de preuve établissant qu"il est un résident permanent du Canada :         
         - une copie des documents de constitution de sa société         
         - la cotisation fiscale établie à son égard pour l"année 1997. Il dit avoir fait des déclarations de revenus depuis 1994         
         - les documents établissant qu"il possède une automobile         
         - un compte de taxes foncières         
         - un permis de conduire de la C.-B.         
         - une carte d"assurance-maladie de la C.-B.         
         - une lettre de sa banque concernant un compte qu"il a depuis 1989         
         - des copies des documents canadiens des membres de sa famille         

[5]      Dans Papadigiorgakis, [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.), le juge Thurlow (alors juge en chef adjoint) a dit, aux pp. 213 et 214 :

         Il me semble que les termes "résidence" et "résident" employés dans l"alinéa 5(1)b ) de la nouvelle Loi sur la citoyenneté ne soient pas strictement limités à la présence effective au Canada pendant toute la période requise, ainsi que l"exigeait l"ancienne loi, mais peuvent aussi comprendre le cas de personnes ayant un lieu de résidence au Canada, qu"elles utilisent comme un lieu de domicile dans une mesure suffisante fréquente pour prouver le caractère effectif de leur résidence dans ce lieu pendant la période pertinente, même si elles en ont été absentes pendant un certain temps.         

Ce principe a été succinctement décrit de nouveau par le juge Dubé dans Banjeree, Re (1994), 25 Imm. L.R. (2d) 235 (C.F. 1re inst.), à la page 238 : " C'est la qualité de l'attachement au Canada qui doit être examinée ".

[6]      Dans Koo, Re, [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.), aux pp. 293 et 294, le juge Reed a suggéré six questions pour déterminer si le mode de vie d"une personne avait été centralisé au Canada :

         1) la personne était-elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s"absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté?         
         2) où résident la famille proche et les personnes à charge (ainsi que la famille étendue) du requérant?         
         3) la forme de présence physique de la personne au Canada dénote-t-elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu"elle n"est qu"en visite?         
         4) quelle est l"étendue des absences physiques (lorsqu"il ne manque à un requérant que quelques jours pour atteindre le nombre total de 1 095 jours , il est plus facile de conclure à une résidence réputée que lorsque les absences en question sont considérables)?         
         5) l"absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire (par exemple, avoir quitté le Canada pour travailler comme missionnaire, suivre des études, exécuter un emploi temporaire ou accompagner son conjoint, qui a accepté un emploi temporaire à l"étranger?         
         6) quelle est la qualité des attaches du requérant avec le Canada: sont-elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays?         

[7]      En l"espèce, le dossier contient très peu de renseignements de fond, voire aucun renseignement établissant que l"intimé avait centralisé son mode de vie au Canada. Aucun renseignement n"indique que l"intimé a été présent au Canada pendant une période importante depuis son arrivée, en janvier 1990, jusqu"au début de la période de quatre ans pertinente, le 12 novembre 1992. Dans sa demande, l"intimé a carrément allégué que [TRADUCTION] " ... depuis l"arrivée et l"installation des six membres de notre famille au Canada, nous n"avons jamais cessé d"y résider ". Cela est insuffisant. On peut supposer que ses enfants adultes résident toujours au Canada. Aucune preuve n"établit que la famille dépend de l"intimé. Il n"a pas fourni d"explication concernant l"un ou l"autre des neuf séjours qu"il a faits au Canada entre 1993 et 1996. De ces neuf séjours, sept ont duré de six à vingt-quatre jours, selon le cas. L"un de ces séjours a duré quarante-quatre jours et le dernier, qui a immédiatement précédé le dépôt de sa demande, a duré 151 jours. Rien n"indique que ce mode de vie est temporaire. Aucune mention n"est faite de l"état actuel de son investissement initial au Canada. La source de son revenu imposable au Canada en 1997, qui s"élève à 5 226 $, n"est pas identifiée : on ignore si cet argent provient d"un emploi, d"une entreprise ou encore s"il s"agit d"un revenu en intérêts. Les autres déclarations qu"il a produites depuis 1994 ne contiennent aucun renseignement sur la provenance de son revenu imposable. On peut en déduire que l"intimé a un autre revenu important qui n"est pas imposable au Canada. Les comptes bancaires, le permis de conduire, la carte d"assurance-maladie, une carte de membre d"une bibliothèque publique et des comptes de taxes foncières ne suffisent pas à décrire la qualité de l"attachement de la personne au Canada.

[8]      Compte tenu du dossier dont je dispose, j"estime que les renseignements fournis au juge de la citoyenneté étaient de loin insuffisants pour lui permettre de conclure que l"intimé avait centralisé son mode de vie au Canada. Dans certaines circonstances, des absences importantes peuvent être justifiées si le demandeur a établi de manière significative une résidence au Canada. En l"espèce, cependant, le juge de la citoyenneté ne paraît pas avoir fait le type d"analyse suggéré dans Koo, Re . Elle ne pouvait pas raisonnablement conclure qu"il avait été satisfait à l"exigence en matière de résidence sur le fondement des renseignements du dossier. Ce manque d"indices du fait que la véritable résidence de l"intimé se trouve au Canada n"est qu"accentué par l"omission de ce dernier de défendre la décision contestée dans la présente instance.

[9]      En conséquence, l"appel est accueilli.

" Allan Lutfy "

J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 1er avril 1999.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              T-1455-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration c. Hing Kwok Yu

LIEU DE L"AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)

DATE DE L"AUDIENCE :          le 23 février 1999

MOTIFS DE JUGEMENT EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE LUTFY

EN DATE DU :              1 er avril 1999

ONT COMPARU :

Mme Larissa Easson                              POUR L"APPELANT

Aucune comparution

pour le compte de l"intimé

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                              POUR L"APPELANT

Sous-procureur général du Canada

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