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Date : 20050117

Dossier : T-1441-04

Référence : 2005 CF 49

Ottawa (Ontario), le 17 janvier 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN

ENTRE :

                                                               HUU TUAN NGO

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                En octobre 1997, le demandeur était reconnu coupable de trafic d'héroïne et de complot en vue de faire le trafic d'héroïne. Selon le juge du procès, sa participation à l'opération était celle d'un « intermédiaire » , même si le demandeur était décrit par les autorités comme un « chef de réseau » . Il a été condamné à huit ans d'emprisonnement. Il a bénéficié d'une semi-liberté en avril 2001, à la suite d'une procédure d'examen expéditif, puis d'une libération conditionnelle totale en août 2002.


[2]                Le 7 août 2003, l'agente de libération conditionnelle du demandeur a commencé à se demander comment le demandeur pouvait mener la vie qu'il menait avec le revenu qu'il déclarait. Le demandeur avait acheté sa seconde maison à Toronto, d'une valeur d'environ 400 000 $, avec de l'argent qu'il avait prétendument gagné comme entrepreneur indépendant, et avec des dons venant de ses amis et de sa famille. L'agente de libération conditionnelle a donc demandé à la Commission nationale des libérations conditionnelles (la Commission) d'assortir d'une condition spéciale la liberté conditionnelle du demandeur. La Commission a donc imposé au demandeur la condition suivante : [traduction] « Vous devez divulguer intégralement votre situation financière conformément aux directives de votre agente de libération conditionnelle » .

[3]                En septembre 2003, la police fut appelée dans une maison de jeux, où le demandeur menaçait semble-t-il quelqu'un à propos d'une dette de 2 000 $. Il n'a pas été arrêté, mais on l'a interrogé sur le siège arrière d'une voiture de patrouille. Les conditions de la liberté conditionnelle du demandeur prévoyaient qu'il devait informer son agente de libération conditionnelle s'il était arrêté ou interrogé par la police, mais il ne l'a pas fait.


[4]                Le 17 mars 2004, la Commission décidait de révoquer la liberté conditionnelle du demandeur, soupçonné de dissimulation générale à l'égard de son agente de libération conditionnelle, parce qu'il ne lui avait pas signalé l'incident survenu avec la police et n'avait pas fait connaître sa situation financière, une condition de sa liberté. Cette décision a été confirmée par la Section d'appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles (la Section d'appel) le 12 juillet 2004.

[5]                Le demandeur voudrait faire annuler la décision initiale confirmée en appel ou, à titre subsidiaire, il voudrait obtenir une nouvelle audience devant une autre formation de la Commission pour qu'elle réévalue son aptitude à une libération conditionnelle.

[6]                La présente demande soulève les points suivants :

1.        La Commission a-t-elle commis une erreur en imposant la condition spéciale et a-t-elle fait une délégation irrégulière à l'agente de libération conditionnelle?

2.         La Commission a-t-elle commis une erreur en révoquant la liberté conditionnelle du demandeur au lieu de recourir à des moyens moins radicaux?

3.        Les droits du demandeur selon l'article 9 et l'alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) ont-ils été violés?

Norme de contrôle

[7]                La norme de contrôle qui est applicable aux décisions de la section d'appel a été exposée dans l'arrêt Cartier c. Canada, [2002] A.C.F. no 1386 (C.A.). La Cour s'exprimait ainsi, aux paragraphes 8 à 10 :


L'alinéa 147(5)a) semble indiquer une intention du législateur de privilégier la décision de la Commission, bref de refuser la libération d'office dès que cette décision est raisonnablement fondée en droit et en fait. La Commission a droit à l'erreur, si cette erreur est raisonnable. La Section d'appel n'intervient que si l'erreur, de droit ou de fait, est déraisonnable. Je serais porté à croire qu'une erreur de droit de la Commission relativement à son degré de « conviction » quant à l'évaluation du risque d'une mise en liberté -- une erreur qui est alléguée en l'espèce -- serait une erreur déraisonnable par définition car elle touche la fonction même de la Commission.

Si la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité lorsque la Section d'appel infirme la décision de la Commission, il me paraît improbable que le législateur ait voulu que la norme soit différente lorsque la Section d'appel confirme. Je crois que le législateur, encore que maladroitement, n'a fait que s'assurer à l'alinéa 147(5)a) que la Section d'appel soit en tout temps guidée par la norme de raisonnabilité.

La situation inusitée dans laquelle se trouve la Section d'appel rend nécessaire une certaine prudence dans l'application des règles habituelles du droit administratif. Le juge est théoriquement saisi d'une demande de contrôle judiciaire relative à la décision de la Section d'appel, mais lorsque celle-ci confirme la décision de la Commission, il est en réalité appelé à s'assurer, ultimement, de la légalité de cette dernière.

[8]                La norme de contrôle qu'il faut appliquer est donc celle de la décision raisonnable. Puisque la Section d'appel a confirmé la décision de la Commission, la Cour, lorsqu'elle examine la décision de la Section d'appel, examine en fait celle de la Commission. Par conséquent, en application de l'arrêt Cartier, précité, la Cour devra dans la présente demande dire si la décision de la Commission était raisonnable.


Point no 1 :       La Commission a-t-elle commis une erreur en imposant la condition spéciale et a-t-elle fait une délégation irrégulière à l'agente de libération conditionnelle?

[9]                Le demandeur soutient que la condition attachée à sa liberté conditionnelle, c'est-à-dire l'obligation pour lui de révéler intégralement sa situation financière selon les directives de son agente de libération conditionnelle, constitue une délégation de pouvoir irrégulière et contrevient au chapitre 7 du Manuel des politiques de la Commission nationale des libérations conditionnelles (le Manuel), où l'on peut lire ce qui suit :

Les conditions doivent être énoncées de façon claire et explicite, c'est-à-dire que les commissaires doivent spécifier leur intention afin d'éviter qu'elle ne soit mal interprétée ou comprise. Une expression du genre « à la discrétion du surveillant de liberté conditionnelle » ne convient pas, étant donné qu'elle délègue au surveillant le pouvoir d'imposer la condition.

[10]            Cet argument repose sur une mauvaise compréhension de la loi. L'article 134 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992 ch. 20 (la Loi) donne à la Commission le pouvoir d'imposer des conditions. En voici le texte :

Instructions

134. (1) Le délinquant qui bénéficie d'une libération conditionnelle ou d'office ou d'une permission de sortir sans escorte doit observer les consignes que lui donne son surveillant de liberté conditionnelle, un membre de la Commission, le directeur du pénitencier ou la personne que le président ou le commissaire désigne nommément ou par indication de son poste en vue de prévenir la violation des conditions imposées ou de protéger la société.

Instructions to released offenders

134. (1) An offender who has been released on parole, statutory release or unescorted temporary absence shall comply with any instructions given by a member of the Board or a person designated, by name or by position, by the Chairperson of the Board or the Commissioner, or given by the institutional head or by the offender's parole supervisor, respecting any conditions of parole, statutory release or unescorted temporary absence in order to prevent a breach of any condition or to protect society.

Définition de « surveillant de liberté conditionnelle »

(2) Au présent article, « surveillant de liberté conditionnelle » s'entend d'un agent au sens du paragraphe 2(1) ou d'une personne chargée par le Service d'orienter et de surveiller le délinquant qui bénéficie d'une libération conditionnelle ou d'office ou d'une permission de sortir sans escorte.

Definition of "parole supervisor"

(2) In this section, "parole supervisor" means

(a) a staff member as defined in subsection 2(1); or

(b) a person entrusted by the Service with the guidance and supervision of an offender on parole, statutory release or unescorted temporary absence.

[11]            La Commission impose donc une condition, en l'occurrence l'obligation de communiquer des renseignements financiers. L'agent de libération conditionnelle précise ensuite quels renseignements doivent être produits et à quel moment. Pour que le système fonctionne, un minimum de flexibilité est nécessaire. L'agente de libération conditionnelle, qui connaissait le dossier et la situation du demandeur, a précisé quatre fois les renseignements qui devaient être produits. [Voir le paragraphe 15 des présents motifs.] Elle a donné effet à la condition imposée par la Commission. Le système ne pourrait pas être appliqué si chacune de ces demandes devait être faite par la Commission. Le fait pour la Commission de préciser le genre de renseignements requis et de laisser l'agente de libération conditionnelle déterminer les documents précis nécessaires ne constitue pas une délégation irrégulière ni ne contrevient au chapitre 7 du Manuel.

[12]            Puisque le demandeur ne pouvait expliquer l'origine de sa fortune et que l'acquisition d'une seconde maison au prix de 400 000 $ n'était pas possible avec son revenu, il était tout à fait raisonnable pour la Commission d'imposer cette condition. Ce n'est que sur production de données financières adéquates que l'agente de libération conditionnelle pouvait dire si le demandeur tirait son revenu de sources légitimes ou d'activités criminelles.


Point no 2 :      La Commission a-t-elle commis une erreur en révoquant la liberté conditionnelle au lieu de recourir à des moyens moins radicaux?

[13]            Le demandeur soutient que les deux manquements qu'on lui reproche - ne pas avoir produit de documents financiers et ne pas avoir révélé à son agente de libération conditionnelle que la police l'avait interrogé - sont des manquements plutôt techniques qui appellent une sanction moindre que la révocation draconienne de sa liberté conditionnelle, avec la réincarcération qui en découle.

[14]            Le paragraphe 135(5) de la Loi traite de la révocation de la libération conditionnelle. En voici le texte :


Suspension

135. (1) En cas d'inobservation des conditions de la libération conditionnelle ou d'office ou lorsqu'il est convaincu qu'il est raisonnable et nécessaire de prendre cette mesure pour empêcher la violation de ces conditions ou pour protéger la société, un membre de la Commission ou la personne que le président ou le commissaire désigne nommément ou par indication de son poste peut, par mandat :

a) suspendre la libération conditionnelle ou d'office;

b) autoriser l'arrestation du délinquant;

c) ordonner la réincarcération du délinquant jusqu'à ce que la suspension soit annulée ou que la libération soit révoquée ou qu'il y soit mis fin, ou encore jusqu'à l'expiration légale de la peine.

Suspension of parole or statutory release

135. (1) A member of the Board or a person, designated by name or by position, by the Chairperson of the Board or by the Commissioner, when an offender breaches a condition of parole or statutory release or when the member or person is satisfied that it is necessary and reasonable to suspend the parole or statutory release in order to prevent a breach of any condition thereof or to protect society, may, by warrant,

(a) suspend the parole or statutory release;

(b) authorize the apprehension of the offender; and

(c) authorize the recommitment of the offender to custody until the suspension is cancelled, the parole or statutory release is terminated or revoked or the sentence of the offender has expired according to law.

Transfèrement

(2) La personne désignée en vertu du paragraphe (1) peut, par mandat, ordonner le transfèrement dans un pénitencier du délinquant réincarcéré, aux termes de l'alinéa (1)c), ailleurs que dans un pénitencier.

Transfer of offender

(2) A person designated pursuant to subsection (1) may, by warrant, order the transfer to penitentiary of an offender who is recommitted to custody pursuant to subsection (1) in a place other than a penitentiary.


Examen de la suspension

(3) La personne qui a signé le mandat visé au paragraphe (1), ou toute autre personne désignée en vertu de ce paragraphe, doit, dès que le délinquant mentionné dans le mandat est réincarcéré, examiner son cas et :

a) dans le cas d'un délinquant qui purge une peine d'emprisonnement de moins de deux ans, dans les quatorze jours qui suivent si la Commission ne décide pas d'un délai plus court, annuler la suspension ou renvoyer le dossier devant la Commission, le renvoi étant accompagné d'une évaluation du cas;

b) dans les autres cas, dans les trente jours qui suivent, si la Commission ne décide pas d'un délai plus court, annuler la suspension ou renvoyer le dossier devant la Commission, le renvoi étant accompagné d'une évaluation du cas et, s'il y a lieu, d'une liste des conditions qui, à son avis, permettraient au délinquant de bénéficier de nouveau de la libération conditionnelle ou d'office.

Cancellation of suspension or referral

(3) The person who signs a warrant pursuant to subsection (1) or any other person designated pursuant to that subsection shall, forthwith after the recommitment of the offender, review the offender's case and

(a) where the offender is serving a sentence of less than two years, cancel the suspension or refer the case to the Board together with an assessment of the case, within fourteen days after the recommitment or such shorter period as the Board directs; or

(b) in any other case, within thirty days after the recommitment or such shorter period as the Board directs, cancel the suspension or refer the case to the Board together with an assessment of the case stating the conditions, if any, under which the offender could in that person's opinion reasonably be returned to parole or statutory release.

Examen par la Commission

(4) Une fois saisie du dossier d'un délinquant qui purge une peine de moins de deux ans, la Commission examine le cas et, dans le délai réglementaire, soit annule la suspension, soit révoque la libération ou y met fin.

Review by Board

(4) The Board shall, on the referral to it of the case of an offender serving a sentence of less than two years, review the case and, within the period prescribed by the regulations, either cancel the suspension or terminate or revoke the parole.

Annulation de la suspension ou révocation

(5) Une fois saisie du dossier d'un délinquant qui purge une peine de deux ans ou plus, la Commission examine le cas et, dans le délai réglementaire, à moins d'accorder un ajournement à la demande du délinquant :

a) soit annule la suspension si elle est d'avis, compte tenu de la conduite du délinquant depuis sa libération conditionnelle ou d'office, qu'une récidive du délinquant avant l'expiration légale de la peine qu'il purge ne présentera pas un risque inacceptable pour la société;

b) soit, si elle n'a pas cette conviction, met fin à la libération si celle-ci a été suspendue pour des raisons qui ne sont pas imputables au délinquant ou la révoque, dans le cas contraire;

c) soit révoque la libération ou y met fin si le délinquant n'y est plus admissible ou n'y a plus droit.

Idem

(5) The Board shall, on the referral to it of the case of an offender serving a sentence of two years or more, review the case and, within the period prescribed by the regulations, unless the Board grants an adjournment at the offender's request,

(a) cancel the suspension, where the Board is satisfied that, in view of the offender's behaviour since release, the offender will not, by reoffending before the expiration of the offender's sentence according to law, present an undue risk to society;

(b) where the Board is not satisfied as provided in paragraph (a), terminate the parole or statutory release of the offender if it was suspended by reason of circumstances beyond the offender's control or revoke it in any other case; or

(c) where the offender is no longer eligible for the parole or entitled to be released on statutory release, terminate or revoke it.



[15]            En l'espèce, l'agente de libération conditionnelle a estimé que le demandeur n'était pas digne de confiance et elle n'a pu comprendre comment le demandeur, qui avait été reconnu coupable de trafic d'héroïne, pouvait s'offrir une maison de plus de 400 000 $ sans vendre la maison familiale évaluée à 370 000 $. Le revenu tiré de son entreprise de planchéiage n'était pas suffisant pour permettre de tels achats. Elle a estimé que le demandeur n'était pas digne de confiance et qu'il était peu coopératif. Après que la condition fut imposée, il a refusé de produire les renseignements demandés. L'agente de libération conditionnelle lui a présenté quatre demandes de renseignements. Voici le détail des quatre demandes :

a)              Le 26 août 2003, le S.C.C. demandait à M. Ngo de lui communiquer les documents relatifs à la vente de sa maison, ses déclarations de revenu et un relevé de ses revenus, dépenses et actifs;

b)             Le 17 octobre 2003, le S.C.C. demandait à M. Ngo de lui communiquer la déclaration de revenu de son entreprise ainsi que les relevés des opérations financières de son entreprise;

c)             Le 28 octobre 2003, le S.C.C. demandait à M. Ngo de lui communiquer la déclaration de revenu de son entreprise et le relevé de dépôts bancaires de son entreprise;

d)             Le 12 novembre 2003, le S.C.C. demandait à M. Ngo de lui communiquer la déclaration de revenu de son entreprise.

[16]            Le demandeur ne s'est conformé pleinement à aucune de ces demandes. De plus, le demandeur a négligé de révéler qu'il avait été interrogé par la police (sans avoir été arrêté) à la suite d'une altercation survenue dans une maison de jeux bien connue où il avait semble-t-il menacé quelqu'un qui lui devait de l'argent.

[17]            L'alinéa 161(1)d) du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620, prévoit expressément ce qui suit :

161. (1) Pour l'application du paragraphe 133(2) de la Loi, les conditions de mise en liberté qui sont réputées avoir été imposées au délinquant dans tous les cas de libération conditionnelle ou d'office sont les suivantes : ...


d) il doit informer immédiatement son surveillant en cas d'arrestation ou d'interrogatoire par la police ...

[18]            À la suite de ces manquements, et après avoir entendu les observations du demandeur, la Commission n'a pas accepté ses explications et ne l'a pas cru. Elle s'est exprimée ainsi :

[TRADUCTION] Néanmoins, la Commission a beaucoup de mal à vous croire, en raison des nombreuses contradictions contenues dans les documents écrits et dans les observations que vous avez faites ici aujourd'hui et celles que vous avez faites à l'agente de libération conditionnelle. De l'avis de la Commission, il est devenu très difficile maintenant de vous surveiller. Vous purgez une peine pour avoir été impliqué au plus haut niveau dans un trafic d'héroïne. Vous avez toujours nié avoir fait le trafic de drogues illicites, mais vous avez reconnu d'autres opérations illégales. Étant donné que vous n'êtes pas disposé à vous montrer franc et honnête envers votre agente de libération conditionnelle, et compte tenu des nombreuses contradictions apparaissant dans vos documents écrits et dans vos observations, la Commission est persuadée que le risque que vous présentez s'est accru et que vous avez sans doute renoué avec la criminalité.

Pour tous ces motifs, la Commission considère que le risque est aujourd'hui excessif et elle révoque votre libération conditionnelle totale selon la procédure d'examen expéditif.

[19]            Cette décision a été confirmée par la Section d'appel de la Commission. Les motifs donnés par la Commission sont logiques et bien exposés. Le demandeur, un acteur relativement important du monde de la drogue, qui a été reconnu coupable, refuse de coopérer avec son agente de libération conditionnelle, il dispose d'importantes sources de revenu qu'il ne peut expliquer, il ne tient aucun compte de quatre demandes de renseignements et il néglige de signaler qu'il a été interrogé par la police dans une maison de jeux. La Commission arrive donc à la conclusion qu'il a sans doute renoué avec la criminalité.

[20]            Lorsqu'elle révoque une libération conditionnelle, la Commission est guidée par l'article 101 de la Loi, dont voici le texte :


Principes

101. La Commission et les commissions provinciales sont guidées dans l'exécution de leur mandat par les principes qui suivent :

a) la protection de la société est le critère déterminant dans tous les cas;

b) elles doivent tenir compte de toute l'information pertinente disponible, notamment les motifs et les recommandations du juge qui a infligé la peine, les renseignements disponibles lors du procès ou de la détermination de la peine, ceux qui ont été obtenus des victimes et des délinquants, ainsi que les renseignements et évaluations fournis par les autorités correctionnelles;

c) elles accroissent leur efficacité et leur transparence par l'échange de renseignements utiles au moment opportun avec les autres éléments du système de justice pénale d'une part, et par la communication de leurs directives d'orientation générale et programmes tant aux délinquants et aux victimes qu'au public, d'autre part;

d) le règlement des cas doit, compte tenu de la protection de la société, être le moins restrictif possible;

e) elles s'inspirent des directives d'orientation générale qui leur sont remises et leurs membres doivent recevoir la formation nécessaire à la mise en oeuvre de ces directives;

f) de manière à assurer l'équité et la clarté du processus, les autorités doivent donner aux délinquants les motifs des décisions, ainsi que tous autres renseignements pertinents, et la possibilité de les faire réviser. [souligner]

Principles guiding parole boards

101. The principles that shall guide the Board and the provincial parole boards in achieving the purpose of conditional release are

(a) that the protection of society be the paramount consideration in the determination of any case;

(b) that parole boards take into consideration all available information that is relevant to a case, including the stated reasons and recommendations of the sentencing judge, any other information from the trial or the sentencing hearing, information and assessments provided by correctional authorities, and information obtained from victims and the offender;

(c) that parole boards enhance their effectiveness and openness through the timely exchange of relevant information with other components of the criminal justice system and through communication of their policies and programs to offenders, victims and the general public;

(d) that parole boards make the least restrictive determination consistent with the protection of society;

(e) that parole boards adopt and be guided by appropriate policies and that their members be provided with the training necessary to implement those policies; and

(f) that offenders be provided with relevant information, reasons for decisions and access to the review of decisions in order to ensure a fair and understandable conditional release process. [underlining added]

[21]            Les alinéas a) et d) montrent que la protection de la société est le critère déterminant. Un demandeur qui renoue avec la criminalité constitue un danger pour la société, et lui infliger une réprimande ne protégera pas la société. Dans ces conditions, la décision de la Commission de révoquer sa liberté conditionnelle est éminemment raisonnable.


Point no 3 :       Les droits du demandeur selon l'article 9 et l'alinéa 11d) de la Charte ont-ils été violés?

[22]            Le demandeur soutient que [traduction] « la détention du demandeur et le fait pour la Commission de présumer ici qu'il est coupable plutôt qu'innocent contreviennent à l'article 9 et à l'alinéa 11d) de la Charte » .

[23]            Essentiellement, l'argument du demandeur est que les audiences de la Commission devraient se dérouler comme des procès, avec toutes les protections applicables, et qu'elles devraient être régies par la présomption d'innocence.

[24]            Ces arguments ne sont pas recevables. Il est bien établi que les audiences de la Commission ne sont pas des procès, mais des instances administratives (voir la décision Giroux c. Canada [1994] A.C.F. no 1750). Les audiences de la Commission ont pour objet d'évaluer les risques, en faisant de la protection de la société le critère déterminant. La présomption d'innocence qui est garantie par l'alinéa 11d) de la Charte ne s'applique pas dans ce contexte.

[25]            S'agissant de l'article 9 de la Charte, je ne vois pas comment l'on peut qualifier d'arbitraire la révocation de la liberté conditionnelle du demandeur, une révocation décidée dans le respect de la procédure prévue par la Loi, et à la suite d'une audience révoquant sa libération conditionnelle en raison de manquements avérés.

[26]            Il n'y avait donc rien de déraisonnable dans la décision de la Commission, et la Section d'appel de la Commission n'a pas commis d'erreur en confirmant cette décision. La présente demande sera donc rejetée.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La présente demande est rejetée.

                                                                        _ K. von Finckenstein _         

                                                                                                     Juge                         

Traduction certifiée conforme

D. Laberge, LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-1441-04

INTITULÉ :                                           HUU TUAN NGO c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 13 JANVIER 2005

LIEU DE L'AUDIENCE :                     TORONTO (ONTARIO)

DATE DES MOTIFS :                          LE 17 JANVIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      LE JUGE von FINCKENSTEIN

COMPARUTIONS :

John Hill                                                                                    pour le demandeur

Matthew Sullivan                                                                       pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John Hill

Toronto (Ontario)                                                                      pour le demandeur

Matthew Sullivan

Ministère de la Justice, Bureau régional de l'Ontario

130, rue King ouest, bureau 3400, C.P. 36

Toronto (Ontario)

M5X 1K6                                                                                 pour le défendeur

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