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     T-1695-95

ENTRE :

     MERCK FROSST CANADA INC.

     - et-

     MERCK & CO., INC.,

     requérantes,

ET :

     LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL

     - et -

     APOTEX INC.,

     intimés.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROTHSTEIN

     La question soulevée par la présente et très complexe instance relative aux dépens concerne le montant des frais entre procureur et client de Merck. Abstraction faite de la présente instance, la réclamation totale de Merck s'élève à 160 058 $, soit 130 250 $ d'honoraires et 29 808 $ de débours. Apotex prétend que ces frais sont excessifs pour deux raisons : affectation excédentaire et caractère déraisonnable.

     L'avocat de Merck n'a tenu qu'un seul relevé des heures et des débours relativement au lovostatin, qui était le produit en cause dans l'instance aux termes du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (DORS/93-133) et dans celle concernant le dossier nE T-1305-93. Les frais entre procureur et client qu'Apotex s'est engagée à payer et que la Cour a adjugés ne concernaient que le présent dossier, et l'avocat de Merck a donc déterminé à même les chiffres généraux concernant le présent dossier (T-1695-95) et le dossier nE T-1305-93, les montants imputables uniquement au dossier nE T-1695-95. Apotex dit qu'il y a eu affectation excédentaire de 23 503 $ d'honoraires et de 7 452 $ de débours, soit un total de 30 955 $ au présent dossier (T-1695-95). Quant au caractère raisonnable, Apotex dit, en gros, qu'un nombre d'heures excessif a été consacré au dossier, que trop d'avocats y ont travaillé et que des avocats chevronnés ont effectué certaines tâches que des avocats moins expérimentés ou d'autres employés auraient pu accomplir.

     Au sujet de l'affectation, Merck dit qu'Apotex propose une réduction de l'ordre de quarante à quarante-cinq pour cent des montants qu'elle a établis et que cette réduction est excessive. L'avocat de Merck admet que les documents indiquent certaines affectations excédentaires, mais il propose que toute réduction n'excède pas dix pour cent. Toutefois, Merck n'a pas répondu aux explications très précises d'Apotex sur les chiffres individuels qui indiquent en quoi il y a eu affectation excédentaire. En l'absence de réponse, j'accepte la nouvelle affectation des frais d'Apotex. Toutefois, Apotex n'a pas fourni de détails sur la prétendue affectation excédentaire de débours et je ne suis pas disposé à soustraire des débours le montant demandé par Apotex. Vu les observations de l'avocat de Merck, je ne réduis les débours que de dix pour cent.

     Pour ce qui est du caractère raisonnable, Apotex ne m'a pas convaincu que les frais entre procureur et client adéquatement ventilés qu'a présentés Merck sont déraisonnables. Pour tirer cette conclusion, j'ai tenu compte des commentaires du juge Henry dans Apotex v. Egis Pharmaceuticals (1991), 37 C.P.R. (3d) 335 (Cour de l'Ontario (Division générale)).

     La question des présents frais a fait l'objet d'une pléthore de décisions dans le présent dossier et je n'ai pas l'intention de m'étendre sur cette question. Toutefois, je dirai brièvement que la question des frais entre procureur et client s'est posée parce qu'Apotex, dans son propre intérêt et dans le cadre de sa plaidoirie devant la Cour visant à faire rejeter la demande d'interdiction en l'espèce, a offert de payer sans réserve les frais entre procureur et client de Merck. Apotex a ensuite engagé une autre instance pour tenter de réduire son obligation. Dans ma décision du 10 juin 1997, j'ai conclu que la position d'Apotex dans la présente instance relevait d'une " subtilité complaisante ".

     Apotex prétend maintenant en rétrospective que les frais de Merck sont déraisonnables. Elle cherche à établir des comparaisons avec le montant de ses propres frais entre procureur et client. Comme je l'ai déjà dit, elle conteste le nombre d'avocats qui ont travaillé au dossier et l'opportunité de confier certains types de travaux à des avocats en fonction de l'expérience et de la compétence requises.

     Le caractère raisonnable des frais doit être examiné au moment où ils sont engagés. Par exemple, Apotex dit qu'il n'était pas nécessaire que Merck procède à la préparation d'un dossier de demande. Toutefois, une fois ce travail effectué, Merck s'attendait à ce que la demande en interdiction soit tranchée au fond et la Cour a indiqué que ce dossier se poursuivrait sans retard. En rétrospective, ce travail n'a été d'aucune utilité mais au moment où il a été fait, il n'était pas possible de savoir qu'il serait inutile et il n'était pas prématuré de le faire.

     Lorsque d'autres avocats ont travaillé au dossier, le temps qu'ils y ont consacré a été minime. Il n'est pas déraisonnable de consulter des collègues lorsqu'un important litige est en cours, particulièrement lorsque de graves difficultés surviennent.

     On s'attend généralement à ce qu'un cabinet d'avocats assigne les avocats à des tâches appropriées à leur degré d'expérience et de connaissances. Toutefois, il peut y avoir des exceptions lorsque, par exemple, les conséquences d'une erreur dans le cadre d'un travail qui semble très banal peuvent d'avérer désastreuses, comme laisser passer la date limite de dépôt et perdre ainsi la protection conférée par un brevet. Même s'il est possible de remettre en question un chiffre ici et là, il n'y a pas d'indication d'une participation systématique d'un trop grand nombre d'avocats dans ce dossier.

     Bien que je n'écarte pas la comparaison établie avec les frais entre procureur et client engagés par Apotex, je lui accorde peu de poids. Merck supportait le fardeau de la preuve. Le produit concerné était important pour Merck. Je ne connais pas les détails de la relation entre Apotex et Merck et leurs conseillers respectifs, ni les instructions qui leur ont été données. Bien qu'il soit évident qu'en l'espèce Merck a pris son rôle très au sérieux, je ne sais pas si Apotex a abordé le bien-fondé de cette affaire avec le même degré de rigueur, compte tenu surtout du fait que la présente demande en interdiction découle d'un deuxième avis d'allégation délivré par Apotex relativement au lovostatin. J'estime que l'utilité de la comparaison établie avec les frais entre procureur et client engagés par Apotex est minime.

     Après avoir examiné les documents qui m'ont été soumis, je conclus que le travail effectué par les avocats pour le compte de Merck n'était pas déraisonnable et je ne réduis pas les frais de Merck pour ce motif.

     Pour ce qui est des dépens relatifs à la présente instance, Apotex m'a convaincu que beaucoup de temps et de dépenses inutiles ont été engagés uniquement parce que l'avocat de Merck n'a pas fait part, dès le début, de son relevé consolidé concernant le lovostatin, ainsi que de la nécessité d'effectuer une ventilation. Il est évident que ces renseignements n'ont pas été communiqués. Bien que je ne reproche pas à l'avocat de Merck d'avoir tenu un relevé consolidé, étant donné qu'il s'agissait du paiement des frais entre procureur et client et qu'une ventilation était nécessaire, il aurait dû informer Apotex de la nécessité de ventiler ses frais très tôt, surtout que les demandes de renseignements d'Apotex doivent avoir fait ressortir clairement que ce problème allait surgir. Je suis convaincu que si l'avocat de Merck l'avait fait, il aurait été possible d'éviter une bonne partie des difficultés qui se sont présentées et des frais qui ont maintenant été engagés. Compte tenu du problème de ventilation des frais, j'estime qu'il s'agit d'un cas où des frais relatifs à la présente instance de 15 000 $, incluant les débours, devraient être adjugés à Apotex.

     Il ressort des documents qui m'ont été soumis qu'ensemble, les parties ont engagé bien plus de 50 000 $ pour cette seule instance relative aux dépens. À partir du moment où Apotex s'est engagée pour la première fois à payer les frais entre procureur et client et où la Cour les a adjugés, la Cour a fortement encouragé les parties à régler cette question. Dans ce genre d'affaire, en vertu du Règlement, les parties ne peuvent s'attendre à régler la question fondamentale de savoir si une demande d'interdiction devrait être accordée ou refusée. Toutefois, il en va autrement des frais. J'infère des documents qui m'ont été soumis qu'Apotex s'est montrée plus souple et raisonnable que Merck. Dépenser un dollar pour gagner ou économiser cinquante cents est une bien mauvaise stratégie de placement. Un peu plus de bon sens de la part de Merck aurait été une meilleure stratégie.

     Merck a droit à des frais entre procureur et client de 106 747 $, plus des débours de 26 827 $, soit un total de 133 574 $.



     Dans le cadre de la présente instance relative aux dépens, Apotex a droit à des dépens s'élevant à 15 000 $, incluant les débours.

     " Marshall E. Rothstein "

     J U G E

CALGARY (ALBERTA)

29 OCTOBRE 1997

Traduction certifiée conforme              C. Bélanger, LL.L.

     T-1695-95

ENTRE :

     MERCK FROSST CANADA INC.

     - et-

     MERCK & CO., INC.,

     requérantes,

     ET :

     LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET

     DU BIEN-ÊTRE SOCIAL

     - et -

     APOTEX INC.,

     intimés.

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     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

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     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NE DU GREFFE :              T-1695-95

INTITULÉ DE LA CAUSE :      MERCK FROSST CANADA INC.

                     - et -

                     MERCK & CO. INC.,

                             requérantes,

                     ET
                     LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL

                

                     - et -
                     APOTEX INC.,

                             intimés.

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)     

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS

                     PAR MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN

EN DATE DU              29 octobre 1997

ONT COMPARU :

Me Nelson Landry et

Me Judith Robinson      pour les requérantes

Me Andrew Brodkin

et Me Mya Rimon      pour l'intimée - Apotex

Me Rick Woyiwada      pour l'intimé - Ministère de la Justice

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Ogilvy Renault

Montréal (Québec)      pour les requérantes

Goodman, Phillips & Vineberg

Toronto (Ontario)      pour l'intimée Apotex

Me George Thomson

Sous-procureur général

du Canada

Ottawa (Ontario)      pour le Ministre de la Santé nationale

     et du bien-être social

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