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Date : 20000918


Dossier : IMM-2739-99



ENTRE :

     TOFIQ AZAD AKBAR

     demandeur


     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DENAULT


[1]          Le demandeur sollicite, par voie de contrôle judiciaire, une ordonnance annulant la décision rendue le 26 avril 1999 au Haut-commissariat du Canada à Singapour, dans laquelle l'agente d'immigration désignée1 (l'agente des visas), Tan Kwee Luan, a refusé sa demande de résidence permanente dans la catégorie des immigrants indépendants en tant qu'ingénieur électricien.

[2]          Le 20 avril 1999, le demandeur et son épouse ont subi une entrevue au Haut-commissariat du Canada à Singapour relativement à leur demande de résidence permanente au Canada. Dans une lettre datée du 26 avril 1999, le demandeur a été informé que sa demande était refusée. L'agente des visas a refusé la demande parce que le demandeur a obtenu les points d'appréciation suivants pour la profession d'ingénieur électricien :

                                     CCDP          CNP
     ÂGE (42)                              10          10
     DEMANDE DANS LA PROFESSION                  05          00
     PRÉPARATION PROFESSIONNELLE SPÉCIFIQUE          18          --
     ou FACTEUR ÉTUDES/ FORMATION                  --          17
     EXPÉRIENCE                              0          0
     EMPLOI RÉSERVÉ                          0          0
     FACTEUR DÉMOGRAPHIQUE                      8          8
     ÉTUDES                              16          16
     ANGLAIS                              6          6
     FRANÇAIS                              0          0
     POINTS SUPPLÉMENTAIRES (pour les proches parents au Canada)      ----
     PERSONNALITÉ                          03          03
     TOTAL                                  66          60

[3]          Dans sa décision, l'agente des visas a expliqué que le demandeur ne l'avait pas convaincue qu'il avait accumulé l'expérience requise en tant qu'ingénieur électricien au sens de la Classification nationale des professions (la CNP) et de la Classification canadienne descriptive des professions (la CCDP); la demande a été évaluée au regard des deux systèmes parce qu'elle a été soumise avant le 1er mai 1997. Le demandeur n'a donc obtenu aucun point d'appréciation pour le facteur de l' « expérience » au regard de la CCDP et il n'a obtenu aucun point d'appréciation pour le facteur de l' « expérience » et celui de la « demande dans la profession » au regard de la CNP. L'agente des visas a également indiqué que le demandeur n'avait pas pu fournir la documentation nécessaire à l'entrevue pour établir son lien de parenté avec les parents qu'il allègue avoir au Canada, et, en conséquence, il n'a obtenu aucun point supplémentaire pour la présence de proches parents au Canada. En outre, le demandeur n'a obtenu que 3 points d'appréciation pour le facteur de la personnalité.

[4]          Le demandeur prétend que l'agente des visas a commis une erreur a) en concluant qu'il n'avait aucune expérience en tant qu'ingénieur électricien; en omettant b) de l'évaluer dans des professions connexes; c) de tenir dûment compte de ses avoirs financiers; d) de prendre en considération la preuve documentaire établissant qu'il avait une soeur et un beau-frère vivant en Ontario; e) de tenir dûment compte du fait qu'il avait étudié en anglais dans son évaluation de sa capacité d'écrire en anglais.

[5]          Il est bien établi en droit que les décisions des agents des visas sont de nature purement administrative et que le contrôle judiciaire de celles-ci ne porte que sur leur légalité, et non pas sur le fond2.

[6]          Dans l'arrêt Lim c. M.E.I., (1991), 12 Imm.L.R. 161, à la page 163 (C.A.F.), la Cour a également déterminé que la question de savoir si le demandeur possède réellement les compétences voulues pour exercer une profession donnée est purement une question de fait qui doit être décidée par l'agent des visas et que la Cour ne peut intervenir à l'égard d'une telle décision à moins que celle-ci soit manifestement déraisonnable.

[7]          Dans une décision plus récente, Madan c. Canada (M.E.I.), (1999) A.C.F. no 1198, 1999 Carswell Nat 1480, le juge Evans de la Cour s'est penché sur la norme de contrôle applicable lorsque la Cour est appelée à contrôler une décision où l'agent des visas a dû interpréter les dispositions de la CNP. Il a affirmé :

[24]      De toute façon, les agents des visas ont un pouvoir discrétionnaire très étendu lorsqu'il s'agit de déterminer si un demandeur répond aux critères pour une profession donnée, y compris dans leur interprétation des dispositions de la CNP. Leur connaissance et leur compréhension de ce document est au moins égale, sinon supérieure, à celle du tribunal chargé du contrôle.

Cette affirmation s'applique également à l'interprétation des dispositions de la CCDP.

[8]          Eu égard à ces principes, je ne puis que conclure au caractère raisonnable de la décision de l'agente des visas, selon laquelle, malgré son CV impressionnant, le demandeur n'avait pas d'expérience dans [TRADUCTION] « . . . un nombre substantiel des fonctions principales de la profession qu'il envisageait, selon ce qu['il avait] indiqué, d'exercer au Canada . . . » . Dans sa décision, l'agente des visas a déclaré : [TRADUCTION] « compte tenu des renseignements que vous m'avez soumis avec votre demande et au cours de votre entrevue, . . . vous ne m'avez pas convaincue que vous aviez le minimum requis d'un an d'expérience cumulative . . ., vos fonctions [étant] limitées à la distribution d'électricité, en particulier à la conception et à la construction de lignes de transmission, à l'érection d'une tour et à des travaux connexes de génie civil, ainsi qu'au contrôle des stocks et à la gestion du matériel et du personnel, ce qui ne fait pas partie des fonctions principales décrites dans la CCDP et dans la CNP » . L'agente des visas avait la possibilité de poser des questions au demandeur et d'entendre ses explications, une possibilité que n'a pas la Cour, de sorte que je ne puis que conclure qu'il était loisible à l'agente des visas de conclure comme elle l'a fait.

[9]          En ce qui concerne le point b) mentionné précédemment, comme je l'ai indiqué au cours de l'audience, j'estime que dans la mesure où le demandeur n'a jamais indiqué dans sa demande qu'il voulait être évalué dans une profession connexe ou n'a jamais présenté de demande en ce sens durant l'entrevue, l'agente des visas n'avait pas l'obligation de faire une telle évaluation. Dans son mémoire, l'avocate du demandeur prétend que l'agente des visas a omis à tort d'évaluer le demandeur dans des professions comme celles d'ingénieur électricien en général (catégorie 2144-118 de la CCDP), d'ingénieur à la distribution de l'électricité (catégorie 2144-130 de la CCDP), d'ingénieur-concepteur de réseaux électriques (catégorie 2144-142 de la CCDP) et d'ingénieur au transport d'énergie électrique (catégorie 2144-162 de la CCDP). Dans la mesure où rien n'indique dans le dossier que le demandeur avait les compétences et l'expérience voulues et qu'il était prêt à exercer ces professions connexes au Canada, l'agente des visas n'avait pas à évaluer le demandeur dans ces autres professions dites connexes.

[10]          Pour ce qui est du point c), i.e. l'omission de tenir dûment compte des avoirs financiers du demandeur, on doit souligner que l'agente des visas a de fait tenu compte des liquidités du demandeur ainsi que de sa terre agricole et de ses deux terrains résidentiels, mais qu'elle a conclu qu'il serait difficile de disposer de ces biens. Il était loisible à l'agente des visas de conclure comme elle l'a fait.

[11]          Relativement au point d), dans la mesure où le demandeur n'a pas fourni la documentation nécessaire pour prouver son lien de parenté avec les parents qu'il allègue avoir au Canada, il était loisible à l'agente des visas de refuser de lui accorder des points d'appréciation supplémentaires. Il y avait des éléments de preuve déroutants à cet égard, et même si le demandeur a été informé avant l'entrevue de produire des éléments de preuve relatifs au lien de parenté, il ne l'a pas fait.

[12]          Quant au point e), i.e. les aptitudes linguistiques du demandeur, l'agente des visas était convaincue que le demandeur pouvait parler et lire couramment en anglais, mais elle a conclu qu'il écrivait « difficilement » dans cette langue. Compte tenu des résultats de l'examen écrit d'anglais qu'il a passé, (dossier du tribunal, page 41), l'évaluation de l'agente des visas n'est pas déraisonnable au point de justifier l'intervention de la Cour.

[13]          En conclusion, je ne vois aucun fondement pour annuler la décision de l'agente des visas et la demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. Il n'y aucune question de portée générale.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                             PIERRE DENAULT                      __________________________

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 18 septembre 2000


Traduction certifiée conforme



Julie Boulanger, LL.M.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              IMM-2739-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :      TOFIC AZAD AKBAR c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :          MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE :          LE 6 SEPTEMBRE 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE DENAULT

DATE DES MOTIFS :          LE 18 SEPTEMBRE 2000

ONT COMPARU :

Mme Barbara J. Leiter                      POUR LE DEMANDEUR
Mme Thi My Dung Tran                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Barbara J. Leiter                          POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

M. Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      Pour les fins du présent jugement, elle sera désignée comme étant l'agente des visas.

2      Hajariwala c. Canada (M.E.I.) (1989), 2 C.F. 79.

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