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Date : 20210311


Dossier : IMM-5789-18

Référence : 2021 CF 194

[traduction française]

Ottawa (Ontario), le 11 mars 2021

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

TAFARA MUCHENJE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] à l’égard d’une décision [la décision] de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] en date du 19 octobre 2018. La décision rejetait la demande d’asile du demandeur en vertu des articles 96 et 97 de la LIPR. La question déterminante pour la SPR était une possibilité de refuge intérieur [PRI] viable.

[2] Le demandeur, citoyen du Zimbabwe, craint de retourner dans son pays à cause d’une menace émanant de membres du parti au pouvoir au Zimbabwe et de l’armée nationale en raison d’un litige foncier. Il prétend que le gouvernement pourrait le percevoir comme un partisan d’un militant, le pasteur Mawarire, et le persécuter en raison de ses opinions politiques et religieuses présumées.

[3] Le demandeur a terminé avec succès neuf années d’études postsecondaires. Il est marié et père de trois enfants. Il s’est joint au Mouvement pour le changement démocratique [le MDC] au Zimbabwe en 2011, bien qu’il n’y exerce aucune fonction ni détient aucun titre officiel. En octobre 2012, le demandeur est aussi devenu pasteur de la Kingsway Fellowship International Church, qui a ses assises aux États-Unis [É.‑U.].

[4] En 2008, le demandeur a conclu un bail foncier avec le ministère du Gouvernement local, des Travaux publics et du Développement urbain [le ministère] relativement à un terrain vacant situé dans une banlieue de Harare, au Zimbabwe. Il a construit une maison familiale sur le terrain loué et il voulait aménager davantage celui-ci afin de satisfaire à la condition imposée par le Ministère pour en devenir propriétaire. Cependant, autour du 18 juillet 2013, des soldats de l’armée nationale ont ordonné aux ouvriers du demandeur de cesser la construction et ont affirmé que le terrain appartenait à un ancien combattant/général [le général] dans l’armée nationale. Chizema [Sharai], sœur d’un membre du parti au pouvoir, et sa sœur Cleveria Chizema [Cleveria], ont entrepris la construction d’un projet sur le terrain du demandeur en collaboration avec le général.

[5] Le demandeur a demandé l’aide de la police, qui lui a dit de s’adresser au ministère puisque ce dernier était le loueur du terrain. Il affirme que la police était réticente à traiter avec l’armée et lui a demandé maintes fois à quel parti politique il appartenait. Le demandeur a signalé l’affaire au ministère, qui s’est rendu sur le terrain le 25 juillet 2013 et a dit au personnel de l’armée qu’il devait quitter les lieux. Le ministère a également envoyé une lettre à Sharai le 29 juillet 2013, mais celle-ci a fait fi des instructions du ministère, et les travaux se sont poursuivis.

[6] Le 16 août 2013, le demandeur s’est à nouveau adressé à la police pour demander l’éviction des occupants de son terrain. La police a fait savoir au demandeur qu’elle n’avait pas le pouvoir de déplacer un ancien combattant ou d’ordonner la fin des travaux, et a conseillé au demandeur de s’adresser au tribunal. Le demandeur a eu gain de cause au tribunal. Le 3 janvier 2014, il a signifié une injonction à Shaira qui empêchait toute autre activité de construction, et il n’a eu que trois autres interactions avec des responsables gouvernementaux dans les quatre années qui ont suivi.

[7] En février 2017, un membre du parti au pouvoir s’est rendu au domicile du demandeur pour faire du démarchage en prévision des élections de 2018. Il a demandé au demandeur s’il allait voter ou faire un don, mais ce dernier a déclaré qu’il ne voulait pas se mêler de politique. Le demandeur croit qu’il a été identifié comme une personne n’ayant pas de lien avec le parti au pouvoir.

[8] En mai 2017, la police a procédé à l’arrestation du demandeur à la suite d’une manifestation d’agriculteurs contre la police. Le demandeur a déclaré qu’il n’était pas un agriculteur et qu’il ne se trouvait pas près du lieu de la manifestation, mais la police l’a gardé en détention jusqu’au lendemain. Quand il a quitté le poste de police, le demandeur s’est fait dire de [traduction] « se tenir loin » des autorités. Bien que le demandeur affirme que son arrestation a été déstabilisante, il prétend qu’il ne s’est pas senti sérieusement menacé.

[9] Le 29 septembre 2017, à son retour d’un voyage de deux mois au Royaume‑Uni [R.-U.] pour souligner l’anniversaire de sa sœur, le demandeur a été questionné à l’aéroport par deux hommes prétendant appartenir à l’Organisation centrale du renseignement [la CIO]. Les hommes l’ont accusé de trahir son pays et de s’associer au pasteur Mawarire, qui avait encouragé les manifestations ayant eu lieu en 2016 et celles qui s’étaient tenues tout juste avant le retour du demandeur du R.-U. Ils ont laissé partir le demandeur, en l’avertissant de respecter et d’honorer les personnes importantes. Le demandeur affirme qu’il croyait que ce commentaire se rapportait à son refus de laisser le général effectuer des travaux de construction sur sa propriété, même s’il [traduction] « suppos[ait] » que cela p[ouvait] être lié au fait que la CIO croyait qu’il avait des liens avec le pasteur Mawarire.

[10] Plus tard au cours de la même semaine, la femme de ménage du demandeur lui a fait savoir que lorsqu’il était en voyage, deux hommes étaient venus et avaient demandé où il se trouvait. Le demandeur a interprété cette visite comme une menace et a pris des mesures pour que sa famille et lui quittent la résidence. La famille s’est cachée dans la maison vacante de sa sœur qui était au Canada pour voir son fils.

[11] Le demandeur s’est rendu aux É.‑U. le 29 octobre 2017, est entré au Canada le 30 octobre 2017 et a demandé l’asile au Canada le 10 novembre 2017. Il affirme qu’il n’a pas demandé l’asile aux É.‑U. parce qu’il avait un neveu qui résidait au Canada.

II. La décision

[12] La SPR a entendu la demande d’asile le 17 septembre 2018. Après l’audience, le demandeur a produit des observations écrites et des éléments de preuve supplémentaires sous la forme d’affidavits de son épouse et de son oncle. La SPR a accordé une valeur probante réduite à ces deux affidavits puisqu’ils avaient été faits après la conclusion de l’audience. Le demandeur ne conteste pas cette décision.

[13] La SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur le 19 octobre 2918, affirmant que la conclusion déterminante était une PRI viable à Bulawayo. La SPR a correctement énoncé le critère à deux volets permettant de déterminer s’il existe une PRI viable. En premier lieu, le tribunal doit être convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'y a aucune possibilité sérieuse que le demandeur d’asile soit persécuté dans la PRI proposée. En second lieu, les conditions dans la PRI proposée doivent être telles qu'il ne soit pas objectivement déraisonnable dans toutes les circonstances, y compris celles qui sont propres au demandeur d’asile, que celui-ci y trouve refuge : Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 (CAF).

[14] La SPR a conclu qu’il n’y avait pas de possibilité sérieuse de persécution dans la PRI proposée. Elle a souligné que le fondement de la menace provenant de Sharai et de sa sœur Cleveria était lié à l’aménagement du terrain. La SPR a mentionné l’absence d’activité visible sur la propriété du demandeur ainsi qu’un manque d’intérêt ou de volonté de la part de Shaira ou de ses représentants pour ce qui est de saisir la propriété ou de poursuivre le demandeur dans une autre région du Zimbabwe. En somme, la SPR a jugé qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir la volonté et la capacité de toute personne ou de tout groupe de poursuivre le demandeur dans une autre région du Zimbabwe.

[15] En ce qui concerne le second volet du critère, la SPR a conclu qu’il était raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances personnelles du demandeur, que celui‑ci s’installe dans la ville de Bulawayo. Elle a souligné que le demandeur ne pouvait penser à aucun problème en ce qui concerne le logement, qu’il parlait l’anglais et le shona, et que ses études, son expérience de travail et son instruction lui permettraient de trouver du travail. Même si le demandeur devra faire certains ajustements, elle a conclu qu’il ne serait pas déraisonnable, dans toutes les circonstances propres au demandeur, que celui-ci trouve refuge dans la ville de Bulawayo.

III. Questions en litige et norme de contrôle

[16] Le demandeur affirme que la seule question en litige est celle de savoir si la SPR a commis une erreur en effectuant une appréciation du risque incomplète en omettant d’apprécier le risque de persécution aux mains du gouvernement du Zimbabwe ou de la CIO en raison de ses opinions politiques présumées.

[17] Les parties soutiennent que cette question est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 23 [Vavilov]; Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 401 au para 14. Je conviens que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable.

[18] Selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit se concentrer sur la décision, ce qui inclut le raisonnement suivi et le résultat (Vavilov au para 83). Cela ne comprend pas un nouvel examen de l’affaire, mais bien une analyse consistant à établir si la décision est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au para 85). Ce faisant, les motifs écrits du décideur doivent être interprétés de façon globale et contextuelle (Vavilov au para 97).

IV. Position des parties

(1) Position du demandeur

[19] Le demandeur affirme que la SPR a omis d’effectuer une appréciation du risque visant à déterminer si le gouvernement ou la CIO du Zimbabwe continuerait de le prendre pour cible en raison de ses opinions politiques et de sa religion présumées, ce qui a mené à une conclusion erronée quant à l’existence d’une PRI viable. Il soutient que la SPR n’a pas apprécié pleinement l’interrogatoire qu’il a subi à l’aéroport en septembre 2017.

[20] Le demandeur prétend que même s’il n’est pas d’accord avec la conclusion de la SPR selon laquelle les événements qui se sont produits en septembre 2017 n’étaient pas liés au litige foncier, il concède qu’il était raisonnable que la SPR tire cette conclusion selon les éléments de preuve. En concluant qu’il n’y avait pas de lien entre l’interrogatoire par la CIO et le litige foncier, la SPR, selon le demandeur, était tenue d’apprécier la question de savoir si l’interrogatoire par la CIO créait un motif de persécution indépendant.

[21] Le demandeur invoque l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689 et la décision Varga c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 494 [Varga] pour la prémisse selon laquelle la SPR était tenue d’apprécier tous les motifs de persécution découlant des éléments de preuve, qu’il les ait ou non énoncés précisément. Le demandeur affirme qu’il avait [traduction] « expressément informé la SPR » d’une autre possibilité de persécution dans le premier paragraphe de son formulaire Fondement de la demande d’asile [le formulaire FDA].

(2) La position du défendeur

[22] Le défendeur soutient que le demandeur a omis d’établir les éléments au cœur de sa demande d’asile avec suffisamment d’éléments de preuve et a omis d’établir que la PRI proposée était déraisonnable. Il affirme que la question déterminante était la conclusion selon laquelle il y avait une PRI et que la SPR n’a pas fait fi des risques en rendant cette décision. Par conséquent, la décision était raisonnable à la lumière de la preuve. Le défendeur soutient que les arguments avancés par le demandeur équivalent à un désaccord avec les conclusions et l’appréciation de la preuve par la SPR.

V. Analyse

[23] Selon la jurisprudence, le demandeur d’asile a le fardeau « d’établir le bien-fondé de ses allégations de façon claire et non équivoque » (Hassan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1183 au para 18; Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), [2001] 2 CF 164 aux para 10 et 11). J’ai conclu que le demandeur ne s’était pas acquitté de son fardeau d’établir le bien-fondé de ses allégations et qu’il n’avait pas relevé d’erreur susceptible de contrôle de la part de la SPR dans l’analyse de la PRI.

[24] Un examen du passage pertinent du premier paragraphe de l’exposé circonstancié figurant dans le formulaire FDA s’impose :

[traduction]

[…] Je demande l’asile au Canada parce que je crains d’être persécuté par des membres de l’armée nationale du Zimbabwe. Un officier de l’armée et une femme qui a d’importantes relations au sein du bureau politique du parti au pouvoir ZANU-PF ont fait en sorte que j’ai été menacé par des agents de l’État dans une tentative de saisir un terrain qui m’appartient. Je crois aussi que le gouvernement peut me percevoir comme un partisan du pasteur Evan Mawarire et me persécutera en raison de mes opinions politiques et religieuses présumées.

[25] Le demandeur affirme que la SPR a commis une erreur en omettant d’apprécier la question de savoir s’il risquait d’être persécuté pour ses opinions politiques et sa religion, plus précisément en lien avec l’interrogatoire que lui a fait subir la CIO en septembre 2017. Le demandeur cite la décision Varga au para 5, selon laquelle :

Les demandes d’asile mettent en jeu les droits fondamentaux de la personne. Par conséquent, il est important que la Commission tienne compte de chaque motif soulevé par la preuve, même si le demandeur d’asile n’en fait pas expressément état : Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689; Viafara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1526, au paragraphe 13. Dans la plupart des circonstances, le fait de ne pas tenir compte d’un élément d’une demande d’asile constitue une erreur grave et possiblement fatale : Mersini c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1088, au paragraphe 6.

[26] Je reconnais que des décisions en matière d’immigration ont été infirmées suivant la conclusion selon laquelle la Commission avait omis d’examiner un autre motif de persécution (Ghirmatsion c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 519 au para 106). Il y a toutefois des limites quant à ce qui constitue une erreur fatale (Mersini c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1088 [Mersini]; Mohamed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 758 au para 27; Nadarasa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 752 au para 24).

[27] La décision Mersini se penchait sur l’omission de la Commission de prendre en compte un motif de persécution, et il y est affirmé que ce n’est pas une erreur fatale lorsque l’élément qui semble avoir été laissé de côté n’est pas au cœur de la demande d’asile et semble avoir « été le résultat d’une réflexion après coup, aucunement appuyée par la preuve » (Mersini au para 8). De plus, la Cour a affirmé qu’un autre motif de persécution ne devait être examiné que lorsqu’il y a au dossier des éléments de preuve pour l’étayer (Galyana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 254, aux para 9 à 11; Paramanathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 338 au para 19).

[28] À l’instar des décisions Mersini et Paramanathan, le demandeur fait observer que l’interrogatoire que lui a fait subir la CIO à l’aéroport, en septembre 2017, se rapportait à un motif indépendant des opinions politiques. Je ne suis pas convaincu par les observations formulées par le demandeur. Après avoir analysé le dossier et la décision, je conclus que la SPR a examiné l’interrogatoire effectué par la CIO en septembre 2017 et sa détention antérieure par la police en mai 2017 et qu’elle a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour lier ces deux événements au problème qu’il avait eu précédemment avec les sœurs Chizema, lequel a pris fin après la signification de l’injonction, en janvier 2014. De plus, la SPR a souligné qu’il n’y avait pas assez d’éléments de preuve pour démontrer que Sharai avait eu des interactions avec le demandeur après l’injonction, en janvier 2014. La SPR a été sensible à l’ensemble des allégations formulées par le demandeur pouvant se rapporter à des opinions politiques réelles ou présumées, dont l’interrogatoire que lui a fait subir la CIO.

[29] La SPR a conclu que les éléments de preuve présentés par l’oncle et le demandeur n’offraient que des affirmations conjecturales sur des menaces possibles.

[30] L’exposé circonstancié figurant dans le formulaire FDA énonce la croyance du demandeur selon laquelle l’interrogatoire était lié à la tentative avortée du général de s’emparer de son terrain et qu’il [traduction] « [était] aussi possible que la CIO cro[yait] que j’a[vais] des liens avec le mouvement du pasteur Evan Mawarire, ce qui f[ais]ait également de moi une cible ».

[31] Le demandeur a aussi attribué une visite effectuée par plusieurs hommes à son terrain, selon le récit de sa femme de ménage, au litige foncier qui l’opposait au général.

[32] La sœur du demandeur a aussi renvoyé au litige foncier et a mentionné que le demandeur lui avait parlé de l’interrogatoire qu’il avait subi à l’aéroport en septembre 2017, bien qu’elle affirme ensuite que les hommes qui ont effectué la visite ultérieurement procédaient à l’arpentage du terrain. Elle estime que le demandeur risque d’être tué s’il retourne au Zimbabwe en dépit de l’absence de preuve de menace de cette nature ou de la moindre altercation physique au dossier.

[33] De plus, le demandeur a présenté des observations écrites à la SPR après l’audience, réitérant qu’il avait donné un témoignage crédible et corroboré sur la persécution qu’il avait subie pour avoir refusé de céder son terrain. Il déclare que l’État a perçu son refus comme une forme d’opinion politique. Il prétend aussi que le général était la cause du harcèlement dont il a été victime et que, s’il devait continuer à résister aux tentatives de lui prendre son terrain, il serait exposé à du harcèlement, à de l’intimidation, et à une arrestation qui équivaudraient à de la persécution.

[34] En dépit du fait que le demandeur affirme que le SPR a fait fi du motif des opinions politiques, le dossier montre qu’il n’en est pas ainsi. Comme il est mentionné précédemment, la SPR a examiné l’ensemble de ces incidents et a conclu que les craintes étaient des hypothèses et qu’il n’y avait pas suffisamment de preuve. Il était loisible à la SPR de tirer cette conclusion au vu de la preuve qui figurait au dossier.

[35] En outre, aucune preuve n’a été présentée reliant l’interrogatoire de la CIO au sujet du pasteur Mawarire à la religion. La CIO a accusé le demandeur d’avoir trahi son pays au bénéfice de la Grande-Bretagne. Le demandeur a décrit le pasteur Mawarire comme un militant prodémocratie bien connu. Il était raisonnable que la SPR ne voie pas cette interaction comme se rapportant à la religion, puisqu’il n’y avait pas de preuve au dossier à cet égard.

[36] Même si j’estime que la SPR a apprécié le risque de persécution pour des motifs prévus dans la Convention dans son entièreté, je suis convaincu par les observations du défendeur selon lesquelles la question de savoir si chaque risque a fait l’objet d’une appréciation individuelle ne change rien au fait que le demandeur bénéficiait d’une PRI viable dans la ville de Bulawayo (Amadi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1166 au para 41).

[37] En ce qui concerne la PRI, le demandeur doit s’acquitter d’un lourd fardeau pour démontrer qu’une PRI proposée est déraisonnable (Ranganathan au para 15). Il doit établir le caractère déraisonnable de la PRI au moyen d’éléments de preuve objectifs. Ici, le demandeur ne conteste pas la PRI en soi, mais prétend plutôt qu’une erreur commise dans l’appréciation du risque a mené à une appréciation incomplète de la PRI.

[38] Le défendeur souligne que la conclusion d’une PRI viable reposait sur les cinq conclusions qui suivent :

  • 1) Le demandeur a omis d’établir la volonté et la capacité de toute personne ou de tout groupe de le poursuivre dans une autre région du Zimbabwe aux termes de l’article 96 ou du paragraphe 97(1) de la LIPR;

  • 2) Une réinstallation dans la ville de Bulawayo, au Zimbabwe, est raisonnable;

  • 3) Le niveau général d’instruction du demandeur, notamment son expérience de travail et ses études postsecondaires, étaye une conclusion selon laquelle le demandeur serait capable de trouver du travail dans la ville de Bulawayo;

  • 4) Il n’y a aucun obstacle important empêchant le demandeur de s’installer dans la ville de Bulawayo;

  • 5) Il est raisonnable pour le demandeur de chercher refuge dans la PRI.

[39] Le défendeur soutient que la question déterminante était la conclusion qu’il y avait une PRI, et que la SPR n’a pas fait fi des risques en rendant cette décision. Il affirme que le demandeur ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir le bien-fondé de ses allégations de façon claire et de produire des éléments de preuve pour établir que la PRI est déraisonnable.

[40] J’ai déjà conclu que l’appréciation du risque effectuée par la SPR ne comportait pas d’erreur. Je conclus aussi que la SPR a effectué une analyse de la PRI appropriée.

VI. Conclusion

[41] Après avoir examiné la décision et le dossier dans leur ensemble, ainsi que les éléments de preuve dont la SPR disposait, je conclus que la SPR a agi de façon raisonnable dans son appréciation du risque et dans sa sélection d’une PRI. Je conclus que la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-5789-18

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Paul Favel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Isabelle Mathieu


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM-5789-18

 

INTITULÉ :

TAFARA MUCHENJE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE Ottawa (Ontario) ET TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 OctobrE 2020

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FAVEL

DATE DES MOTIFS :

LE 11 MARS 2021

COMPARUTIONS :

Leo Rayner

POUR Le demandeur

 

Neeta Logsetty

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Legally Canadian

Mississauga (Ontario)

POUR Le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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