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Date : 20210316


Dossier : T-1125-19

Référence : 2021 CF 229

Ottawa, Ontario, le 16 mars 2021

En présence de monsieur le juge Pamel

ENTRE :

CECILIA CONSTANTINESCU

demanderesse

et

SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Aux termes de l’alinéa 10(1)a) de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A-1 [LAI], une des raisons qui peuvent être invoquées par une institution fédérale pour refuser l’accès à un document est l’inexistence du document. Bien qu’une certaine jurisprudence de notre Cour et de la Cour d’appel fédérale ait soulevé la possibilité qu’un demandeur réussisse à mettre en doute la supposée inexistence d’un document dit inexistant, elle ne propose pas encore de solution lorsque cette possibilité se concrétise.

[2] En l’espèce, par l’avis prévu par l’alinéa 7a) de la LAI et conformément à l’alinéa 10(1)a) de cette même loi, le Service correctionnel du Canada [SCC] a avisé Mme Cecilia Constantinescu [Mme Constantinescu] qu’aucun document n’existait en réponse à sa demande d’accès.

[3] Mme Constantinescu conteste à présent cette réponse et, aux termes de l’article 41 de la LAI, elle demande à notre Cour d’ordonner au SCC de lui communiquer les renseignements visés par sa demande d’accès ou, à défaut, d’ordonner une fouille des lieux afin que soient trouvés les renseignements demandés.

[4] Pour les raisons qui suivent, je rejette la demande de révision.

II. Faits et procédures

[5] La présente affaire est complexe, il est donc préférable que j’en fasse une récapitulation détaillée.

[6] Mme Constantinescu était une recrue du SCC et suivait le programme de formation correctionnelle [PFC] qui se déroulait à l’automne 2014 au Collège du personnel du SCC à Laval, Québec [Collège du personnel], afin de devenir agente correctionnelle.

[7] Selon Mme Constantinescu, au courant des mois d’octobre et novembre 2014, elle aurait subi plusieurs actes d’agression, d’harcèlement, d’intimidation et d’abus pendant des cours de formation professionnelle du PFC. Parmi les personnes impliquées, en particulier, Mme Constantinescu s’est plainte du comportement inapproprié de nature sexuelle et d’intimidation qui aurait été commise par un autre recru au Collège du personnel, soit feu, M. Pierre-Louis Durdu. Les faits faisant l’objet de la plainte se seraient produits le 22 octobre 2014 pendant un des cours de formation. M. Durdu est décédé depuis – un fait que Mme Constantinescu n’a découvert que le 16 avril 2020 lors d’une conférence téléphonique avec les procureurs du SCC dans le cadre de sa plainte devant le Tribunal canadien des droits de la personne [TCDP].

[8] Compte tenu des allégations faites par Mme Constantinescu et après examen préliminaire des faits, par ordre de convocation datée du 28 novembre 2014, la Directrice intérimaire du Collège du personnel a convoqué un comité d’enquête disciplinaire afin de faire la lumière sur les comportements allégués de feu M. Durdu envers Mme Constantinescu.

[9] Le rapport concernant l’enquête disciplinaire a été rendu le 26 mars 2015 [Rapport d’enquête]. Les membres du comité d’enquête disciplinaire ont observé que l’enquête « n’a pas permis de conclure à la présence d’une inconduite de M. Pierre-Louis Durdu tant au niveau de Code de discipline (DC 060), du Code de valeurs et d’éthique du secteur public, des Règles de conduite professionnelle ainsi que tout autre politique du SCC ». En conséquence, les membres du comité ont conclu que « les allégations de Mme Constantinescu n’ont pu être appuyées par des faits collatéraux et qu’il est impossible de considérer qu’ils ont pu avoir lieu de façon probable. »

[10] Je tiens simplement à observer que, pour des raisons qui sont possiblement matière à controverse, mais sans rapport avec l’affaire dont je suis saisi, Mme Constantinescu n’a rendu aucun témoignage au cours de l’enquête disciplinaire.

[11] En octobre 2015, Mme Constantinescu a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne [CCDP] fondée sur les mêmes allégations d’actes d’agression, d’harcèlement, d’intimidation et d’abus qu’elle soutient avoir subis pendant les cours de formation professionnelle du PFC.

[12] La CCDP a recommandé le rejet de la plainte de Mme Constantinescu, mais a toutefois, le 31 mai 2017, référé le dossier de Mme Constantinescu au TCDP afin sa plainte soit instruite (dossier T2207/2917).

[13] Dans le cadre de son dossier devant le TCDP, le 8 décembre 2017, Mme Constantinescu a reçu la divulgation des documents du SCC qui comprend notamment :

  1. Document 20 – Déclaration écrite de Pierre-Louis Durdu [Déclaration de M. Durdu].

  2. Document 28 – Commentaires de Pierre-Louis Durdu datés du 28 avril 2015 en lien avec le rapport d’enquête disciplinaire.

[14] C’est le document 20 – la Déclaration de M. Durdu – qui est au cœur de la présente demande de révision. Ce document n’est ni daté ni signé.

[15] Le 11 décembre 2017, Mme Constantinescu envoie un courriel aux procureurs du SCC et pose une série de questions concernant les documents reçus, dont la suivante :

À quelle date a été produite la déclaration de Durdu (votre p. j. 20) et quelles sont les conditions de sa production : l’endroit, est-ce qu’il était accompagné par des procureurs ou d’un représentant syndical ou non? Celle-ci est le résultat d’un interrogatoire ou il l’a écrit à la maison, par exemple?

[16] Le 8 janvier 2018, suite à une série de courriels de « rappel » de la part de Mme Constantinescu dont l’un demande aux avocats du SCC de « ne plus m’obstruer dans l’obtention des documents », ils répondent comme suit à cette question particulière :

Les commentaires de M. Durdu ont été reçus par le SCC le 29 avril 2015. Nous ne savons pas dans quelles circonstances ces commentaires ont été produits.

[17] Il est clair que la réponse du procureur du SCC se référait au document 28, tandis que la question de Mme Constantinescu se rapportait plutôt au document 20. Cependant, ce qui n’était peut-être qu’un simple manque d’attention de la part de l’avocat du SCC a atteint un niveau digne d’un film épique de Cecil B. DeMille.

[18] Étant insatisfaite de la réponse reçue et n’ayant plus rien entendu du SCC, le 31 janvier 2018, Mme Constantinescu écrit au ministre de la Justice pour lui exposer son récit, en particulier l’historique de ses accusations contre le SCC et sa frustration à l’égard des avocats du SCC, qu’elle accuse de manipuler les documents et de déposer en preuve des documents douteux.

[19] Il semblerait que Mme Constantinescu n’ait pas eu de nouvelles des avocats du SCC ni du ministre de la Justice, de sorte que, le 20 février 2018, elle a déposé une requête auprès du TCDP dans laquelle elle reprend la demande qu’elle avait faite aux avocats du SCC le 8 décembre 2017, visant à obtenir de la part du SCC plusieurs précisions entourant la Déclaration de M. Durdu, soit :

  • a) des documents attestant la date de production de la déclaration de M. Durdu;

  • b) des documents attestant le lieu où la déclaration de M. Durdu a été produite;

  • c) les conditions de la production de la déclaration de M. Durdu ainsi que l’identification des personnes présentes lors de cette production; et

  • d) une copie des notes écrites ou une transcription de l’enregistrement audio qui a abouti à la production de la déclaration de M. Durdu.

[20] Le 13 mars 2018, le TCDP rejette la requête de Mme Constantinescu (2018 TCDP 8) pour plusieurs raisons, mais tient quand même à signaler qu’il « est important de comprendre que le stade de la divulgation des documents est différent du stade de l’admission des éléments de preuve lors des audiences [...] ». Mme Constantinescu n’a pas demandé le contrôle de cette décision.

[21] Le 16 avril 2018, Mme Constantinescu dépose une autre requête auprès du TCDP en suspension des procédures pour une durée indéterminée, jusqu’à ce que tous les documents et informations qu’elle a demandés soient produits par le SCC; elle demande aussi au TCDP d’ordonner au SCC de lui produire tous les documents relatifs au dossier.

[22] Le 26 avril 2018, le TCDP rejette cette dernière requête (2018 TCDP 10). Le 24 mai 2018, Mme Constantinescu demande le contrôle judiciaire de cette décision (T-976-18). Le 22 novembre 2018, notre Cour accueille la requête en radiation présentée par le SCC et ordonne que la demande de contrôle judiciaire de Mme Constantinescu soit radiée avec dépens. Cette décision n’a pas été portée en appel.

[23] Le 26 juillet 2018, suite à deux appels-conférences avec les parties, le TCDP a conclu que l’obligation de divulgation de documents du SCC concernant, en particulier, la Déclaration de M. Durdu et les témoignages donnés par M. Durdu a été remplie. Le 27 août 2018, Mme Constantinescu a demandé le contrôle judiciaire de cette décision (T-1571-18). Le 22 novembre 2018, notre Cour accueille la requête en radiation présentée par le SCC et ordonne que la demande de contrôle judiciaire de Mme Constantinescu soit radiée avec dépens. L’appel de Mme Constantinescu a été rejeté avec dépens par la Cour d’appel fédérale le 17 décembre 2019 (Constantinescu c Canada (Procureur général), 2019 CAF 315).

[24] Incidemment, le 27 septembre 2019, Mme Constantinescu a déposé une requête en modification de 17 décisions interlocutoires du TCDP qui ont été antérieurement rendues, y compris la décision du 13 mars 2018 relative à la Déclaration de M. Durdu (2018 TCDP 8). Elle demande aussi au TCDP d’ordonner une fouille dans les bureaux du SCC si certains documents ne sont pas complets, afin d’accéder à la documentation recherchée. Il est intéressant de noter que Mme Constantinescu fait la même demande devant moi dans le cadre de la présente demande de révision.

[25] Le SCC s’est opposé à la demande puisqu’il considère qu’il y a abus de procédure.

[26] Le 16 décembre 2019, le TCDP rejette la requête de Mme Constantinescu (2019 TCDP 49). En rendant sa décision, le TCDP constate « que certaines de ces [17 décisions interlocutoires] ont fait l’objet d’une attention particulière de la part [du SCC] dans ses représentations (par exemple la demande sur la déclaration écrite de M. Durdu) ». Le TCDP a aussi constaté au paragraphe 121 de sa décision :

J’ajoute qu’il appert que Mme Constantinescu multiplie les recours parce qu’elle veut obtenir certains documents à tout prix. Par exemple, après la décision du Tribunal concernant la déclaration de M. Durdu (2018 TCDP 8), elle a aussi déposé une plainte au Commissariat à l’information du Canada afin d’obtenir les mêmes documents qui lui avaient été refusés par le Tribunal. Le Commissariat a rejeté sa demande et concluait que les recherches effectuées par l’intimé étaient raisonnables et qu’aucun document répondant à cette demande n’avait été identifié.

[Je souligne.]

[27] Effectivement, environ 18 mois plus tôt, soit le 27 juin 2018, Mme Constantinescu avait présenté au SCC une demande d’accès à l’information [Demande d’accès] visant à obtenir tous les documents relatifs à la Déclaration de M. Durdu faisant état des éléments suivants :

  • a) la date à laquelle celle-ci a été faite;

  • b) devant quelle institution M. Durdu l’a faite;

  • c) le lieu où M. Durdu l’a faite; et

  • d) quelles personnes étaient présentes lorsque M. Durdu l’a faite.

[28] Il convient de préciser que ce que Mme Constantinescu recherche, ce sont des informations concernant la Déclaration de M. Durdu. Cependant, comme la LAI ne prévoit que l’accès aux seuls documents, la Demande d’accès porte spécifiquement sur tout document qui confirme ou contient les informations qu’elle recherche (paragraphe 4(1) de la LAI).

[29] Le 22 août 2018, après avoir cherché les renseignements demandés, la Division de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels du SCC [Division de l’accès à l’information du SCC] a informé Mme Constantinescu qu’elle ne possédait aucun document relatif à sa demande d’accès [Décision du SCC du 22 août 2018].

[30] Le 27 août 2018, Mme Constantinescu a déposé une plainte au Commissaire à l’information du Canada conformément au paragraphe 30(1) de la LAI tel qu’il était rédigé à l’époque, alléguant que la recherche effectuée par le SCC à l’égard de la Demande d’accès était incomplète [Plainte].

[31] Le 19 février 2019, Mme Constantinescu a également présenté au ministère de la Justice une demande d’accès à l’information similaire à celle présentée au SCC. Le 27 mars 2019, le ministère de la Justice a informé Mme Constantinescu qu’il ne détenait aucun document répondant à cette deuxième demande d’accès. Aucune demande de révision n’a été déposée en ce qui concerne cette décision.

[32] Le 27 mai 2019, la Directrice intérimaire des enquêtes du Commissariat à l’information du Canada [Commissariat], conformément au paragraphe 37(2) de la LAI dans la version en vigueur à l’époque, a informé Mme Constantinescu du résultat de ses démarches relatives à la Plainte, et que le Commissariat à l’information avait conclu que le SCC avait effectué une recherche raisonnable et qu’aucun document répondant à la Demande d’accès n’avait été repéré [Décision du Commissariat du 27 mai 2019].

[33] Le 11 juillet 2019, Mme Constantinescu a déposé la présente demande de révision visant la Décision du Commissariat du 27 mai 2019. À la suite d’une directive de notre Cour, Mme Constantinescu a amendé sa demande de révision le 28 octobre 2019 afin de préciser que l’objet de la demande de révision était bel et bien la Décision du SCC du 22 août 2018.

[34] Le 7 novembre 2019, la Protonotaire Steele a également rejeté la requête en radiation du défendeur déposée le 9 septembre 2019, soit avant l’amendement de la demande de révision de Mme Constantinescu. C’est donc bien la Décision du SCC du 22 août 2018 qui fait l’objet de la présente demande de révision.

[35] L’audience pour cette affaire a été fixée au 24 septembre 2020. Deux semaines avant l’audience, Mme Constantinescu a déposé une requête en vue d’obtenir une ordonnance enjoignant à deux avocats du ministère de la Justice de témoigner à l’audience prévue pour le 24 septembre 2020. J’ai rejeté sa requête le 15 septembre 2020.

III. Question en litige

[36] Y a-t-il des éléments de preuve, au-delà de simples soupçons, dont il ressort que les renseignements visés par la demande d’accès existent et sont en possession du SCC?

IV. Questions préliminaires

[37] Le défendeur soutient que les paragraphes 1 à 4, 17 à 19, 21e) à 21n), 22, 26 et 27 de l’affidavit amendé de Mme Constantinescu contiennent soit des opinions, soit des faits non appuyés par la preuve ou non pertinents aux fins du présent recours. Le défendeur demande donc que nous ne considérions pas tous ces faits et les pièces au soutien de ces allégations.

[38] Dans une large mesure, j’abonde dans le sens du défendeur. La plupart des faits et des opinions exposés dans ces paragraphes par Mme Constantinescu, bien qu’ils donnent de la couleur au dossier, ne sont pas nécessaires au règlement de la présente affaire. Je ne les prendrai donc pas en considération dans mon évaluation des questions, si ce n’est éventuellement dans la présentation des faits afin de situer les questions dans leur contexte.

[39] Le défendeur demande également à notre Cour de modifier l’intitulé de la cause pour y inscrire le SCC comme défendeur plutôt que le Procureur général du Canada. En l’absence d’objection de la part de Mme Constantinescu, je ferai droit à cette demande.

V. Droit applicable et compétence de la Cour

[40] Le projet de loi C-58 : Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence, ont reçu la sanction royale et sont entrées en vigueur le 21 juin 2019 [les amendements du 21 juin 2019], environ trois semaines avant l’introduction de la présente demande de révision, soit le 11 juillet 2019.

[41] Aucune des parties n’a fait valoir que les amendements du 21 juin 2019 auraient un impact sur les droits de Mme Constantinescu dans la présente affaire. De mon point de vue également, ces récentes modifications n’ont aucune incidence sur l’analyse ou sur l’issue de la présente demande.

[42] Ainsi, pour simplifier l’analyse de la Cour, car tout l’historique de la procédure concernant la Demande d’accès a eu lieu avant les modifications de la LAI, je me référerai donc aux dispositions de la LAI en vigueur avant les amendements du 21 juin 2019. J’ai cité les articles pertinents de la LAI, tant avant qu’après les amendements du 21 juin 2019, dans l’annexe de ma décision.

[43] Il convient de préciser qu’aucune exception n’est invoquée en l’espèce par le SCC afin de refuser la communication de document, et qu’aucune décision discrétionnaire de la part de l’institution fédérale n’est en cause. Il s’agit purement et simplement d’un refus de communication fondé sur l’inexistence du document demandé (alinéa 10(1)a) de la LAI).

[44] L'étendue de la compétence de la Cour est une question qui doit être examinée dans toutes les demandes en application de l’article 41 de la LAI, et, dans le cas d’un refus fondé sur l’alinéa 10(1)a) de la LAI, doit être abordée sous l’angle de l’article 49 de la LAI. Ce n’est qu’en vertu de la LAI que cette Cour a le pouvoir d’obliger la communication de documents du gouvernement.

[45] D’autre part, notre Cour est compétente pour entendre une demande de révision en vertu de l’article 41 de la LAI, y compris un refus de communication fondé sur l’allégation d’inexistence de documents (alinéa 10(1)a) de la LAI). La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Canada (Information Commissioner) c Canada (Minister of Environment), 2000 CanLII 15247 (CAF) [Ethyl Canada] (autorisation d’en appeler rejetée dans Canada (Information Commissioner) v Canada (Minister of the Environment), [2000] SCCA No 275), a observé au paragraphe 14 :

En fait, le ministre a refusé de communiquer les documents de travail au motif que ces documents n’existaient pas et il a donné un avis en ce sens à Ethyl conformément à l’alinéa 10(1)a) de la Loi. En vertu de l’alinéa 42(1)a) de la Loi, le Commissaire à l'information a qualité pour exercer le recours en révision pour "refus de communication" d'un document demandé en vertu de la Loi. La Cour a donc compétence pour examiner un refus de communication fondé sur l’allégation d’inexistence de documents. [...]

[Je souligne.]

[46] Les recours du Commissaire à l’information aux termes de l’article 42 de la LAI sont à toutes fins utiles équivalents aux recours dont dispose en l’espèce Mme Constantinescu aux termes de l’article 41. De plus, au regard de la LAI, le fait que le document n’existe pas est une raison spécifique justifiant le refus de donner accès à l’information.

[47] Selon une jurisprudence constante de notre Cour, en l’absence d’un refus d’accès et en vertu de l’article 41 de la LAI (aujourd’hui le paragraphe 41(1)), notre Cour n’avait pas compétence en révision d’une décision d’une institution fédérale portant sur une question relative à une demande en vertu de la LAI; le refus d’accès à l’information est une condition préalable à une demande aux termes de l’article 41 de la LAI (X c Canada (Ministre de la Défense nationale) (1991), 41 FTR 73 au para 10 [Re X]). Comme l’a observé le juge Barnes à l’occasion de l’affaire Friesen c Canada (Ministre de la santé), 2017 CF 1152 au para 10 [Friesen] : « [s]ans exception, il a été jugé [...] que la Cour fédérale ne peut offrir une réparation à un demandeur qu’en cas de refus illégal de communiquer un document recensé ».

[48] La compétence attribuée à la Cour par l’article 41 de la LAI se rattache au pouvoir d’accorder une mesure de redressement aux termes des articles 49 et 50 de la LAI (Re X au para 10; Wheaton c Société canadienne des postes, [2000] ACF no 1127, 2000 CanLII 15912 (CF) au para 8 [Wheaton]; Blank c Canada (Ministère de l’Environnement), 2000 CanLII 16437 (CF) au para 15 [Blank 2000]; Doyle c Canada (Ressources humaines et Développement des compétences Canada), 2011 CF 471 à la p 9 [Doyle]).

[49] Dans l’affaire Olumide c Canada (Procureur général), 2016 CF 934, [2016] 6 CTC 1 [Olumide], cette Cour a déclaré aux paragraphes 18 et 19 :

[18] Dans la mesure où la demande est une demande, en vertu de l’article 41 de la LAI, de contrôle judiciaire du refus de l’ARC de divulguer les relevés téléphoniques demandés, je conclus qu’il est évident qu’elle est vouée à l’échec. La Cour a établi clairement et à différentes reprises que lorsqu’un ministère, en réponse à une demande d’information (que ce soit en vertu de la LAI ou en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, c. P-21), répond que le document n’existe pas, cette réponse ne constitue pas un refus d’accès. En l’absence d’un refus, la Cour n’a pas compétence dans le contrôle judiciaire en vertu de l’article 41 de la LAI ou de la Loi sur la protection des renseignements personnels, à moins qu’il n’existe des éléments de preuve, au-delà d’un simple soupçon, que les documents existent et qu’ils ont été retenus (voir Clancy c Canada (Ministre de la Santé), 2002 A.C.F. no 1825; Wheaton c Société canadienne des postes, 2000 A.C.F. no 1127; Doyle c Canada (Ressources humaines et Développement des compétences Canada), 2011 CF 471; Blank c Canada (Minister of The Environment), 2000 ACF no 1620.

[19] Comme je l’ai déjà mentionné, il est évident que le « refus » en l’espèce est fondé sur la conclusion de l’ARC que les documents demandés n’existent pas, et le rapport d’enquête du Commissaire à l’information confirme cette conclusion. Le demandeur n’a fourni aucune preuve ni aucun argument convaincant permettant de conclure que les documents existent ou qu’ils sont retenus. Il est évident que la Cour ne peut avoir aucune compétence en l’espèce aux termes de l’article 41 de la LAI.

[Je souligne.]

[50] Je retiens le principe consacré par l’affaire Olumide : en l’absence d’un refus, notre Cour n’a pas compétence dans le contrôle judiciaire en vertu de l’article 41 de la LAI. Toutefois, en ce qui concerne la proposition selon laquelle une réponse de l’institution fédérale indiquant que les documents n’existent pas « ne constitue pas un refus d’accès », il convient d’apporter des précisions supplémentaires.

[51] D’après moi, il faut opérer une distinction entre, d’une part, le cas du refus de communication fondé sur l’allégation d’inexistence de documents au sens de l’alinéa 10(1)a) de la LAI et, d’autre part, le cas où l’institution fédérale a bel et bien communiqué des documents à l’intéressé en réponse à sa demande d’accès et soit que l’intéressé n’est pas satisfait par la divulgation et soupçonne qu’il y a d’autres documents qui sont retenus par l’institution fédérale, soit qu’il s’oppose au caviardage des documents et aux exceptions à la production de l’information par l’institution fédérale.

[52] Comme l’a observé le juge Strayer à l’occasion de l’affaire Re X au paragraphe 13, [traduction] « sauf s’il y a un refus réel et continu de divulguer, qui est en effet susceptible d’une ordonnance de divulguer, ou d’une mesure équivalente, aucune mesure ne peut être accordée par notre Cour » [je souligne].

[53] L’affirmation de l’institution fédérale selon laquelle l’inexistence de document supplémentaire est due au fait qu’elle a déjà communiqué au demandeur tous les documents pertinents et qu’il n’y a plus de documents en réponse à la demande d’accès à l’information, ou au fait que les documents demandés ont été détruits auparavant, ou encore lorsqu’il y a eu retard dans la communication des documents en réponse à la demande d’accès à l’information, mais que les documents demandés auraient été néanmoins communiqués au demandeur avant l’audition de la demande de révision, ne constituent pas des refus permettant l’exercice de la demande de révision prévue à l’article 41 de la LAI (Creighton c Canada (Superintendant of Financial Institutions), [1990] FCJ No 353 (TD) [Creighton]; X c Canada (Ministre de la Défense nationale) (1991), 41 FTR 16; Re X aux pp 76 et 77; Wheaton au para 16; Blank 2000 au para 19; Clancy c Canada (Ministre de la santé), 2002 CFPI 1331 au para 17 [Clancy]; Doyle; Albatal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1026); Friesen; Tomar c Canada (Agence Parcs Canada), 2018 CF 224 au para 49 [Tomar]).

[54] Ces derniers cas ne sont pas des cas de refus de communication fondé sur l’allégation d’inexistence de documents tel que prévu par l’alinéa 10(1)a) de la LAI; ils ne sont donc pas des cas de refus « réel et continu » ouvrant le recours prévu à l’article 41 de la LAI. La Cour est plutôt appelée à examiner les preuves afin de vérifier l’affirmation de l’institution fédérale selon laquelle il n’existe pas d’autres documents dans le contexte où la Cour doit déterminer si elle est compétente pour entendre l’affaire. Une partie de cette vérification consiste à déterminer si les soupçons trouvent un appui dans la preuve, ou s’il s’agit simplement de soupçons sans fondement qui « ne résistent pas à un examen minutieux » (Tomar au para 46; Creighton).

[55] S’il n’y a pas de raison valable de remettre en cause l’affirmation de l’institution fédérale selon laquelle il n’existe pas d’autres documents en plus de ceux qui auraient déjà été produits, il n’y a pas refus « réel et continu » de la part de l’institution fédérale de communiquer des documents puisque des documents ont déjà été communiqués; ainsi, sans refus en ce sens, il n’y a pas attribution de compétence à notre Cour aux termes de l’article 41 de la LAI.

[56] Les affaires Wheaton et Blank 2000 ne soulevaient pas une question de refus de communication fondé sur l’allégation d’inexistence de documents. En fait, les demandeurs n’avaient même pas invoqué un refus d’accès. Cependant, ils n’avaient non plus été en mesure de réfuter l’affirmation qu’ils avaient reçu tous les documents dont les institutions fédérales disposaient en réponse à leur demande d’accès à l’information. La Cour a conclu qu’il ressortait de la preuve non réfutée que le demandeur avait reçu tous les documents pertinents en possession de l’institution fédérale, et a donc rejeté la demande de révision, car la condition préalable à la présentation de la demande prévue par l’article 41 de la LAI n’était pas remplie.

[57] Dans l’affaire Doyle également, il y a eu divulgation de documents en réponse à la demande d’accès, mais certaines pages d’un rapport étaient manquantes. Cependant, il n’y avait aucune raison de soupçonner que l’absence de ces pages était suspecte. Le demandeur avait même reconnu qu’il n’y avait pas de motif évident pour que l’institution fédérale fasse disparaître les parties du document qui n’avaient pas été produites, et la Cour a été satisfaite des explications produites par l’institution fédérale quant aux efforts déployés pour retrouver les documents sans succès.

[58] Comme dans les affaires Wheaton et Blank 2000, l’affaire Doyle comportait des éléments de preuve que la Cour a retenus et qui expliquaient la raison pour laquelle les documents dont l’accès était demandé n’existaient pas à la suite de la communication d’autres documents par l’institution fédérale en réponse à la demande d’accès. Citant la jurisprudence Creighton, le juge Barnes a confirmé que le seul soupçon d’abus et de mauvaise foi ne suffit pas à écarter les preuves solides en sens contraire, à savoir que tous les documents qui sont visés par la demande d’accès ont été divulgués. Là encore, en ce qui concerne cette jurisprudence, il n'était nullement question, au moment de l’audience et après examen des preuves devant la Cour, d’un refus au sens de l’article 41 de la LAI.

[59] Dans l’affaire Clancy, la demanderesse avait reçu la réponse suivante à sa demande d’accès : les dossiers qu’elle demandait n’existaient plus après une période de plus de 10 ans, et ces dossiers sont détruits tous les six ans aux termes de la loi. La Cour a examiné cette réponse, ainsi que les preuves produites par la demanderesse sur lesquelles reposait son argument selon lequel l’institution fédérale dissimulait des documents, et elle a radié sa demande de révision « puisqu’il n’y a pas eu « refus » de communiquer l’information, au sens de l’article 41 » de la LAI. La Cour a conclu que « [l]e fait que la demanderesse ait en sa possession les documents susmentionnés – la liste des produits chimiques et les rapports d’inspection gouvernementale remontant aux années 1970 – ne prouvent pas que le ministère refuse communication de l’information ».

[60] Dans l’affaire Tomar, la demanderesse avait également reçu des documents en réponse à sa demande d’accès, mais, soupçonnant qu’il en existait d’autres, elle a demandé à notre Cour d’ordonner à l’institution fédérale d’effectuer une autre recherche dans ses dossiers. Quant à la question de savoir si la Cour était même compétente pour rendre une telle ordonnance, la juge Elliott a conclu que « [n]i les croyances ni les soupçons de Mme Tomar selon lesquels d’autres dossiers existent ne sont appuyés par une preuve. De plus, ils ne résistent pas à un examen minutieux » (Tomar au para 46).

[61] Je ne pense pas que cette jurisprudence enseigne qu’une déclaration d’une institution fédérale portant qu’un document n’existe pas empêche dans tous les cas le demandeur d’accès d’avoir recours à l’article 41 de la LAI. À mon avis, cela irait à l’encontre de l’alinéa 10(1)a) de la LAI ainsi que de l’arrêt Ethyl Canada.

[62] Je suis plutôt d’avis que cette jurisprudence soutient la proposition bien précise selon laquelle la confirmation par une institution fédérale qu’il n’existe plus de documents après une première divulgation de documents n’est pas, selon les termes employés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Ethyl Canada, un « refus de communication fondé sur l’allégation d’inexistence de documents ». Cette jurisprudence enseigne que dans un tel cas et lorsqu’il y a des preuves allant dans le sens de l’inexistence des documents en cause ou lorsqu’il n’y a qu’une simple suspicion non étayée de l’existence des documents, l’affirmation d’inexistence des documents en cause ne constitue pas un refus et n’est susceptible d’aucun recours devant notre Cour aux termes de l’article 41. La Cour n’a donc pas la compétence pour réviser la décision de l’institution fédérale dans ces circonstances.

[63] Bref, un refus de communiquer des documents en vertu de l’alinéa 10(1)a) en réponse à une demande d’accès accompagné de l’avis prévu à l’alinéa 7a) mentionnant que le document n’existe pas constitue bel et bien un refus de communiquer et la Cour a compétence pour entendre le recours en révision en vertu de l’article 41 de la LAI. Cependant, il n’est pas question de refus lorsqu’à la suite d’une communication de documents en réponse à une demande d’accès l’institution fédérale indique qu’il n’existe pas d’autres documents. Dans ce dernier cas, notre Cour n’est pas compétente en vertu de l’article 41 de la LAI, à moins qu’il n’existe des éléments de preuve, au-delà d’un simple soupçon, que les documents existent et qu’ils ont été retenus.

[64] Autrement dit, un refus d’accès au motif que le document demandé n’existe pas demeure un refus donnant droit au recours prévu à l’article 41 de la LAI lorsque ce refus est fait conformément à l’alinéa 10(1)a) et communiqué en vertu de l’alinéa 7a) de la LAI, comme en l’espèce.

[65] Dans l’affaire Re X, la question a été réglée avant l’audition devant la Cour; les documents qui existaient et répondaient à la demande ont finalement été communiqués au demandeur. En ce qui concerne les décisions Wheaton, Blank 2000, Doyle, Clancy et Friesen, il a été jugé que les documents proprement dits étaient indisponibles, soit qu’ils n’existaient plus, soit que des documents supplémentaires n’avaient jamais existé.

[66] Cela dit, il n’en demeure pas moins que le demandeur doit tout de même démontrer que l’allégation d’inexistence des documents demandés n’est en fait qu’un prétexte pour refuser la communication des documents. Si le demandeur ne se décharge pas de son fardeau de preuve à cet égard, la demande de révision doit néanmoins être rejetée. De plus, et comme l’a observé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Ethyl Canada au paragraphe 14 : « le Parlement ne peut avoir voulu que la Cour ne dispose des éléments de preuve pertinents pour exercer sa fonction de contrôle que dans les cas de refus fondés sur des exceptions visées par la Loi, mais non dans les cas de refus fondés sur l’inexistence de documents. »

[67] S’il ressort de la preuve qu’il existe bel et bien un document répondant à la demande d’accès, la Cour est en mesure d’ordonner sa divulgation en vertu de l’article 49 de la LAI. Cela dit, comment la Cour peut-elle accéder à la preuve lorsque le document qui fait l’objet du refus de communication et même quelconque document accessoire à celui-ci n’est pas devant la Cour? La Cour d’appel fédérale a consacré l’approche suivante lorsqu’il y a refus de communication fondé sur l’inexistence des documents demandés, également au paragraphe 14 de l’arrêt Ethyl Canada :

Toutefois, lorsque le responsable d’une institution fédérale prétend que des documents n’existent pas, la Cour saisie du recours en révision ne peut évidemment pas employer sa méthode habituelle de contrôle d’une décision de refus. Contrairement à la situation où c’est une exception à la communication qui est revendiquée, la Cour ne peut examiner les documents retenus afin de décider s’ils appartiennent effectivement à la catégorie visée par l’exception. En pareil cas, nous croyons qu’il y a lieu pour la personne qui demande la communication ou pour le Commissaire de verser des documents accessoires qui sont pertinents à l’égard de l’existence des documents demandés et qui peuvent aider la Cour à exercer sa fonction de contrôle indépendant du refus de communication du pouvoir exécutif. À notre avis, le Parlement ne peut avoir voulu que la Cour ne dispose des éléments de preuve pertinents pour exercer sa fonction de contrôle que dans les cas de refus fondés sur des exceptions visées par la Loi, mais non dans les cas de refus fondés sur l’inexistence de documents.

[Je souligne.]

[68] Lorsque nous avons affaire à un refus en vertu de l’alinéa 10(1)a) de la LAI, il ne s’agit plus d’une question de compétence de la Cour; la Cour est toujours compétente pour entendre une demande de révision découlant d’un refus en vertu de l’alinéa 10(1)a). Ce n’est alors qu’une question de preuve, et pour que la Cour puisse examiner une décision de refus fondée sur la prétendue inexistence de documents, la production de preuves par des moyens admissibles est possible, notamment des documents accessoires. Le juge peut alors conclure que les documents recherchés existent et qu’ils sont retenus. Un simple soupçon ou une simple conviction sans preuve de la part du demandeur quant à la possibilité de l’existence de ces documents ne suffit généralement pas, car de tels soupçons et convictions doivent pouvoir résister à un examen minutieux (Tomar au para 46), et un argument convaincant est nécessaire (Olumide au para 19).

VI. Norme de contrôle

[69] Afin de déterminer la norme de contrôle appropriée, la Cour doit se pencher sur l’intention du législateur (Canada (Commissaire à l'information) c Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, [2011] 2 RCS 306 au para 22). Cependant, la norme de contrôle applicable en matière de refus de communication de documents fondé sur leur inexistence des documents n’a jamais été claire (voir Yeager c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 330 aux paras 28 et 29 [Yeager]).

[70] La question a récemment été discutée par la juge Elliott à l’occasion de l’affaire Yeager. Il ne fait aucun doute que le juge, dans un tel cas, est appelé à apprécier de manière indépendante la preuve (article 44.1 de la LAI). En ce qui concerne la norme de contrôle applicable, la juge Elliott a observé que la question de savoir si l’appréciation indépendante de la preuve équivaut à la norme de contrôle de la décision correcte n’a peut-être pas tellement d’importance, car l’issue de la cause sera invariablement la même. Elle a observé :

[26] À mon avis, l’issue de la présente affaire est la même, peu importe la norme de contrôle. Il ne s’agit pas de l’affaire habituelle du refus de communication d’un document en fonction d’une exception prévue par la LAI [...]

[27] Aucune exception n’est invoquée en l’espèce. Il s’agit véritablement d’une affaire où [traduction] « il n’y a pas de document ». En vertu de l’alinéa 10(1)a) de la LAI, lorsqu’un document n’existe pas, ce fait doit être mentionné comme motif de refus dans la réponse fournie en vertu de l’article 7. Conformément à ces exigences, la réponse au professeur Yeager indique clairement qu’il n’y a pas de document pertinent. Il s’agit dans une certaine mesure d’une question binaire: les documents existent ou ils n’existent pas [...]

[...]

[29] À mon avis, peu importe que cela soit considéré comme un contrôle de la norme correcte ou qu’il s’agisse d’une évaluation indépendante de la preuve par notre Cour, cela mène au même résultat: la question est celle de savoir si les documents relèvent de Sécurité publique [...]

[Je souligne.]

[71] Par conséquent, il me semble que comme il s’agit d’une question « binaire » avec une communication fondée sur l’inexistence des documents, tout comme les questions d’équité procédurale, même si la norme de contrôle est « particulièrement bien reflété[e] dans la norme de la décision correcte [...], à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée » (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54). La Cour doit simplement rechercher si « les documents existent ou ils n’existent pas » (Yeager au para 27).

VII. Discussion

[72] Mme Constantinescu soutient que le SCC est censé être en possession des documents en question notamment parce qu’une « institution gouvernementale [...] ne peut pas prétendre qu’elle ne sait pas quand, où et en présence de qui a donné une déclaration écrite un employé actif visé par des allégations d’agression [...] », et que le SCC est « censé avoir en sa possession les documents que j’ai demandé à travers ma demande d’accès d’une déclaration donnée par un de ses employés qui est visé par des allégations d’agression, d’harcèlement et d’intimidation ». Elle ajoute qu’elle a fait tous les efforts possibles pour obtenir l’information visée par la Demande d’accès et que le SCC s’entête à ne pas lui transmettre ces informations.

[73] Le SCC soutient qu’il n’y a que conjectures de la part de Mme Constantinescu, et que la présente demande de révision est simplement la dernière d’une longue série de tentatives d’obtenir des documents qui n’existent pas, et soutient qu’il ressort de la preuve non contredite rapportée par le SCC qu’il a pris toutes les mesures pour repérer tout document visé par la demande d’accès; bref, Mme Constantinescu n’a pas réussi à démontrer, à l’aide d’éléments de preuve ou de documents accessoires, que les documents recherchés existent au sein de l’institution ou que la recherche effectuée par le SCC est incomplète.

[74] En effet, tel qu’il appert de l’affidavit du Directeur de la Division de l’accès à l’information du SCC [l’Affidavit du directeur] déposée à l’appui de sa réponse en l’espèce, le SCC a effectué une enquête interne (considérée comme raisonnable d’après la Décision du Commissariat du 21 juin 2019), puis une recherche plus approfondie auprès de sa Division de Québec un an plus tard soit après le dépôt le 11 juillet 2019 de la présente demande de révision, pour trouver les renseignements demandés.

[75] Mme Constantinescu, qui se représente elle-même devant moi, n’a pas contre-interrogé le Directeur sur son affidavit.

[76] À première vue, je dois avouer que j’ai trouvé étrange la réponse du SCC selon laquelle il n’existe aucun document répondant à la demande de Mme Constantinescu, en particulier compte tenu de la nature des informations que Mme Constantinescu cherchait à obtenir. Nous devons garder à l’esprit que Mme Constantinescu cherchait des informations concernant les circonstances dans lesquelles la Déclaration de M. Durdu a été préparée, soit un document qui est ni daté ni signé, et communiquée par le SCC à Mme Constantinescu dans le cadre de son dossier devant le TCDP.

[77] Par conséquent, le SCC a le contrôle de la Déclaration de M. Durdu, de sorte que soutenir qu’il avait en sa possession aucun autre document concernant les circonstances dans lesquelles ce document a été préparé, sans autre explication, dépasse l’entendement. Il ne me semble pas farfelu de penser qu’une partie contrôlant ce qui semble être un document interne important et pertinent puisse produire des informations relatives à la préparation de ce document, sauf explication raisonnable.

[78] Comme je l’ai signalé au procureur du SCC, on me demande de croire que la Déclaration de M. Durdu est simplement tombée du ciel, et a atterri comme par magie sur le bureau de la personne chargée de ce dossier au SCC.

[79] Contrairement aux conclusions de la plupart des décisions antérieures de notre Cour lors de l’examen des preuves qui leur ont été présentées sur une question concernant des documents censés être inexistants, l’Affidavit du directeur n’a pas dissipé mes inquiétudes.

[80] Le Directeur a déclaré que les Ressources humaines au sein du SCC [Ressources humaines] ont été identifiées comme l’unité responsable des recherches suite à la Demande d’accès de Mme Constantinescu le 27 juin 2018. À un certain moment, les Ressources humaines ont avisé la Division de l’accès à l’information du SCC qu’ils ne possédaient pas de documents répondant à la demande de Mme Constantinescu, et, le 22 août 2018, la Division de l’accès à l’information du SCC a informé celle-ci qu’il ressortait d’un « examen minutieux des dossiers » que le SCC ne possédait aucun document relatif à sa demande.

[81] Comme signalé précédemment, l’Affidavit du directeur confirme que le 20 août 2019, soit un an après que la Division de l’accès du SCC eut informé Mme Constantinescu qu’elle ne possédait aucun document relatif à sa demande, et, suite au dépôt de la présente demande de révision, la Région du Québec a aussi été consultée par la Division de l’accès du SCC et a confirmé le 25 octobre 2019 qu’elle ne possédait pas non plus de documents répondant à la demande d’accès de Mme Constantinescu.

[82] Mme Constantinescu affirme que le fait que la Région du Québec ait été consultée après le dépôt de la présente demande de révision prouve que peu de recherches réelles, voire aucune, n’ont été menées avant le prononcé de la Décision du SCC du 22 août 2018. Toutefois, je ne suis saisi d’aucun élément de preuve dont il ressortirait sérieusement que la demande de poursuite de recherche des documents n’a pas été faite simplement par acquit de conscience étant donné le niveau d’examen accru prévu par sa demande de révision; il n’y a aucune raison de supposer qu’il y a eu mauvaise foi de la part du SCC pour ce motif.

[83] La difficulté que j’ai avec l’Affidavit du directeur est qu’il ne discute nullement les circonstances de la préparation de la Déclaration de M. Durdu, ni même la manière dont le SCC s'est trouvé en possession de celle-ci. L’apparition de ce document dans les mains du SCC reste un mystère. Tout ce que nous savons, c’est que la Déclaration de M. Durdu a été communiquée par le SCC à Mme Constantinescu dans le cadre de son dossier devant le TCDP.

[84] Il aurait été préférable que Mme Constantinescu procède au contre-interrogatoire du Directeur, mais en tant que plaideur non représenté, cette possibilité ne lui est peut-être pas venue à l’esprit. Il faut rappeler que Mme Constantinescu avait également présenté au ministère de la Justice une demande d’accès à l’information similaire à celle présentée au SCC; la réponse a été la même, à savoir qu’il n’existait aucun document répondant à sa demande.

[85] La récente modification de l’article 41 de la LAI n’a pas réglé le problème soulevé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Ethyl Canada : la Cour saisie de la demande en révision ne peut évidemment pas suivre sa méthode habituelle de contrôle d’un refus lorsqu’il y a aucun document à examiner en révision de la décision de l’institution fédérale.

[86] Mme Constantinescu n’est pas non plus en mesure de produire des documents accessoires qui sont pertinents quant à l’existence des documents demandés et qui peuvent aider la Cour à exercer sa fonction de contrôle indépendant du refus de communication, tel que mentionné dans l’arrêt Ethyl Canada. Comme l’a fait valoir Mme Constantinescu, le SCC contrôle tous les documents accessoires. Dans l’arrêt Ethyl Canada, le Commissariat avait les documents accessoires en main, car ils avaient été fournis par l’institution fédérale conformément à l’article 36(2) de la LAI et le Commissariat a donc pu les introduire en preuve en vertu de l’article 46 de la LAI. Le Commissariat, n’étant pas intervenu dans la présente instance, ne peut fournir ici les éclaircissements qu’il avait fournis dans Ethyl Canada.

[87] Sans preuve satisfaisante, et sans aucune explication de la part du SCC en l’espèce, je conclus que les soupçons de Mme Constantinescu portant que les documents auxquels elle demande l’accès existent bel et bien et qu’ils ont peut-être échappé à l’attention du SCC lors de sa recherche résistent clairement à un examen minutieux (Tomar au para 46). En tout état de cause, je conclus qu’elle a présenté des arguments convaincants dans les circonstances (Olumide au para 19).

[88] La question devient alors celle de savoir de quelle manière la Cour doit exercer sa fonction de Cour de révision lorsque tous les documents accessoires sont entre les mains du défendeur, et que sa dénégation quant à l’existence du document, sans autre explication, défie la logique.

[89] Le législateur s’est explicitement exprimé sur l’un des objets clés de la LAI : sont nécessaires des recours indépendants de contrôle des décisions en matière de communication du pouvoir exécutif (alinéa 2(2)a) de la LAI). Cela explique le clair et large pouvoir accordé au juge par l’article 46 de la LAI d’examiner tous les documents pertinents dans le cadre d’une demande de révision. Comme l’a observé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Ethyl Canada au paragraphe 15 :

Lorsque des documents accessoires à une demande de communication constituent le seul type de preuve disponible dans un contrôle judiciaire d’un refus fondé sur l’inexistence de documents, il ne fait pas de doute que ces documents, s’ils ne sont pas protégés, sont admissibles dès lors qu’ils ont un rapport avec la question de l’existence des documents demandés.

[90] Je reconnais que dans l’arrêt Ethyl Canada, il ne s’agissait pas de documents visés par le recours exercé par le Commissaire à l’information en application du paragraphe 42(1) de la LAI. Les documents qui faisaient l’objet de la requête dans cette affaire étaient ceux que le Commissaire à l’information avait déjà obtenus lors de son enquête et qu’il cherchait à déposer auprès de la Cour, à l’appui du recours principal. De plus, je reconnais que c’était le demandeur, le Commissaire à l’information, qui cherchait à introduire les documents accessoires.

[91] Toutefois, je ne vois aucune incompatibilité avec le principe consacré par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Ethyl Canada, compte tenu de la mission qui incombe à la Cour dans le cadre d’une demande de révision : les documents accessoires, s’ils existent, doit être produit par la partie qui les détient, en l’espèce, le SCC.

[92] Lors de l’audience du 24 septembre 2020, j’ai demandé au procureur du SCC si elle était en mesure de faire la lumière sur les circonstances entourant la Déclaration de M. Durdu ainsi que sur ce qui semblait être une confusion entre les documents 20 et 28 dans le courriel du 8 janvier 2018 des procureurs du SCC à Mme Constantinescu concernant ce que cette dernière recherchait comme information.

[93] Semble-t-il que la procureure du SCC a confirmé que les documents 20 et 28 sont bel et bien deux documents distincts. De plus, le SCC a déclaré que la Déclaration de M. Durdu n’est ni datée ni signée et affirme qu’un élément contextuel se trouve dans la section de référence de la Déclaration de M. Durdu qui apparaît juste en dessous du nom de « Pierre-Louis Durdu » et qui se lit comme suit :

Objet : Ordre de convocation / comité d’enquête sur des allégations de comportement inapproprié de nature sexuelle et d’intimidation à l’encontre d’une autre recrue au cours du PFC-05 au collège du Personnel.

[94] En outre, le SCC soutient que la liste de la divulgation de la preuve du SCC communiquée à Mme Constantinescu dans le cadre de son dossier devant le TCDP constitue un élément contextuel supplémentaire quant à la Déclaration de M. Durdu, et il suffit à Mme Constantinescu, pour comprendre le contexte dans lequel la Déclaration de M. Durdu a été préparée, de consulter cette liste. Cependant, je ne vois toujours pas, dans les documents énumérés dans la liste de la divulgation de la preuve, les éléments qui donneraient les réponses que Mme Constantinescu cherche à obtenir par sa demande d’accès.

[95] Selon la procureure du SCC, Mme Constantinescu aura la possibilité d’obtenir les informations qu’elle recherche lors de son audition devant le TCDP. Toutefois, ce qui peut ou ne peut pas se produire devant le TCDP n’éclaire nullement la Cour en ce jour en ce qui concerne sa mission de révision indépendante de la Décision du SCC du 22 août 2018.

[96] L’avocat du SCC concède que son client n’a pas plus d’informations que ce qui a déjà été donné à Mme Constantinescu, et que le SCC ne peut que répéter ce qui a été communiqué dans la Décision du SCC du 22 août 2018. Elle ajoute que les avocats du ministère de la Justice qui défendent le SCC devant le TCDP n’ont pas participé à l’enquête du comité disciplinaire qui visait feu M. Durdu, mais concède que la Déclaration de M. Durdu était toutefois sous le contrôle du SCC. Il demeure possible selon elle, qu’il n’y avait pas d’autres documents répondant à la demande d’accès de Mme Constantinescu; nous ne pouvons aujourd’hui que conjecturer sur la matrice factuelle entourant la création et l’utilisation de la Déclaration de M. Durdu, à supposer même qu’il s’agisse en fait d’un document préparé par lui.

[97] La Cour doit disposer des preuves qui lui permettent de remplir son rôle; dans le cas présent, je ne disposais tout simplement pas de ces preuves devant moi.

[98] J’ai donc reporté l’audience au 1er octobre 2020, et j’ai émis une directive pour que le SCC signifie à Mme Constantinescu un affidavit de documents ainsi que les documents recensés dans la partie 1 de celui-ci, contenant tous les documents accessoires pertinents quant à l’existence des documents demandés par Mme Constantinescu par sa Demande d’accès, y compris les documents se référant à la Déclaration de M. Durdu. Une copie de l’affidavit du document ainsi que les documents énumérés dans la partie 1 devait être envoyée par courrier électronique au greffe de la Cour, sans être déposée ou versée au dossier de la Cour.

[99] L’émission d’une directive demandant qu’un affidavit de documents soit signifié par le SCC à Mme Constantinescu me semblait être la manière la plus efficace de procéder en l’occurrence. Bien qu’une telle procédure soit normalement réservée aux actions aux termes de la partie 4 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [RCF], plutôt qu’aux demandes relevant de la partie 5 des RCF, je ne vois pas pourquoi la Cour ne pourrait s’inspirer d’une procédure normalement prévue dans une partie des RCF pour appliquer les principes de l’article 3 des RCF dans le cadre d’une autre partie des RCF. Au final, la Cour a le pouvoir inhérent d’appliquer les RCF de façon à permettre d’apporter une solution au différend qui soit juste et la plus expéditive et économique possible (article 3 des RCF; Hryniak c Mauldin, [2014] 1 RCS 87; Tsleil-Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 128 aux paras 84 et 101).

[100] J’ai également ordonné par directive que l’affidavit de documents ainsi que les documents qui y sont recensés ne soient pas déposés au greffe afin d’en préserver la confidentialité; tout d’abord, les affidavits de documents sont normalement seulement signifiés et non déposés auprès de la Cour (paragraphe 223(1) des RCF) et, de plus, étant donné que l’on ne pouvait pas prévoir la nature des documents qui seraient divulgués, j’ai tenu compte du paragraphe 47(1) de la LAI qui exige que la Cour prenne des précautions contre la divulgation de documents d’une certaine nature. Il n’était pas nécessaire d’émettre une ordonnance de confidentialité (Blank c Canada (Justice), 2007 CAF 101).

[101] Le 30 septembre 2020, la Cour a reçu l’affidavit de documents du SCC [Affidavit de documents].

[102] Dans la lettre accompagnant l’Affidavit de documents, le SCC a fait valoir qu’en lui ordonnant par voie de directive d’identifier les documents accessoires à l’égard de l’existence des documents demandés par Mme Constantinescu, je renversais le fardeau de la preuve en ce sens qu’il devrait incomber au demandeur et non pas au défendeur de « verser des documents accessoires qui sont pertinents à l’égard de l’existence des documents demandés et qui peuvent aider la Cour à exercer sa fonction de contrôle indépendant du refus de communication du pouvoir exécutif » (Ethyl Canada au para 14)

[103] Tout d’abord, telle n’est pas ma lecture de l’arrêt Ethyl Canada. Il est clair que la Cour d’appel fédérale dans cette décision était préoccupée par la façon dont les pouvoirs de notre Cour de contrôler de manière indépendante les décisions d’une institution fédérale sont exercés dans le cadre d’un recours en contrôle judiciaire lorsque l’institution fédérale « a refusé de communiquer les documents de travail au motif que ces documents n’existaient pas ».

[104] C’est justement cette préoccupation qui m’a poussé à émettre une directive ordonnant à la seule partie en mesure de produire les documents accessoires de les produire.

[105] Ceci dit, je suis conscient des observations de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Blank c Canada (Justice), 2016 CAF 189 au paragraphe 36 [Blank 2016] :

Répétons-le, en vertu de la Loi, le rôle principal de surveillance appartient au commissaire. Le rôle de la Cour fédérale est étroitement circonscrit : l’article 41, s’il est interprété à la lumière des articles 48 et 49, limite le pouvoir de la Cour fédérale en matière de révision à ordonner la communication de dossiers précis lorsqu’elle a été refusée en contravention à la Loi. À moins que le législateur ne change la loi, il n’appartient pas à la Cour d’ordonner et de superviser la collecte des dossiers détenus par l’administrateur d’une institution publique ou d’examiner la façon dont les institutions publiques répondent aux demandes d’accès, à l’exception peut-être des circonstances les plus flagrantes de mauvaise foi.

[106] Cependant, la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Blank 2016 a eu l’occasion de consulter la version non caviardée des documents sur lesquels le demandeur s’appuyait pour affirmer la mauvaise foi de l’intimé, sous le sceau de la confidentialité, avant de conclure que la preuve au dossier ne donnait pas de motifs raisonnables de conclure à une tentative de compromettre l’intégrité des dossiers (Blank 2016 aux paras 34 et 36).

[107] Dans la décision Friesen, le juge Barnes, faisant écho aux préoccupations exprimées par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Blank 2016, a observé, au paragraphe 13 :

La préoccupation de Mme Friesen en ce qui concerne l’existence possible d’autres documents se résume à de la spéculation de sa part qui ne pourrait être corrigée que par une ordonnance obligeant le ministère à mener une recherche plus poussée en ce qui concerne ses documents – un pouvoir dont la Cour n’est pas investie : voir la décision de la Cour d’appel fédérale dans Blank, précitée, au paragraphe 36.

[108] Cependant, comme c’était le cas dans de nombreuses décisions de notre Cour citées précédemment, la demanderesse avait déjà reçu ce que l’institution fédérale déclarait être tous les documents qu’elle possédait en réponse à sa demande d’accès. Simplement, Mme Friesen n’était toujours pas convaincue que tous les documents pertinents lui avaient été produits et elle a donc déposé une demande de révision. En fin de compte, le juge Barnes a été satisfait de la preuve qui lui avait été présentée : le refus de divulguer n'était pas « illégal ».

[109] Il me semble que la jurisprudence de notre Cour enseigne qu’il est essentiel que la Cour dispose de preuves suffisantes pour pouvoir exercer sa mission de contrôle, en particulier lorsque le refus pour cause d’inexistence des documents défie la logique.

[110] En l’espèce, comme signalé précédemment, vu les circonstances de la présente affaire, j’ai conclu qu’il y avait des motifs raisonnables pour mener une enquête plus approfondie sur l’existence de documents accessoires qui sont pertinents quant à l’existence des documents demandés et qui peuvent aider notre Cour à exercer sa mission de contrôle judiciaire du refus de communication (Ethyl Canada au para 14 – ce qui n’était pas le cas dans les affaires Yeager, Olumide ou Tomar).

[111] De toute façon, il me semble que Mme Constantinescu s’est déjà acquittée de son fardeau en établissant des raisons logiques et suffisantes pour que la Cour recherche les preuves dont elle a besoin, surtout considérant l’absence de toute explication raisonnable de la part du SCC dans les circonstances.

[112] Cela dit, en l’espèce, n’est pas vraiment en jeu une question de fardeau de la preuve; il s’agit plutôt de permettre à la Cour d’obtenir des parties les éléments de preuve qu’elles contrôlent et qui lui permettra d’exercer sa mission de contrôle indépendant, et comme je l’ai déjà signalé, je ne vois pas en quoi serait incompatible avec le principe consacré par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Ethyl Canada concernant la production de documents accessoires par la partie qui les détient.

[113] De plus, et contrairement à ce que soutient le SCC, je n’ai pas ordonné au SCC de procéder à une recherche supplémentaire des documents en question. Je retiens l’idée que le pouvoir de la Cour fédérale, aux termes des articles 41 et 49 de la LAI, n’inclut pas le pouvoir de rendre une ordonnance enjoignant à une institution fédérale de mener une recherche plus poussée de documents non recensés (Friesen au para 12). Ma directive ne visait pas la Déclaration de M. Durdu, mais plutôt les documents accessoires qui auraient raisonnablement inclus des documents faisant référence à la Déclaration de M. Durdu qui aurait déjà dû avoir été identifié et examiné par le SCC avant la communication à Mme Constantinescu de la Décision du SCC du 22 août 2018, en supposant bien sûr que leur enquête initiale ait été correctement effectuée.

[114] Par conséquent, la directive n’a pas non plus eu pour effet, comme le soutient le SCC, de rendre théorique la demande de révision de Mme Constantinescu en lui octroyant la mesure finalement sollicitée, soit que le SCC effectue une nouvelle recherche dans ses dossiers. Encore une fois, la directive ne visait pas la Déclaration de M. Durdu. De deux choses l’une : soit les documents accessoires permettant au SCC d’avoir valablement communiqué la Décision du SCC du 22 août 2018 ont fait l’objet d’un « examen minutieux », soit ils ne l’ont pas été.

[115] Quant à savoir si ma directive était conforme à l’un des objets de la LAI, au moment où la directive a été émise, la Cour n’était pas encore en mesure de conclure « au bon droit de la personne qui a exercé un recours en révision d’une décision de refus de communication » (article 49 de la LAI). S’il avait été finalement conclu que le SCC avait indûment refusé l’accès à l’information, la Cour aurait pu rendre toute autre ordonnance qu’elle estime indiquée (article 49 de la LAI; voir également Canada (Information Commissioner) v Canada (Minister of External Affairs), T-1042-86, T-1090-86, T-1200-86, jugement non publié du juge Muldoon, cité dans la décision Re X au para 12).

[116] En tout cas, la divulgation des documents accessoires par le SCC a permis à la Cour d’apprécier correctement le contexte de la Décision du SCC du 22 août 2018 en fournissant une explication qui rend cette décision compréhensible.

[117] Il ressort de la preuve que la Déclaration de M. Durdu est conservée au Collège du Personnel dans le dossier matériel d’enquête disciplinaire de feu M. Durdu, au sein d’une pochette identifiée comme « Documents déposés par P-L Durdu ». Cette section contient deux documents, soit la Déclaration de M. Durdu, ainsi qu’un avis juridique à l’attention de feu M. Durdu rédigé par son avocat. Nous pouvons maintenant comprendre que feu M. Durdu avait engagé un avocat externe dans le cadre de l’enquête concernant son comportement à l’égard de Mme Constantinescu. Cela permet de comprendre pourquoi le SCC n’a aucun document répondant à la demande d’accès de Mme Constantinescu, et comment la Déclaration de M. Durdu, incluse dans le dossier matériel de l’enquête disciplinaire, s’est retrouvée en possession du SCC.

[118] Le Rapport d’enquête confirme que feu M. Durdu est arrivé à son audience avec ses notes personnelles en main, qui ont été identifiées dans la section « liste des documents » de ce rapport ainsi que d’autres documents, dont une lettre de l’avocat de M. Durdu. Le SCC a fait la preuve devant notre Cour que la Déclaration de M. Durdu constituait en fait le même document que les « notes personnelles » de M. Durdu figurant au Rapport d’enquête.

[119] L’avis juridique adressé à feu M. Durdu n’était pas mentionné dans la partie 1 de l’Affidavit de documents, mais seulement dans la partie déclarative de celle-ci. La raison pour laquelle l’avis juridique a été divulgué de cette manière par le SCC n’est pas claire, mais comme une copie de l’avis juridique n’a pas été communiquée à Mme Constantinescu avec les documents énumérés dans la partie 1 de l'Affidavit de documents, je dois supposer qu’elle demeure libre d’en demander l’accès. Comme M. Durdu est maintenant décédé, les problèmes relatifs à la divulgation en raison du secret professionnel de l’avocat sont peut-être moins importants.

[120] Avec cette clarification, la Cour peut mieux comprendre pourquoi le SCC a pu raisonnablement affirmer n’avoir aucun document en sa possession répondant à la demande d’accès de Mme Constantinescu.

[121] Il se peut bien que toute cette affaire aurait pu être évitée s’il n’y avait pas eu ce manque d’attention présumé de la part du procureur du SCC lorsqu’il a répondu le 8 janvier 2018 à la demande d’information introduite par Mme Constantinescu concernant ce qui était clairement un document très important dans le cadre de sa plainte devant le TCDP, mais là encore, il est difficile de le dire.

[122] En fin de compte, l’argument logique de Mme Constantinescu peut donc être écarté par l’absence de preuve au soutien de ses prétentions; il n’existe pas d’éléments de preuve, au-delà de simples soupçons, desquels il ressortirait que les renseignements visés par la demande d’accès existeraient et seraient en possession du SCC. Par conséquent, la présente demande de révision doit être rejetée.

VIII. Questions corollaires à ma directive

[123] Au cours de la séance du 1er octobre 2020, Mme Constantinescu a cherché à contre-interroger la signataire de l’Affidavit de documents en partant du principe que l’affidavit en question était évasif et trompeur. Le SCC s’est opposé à cette demande. J’ai donc reporté l’audience au 12 novembre 2020 et demandé aux parties de présenter des observations écrites sur cette question.

[124] L’article 227 des RCF dispose :

Sanctions

 

Sanctions

227 La Cour peut, sur requête, si elle est convaincue qu’un affidavit de documents est inexact ou insuffisant, examiner tout document susceptible d’être pertinent et ordonner :

 

227 On motion, where the Court is satisfied that an affidavit of documents is inaccurate or deficient, the Court may inspect any document that may be relevant and may order that

a) que l’auteur de l’affidavit soit contre-interrogé;

 

(a) the deponent of the affidavit be cross-examined;

b) qu’un affidavit exact ou complet soit signifié et déposé;

 

(b) an accurate or complete affidavit be served and filed;

c) que les actes de procédure de la partie pour le compte de laquelle l’affidavit a été établi soient radiés en totalité ou en partie;

 

(c) all or part of the pleadings of the party on behalf of whom the affidavit was made be struck out; or

d) que la partie pour le compte de laquelle l’affidavit a été établi paie les dépens.

 

(d) that the party on behalf of whom the affidavit was made pay costs.

[125] Le fardeau de la preuve repose sur Mme Constantinescu qui doit produire à la Cour des preuves convaincantes dont il ressort que des documents existants n’ont pas été mentionnés dans l’Affidavit de documents (Pharmascience inc. c Glaxosmithkline inc., 2007 CF 1261 aux paras 17 à 19). Mme Constantinescu ne m’en a pas convaincu; en outre, je ne peux conclure que l’Affidavit de documents est inexact ou insuffisant.

[126] En cherchant à interroger la signataire de l’Affidavit de documents, Mme Constantinescu a également pour intention d’apprendre plus au sujet des documents produits au cours de l’enquête concernant feu M. Durdu, y compris le Rapport d’enquête, notamment de savoir s’ils ont tous été effectivement réunis dans un cartable et remis à la signataire de l’Affidavit de documents.

[127] À ce stade, je constate que l’intention de Mme Constantinescu dépasse la portée de la présente demande de révision. Il ne fait aucun doute que la signataire a consulté les documents en cause afin de préparer l’Affidavit de documents. En outre, chose plus importante encore, ordonner par directive au SCC de signifier un Affidavit de documents avait pour but de permettre à la Cour de mieux apprécier le contexte entourant le refus de communiquer des documents de la part du SCC; il ne s’agissait pas de donner à Mme Constantinescu plus de poids pour poursuivre des pistes de recherche dans le cadre de la procédure devant le TCDP.

[128] En l’espèce, je suis d’avis que la Cour dispose maintenant des éléments de preuve nécessaires pour se prononcer sur la présente demande de révision et, bien que Mme Constantinescu continue de conjecturer sur la question de savoir si les notes personnelles mentionnées dans le Rapport d’enquête constituent en fait le document 20, à savoir la Déclaration de M. Durdu, cette recherche devra se faire à l’audience devant le TCDP. Pour l’instant, je ne suis pas convaincu que permettre à Mme Constantinescu de contre-interroger la signataire de l’Affidavit de documents apportera plus de lumière à ce sujet.

[129] Mme Constantinescu a également demandé si les documents énumérés dans la partie 2 de l’Affidavit de documents auxquels une prétention au secret professionnel de l’avocat est censée se rattacher sont correctement exclus de la divulgation. J’ai examiné les documents et je conclus qu’ils le sont. Ils ne doivent donc pas être divulgués à Mme Constantinescu (Blank c Canada (Ministre de l'environnement), 2001 CAF 374 au para 17).

IX. Conclusion

[130] La Cour a l’obligation, le cas échéant, d’accorder une certaine latitude aux plaideurs qui se représentent eux-mêmes et qui n’ont souvent pas bénéficié des conseils d’un avocat, afin qu’ils puissent comprendre qu’ils ont eu droit à une procédure équitable. Mme Constantinescu a parcouru un long chemin dans la présente affaire, et vu que les circonstances entourant la Déclaration de M. Durdu ont apparemment été la source d’une immense détresse pour Mme Constantinescu, j’espère qu’elle pourra maintenant tourner la page.

[131] Mme Constantinescu a été constamment informée, notamment par le TCDP, qu’elle aurait la possibilité d’obtenir des informations concernant les circonstances entourant la préparation de la Déclaration de M. Durdu lorsqu’elle contre-interrogerait M. Durdu lors de l’audience devant le TCDP. M. Durdu est décédé depuis lors et Mme Constantinescu s’est donc tournée vers moi.

[132] Je compatis avec Mme Constantinescu dans la mesure où les choses ont changé concernant la Déclaration de M. Durdu vu son décès. Je ne peux que répéter ce que le TCDP lui avait précédemment signalé, soit qu’il « est important de comprendre que le stade de la divulgation des documents est différent du stade de l’admission des éléments de preuve lors des audiences [...] ». Des solutions procédurales s’ouvriront peut-être à Mme Constantinescu lors de l’introduction en preuve de la Déclaration de M. Durdu dans le cadre de sa plainte devant le TCDP.

[133] Pour les motifs qui précèdent, je rejette la présente demande de révision.

X. Les dépens

[134] Le SCC s’appuie enfin sur l’article 53 de la LAI pour demander que Mme Constantinescu soit condamnée aux dépens. Il qualifie sa demande de frivole, vexatoire et abusive et soutient qu’elle ne soulève aucun principe important et nouveau. Une illustration du caractère abusif de la demande serait la persistance de Mme Constantinescu après que la protonotaire Steele lui aurait indiqué dans son ordonnance du 7 novembre 2019 que sa preuve pourrait être insuffisante, surtout après que le défendeur ait mené des recherches plus approfondies pour trouver les renseignements après le dépôt de la demande de révision.

[135] Le SCC ajoute que Mme Constantinescu n’a fait que salir la réputation de plusieurs personnes au sein du SCC et du Commissariat avec des allégations fallacieuses d’abus, de falsification et de destruction de documents dans sa poursuite résolue de documents qui n’existent pas. Par conséquent, la seule façon de mettre fin au comportement abusif continu de Mme Constantinescu serait de la condamner aux dépens, pour un montant de 2 000 $.

[136] Pour sa part, Mme Constantinescu reste convaincue que chaque allégation et affirmation qu’elle a faites sont étayées par des preuves. Elle insiste sur le fait que les informations qu’elle recherchait auraient très facilement pu être recueillies par le SCC auprès de M. Durdu avant son décès. Lorsque je lui ai rappelé que l’obligation des institutions fédérales aux termes de la LAI était de divulguer des documents, et non de recueillir des informations ou d’expliquer les documents qui ont été communiqués, elle a signalé que ce n’est que dans le cadre de la présente demande de révision qu’elle a compris, pour la première fois, la position du SCC selon laquelle le document décrit comme les notes personnelles de M. Durdu figurant au Rapport d’enquête est le même document que Déclaration de M. Durdu.

[137] Comme signalé précédemment, j’ai la conviction que l’issue du présent processus permet maintenant à Mme Constantinescu d’accepter la Décision du SCC du 22 août 2018 comme correcte. Par conséquent, ce processus n’aura pas été en vain.

[138] J’ai examiné l’article 53 de la LAI, en particulier le paragraphe 53(2). Bien que la chose n’était pas évidente au départ, la présente affaire a soulevé une question importante qui, à mon avis, n’avait pas été discutée de manière complète par notre Cour dans le passé. Pour cette raison, j’aurais été enclin à accorder les dépens en faveur de Mme Constantinescu, indépendamment du fait que sa demande soit été rejetée. Toutefois, je ne peux pas approuver la manière dont Mme Constantinescu a constamment, tant dans ses écrits que verbalement devant moi, porté des accusations d’irrégularité, de tromperie et de mauvaise foi à l’encontre des personnes qui sont intervenues dans le traitement de sa demande d'accès. Je ne peux que prendre en considération son comportement tout au long de la procédure en ce qui concerne l’attribution des dépens.

[139] Dans l’ensemble, il n’y a pas lieu d’accorder des dépens. Bien que je comprenne que Mme Constantinescu se sente flouée par le demandeur, cela ne justifie pas ses attaques personnelles. Mme Constantinescu aurait pu mieux servir sa cause en se concentrant sur les vrais problèmes plutôt que d’attiser les flammes avec un langage caustique, quelle que soit son sentiment. Comme je l’ai signalé, j’espère que Mme Constantinescu comprend maintenant que le SCC ne possède aucun document répondant à sa Demande d’accès, et qu’elle aura probablement la possibilité, dans le cadre de la poursuite de sa plainte devant la TCDP, d’obtenir toute information pertinente du SCC au moment opportun. Ma décision en ce qui concerne les dépens reflète strictement le dossier dont j’étais saisi et elle ne doit nullement préjuger la manière dont un ou une autre juge pourrait se prononcer sur les dépens si les questions relatives à la présente demande de révision devaient être soulevées et discutées ultérieurement.


JUGEMENT au dossier T-1125-19

LA COUR STATUE que :

  1. L’intitulé de la cause soit modifié pour indiquer le Service correctionnel du Canada à titre de défendeur.

  2. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  3. Aucun dépens.

« Peter G. Pamel »

Juge


Annexe A

Avant Projet de Loi C-58

Objet

 

Purpose

2(1) La présente loi a pour objet d’élargir l’accès aux documents de l’administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

 

2(1) The purpose of this Act is to extend the present laws of Canada to provide a right of access to information in records under the control of a government institution in accordance with the principles that government information should be available to the public, that necessary exceptions to the right of access should be limited and specific and that decisions on the disclosure of government information should be reviewed independently of government.

 

Étoffement des modalités d’accès

 

Complementary procedures

(2) La présente loi vise à compléter les modalités d’accès aux documents de l’administration fédérale; elle ne vise pas à restreindre l’accès aux renseignements que les institutions fédérales mettent normalement à la disposition du grand public.

 

(2) This Act is intended to complement and not replace existing procedures for access to government information and is not intended to limit in any way access to the type of government information that is normally available to the general public.

Refus de communication

 

Where access is refused

10(1) En cas de refus de communication totale ou partielle d’un document demandé en vertu de la présente loi, l’avis prévu à l’alinéa 7a) doit mentionner, d’une part, le droit de la personne qui a fait la demande de déposer une plainte auprès du Commissaire à l’information et, d’autre part :

 

10(1) Where the head of a government institution refuses to give access to a record requested under this Act or a part thereof, the head of the institution shall state in the notice given under paragraph 7(a):

a) soit le fait que le document n’existe pas;

 

(a) that the record does not exist, or

b) soit la disposition précise de la présente loi sur laquelle se fonde le refus ou, s’il n’est pas fait état de l’existence du document, la disposition sur laquelle il pourrait vraisemblablement se fonder si le document existait.

 

(b) the specific provision of this Act on which the refusal was based or, where the head of the institution does not indicate whether a record exists, the provision on which a refusal could reasonably be expected to be based if the record existed,

and shall state in the notice that the person who made the request has a right to make a complaint to the Information Commissioner about the refusal.

 

Dispense de divulgation de l’existence d’un document

 

Existence of a record not required to be disclosed

(2) Le paragraphe (1) n’oblige pas le responsable de l’institution fédérale à faire état de l’existence du document demandé.

 

(2) The head of a government institution may but is not required to indicate under subsection (1) whether a record exists.

Présomption de refus

 

Deemed refusal to give access

(3) Le défaut de communication totale ou partielle d’un document dans les délais prévus par la présente loi vaut décision de refus de communication.

 

(3) Where the head of a government institution fails to give access to a record requested under this Act or a part thereof within the time limits set out in this Act, the head of the institution shall, for the purposes of this Act, be deemed to have refused to give access.

 

[...]

 

[...]

Révision par la Cour fédérale

 

Review by Federal Court

41 La personne qui s’est vu refuser communication totale ou partielle d’un document demandé en vertu de la présente loi et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à l’information peut, dans un délai de quarante-cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire prévu au paragraphe 37(2), exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou après l’expiration du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation.

 

41 Any person who has been refused access to a record requested under this Act or a part thereof may, if a complaint has been made to the Information Commissioner in respect of the refusal, apply to the Court for a review of the matter within forty-five days after the time the results of an investigation of the complaint by the Information Commissioner are reported to the complainant under subsection 37(2) or within such further time as the Court may, either before or after the expiration of those forty-five days, fix or allow.

 

[...]

 

[...]

Accès aux documents

 

Access to records

46 Nonobstant toute autre loi fédérale et toute immunité reconnue par le droit de la preuve, la Cour a, pour les recours prévus aux articles 41, 42 et 44, accès à tous les documents qui relèvent d’une institution fédérale et auxquels la présente loi s’applique; aucun de ces documents ne peut, pour quelque motif que ce soit, lui être refusé.

 

46 Notwithstanding any other Act of Parliament or any privilege under the law of evidence, the Court may, in the course of any proceedings before the Court arising from an application under section 41, 42 or 44, examine any record to which this Act applies that is under the control of a government institution, and no such record may be withheld from the Court on any grounds.

 

[...]

 

[...]

Accès aux documents

 

Access to records

Charge de la preuve

 

Burden of proof

48 Dans les procédures découlant des recours prévus aux articles 41 ou 42, la charge d’établir le bien-fondé du refus de communication totale ou partielle d’un document incombe à l’institution fédérale concernée.

 

48 In any proceedings before the Court arising from an application under section 41 or 42, the burden of establishing that the head of a government institution is authorized to refuse to disclose a record requested under this Act or a part thereof shall be on the government institution concerned.

 

Ordonnance de la Cour dans les cas où le refus n’est pas autorisé

 

Order of Court where no authorization to refuse disclosure found

49 La Cour, dans les cas où elle conclut au bon droit de la personne qui a exercé un recours en révision d’une décision de refus de communication totale ou partielle d’un document fondée sur des dispositions de la présente loi autres que celles mentionnées à l’article 50, ordonne, aux conditions qu’elle juge indiquées, au responsable de l’institution fédérale dont relève le document en litige d’en donner à cette personne communication totale ou partielle; la Cour rend une autre ordonnance si elle l’estime indiqué.

 

49 Where the head of a government institution refuses to disclose a record requested under this Act or a part thereof on the basis of a provision of this Act not referred to in section 50, the Court shall, if it determines that the head of the institution is not authorized to refuse to disclose the record or part thereof, order the head of the institution to disclose the record or part thereof, subject to such conditions as the Court deems appropriate, to the person who requested access to the record, or shall make such other order as the Court deems appropriate.

[...]

 

[...]

Frais et dépens

 

Costs

53(1) Sous réserve du paragraphe (2), les frais et dépens sont laissés à l’appréciation de la Cour et suivent, sauf ordonnance contraire de la Cour, le sort du principal.

 

53(1) Subject to subsection (2), the costs of and incidental to all proceedings in the Court under this Act shall be in the discretion of the Court and shall follow the event unless the Court orders otherwise.

 

Idem

 

Idem

(2) Dans les cas où elle estime que l’objet des recours visés aux articles 41 et 42 a soulevé un principe important et nouveau quant à la présente loi, la Cour accorde les frais et dépens à la personne qui a exercé le recours devant elle, même si cette personne a été déboutée de son recours.

 

(2) Where the Court is of the opinion that an application for review under section 41 or 42 has raised an important new principle in relation to this Act, the Court shall order that costs be awarded to the applicant even if the applicant has not been successful in the result.

 


Annexe B

Amendement après Projet de loi C-58

Objet de la loi

 

Purpose of Act

2(1) La présente loi a pour objet d’accroître la responsabilité et la transparence des institutions de l’État afin de favoriser une société ouverte et démocratique et de permettre le débat public sur la conduite de ces institutions.

 

2(1) The purpose of this Act is to enhance the accountability and transparency of federal institutions in order to promote an open and democratic society and to enable public debate on the conduct of those institutions.

Objets spécifiques : parties 1 et 2

 

Specific purposes of Parts 1 and 2

(2) À cet égard :

 

(2) In furtherance of that purpose,

 

a) la partie 1 élargit l’accès aux documents de l’administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif;

(a) Part 1 extends the present laws of Canada to provide a right of access to information in records under the control of a government institution in accordance with the principles that government information should be available to the public, that necessary exceptions to the right of access should be limited and specific and that decisions on the disclosure of government information should be reviewed independently of government; and

 

b) la partie 2 fixe des exigences visant la publication proactive de renseignements.

 

(b) Part 2 sets out requirements for the proactive publication of information.

[...]

 

[...]

Refus de communication

Where access is refused

 

 

10(1) En cas de refus de communication totale ou partielle d’un document demandé en vertu de la présente partie, l’avis prévu à l’alinéa 7a) doit mentionner, d’une part, le droit de la personne qui a fait la demande de déposer une plainte auprès du Commissaire à l’information et, d’autre part :

 

10(1) Where the head of a government institution refuses to give access to a record requested under this Part or a part thereof, the head of the institution shall state in the notice given under paragraph 7(a)

a) soit le fait que le document n’existe pas;

 

(a) that the record does not exist, or

b) soit la disposition précise de la présente partie sur laquelle se fonde le refus ou, s’il n’est pas fait état de l’existence du document, la disposition sur laquelle il pourrait vraisemblablement se fonder si le document existait.

 

(b) the specific provision of this Part on which the refusal was based or, where the head of the institution does not indicate whether a record exists, the provision on which a refusal could reasonably be expected to be based if the record existed,

and shall state in the notice that the person who made the request has a right to make a complaint to the Information Commissioner about the refusal.

 

Dispense de divulgation de l’existence d’un document

 

Existence of a record not required to be disclosed

(2) Le paragraphe (1) n’oblige pas le responsable de l’institution fédérale à faire état de l’existence du document demandé.

 

(2) The head of a government institution may but is not required to indicate under subsection (1) whether a record exists.

Présomption de refus

 

Deemed refusal to give access

(3) Le défaut de communication totale ou partielle d’un document dans les délais prévus par la présente partie vaut décision de refus de communication.

 

(3) Where the head of a government institution fails to give access to a record requested under this Part or a part thereof within the time limits set out in this Part, the head of the institution shall, for the purposes of this Part, be deemed to have refused to give access.

 

[...]

 

[...]

Réception des plaintes et enquêtes

 

Receipt and investigation of complaints

30(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le Commissaire à l’information reçoit les plaintes et fait enquête sur les plaintes :

 

30(1) Subject to this Part, the Information Commissioner shall receive and investigate complaints

a) déposées par des personnes qui se sont vu refuser la communication totale ou partielle d’un document qu’elles ont demandé en vertu de la présente partie;

 

(a) from persons who have been refused access to a record requested under this Part or a part thereof;

b) déposées par des personnes qui considèrent comme excessif le montant réclamé en vertu de l’article 11;

 

(b) from persons who have been required to pay an amount under section 11 that they consider unreasonable;

c) déposées par des personnes qui ont demandé des documents dont les délais de communication ont été prorogés en vertu de l’article 9 et qui considèrent la prorogation comme abusive;

 

(c) from persons who have requested access to records in respect of which time limits have been extended pursuant to section 9 where they consider the extension unreasonable;

d) déposées par des personnes qui se sont vu refuser la traduction visée au paragraphe 12(2) ou qui considèrent comme contre-indiqué le délai de communication relatif à la traduction;

 

(d) from persons who have not been given access to a record or a part thereof in the official language requested by the person under subsection 12(2), or have not been given access in that language within a period of time that they consider appropriate;

 

d.1) déposées par des personnes qui se sont vu refuser la communication des documents ou des parties en cause sur un support de substitution au titre du paragraphe 12(3) ou qui considèrent comme contre-indiqué le délai de communication relatif au transfert;

 

(d.1) from persons who have not been given access to a record or a part thereof in an alternative format pursuant to a request made under subsection 12(3), or have not been given such access within a period of time that they consider appropriate;

e) portant sur le répertoire ou le bulletin visés à l’article 5;

 

(e) in respect of any publication or bulletin referred to in section 5; or

 

f) portant sur toute autre question relative à la demande ou à l’obtention de documents en vertu de la présente partie.

 

(f) in respect of any other matter relating to requesting or obtaining access to records under this Part.

Révision par la Cour fédérale: plaignant

 

Review by Federal Court — complainant

41(1) Le plaignant dont la plainte est visée à l’un des alinéas 30(1)a) à e) et qui reçoit le compte rendu en application du paragraphe 37(2) peut, dans les trente jours ouvrables suivant la réception par le responsable de l’institution fédérale du compte rendu, exercer devant la Cour un recours en révision des questions qui font l’objet de sa plainte.

 

41(1) A person who makes a complaint described in any of paragraphs 30(1)(a) to (e) and who receives a report under subsection 37(2) in respect of the complaint may, within 30 business days after the day on which the head of the government institution receives the report, apply to the Court for a review of the matter that is the subject of the complaint.

[...]

 

[...]

Révision de novo

 

De novo review

44.1 Il est entendu que les recours prévus aux articles 41 et 44 sont entendus et jugés comme une nouvelle affaire.

 

44.1 For greater certainty, an application under section 41 or 44 is to be heard and determined as a new proceeding.

 

[...]

 

[...]

Accès aux documents

 

Access to records

46 Malgré toute autre loi fédérale, toute immunité reconnue par le droit de la preuve, le secret professionnel de l’avocat ou du notaire et le privilège relatif au litige, la Cour a, pour les recours prévus aux articles 41 et 44, accès à tous les documents qui relèvent d’une institution fédérale et auxquels la présente partie s’applique; aucun de ces documents ne peut, pour quelque motif que ce soit, lui être refusé.

 

46 Despite any other Act of Parliament, any privilege under the law of evidence, solicitor-client privilege or the professional secrecy of advocates and notaries and litigation privilege, the Court may, in the course of any proceedings before it arising from an application under section 41 or 44, examine any record to which this Part applies that is under the control of a government institution, and no such record may be withheld from the Court on any grounds.

 

[...]

 

[...]

Charge de la preuve : paragraphes 41(1) et (2)

 

Burden of proof — subsection 41(1) or (2)

48(1) Dans les procédures découlant des recours prévus aux paragraphes 41(1) et (2), la charge d’établir le bien-fondé du refus de communication totale ou partielle d’un document ou des actions posées ou des décisions prises qui font l’objet du recours incombe à l’institution fédérale concernée.

 

48(1) In any proceedings before the Court arising from an application under subsection 41(1) or (2), the burden of establishing that the head of a government institution is authorized to refuse to disclose a record requested under this Part or a part of such a record or to make the decision or take the action that is the subject of the proceedings is on the government institution concerned.

 

Ordonnance de la Cour dans les cas où le refus est autorisé

 

Order of Court if authorization to refuse disclosure found

 

50.1 La Cour, dans les cas où elle conclut au bon droit du responsable de l’institution fédérale de refuser la communication totale ou partielle d’un document au titre de dispositions de la présente partie autres que celles mentionnées à l’article 50 ou que le refus du responsable de l’institution fédérale est fondé sur des motifs raisonnables lorsque le refus s’appuyait sur les articles 14 ou 15 ou sur les alinéas 16(1)c) ou d) ou 18d), rend une ordonnance où elle déclare que le responsable de l’institution fédérale n’est pas tenu de respecter les dispositions de l’ordonnance du Commissaire à l’information qui traitent des questions qui font l’objet du recours ou rend toute autre ordonnance qu’elle estime indiquée.

 

50.1 The Court shall, if it determines that the head of a government institution is authorized to refuse to disclose a record or a part of a record on the basis of a provision of this Part not referred to in section 50 or that the head of the institution has reasonable grounds on which to refuse to disclose a record or a part of a record on the basis of section 14 or 15 or paragraph 16(1)(c) or (d) or 18(d), make an order declaring that the head of the institution is not required to comply with the provisions of the Information Commissioner’s order that relate to the matter that is the subject of the proceedings, or shall make any other order that it considers appropriate.

Ordonnance de la Cour : autres décisions ou actions

 

Order of Court — other decisions or actions

50.2 Dans les cas où les questions qui font l’objet du recours portent sur des décisions ou des actions du responsable de l’institution fédérale autres que celles visées à l’un des articles 49 à 50.1, la Cour :

 

50.2 If the subject matter of the proceedings before the Court is the decision or action of the head of a government institution, other than a decision or action referred to in any of sections 49 to 50.1, the Court shall,

 

 

a) si elle conclut que les décisions ou actions n’étaient pas autorisées, rend une ordonnance où elle déclare que le responsable de l’institution fédérale est tenu de respecter les dispositions de l’ordonnance du Commissaire à l’information qui traitent de ces questions ou rend toute autre ordonnance qu’elle estime indiquée;

 

(a) if it determines that the head of the institution is not authorized to make that decision or to take that action, make an order declaring that the head of the institution is required to comply with the provisions of the Information Commissioner’s order that relate to that matter, or make any other order that it considers appropriate; or

b) si elle conclut au bien-fondé des décisions ou actions, rend une ordonnance où elle déclare que le responsable de l’institution fédérale n’est pas tenu de respecter les dispositions de l’ordonnance du Commissaire à l’information qui traitent de ces questions ou rend toute autre ordonnance qu’elle estime indiquée.

 

(b) if it determines that the head of the institution is authorized to make that decision or to take that action, make an order declaring that the head of the institution is not required to comply with the provisions of the Information Commissioner’s order that relate to that matter, or make any other order that it considers appropriate.

[...]

 

[...]

Frais et dépens

 

Costs

53(1) Sous réserve du paragraphe (2), les frais et dépens sont laissés à l’appréciation de la Cour et suivent, sauf ordonnance contraire de la Cour, le sort du principal.

 

53(1) Subject to subsection (2), the costs of and incidental to all proceedings in the Court under this Part shall be in the discretion of the Court and shall follow the event unless the Court orders otherwise.

Principe important et nouveau

 

Costs — important new principle

(2) Dans les cas où elle estime que l’objet des recours prévus à l’article 41 a soulevé un principe important et nouveau quant à la présente partie, la Cour accorde les frais et dépens à la personne qui a exercé le recours devant elle, même si cette personne a été déboutée de son recours.

 

(2) If the Court is of the opinion that an application for review under section 41 has raised an important new principle in relation to this Part, the Court shall order that costs be awarded to the applicant even if the applicant has not been successful in the result.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

t-1125-19

 

INTITULÉ :

CECILIA CONSTANTINESCU c SERVICE CORRECTIONEL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AFFAIRE ENTENDUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À montréal (québec)

 

DATES DE L’AUDIENCE :

LE 24 SEPTEMBRE, le 1er octobre et le 12 novembre 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PAMEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 16 mars 2021

 

COMPARUTIONS :

Cecilia Constantinescu

POUR LA DEMANDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Me Marilou Bordeleau

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

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