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Date : 20210401


Dossier : IMM‑1321‑20

Référence : 2021 CF 290

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE PAR L’AUTEUR]

Ottawa (Ontario), le 1er avril 2021

En présence de monsieur le juge Sébastien Grammond

ENTRE :

OLUWOLE NATHANIEL ADEGBENRO

OLUWATOYIN ADEGBENRO

OMODESIIRE INIOLUWA ADEGBENRO

OMODESOLA IFEOLUWA ADEGBENRO

OLUWADUNMININU OMODESAYO ADEGBENRO

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Les membres de la famille Adegbenro sont citoyens du Nigéria. Ils ont présenté une demande d’asile. Ils ont allégué un risque de persécution aux mains d’autres membres de la famille, en raison de leur refus de participer à certaines cérémonies traditionnelles. Ils ont aussi invoqué des menaces ayant été proférées contre M. Adegbenro, qui est avocat, en lien avec une affaire judiciaire dont il s’occupait. La Section de la protection des réfugiés et la Section d’appel des réfugiés [la SAR] ont rejeté leur demande d’asile, au motif qu’ils disposaient d’une possibilité de refuge intérieur [PRI] à Ibadan, Port Harcourt ou Benin City. Ils sollicitent maintenant le contrôle judiciaire du rejet de leur demande d’asile. Ils font valoir que le raisonnement de la SAR est fondé sur un guide jurisprudentiel qui a par la suite été révoqué, que la SAR a omis d’appliquer un précédent de notre Cour concernant les avocats nigérians, que ses motifs manquent de transparence et qu’elle a commis des erreurs en analysant la preuve.

[2] En premier lieu, les Adegbenro contestent la décision de la SAR en raison du fait qu’elle est fondée sur le guide jurisprudentiel maintenant révoqué concernant le Nigéria. Ils invoquent des précédents, dans lesquels notre Cour a conclu que les décisions de la SAR étaient déraisonnables lorsqu’elles avaient comme fondement des guides jurisprudentiels révoqués : Cao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 337 au paragraphe 38; Liu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 576 [Liu].

[3] Néanmoins, la Cour refuse habituellement d’intervenir lorsque la SAR a fait mention d’un guide jurisprudentiel qui a été révoqué par la suite, si la SAR a fondé sa décision sur la situation personnelle des demandeurs : Agbeja c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 781 au paragraphe 78; Onjoko v Canada (Citizenship and Immigration), 2020 FC 1006 aux paragraphes 24 et 26; Oyewoley c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 21; AB c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 90 au paragraphe 65; Ogunkunle c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 111 aux paragraphes 9 à 15; Saliu v Canada (Citizenship and Immigration), 2021 FC 167 au paragraphe 42.

[4] Dans la présente affaire, la SAR a analysé la situation personnelle des Adegbenro et elle a conclu qu’il ne serait pas déraisonnable pour eux de déménager dans l’une des PRI proposées. Contrairement à ce qui s’est passé dans l’affaire Liu, la SAR ne reproduit pas textuellement le guide jurisprudentiel ni n’intègre une conclusion erronée provenant du guide jurisprudentiel. Ainsi, le renvoi au guide jurisprudentiel ne vicie pas la décision de la SAR.

[5] En deuxième lieu, les Adegbenro affirment que les motifs de la SAR manquent de transparence, parce que ces motifs ne comportent pas d’analyse détaillée des risques auxquels les demandeurs seraient exposés dans les trois villes désignées comme des PRI. Toutefois, cela s’explique par la conclusion de la SAR selon laquelle les risques allégués ont maintenant disparu, y compris à Lagos, ville d’origine des Adegbenro. Ainsi, comme la SAR l’a mentionné au paragraphe 22 de sa décision, [traduction] « il n’y a pas de risque prospectif ». Si les risques ont disparu de leur lieu d’origine, il va sans dire qu’ils ne peuvent s’étendre aux PRI proposées. La SAR aurait peut‑être pu rejeter la demande des Adegbenro au seul motif d’absence d’une crainte fondée de persécution, sans avoir recours au concept de PRI. Néanmoins, le fait d’examiner l’affaire sous l’angle de la PRI ne rend pas la décision déraisonnable.

[6] En troisième lieu, les Adegbenro contestent la conclusion de la SAR selon laquelle il n’y a plus de risque prospectif, et ils remettent en question les diverses constatations de fait ayant conduit à cette conclusion. Plus particulièrement, ils font remarquer que leur retour dans un quartier différent de Lagos, après qu’ils eurent passé un mois à Benin City, étaye leur crainte subjective; que la SAR a erronément attribué un incident qui avait eu lieu en février 2018 à des personnes qui persécutaient M. Adegbenro en lien avec une affaire judiciaire dont il s’occupait, alors que M. Adegbenro avait dit qu’il ne savait pas qui étaient les assaillants; que la SAR n’a pas pris en compte la mort mystérieuse d’un autre avocat occupant dans l’affaire. Ces critiques, toutefois, n’atténuent en rien la principale conclusion de la SAR selon laquelle les agents de persécution allégués ont perdu tout intérêt à causer un préjudice aux Adegbenro. En fin de compte, les Adegbenro n’ont pas démontré que la décision de la SAR était déraisonnable.

[7] Le dernier moyen des Adegbenro est fondé sur le fait que M. Adegbenro est avocat et que, s’il devait déménager dans l’une des villes proposées comme PRI, ses coordonnées seraient publiées sur le site Web de l’Association du Barreau nigérian. Au paragraphe 44 de la décision Ambrose‑Esede c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1241, mon collègue le juge James Russell a déclaré que ce site Web « permettrait de retrouver facilement » un demandeur. Ce ne fut pourtant pas un élément déterminant dans la décision de mon collègue. Ce qui importe davantage, c’est que la SAR a soigneusement examiné les faits de l’affaire à la lumière de la décision Ambrose‑Esede, et elle a conclu que les prétendus agents de persécution n’auraient pas la motivation pour causer un préjudice à M. Adegbenro.

[8] Je n’ai pas pu trouver quoi que ce soit de déraisonnable dans la décision de la SAR à cet égard. La question du statut de réfugié est tranchée en fonction de chaque cas particulier. En l’espèce, la conclusion de la SAR est principalement fondée sur le fait que M. Adegbenro n’est plus exposé à quelque risque que ce soit. La question de savoir s’il pourrait être retracé au moyen du site Web de l’Association du Barreau nigérian perd donc toute pertinence.

[9] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑1321‑20

LA COUR STATUE :

1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2. Aucune question n’est certifiée.

« Sébastien Grammond »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM‑1321‑20

 

INTITULÉ :

OLUWOLE NATHANIEL ADEGBENRO, OLUWATOYIN ADEGBENRO, OMODESIIRE INIOLUWA ADEGBENRO, OMODESOLA IFEOLUWA ADEGBENRO, OLUWADUNMININU OMODESAYO ADEGBENRO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VISIOCONFÉRENCE ENTRE OTTAWA (ONTARIO) ET Montréal (QuÉbec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 31 MARS 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GRAMMOND

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 1ER AVRIL 2021

COMPARUTIONS :

Mark Gruszczynski

POUR LES DEMANDEURS

 

Sean Doyle

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Canada Immigration Team

Avocats

Montréal (Québec)

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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