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Date : 20210401


Dossier : IMM-7272-19

Référence : 2021 CF 285

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 1er avril 2021

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

PAULA ANDREA ALZATE RAMIREZ

MARTINA BURGOS ALZATE

SARA BURGOS ALZATE

TOMAS BURGOS ALZATE

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Mme Paula Andrea Alzate Ramirez (la demanderesse principale) et ses enfants d’âge mineur Martina Burgos Alzate, Sara Burgos Alzate et Tomas Burgos Alzate (les demandeurs) sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui a rejeté leur appel d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SPR). La SAR a confirmé la décision de la SPR selon laquelle les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi).

[2] La demanderesse principale est citoyenne de la Colombie et ses enfants sont citoyens de l’Argentine.

[3] La demanderesse principale a fondé sa demande d’asile sur la crainte de son ancien conjoint, un citoyen de l’Argentine, qui l’a violentée durant et après son mariage; elle a par ailleurs affirmé qu’elle ne pouvait se réclamer de la protection de l’État en Argentine. La SAR a conclu que la demanderesse principale n’avait pas réfuté la présomption qu’elle avait accès à la protection de l’État, et elle a fait état des programmes gouvernementaux qui témoignent d’une telle protection.

[4] À l’appui de son appel, la demanderesse principale a présenté les lettres de deux avocats en Argentine portant sur l’absence de protection de l’État. Ces lettres ont été admises par la SAR en tant que « nouveaux éléments de preuve » au sens du paragraphe 110(4) de la Loi.

[5] Les demandeurs affirment que la décision est déraisonnable du fait que notamment, la SAR n’a pas tenu compte de tous les éléments de preuve témoignant de l’inefficacité de l’État en matière de protection.

[6] Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) soutient que les demandeurs sollicitent essentiellement une réévaluation de la preuve et que l’intervention de la Cour est injustifiée.

[7] Suivant l’arrêt récent de la Cour suprême du Canada, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov 2019 CSC 65 (C.S.C.), la norme de la décision raisonnable est présumée s’appliquer aux décisions administratives, y compris les décisions rendues en vertu de la Loi, sauf lorsque l’intention du législateur ou la primauté du droit indique le contraire; voir Vavilov, précité, au para 23.

[8] Dans l’examen du caractère raisonnable, la Cour doit se demander si la décision faisant l’objet d’un contrôle « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci »; voir Vavilov, précité, au para 99.

[9] La demanderesse principale n’a pas demandé l’asile parce qu’elle craignait les réactions de son ancien conjoint et qu’elle jugeait cette tentative inutile.

[10] L’examen de la SAR a porté sur la preuve objective liée aux ressources étatiques en matière de protection contre la violence conjugale. La SAR s’est également penchée sur la situation personnelle de la demanderesse principale. Elle a conclu que la demanderesse principale n’a pas montré que les organismes et les acteurs de l’État ne lui offriraient pas de protection contre son ancien conjoint.

[11] La SAR a rejeté l’argument des demandeurs selon lequel il serait inutile de demander la protection de l’État; elle a tenu compte de la preuve objective fournie en matière de protection de l’État, de même que des nouveaux éléments de preuve présentés. Il n’appartient pas à la SAR de montrer que la protection de l’État n’est pas disponible ou qu’elle est inefficace; voir l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Mudrak c Canada, 2016 CAF 178 (C.A.F.).

[12] Le fait qu’une personne n’a pas demandé la protection de l’État n’est pas un élément déterminant dans une demande d’asile, mais il s’agit d’un fait pertinent pour statuer sur celle‑ci; voir la décision Sandoval c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 868. L’arrêt de la Cour suprême du Canada, Ward c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] R.C.S. 689 (C.S.C.), continue de s’appliquer, c’est-à-dire qu’il incombe à la personne qui tente d’obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention de satisfaire à la norme de preuve subjective et objective applicable quant au risque auquel elle est exposée.

[13] Je ne suis pas convaincue que la demanderesse principale s’est déchargée de son fardeau de démontrer que, de manière objective, elle ne peut pas obtenir la protection du gouvernement de l’Argentine. Ce fardeau juridique lui incombe; voir la décision Novak c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 9.

[14] Je ne suis pas convaincue que la SAR n’a pas tenu compte des nouveaux éléments de preuve, c’est-à-dire les avis juridiques liés à la disponibilité de mesures de protection en Argentine en matière de violence conjugale. Ces avis juridiques s’apparentent davantage à un plaidoyer qu’à une « preuve » de la non‑disponibilité d’une protection par l’État.

[15] Je conclus que la décision de la SAR répond à la norme de la décision raisonnable, et que ses conclusions appartiennent aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[16] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. L’affaire ne soulève aucune question à certifier.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-7272-19

LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire est rejetée; il n’y a aucune question à certifier.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7272-19

 

INTITULÉ :

PAULA ANDREA ALZATE RAMIREZ, MARTINA BURGOS ALZATE, SARA BURGOS ALZATE, TOMAS BURGOS ALZATE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE LE 22 FÉVRIER 2021 À ST. JOHN’S (TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR) (COUR) ET TORONTO (ONTARIO) (PARTIES)

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 1er AVRIL 2021

 

COMPARUTIONS :

Michael Loebach

POUR LES DEMANDEURS

Nadine Silverman

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Loebach

Avocat

London (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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