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                                                                                                               Date : 19980423

                                                                                                         Dossier : T-1850-97

AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

L.R.C. (1985), ch. C-29

ET un appel de la décision

d'un juge de la citoyenneté

ET

FELIX LING CHUNG WONG,

                                                                                                                          appelant.

                                                  O R D O N N A N C E

LE JUGE ROULEAU

[1]         L'appel est accueilli.

                                                                                   « P. ROULEAU »

                                                           ___________________________________                

                                                                                 Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.


                                                                                                               Date : 19980423

                                                                                                         Dossier : T-1850-97

AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

L.R.C. (1985), ch. C-29

ET un appel de la décision

d'un juge de la citoyenneté

ET

FELIX LING CHUNG WONG,

                                                                                                                          appelant.

                                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]         Il s'agit d'un appel de la décision d'un juge de la citoyenneté en date du 18 juillet 1997, dans laquelle on a refusé la citoyenneté canadienne à l'appelant. Il a été statué que M. Wong ne respectait pas la condition de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi, qui exige qu'un demandeur de la citoyenneté canadienne ait résidé au Canada pendant au moins trois ans dans les quatre ans précédant immédiatement sa demande. Le juge de la citoyenneté a statué que l'appelant n'avait été physiquement présent au Canada que 373 jours, et qu'il lui manquait donc 722 jours sur les 1 095 jours exigés pour respecter la condition de résidence.

[2]         Plus particulièrement, le juge de la citoyenneté a conclu que l'appelant n'avait été présent au Canada que pour des séjours temporaires. Par conséquent, il a jugé que cela était insuffisant pour se prononcer sur la question de savoir si l'appelant avait centralisé son mode de vie au Canada. Finalement, aux termes du paragraphe 15(1) de la Loi, le juge de la citoyenneté n'a pas trouvé que les motifs énoncés aux paragraphes 5(3) et 5(4) de la Loi s'appliquaient, ce qui lui aurait permis de recommander au ministre d'exercer son pouvoir discrétionnaire.

[3]         Étant donné que les appels à la Cour fédérale fondés sur le paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté sont des procès de novo, l'ensemble de la preuve, y compris le témoignage de l'appelant et ceux des autres témoins, peuvent être examinés.

[4]         Dans son avis d'appel, l'appelant fait valoir ce qui suit :

[TRADUCTION]

[...] Les absences n'étaient que pour des fins temporaires et il a conservé en tout temps sa résidence et centralisé son mode de vie au Canada plutôt que dans tout autre pays [...]

[5]         L'appelant est né à Hong Kong le 28 juin 1952. Il a été admis au Canada à titre de résident permanent avec son épouse le 12 juillet 1992. Toutefois, avant son arrivée, l'appelant avait établi en Colombie-Britannique une société faisant affaire sous le nom de Famrich Real Estate (Canada) Inc. au début de 1989. Le 13 mai 1993, l'appelant a changé le nom de la compagnie pour Famrich Holdings Ltd. L'appelant est d'abord venu au Canada dans la catégorie des investisseurs et il a en fait investi quelque 250 000 $ dans une banque canadienne pour que cet argent soit placé dans un programme géré et contrôlé par l'institution. Il est comptable de métier, et il a un diplôme en droit de l'université de Londres. Après son arrivée au Canada, entre juillet 1992 et février 1993, soit une période de quelques huit mois, il a essayé de lancer un certain nombre d'autres entreprises qui n'ont pas réussi.

[6]         En avril 1993, en raison de sa connaissance du mandarin, le groupe China Champ a communiqué avec l'appelant pour l'inviter à participer à une coentreprise à Sichuan en Chine. Ce groupe avait des intérêts dans une compagnie de papier dont l'activité principale était la fabrication de papier à cigarette. En raison de sa participation dans cette coentreprise, l'appelant doit se rendre en Chine plusieurs jours au cours de l'année. Dans le cadre de sa participation avec le groupe China Champ, il exporte de la pulpe de bois du Canada comme matière première pour la fabrication du papier à cigarette et, par l'entremise de sa société canadienne, il a envoyé à l'entreprise de fabrication située en Chine de la pulpe provenant du Canada pour une valeur de quelque 3 000 000 $ à 4 000 000 $.

[7]         Avant de quitter Hong Kong, l'appelant a vendu sa maison et tous les intérêts commerciaux qu'il y avait et il est venu au Canada avec son épouse. Ils ont emmené avec eux tous leurs effets personnels.

[8]         Depuis son arrivée au Canada, l'appelant a acheté une maison. Il a payé ses taxes foncières et l'impôt fédéral sur le revenu. Il a un permis de conduire valide de la Colombie-Britannique, il paie ses primes d'assurance-maladie, tient des comptes bancaires actifs et fait des versements à son REER. Il est membre du Terminal City Club de Vancouver depuis octobre 1992.

[9]         Dans l'arrêt Papadogirogakis (1978) 2 C.F. 208, le juge en chef Thurlow a établi le principe selon lequel la présence physique permanente au Canada n'est pas une condition de résidence essentielle. En outre, une personne qui a établi son foyer au Canada ne cesse pas d'y être résidente quand elle quitte le pays à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou même pour poursuivre des études.

[10]       Dans la décision Huang, (1997) A.C.F. no 112 (C.F.1re inst.), concernant le refus d'une demande de citoyenneté d'un résident permanent faisant partie de la catégorie des entrepreneurs, à cause de la condition de résidence, le juge Dubé a déclaré ce qui suit :

Lorsqu'un candidat à la citoyenneté a clairement et indubitablement établi un foyer au Canada, avec l'intention transparente de maintenir des racines permanentes dans ce pays, on ne devrait pas le priver de la citoyenneté simplement parce qu'il doit gagner sa vie et celle de sa famille en faisant affaires à l'étranger. Certains résidents canadiens peuvent travailler à partir de leur propre maison, d'autres retournent à la maison après le travail quotidien, d'autres y retournent chaque semaine et d'autres après de longues périodes à l'étranger.

[11]       En l'espèce, avant d'arriver au Canada, l'appelant était propriétaire de son entreprise et d'une maison qu'il a vendues avant de quitter Hong Kong. Il s'est lancé dans diverses entreprises, mais ce n'est que lorsqu'il a eu la possibilité de participer à une coentreprise avec une société établie en Chine qu'il a eu du succès dans ses affaires. Cette nouvelle possibilité l'a amené à voyager beaucoup ; toutefois, ces voyages l'ont emmené en Chine et non pas à Hong Kong. Il est clair d'après la preuve que cet appelant a maintenu ses attaches avec le Canada et qu'il est un membre actif de la société canadienne. Il n'a pas d'autre pied-à-terre et il n'y a pas d'autre endroit dans le monde où l'on pourrait conclure qu'il a sa résidence ou son foyer.

[12]       Comme le juge Dubé l'a déclaré dans Huang, précité, l'appelant ne devrait pas être privé de la citoyenneté simplement parce qu'il doit gagner sa vie à l'étranger. Par ces motifs, l'appel est accueilli.

                                                                                   « P. ROULEAU »

                                                           ___________________________________                

                                                                                 Juge

OTTAWA (Ontario)

le 23 avril 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                T-1850-97

INTITULÉ DE LA CAUSE : Loi sur la citoyenneté c. Felix Ling Chung Wong

LIEU DE L'AUDIENCE :       Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :     le 14 avril 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE ROULEAU

DATE :                                                le 23 avril 1998

ONT COMPARU :

Dennis McCrea                                                            POUR L'APPELANT

Julie D. Fisher                                                   AMICUS CURIAE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

McCrea & Associates                                       POUR L'APPELANT

Avocats et procureurs

Vancouver (C.-B.)

Watson, Geopel, Maledy                                              AMICUS CURIAE

Aocats et procureurs

Vancouver (C.-B.)

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